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2- DES SOURCES POSSIBLES DE NOUVEAUX LITIGES

Dans le document Le traitement du contentieux bancaire (Page 61-66)

83. Les règles juridiques permettant de réduire le nombre de cocontractants des établissements de crédit contribuent certes à diminuer le contentieux, en particulier celui de l’impayé. Mais les clients peuvent également trouver dans ces normes de nouvelles sources 151 Les chiffrent émanent du rapport sur le crédit renouvelable réalisé par le Cabinet Athling Management pour le compte du Comité consultatif du secteur financier.

152 Le rapport du Cabinet Athling Management pour le CCSF décembre 2008 est disponible à l’adresse suivante : http://www.banque-france.fr/ccsf/fr/publications/autres/athling.htm

d’actions en justice contre les banques. Autrement dit, certaines règles juridiques peuvent être à l’origine de la réduction du contentieux portant sur une matière ; dans le même temps elles peuvent générer de nouveaux litiges, dont l’ampleur n’est pas toujours mesurée par les organes produisant les normes.

84. Le devoir de mise en garde dégagé par la jurisprudence a ainsi fait naître un nouveau contentieux de la responsabilité contre les banques. Une consultation du site Legifrance au 23 septembre 2010 par usage de l’expression « devoir de mise en garde » laisse apparaître 245 décisions, dont 170 arrêts de la Cour de cassation. Il s’agit d’une certaine image (et non d’une image certaine) du volume de ce contentieux né à la suite de la consécration jurisprudentielle de ce devoir par la Cour de cassation. Les débiteurs poursuivis y trouvent parfois une voie de contestation des actions en paiement exercées par les banques. Le problème de la preuve de l’effectivité de ce devoir peut en effet se poser, lorsque les emprunteurs, les cautions ou les investisseurs contestent l’accomplissement par les banques du devoir de mise en garde, mais aussi parfois du devoir de conseil. Il n’est pas toujours aisé pour le banquier de prouver qu’il a correctement rempli son devoir de conseil et celui de mise en garde. Le recours aux contrats-types prévoyant que le débiteur a été conseillé et mis en garde ne permet pas nécessairement d’apporter une preuve irréfragable de l’exécution de l’obligation du banquier. Les discussions restent donc possibles devant les juridictions. La question peut en effet se poser en pratique de savoir si le client a véritablement compris la portée de cette obligation. On peut par exemple évoquer ici le cas des personnes n’étant pas en mesure de lire les contrats de crédit ou d’investissement.

85. En outre, la notion de client averti et celle de client non averti (bénéficiaire de ces devoirs) allant au-delà de la distinction professionnel/non professionnel, il est parfois difficile pour le banquier de savoir avec certitude avec quel type de client il conclut le contrat de prêt ou celui de prestation de services d’investissement. C’est en effet la jurisprudence qui apprécie ces notions au cas par cas, et les critères de distinction ne sont pas d’une netteté absolue. Cela ouvre par conséquent la voie à des litiges nouveaux devant les tribunaux. La réduction du contentieux de l’impayé liée en partie à l’obligation de mise en garde s’accompagne ainsi d’un nouveau contentieux de la responsabilité contre les banques.

86. De surcroit, la distinction entre opérations spéculatives et opérations non spéculatives en matière de services d’investissement n’est pas toujours évidente. Du fait du

caractère essentiellement fluctuant de la bourse, il peut être incertain dans certains cas de qualifier la nature des produits financiers en cause. L’obligation de mise en garde n’étant exigée qu’en matière d’opérations spéculatives, la discussion peut ainsi se transporter sur le terrain de la qualification des produits concernés. On relèvera également que l’arsenal juridique encadrant la prestation de services d’investissement offre aux investisseurs diverses possibilités de pouvoir plaider. En effet, les termes génériques utilisés par le code monétaire et financier et le règlement général de l’AMF sont susceptibles d’interprétations devant les juridictions. Bien que leur emploi par une législation ou une réglementation relatives à une matière à risques soit difficilement évitable, les expressions « intérêt du client », « loyauté », « bonne conduite » semblent en effet prêter le flanc à une activité prétorienne.

87. Par ailleurs, si la volonté du législateur de protéger la caution personne physique à travers les règles issues de la loi du 1er août 2003 paraît louable, on peut craindre que de nouvelles questions se posent à la lecture de la loi, lesquelles peuvent faire naître un nouveau contentieux en matière de cautionnement. Comme le relève un auteur à propos de l’art. L. 341-2 C. consom.153, « on peut se demander si la limitation dans le temps porte sur l’obligation de couverture ou sur l’obligation de règlement. On peut également hésiter sur le degré de précision requis pour satisfaire cette exigence : la durée est-elle nécessairement chiffrée ? Peut-elle être de 99 ans ? Un dirigeant ou un administrateur ne peut-il se contenter de s’engager « pour la durée de son mandat » ? La prudence invite à retenir une durée chiffrée154. Mais alors, ne serait-il pas possible de prévoir une clause de renouvellement tacite, particulièrement utile si la caution s’engage pour une dette future ? Une telle faculté permettrait par exemple au dirigeant social de cautionner comme par le passé, une ouverture de crédit en compte courant. »155.

153 D’après cette disposition, « toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de… couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de…, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même. »

154 Pour une position contraire, L. Aynès, La réforme du cautionnement par la loi Dutreil : Dr. et patrimoine 2003, n° 120, p. 28. L. Aynès considère qu’il est possible d’indiquer « non limitée » pour signifier que la durée de la dette de la caution épouse celle du débiteur principal, citant Ph. Simler dans son ouvrage cautionnement et garanties autonomes, Litec, 3e éd., 2000, n° 259. Pour lui, la loi n’exige pas semble-t-il que le cautionnement soit assorti d’un terme certain autonome ; mais seulement qu’un terme soit exprimé. Il admet que le cautionnement à durée indéterminée parait exclu.

88. De nouvelles interrogations peuvent également apparaître à propos du quantum de la garantie. I. TRICOT-CHAMARD précise en ce sens qu’« outre l’exigence d’un montant chiffré, l’art. L. 341-2 C. consom. cantonne la couverture par son objet : Principal, intérêts et pénalités ou intérêts de retard éventuels. Aux termes de ce texte, la mention manuscrite requise à peine de nullité est « uniquement » celle qu’il énonce. Deux interprétations sont alors envisageables ; l’adverbe signifie soit que le cautionnement ne peut être étendu à d’autres accessoires de la dette, soit que l’exigence de mention manuscrite est strictement limitée. Dans ce dernier cas, la finalité du texte serait d’empêcher l’ajout par le juge de formalités supplémentaires, telle l’indication manuscrite du taux d’intérêt conventionnel par exemple. Il s’agirait alors d’une marque de défiance à son égard, laquelle apparaît peu probable. Conforme aux buts exposés dans les travaux préparatoires, la première interprétation a donc notre faveur, d’autant qu’elle est tacitement confirmée par les articles L. 341-5 et L. 341-6 du code de la consommation. ».

89. Ces difficultés d’interprétation constituent des sources potentielles de litiges. Dans le même ordre d’idées, on peut aussi citer l’enchevêtrement de textes concernant les mêmes acteurs et figurant parfois dans des codes différents (code de la consommation, code civil, code monétaire et financier), la compatibilité entre l’art. L. 341-2 C. consom. qui semble interdire le cautionnement à durée indéterminée et l’art. L. 341-6 C. consom. qui évoque l’idée d’une durée indéterminée de l’engagement. Il est aussi possible de s’interroger sur la compatibilité entre l’art. L. 341-2 C. consom. et l’art. L. 110-3 C. com.156.

Par ailleurs, la mention manuscrite de l’art. L. 341-2 C. consom. limite les accessoires de la dette aux intérêts, pénalités ou intérêts de retard, et la question peut se poser de savoir si l’on doit considérer que les accessoires de la dette se limitent à l’énonciation de l’art. L. 341-2 C. consom. « L’article L. 341-2 entame ainsi les dispositions du code civil et la jurisprudence, atteignant au passage le cœur du cautionnement : le principe de l’accessoire. »157.

90. Il est en outre intéressant de relever le contentieux découlant de l’art. L. 341-4 C. consom. relatif à la proportionnalité de l’engagement de la caution (60 décisions répertoriées par Legifrance au 24 novembre 2009, le principe de proportionnalité laissant inéluctablement libre cours à une appréciation du juge), de même que l’abondant contentieux qui se développe dans le cadre des obligations d’information dues à la caution, en application des art. L. 341-6 156 Ce texte pose le principe suivant : « à l’égard des commerçant, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi. ».

C. consom. ou L. 313-22 CMF. Les deux dispositions régissent cette obligation d’information, mais leur contenu n’est pas totalement identique. On dénombre ainsi sur Legifrance 7 arrêts relatifs à l’application de l’art. L. 341-6 C. consom. (5 arrêts de Cours d’appel, 2 arrêts de la Cour de cassation). Sur cette même source, 329 décisions sont relatives à l’application de l’art. 313-22 CMF. Au nombre de celles-ci, 209 arrêts de la Cour de cassation, 119 arrêts de Cours d’appel, 1 jugement de TGI. La nouvelle législation ne tarit donc pas le contentieux du cautionnement. C’est en ce sens qu’un auteur a pu poser les questions suivantes : « Ces nouvelles dispositions tariront-elles le contentieux du cautionnement ? Le formalisme, l’information annuelle, le plafonnement de l’engagement, la lutte contre le cautionnement excessif n’empêchent pas le vice du consentement et ne libèrent pas le créancier des devoirs dont les tribunaux nourrissent l’obligation de contracter de bonne foi. Mais que peut faire de plus la loi sans risquer la mort du cautionnement ? »158

91. On le voit, l’abondance des règles applicables aux mêmes opérations dans le but de protéger certains contractants, peut être génératrice de contentieux. En effet, plus il y a de normes, plus les parties trouvent des dispositions leur permettant de plaider. Cette situation pourrait également trouver une explication dans des raisons relevant de la sociologie ou de la philosophie du droit. Ces matières contribuent à expliquer pourquoi les parties se retrouvent en situation litigieuse, malgré l’aménagement législatif ou réglementaire du cadre de leurs rapports sociaux. En effet, comme le relève A. JEAMMAUD159, « on peut d’abord se demander si le droit, que le sens commun croit « irénologique », n’est pas à divers égards « polémogène » (freund), c’est à dire générateur de conflits. On aperçoit ce qui, dans la teneur même d’un système juridique contemporain, accroît les occasions, motifs ou moyens de querelle sur le terrain juridique : la « subjectivisation » portée par l’évolution du droit (multiplication des droits subjectifs, promotion des droits fondamentaux), la montée des « principes » (sinon la « constitutionnalisation ») autorisant la contestation des règles juridiques moins éminentes, le développement des conventions internationales et d’un droit communautaire invocables dans l’ordre interne, l’institution de recours et de dispositifs censés faciliter leur exercice, la diffusion des obligations de motiver des décisions publiques ou privées et des exigences concernant leur justification (…) ». Mais les conflits seraient beaucoup plus exacerbés et plus nombreux en l’absence de règles de droit, sans aucune perspective de solution, puisqu’il n’y aurait pas de juge dans un tel contexte, où règnerait la 158 L. Aynès, La réforme du cautionnement par la loi Dutreil : Droit et patrimoine 2003, n° 120, p. 33.

loi du plus fort. D’où la nécessité de créer les règles juridiques pour réguler les rapports sociaux. Il faudrait certainement éviter une trop grande accumulation de règles juridiques, et promouvoir une simplification du droit ; l’inflation de normes étant un facteur de complexité et une source potentielle de conflits. Ceci est particulièrement vrai s’agissant des règles relatives aux crédits régis par le code de la consommation et au cautionnement.

92. Les dispositifs visant à éclairer le consentement des emprunteurs, cautions et investisseurs laissent quant à eux très peu de place à un éventuel contentieux des vices du consentement. Ces dispositifs promeuvent en effet une meilleure information des contractants.

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