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Refus et arrêt de traitement, demande de mort anticipée 95

A. Refus et arrêt de traitement : situations abordées au cours des réunions du Groupe de Réflexion Ethique 2012 – 2015

III. Refus et arrêt de traitement, demande de mort anticipée 95

Situation clinique présentée par l’équipe d’oncologie 38 participants

- Mr B., 65ans, porteur d'un cancer du sein connu depuis 12 ans présente une évolution métastatique multiple, notamment cérébrale, n’altérant en rien, dans son cas, la vigilance ni les capacités cognitives, mais ayant une signification pronostique très défavorable, ainsi qu’une signification symbolique très forte pour lui, homme de convictions, avec l’atteinte du cerveau, et à plus ou moins court terme, la perte des capacités d’analyse, de réflexion et de décision, ce qu’il redoute énormément. Une radiothérapie encéphalique, dont il a refusé la réalisation, n’aurait pas été curative mais seulement palliative, permettant, peut-être mais sans certitude, de le prolonger quelques mois supplémentaires

95 Avec la participation du Dr Gilbert Zulian95 Hôpitaux Universitaires de Genève HUG vice-président du Conseil d'Ethique Clinique des HUG jusqu’au 31 12 2012

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au prix d’un « activisme médical » dont il ne voulait plus. Une souffrance morale majeure le conduit à formuler une demande de mort anticipée. Cette demande est justifiée, selon lui, par le caractère insupportable de la vie qu'il mène et à laquelle il ne voit pas d'issue, n'y trouvant aucun sens. Cette demande n'est en aucun cas justifiée par des symptômes d'inconfort non contrôlés. Il n'y a pas de douleur ni aucun autre symptôme physique d'inconfort. Le patient et son environnement familial ont eu l’occasion d’anticiper et de réfléchir à cette phase de la maladie. Avec l’équipe soignante, de manière collégiale, avec le malade et son entourage, la décision est prise d’apaisement de cette souffrance par une sédation. Après discussion avec lui et son épouse, la première question posée a été celle de demander s’il allait se réveiller, pour signifier qu’il ne le voulait pas.

- Les questions à débattre et aspects éthiques.

o Le patient n’a jamais prononcé le mot euthanasie, mais que voulait-il dire exactement ? Les soignants interprètent-ils une demande d’euthanasie dans ce que le malade n’a pas dit ? Qu’est-ce qu’une euthanasie ? Un suicide assisté ? Une sédation en phase terminale ? Une sédation terminale ? Cette sémantique a son importance. Quand la fin de vie commence-t-elle? Quand le malade entre-t-il dans une phase terminale ?

o Est-ce la sédation qui a entrainé directement la mort ou est-ce l’évolution de la maladie au cours de laquelle a été mise en place une sédation pour soulager la souffrance qui a entrainé la mort ? De quoi la famille a-t-elle été informée et comment les proches ont-ils vécu cette situation ? Sa femme se dit-elle qu’on a répondu au souhait de son mari en faisant une euthanasie ou se dit-elle qu’on a soulagé sa souffrance, et qu’il est mort ?

o La capacité de discernement est un élément essentiel au processus de décision. Que sont les capacités de discernement ? Comment les apprécier ? Quel est l’aspect éthique de cette problématique contenant une intense souffrance morale et l’impossibilité de la soulager ?

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IV. Refus de soulagement de la douleur. Refus de chimiothérapie. Aspects éthiques

Situations présentées par les équipes oncologie et douleur soins palliatifs 38 participants

- Une femme de 60 ans, présente une leucémie aiguë. Elle est informée des possibilités thérapeutiques qui lui permettraient d’avoir une rémission pendant plusieurs années. Elle refuse tous les traitements. L’idée que sa vie dépende d’un traitement ou qu’elle puisse être une charge pour son entourage est incompatible avec la conception qu’elle se fait de sa dignité. Sa famille est en désaccord totale avec sa décision mais la respecte. Elle décède quelques semaines plus tard.

- Un homme de 33 ans, porteur d’un cancer du testicule, refuse la chimiothérapie susceptible de le guérir, alors que le pronostic naturel de la maladie non traitée est mortel. Après deux mois difficiles en réanimation, il demande simplement « à vivre ce qu’il lui reste à vivre dans les meilleures conditions ».

- Une femme de 56 ans est porteuse d’une tumeur du sein très évoluée « historique ». Elle a refusé tous les traitements spécifiques. Devenue paraplégique suite à une compression médullaire métastatique, elle refuse les traitements proposés pour soulager la douleur. En fin de vie, la douleur pendant les soins va devenir extrême. Un soignant : « Nous on disait, ce n’est pas tolérable, la malade semblait dire tolérez ! Tolérez ! C’était violent » Une nuit une infirmière écrit dans le dossier « j’ai décidé de ne pas écouter la malade et j’ai fait le traitement antalgique, j’ai pris sur ma responsabilité de faire le protocole prescrit, j’ai discuté avec ma collègue aide-soignante pour savoir si je faisais bien, j’ai pris la responsabilité de faire ce traitement antalgique. Je ne sais pas si j’ai bien fait ou pas, j’ai fait ». La malade est décédée quelques heures après, soulagée.

- Les questions à débattre et aspects éthiques.

o La déontologie médicale exige que le médecin s’efforce de soulager les douleurs et la souffrance. Mais accéder à la requête d’une patiente de ne pas soulager sa douleur entre dans le cadre légal et éthique. L’équipe devant respecter le souhait de la patiente de ne pas la soulager, et en même temps, devant réaliser les soins devenant de plus en plus douloureux du fait de l’évolution de la maladie avec un inconfort majeur, est face à un dilemme. Jusqu’à quelle limite accepter ce refus chez une patiente par ailleurs capable de donner un consentement ?

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o Toute personne doit être entendue dans l’expression de son refus. Que veut dire refuser ? Le patient en comprend-t-il bien tous les enjeux ? Comment s’investir à la juste place ? Comment intervenir pour aider le patient à cheminer et à réfléchir, à modifier sa vision et sa problématique ? Jusqu’où le professionnel doit-il s’impliquer ? Jusqu’où doit-il aller ? Quel risque de faire un choix rapide et de « passer au malade suivant »?

o La confrontation de deux pouvoirs, celui de la personne vulnérable face à celui du soignant, peut engendrer une situation de violence. Jusqu’à quel point accepter cette violence ? A force d’être dans le respect de la volonté du patient, le soignant ne se retrouve-t-il pas en difficulté ? Jusqu’où le soignant peut-il être témoin, et blessé, dans ce qu’il est convenu d’appeler la fonction primaire du soignant ? Y a-t-il une limite à ce que le soignant doit accepter ?

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