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LA FORME DE L’ACCORD MODIFIANT UN CREDIT IMMOBILIER

Dans le document Le traitement du contentieux bancaire (Page 153-156)

§ 2- LA FORME DES ACCORDS

A- LA FORME DE L’ACCORD MODIFIANT UN CREDIT IMMOBILIER

227. Un débat juridique important est né au cours des années 1990, quant aux formalités entourant les accords modifiant les contrats de crédit immobilier. La Cour de cassation avait en effet décidé dans l’arrêt Edouard384 que les modifications des conditions d’obtention du prêt, notamment le montant ou le taux du crédit, devaient donner lieu à la remise à l’emprunteur d’une nouvelle offre préalable conforme aux dispositions de l’article L. 312-8 C. consom. relatif au crédit immobilier. Une application semble-t-il du parallélisme des formes. Par conséquent, même les avenants baissant le montant des intérêts se trouvaient ainsi frappés d’irrégularité. La solution posée par l’arrêt Edouard conduisait à prononcer la perte du droit aux intérêts conventionnels des banques, lorsque les juridictions étaient saisies. Cette solution était techniquement peu convaincante385. On comprend qu’elle ait été critiquée par la doctrine386. L’obligation initiale n’était en effet pas éteinte, et on comprenait mal pourquoi la modification du contrat de prêt immobilier devait s’accompagner d’une nouvelle offre préalable conforme à l’art. L. 312-8 C. consom. Il est donc logique que le législateur soit intervenu en 1999 pour préciser la forme que doit prendre l’accord de renégociation. En effet, la solution posée par la Cour de cassation paraissait choquante, en particulier dans les hypothèses où la négociation était favorable à l’emprunteur. La banque pouvait ainsi être 384 Cass. 1re civ., 6 janv. 1998, n° 95-21.880, Bull. civ. I, n° 5, D. 1998, jur., p. 503, note Martin D.-R. ; RTD civ. 1998, p. 698, obs. Gautier P.- Y., JCP 1998, II, n° 10100, note Attard J.

385 Sur ce point, v. S. Pellet, thèse préc. n° 200 et s.

386 S. Becque-Ickowicz, Le parallélisme des formes en droit privé, préf. De P.-Y. Gautier, éd. Panthéon-Assas, Droit privé, 2004, n° 391, p. 293. F. Credot et Y. Gerard, obs. sous Civ. 1re, 6 janvier 1998, RDBB 1998, p. 59. A. Gourio, « L’obligation de remettre une nouvelle offre préalable en cas de renégociation d’un prêt immobilier », JCP N 1998, p. 888. D. Mazeaud, obs. sous Civ. 1re, 6 janv. 1998, p. 752. D. Mazeaud, S. Piedelièvre, « Crédit immobilier », Rép. civ. Dalloz, 2006, n° 97.

privée des intérêts du prêt, alors même qu’elle avait fait des concessions bénéfiques à l’emprunteur. Il pouvait en résulter une hésitation des établissements de crédit à renégocier les contrats de prêt, technique pourtant importante dans la résolution des difficultés du client à remplir ses obligations.

228. La loi régissant cette opération est désormais codifiée au code de la consommation, notamment en son article L. 312-14-1 qui traite de la renégociation de prêt, dans le cadre du crédit immobilier relevant de ce code387. D’après ce texte, « en cas de renégociation de prêt, les modifications au contrat de prêt initial sont apportées sous la seule forme d’un avenant. Cet avenant comprend, d’une part, un échéancier des amortissements, détaillant pour chaque échéance le capital restant dû en cas de remboursement anticipé et, d’autre part, le taux effectif global ainsi que le coût du crédit calculés sur la base des seuls échéances et frais à venir. Pour les prêts à taux variable, l’avenant comprend le taux effectif global ainsi que le coût du crédit calculés sur la base des seuls échéances et frais à venir jusqu’à la date de la révision du taux, ainsi que les conditions et modalités de variation du taux. L’emprunteur dispose d’un délai de réflexion de dix jours à compter de la réception des informations mentionnées ci-dessus. ». La solution posée par le législateur a le mérite d’être juste, et de promouvoir la renégociation des contrats de prêt en cas de difficultés d’exécution.

229. Il se posait par ailleurs le problème de l’application dans le temps de cette loi aux contrats en cours et aux renégociations intervenues avant l’entrée en vigueur du texte. L’article 115-II de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999 a apporté une réponse à cette interrogation. D’après cette disposition, « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les renégociations de prêt antérieures à la publication de la présente loi sont réputées régulières au regard du neuvième alinéa de l’article L. 312-8 du code de la consommation, dès lors qu’elles sont favorables aux emprunteurs, c’est à dire qu’elles se traduisent soit par une baisse du taux d’intérêt du prêt, soit par une diminution du montant des échéances du prêt, soit par une diminution de la durée du prêt. ».

387 Sur ce point, v. A. Gourio, « Le nouveau régime des renégociations des prêts au logement », JCP N 1999, p. 1522. C. Jamin, « Du rôle créateur de la mondialisation et de quelques articles d’invalidation validante », RTD civ. 1999, p. 718. D. R. Martin, « De la renégociation de prêt ou le syndrome d’Edouard », RDBB 1999, p. 108. S. Piedelièvre, « Epargne et sécurité financière : les nouvelles dispositions relatives au crédit immobilier », Defrénois 2000, p. 143.

La Cour de cassation a mis en application cette solution dans un arrêt du 4 mars 2003 388. Elle a décidé qu’il n’y a pas lieu à émission d’une offre préalable lorsque la renégociation du prêt n’a porté que sur la réduction du taux d’intérêt et qu’elle était donc favorable aux emprunteurs. La haute juridiction a précisé ultérieurement que le caractère plus favorable de la renégociation doit être apprécié en considération de tous les éléments sur lesquels elle a porté et pas seulement de ceux énumérés à l’art. 115-II de la loi du 25 juin 1999389. Il en découle qu’un avenant qui, bien qu’ayant modifié à la baisse le taux d’intérêt, mais également mis à la charge des emprunteurs une indemnité en cas de remboursement anticipé, alourdissant ainsi leurs obligations, aurait dû respecter les exigences prévues par l’art. L. 312-8. Il va sans dire que la notion de caractère favorable à l’emprunteur ne se limitait pas au montant du principal ou des intérêts de la dette négociée. L’appréciation au cas par cas de la notion de négociation favorable aux emprunteurs ne permettait pas d’avoir une certitude absolue quant à la forme de certains accords, notamment lorsque la modification était complexe. Il appartenait au juge de décider si elle était favorable à l’emprunteur, ce qui pouvait créer une insécurité juridique. C’est pourquoi S. PELLET a proposé de s’en tenir à « la nécessaire distinction des avenants et des révisions rompant le lien de droit initial. » L’auteur a considéré que « la jurisprudence devrait s’inspirer de la voie tracée par la loi du 25 juin 1999 et admettre que les renégociations, favorables ou défavorables à l’emprunteur, ne font pas ipso facto naître un nouveau contrat de prêt. La remise d’une offre préalable de crédit ne devrait donc jamais être exigée, sauf si les parties ont manifesté clairement leur intention de rompre la convention initiale pour la remplacer par un second accord. »390 Si cette solution avait le mérite d’être techniquement fondée, elle ne semblait pas assurer une protection de l’emprunteur en cas de négociation clairement défavorable à ce dernier. En pareil cas, l’envoi d’une nouvelle offre de crédit semblait constituer un gage de protection. La solution législative avait donc pour but d’assurer une protection de l’emprunteur, bien que techniquement, elle paraisse critiquable.

Ce débat semble désormais clos, les négociations antérieures à la loi du 25 juin 1999 étant en principe frappées du sceau de la prescription décennale de l’art. L. 110-4 C. com391. Le contentieux des renégociations antérieures à la loi du 25 juin 1999 semble donc 388 Civ. 1re, 4 mars 2003, Bull. civ. I, n° 63 ; JCP 2003. II. 10161, note Monachon-Duchêne; RTD civ. 2003. 521, obs. Gautier.

389 Civ. 1re, 6 juill. 2004, Bull. civ. I, n° 202 ; D. 2004. AJ. 2498, obs. Rondey; JCP 2004. II. 10193, note Nicolas; JCP E 2004. 1642, note S. Piedelièvre; RTD com. 2004. 798, obs. D. Legeais.

390 S. Pellet, préc. n° 209.

391 Civ. 1re, 30 sept. 1997, Bull. civ. I, n° 262 ; Civ. 1re, 4 mai 1999, CCC. 1999, n° 150, note G. Raymond; RTD com. 1999, p. 629, obs. J. Derrupé.

aujourd’hui éteint. Il va sans dire que conformément à l’art. L. 312-14-1 C. consom., c’est l’avenant qui constitue la forme des accords de crédit immobiliers renégociés, que la négociation soit favorable ou non à l’emprunteur.

Qu’en est-il en matière de crédit mobilier ?

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