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Des modèles d’analyse et de résolution de problèmes éthiques et de prise de décision font l’objet d’une réflexion déjà ancienne

B. La démarche d’Aide à la Réflexion Ethique I.Guide d’aide à la réflexion éthique

II. Des modèles d’analyse et de résolution de problèmes éthiques et de prise de décision font l’objet d’une réflexion déjà ancienne

o Bruno Cadoré proposait en 1994 une « grille d’analyse de la responsabilité » et une méthode analytique. Cette grille envisageait des axes de réflexion comprenant l’analyse de la situation et ses éléments déterminants, le contexte et ses acteurs, ce qui fait problème, le champ global de la responsabilité et ses niveaux technique, juridique et déontologique, la structure morale et culturelle de la décision, et enfin les enjeux éthiques de la responsabilité. La dernière phrase de cette grille demande « comment formuler l’enseignement que l’on peut tirer de cette expérience pour d’éventuelles situations analogues54 ? » justifiant l’intérêt de la réflexion a posteriori. Nicole Léry proposait en 1990 un cadre de référence envisageant les aspects techniques, légaux, déontologiques, le respect des recommandations issues des chartes ou bonnes pratiques professionnelles, les aspects culturels et moraux, l’étude de ces différentes dimensions permettant de poser la question de savoir si le problème posé correspondait bien à une problématique éthique55.

o La méthode d’analyse de cas que propose J.F. Malherbe retient une cadre de référence accordant une attention particulière à l’histoire de la situation problématique incluant malade et proches, aux décisions envisagées ou envisageables et leurs conséquences possibles, aux critères de décisions et ce au nom de quoi il sera décidé quelque chose, à la notion de moins mauvaise réponse possible, à défaut de la meilleure solution, après étude de la balance risque-bénéfice ou avantage-inconvénient, au soutien des personnes impliquées, autant professionnels que proches. L’auteur préfère utiliser l’expression du « meilleur chemin » plutôt que celle du « moindre mal » afin de dissiper toute connotation de culpabilité56.

L’objectif affiché de la grille d’analyse est de proposer une démarche de clarification permettant aux acteurs de passer d’une démarche intuitive à un processus clarifié, aboutissant à une conclusion mieux fondée et plus précise, la solution devant représenter un choix qui ait un sens pour tous. Il est des situations qui se caractérisent par une impasse et « dans lesquelles, quoi qu’on fasse pour en sortir, y compris s’abstenir d’agir, il s’en suivra des conséquences inacceptables du point de vue de l’éthique. Que choisir dans une telle

54 Cadore B. L’expérience bioéthique de la responsabilité, Edition Artel-Fides, Louvain-la-Neuve, 1994, p.125 55

Léry N., Droit et éthique de la santé: l’expérience d’une consultation , Editions médecine et hygiène 48. 2161-2166,1990

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situation57Les aspects essentiels pris en compte dans la réflexion sont les valeurs en jeu à considérer, les situations dont le caractère est problématique, et la conscience morale qui dicte d’agir selon les valeurs en conflit dans la situation donnée.

o Raymond Massé propose une grille d’analyse pour une démarche de résolution des dilemmes éthique en cinq étapes58. L’étude du cas envisage d’abord le maximum d’informations relatives à la situation considérée. Les deux étapes suivantes mettent à jour les valeurs en jeu, implicites et explicites, possiblement en conflit, et identifient les valeurs phares concernées, susceptibles d’être transgressées. Un processus de spécification relativise les principes éthiques évoqués, en les rapportant au contexte du cas étudié. Ce processus est soumis à un processus d’arbitrage, selon les codes de l’éthique de la discussion, en privilégiant l’interdisciplinarité. La grille d’analyse étudie donc la nature du problème, le contexte général, les objectifs et la nature de l’intervention, l’efficacité, les conséquences et les enjeux de cette intervention.

o La méthode de réflexion proposée par Hubert Doucet s’adresse à une équipe, dont les membres connaissant la situation, ont des opinions divergentes sur cette situation. L’objectif est de faciliter la convergence de points de vue en imaginant différents scénarios possibles. Il s’agit pour chaque scénario d’envisager les valeurs phares privilégiées et celles qui sont négligées. L’objectif est de nommer pour chaque choix le fondement moral qui permettrait de le retenir, de choisir l’option paraissant la meilleure, puis d’opérationnaliser, de communiquer et d’évaluer la décision prise. L’approche interdisciplinaire est privilégiée.

o La page d’accueil du site du Conseil d’Ethique Clinique des Hôpitaux Universitaires de Genève expose les cadres de référence pour la réflexion éthique selon Hubert Doucet et selon Nicole Léry. Selon le cadre proposé par Hubert Doucet la première étape consiste à définir les lignes de conduites choisies par l’équipe de soins en proposant trois scénarios. La deuxième étape étudie chaque scénario en examinant le pronostic médical, les conséquences possibles en termes de choix du malade, de qualité de vie, de crise à l’intérieur de l’équipe, et du rapport coûts-bénéfices…. Une troisième étape examine pour chaque scénario les valeurs et principes moraux privilégiés et négligés, et la confrontation

57 Ibid p.69

58 Massé R., Ethique et santé publique, Enjeux valeurs et normativité, Les Presses de l’Université Laval, Québec, 2003, p. 191-193

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de ces valeurs aux professions engagées dans la situation. Les deux dernières étapes rapportent le scénario retenu aux principes éthiques en jeu, et aboutissent au choix du scénario qui paraît le meilleur, dans cette situation, en argumentant les motifs de son choix59. Le Cadre de référence selon Nicole Léry, sur la page d’accueil du site, envisage, sous la forme d’un questionnement, les différents aspects que sont la technique, la loi, la déontologie, les chartes et recommandations institutionnelles, la culture et la morale, et la dimension éthique60. A-t-on exploré toutes les pistes techniques ? Que disent la loi, les droits des patients ? Que disent nos professions ? Quelles sont les règles institutionnelles ? Quelles sont les cultures et croyances ? Est-ce une question éthique ? Si OUI, quelle est la question éthique ?

o En 2004, Lazare Benaroyo propose un cadre méthodologique intégrant les diverses dimensions éthiques du soin, avec les strates relationnelle, déontologique et socio anthropologique. La méthode d’analyse qui se veut éthico-pratique se déroule en huit points.

« Quelles sont les problématiques éthico-pratiques soulevées ? Identifier les données cliniques significatives – les données qui vont interférer avec les décisions médicales qui pourraient être prises dans ce cas. Identifier les responsabilités des divers intervenants dans le processus de soin. Identifier les diverses valeurs, normes et principes, considérés par chaque intervenant de la situation de soin, comme essentiels pour aboutir à une issue favorable. Identifier les conflits de valeur, de normes ou de principes, survenant dans cette situation. Imaginer des options permettant de surmonter les conflits éthiques identifiés. Choisir l’option qui préserve le plus de valeurs communément partagées en vue de réaliser un projet de soin. Donner une justification rationnelle de ce choix61. »

o Patenaude propose un « modèle collaboratif » d’analyse et de résolution de questions éthiques prenant en compte une sensibilité éthique et un souci pour le contexte dans lequel évoluent les acteurs. Ce modèle présente les conditions obligées relatives à l’exercice du dialogue, classé en cinq catégories62.

59 Hôpitaux Universitaires de Genève H U G, conseil d’éthique clinique, page d’accueil, « cadre de référence pour la réflexion éthique selon Hubert Doucet » conseil.ethique@hchge.ch

60 Hôpitaux Universitaires de Genève H U G, conseil d’éthique clinique, page d’accueil, « cadre de référence pour la réflexion éthique selon Nicole Léry » conseil.ethique@hcge.ch

61 Benaroyo L., Méthodologie en éthique clinique: une approche intégrant les diverses dimensions éthiques du soin. Médecine et Hygiène vol. 62, pp. 1304-1307, 2004.

62 Patenaude J., « L’intervention en éthique : contrôle ou support réflexif ? » : in A. Lacroix et A. Létourneau [dir.], Méthodes et intervention en éthique appliquée. Montréal, Fides, 2000, p. 36

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1 Les conditions liées au but de l’exercice et aux composantes structurales [le dialogue

interpersonnel et inter-groupal est une approximation réciproquement acceptable de valeurs de vérité et de justice, n’aboutissant pas forcément au consensus mais dont la conclusion est le fruit d’un processus commun, destiné à accéder au raisonnable et à faire diminuer la violence]. 2 Les conditions liées au processus d’échange [ le contexte d’échange n’est pas un rapport de force ou de pouvoir, le dialogue implique des arguments relatifs à une finalité extra individuelle du conflit, l’absence de consensus n’est pas un échec, l’arrêt de la discussion ne veut pas dire que tout est dit, ce qui est pertinent aux fins de la discussion est partagé, des éléments intellectuels de solution à un problème pratique sont recherchés, les présupposés sont susceptibles de révision à tout moment, les conditions sociales et historiques sont prises en considération, un accord minimal est nécessaire sur le contenu de ce qui est dit, l’intérêt commun, le but poursuivi]. 3 Les conditions liées aux règles et normes guidant l’échange [refus de toute stratégie de rapport de force, possibilité d’arrêt du dialogue à tout moment, respect de règles d’équité dans les présences, partage équitable du temps de parole, facilitation de points de convergence des paroles sans nuire au processus d’entente, dépassement des intérêts individuels, accession à une décision raisonnable et non arbitraire, sans contrainte, les arguments retenus pour la décision sont universalisables ou compatibles avec l’intérêt commun]. 4 Les conditions relatives à la coopération [ implication personnelle en nom propre, désir de participer à une entreprise commune de partage de sens, désir de partager un problème ou une question, possibilité d’assurer et de préserver son identité personnelle, de faire des conjectures avec l’organisation conceptuelle, élaboration de sens et d’élucidation sémantique, partage d’un minimum de vocabulaire ou de grammaire]. 5 Les conditions

relatives aux stratégies d’intervention [s’adresser à l’autre directement, justifier à partir des

motifs du débat, transformer les partis pris en hypothèses, recadrer le problème, inviter les participants à présenter des arguments en leur faveur, référer à d’autres opinions, poser le problème, qualifier les faits d’un commun accord, concevoir et poser des questions ouvertes sans réponse prédéterminées, distinguer interrogation et interrogatoire].

o Dans un projet de guide sur le processus décisionnel relatif aux traitements médicaux dans les situations de fin de vie, le conseil de l’Europe, en février 2013, reconnait la complexité des situations dans lesquelles peuvent se trouver les personnes en fin de vie.

« Dans ces situations où de nombreuses questions d’ordre éthique se posent, il y a une nécessité de croiser des avis argumentés différents pour enrichir la réponse et construire une décision adaptée à la situation et respectueuse de la personne malade. [ …] Au-delà des questions de fin de vie, l’apprentissage de la construction individuelle de la réflexion et de la délibération collective est nécessaire pour que chaque professionnel de santé puisse affronter

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les réalités de plus en plus fréquentes de situations complexes à forte densité éthique rencontrées dans la pratique clinique. […] [La] recherche, et en particulier celle qui porterait sur les processus de décision, devrait favoriser les approches interdisciplinaires associant sciences humaines et médecine63

o Pierre Canouï analyse le processus décisionnel car « de la manière dont la décision a été

prise dépend la validité de celle-ci64.» La discussion dans le milieu de la santé n’est pas

une évidence et ce sont nos évidences qui nous séparent, si évidences il y a. En effet la relation singulière du colloque singulier n’est plus adaptée au mode de prise en soin actuel et il est indispensable de créer les conditions de dialogue entre les personnes, afin de partager les pensées et d’anticiper la survenue de situations difficiles, possiblement conflictuelles. L’auteur envisage trois types de discussions. La première est la discussion dite « symbolique » en référence au dialogue qui permet au moins de rendre compte de manière transparente d’une décision prise, même s’il n’y a pas eu à proprement parler de réelles confrontations de points de vue entre les acteurs en présence concernés par la décision. Les dimensions de rendre compte devant autrui, et de transparence de la manière dont la décision a été prise, confèrent une dimension éthique à cette forme de discussion. Un deuxième type de discussion concerne la réflexion délibérative collective, en vue d’une décision à prendre. Des points de vue divergents, voire contradictoires, vont s’exprimer et se confronter, en vue de différencier le déraisonnable du raisonnable, de trouver le « meilleur chemin65.» Dans ces situations de désaccord où les points de vue

divergent, il n’est pas question de viser un accord, mais de permettre à chacun d’exprimer son point de vue, afin que personne ne puisse dire qu’il n’a pas été entendu. Cette méthode travail, visant la justification de nos actes, repose sur le principe de publicité, selon lequel « ce qu’on ne peut pas dire qu’on fait, il ne faut pas le faire66.» Le troisième

type de discussion est la discussion argumentative, confrontant des arguments opposés, dans des domaines aussi sensibles que la qualité et le sens de la vie.

63 Conseil de l’Europe, Projet de guide sur le processus décisionnel relatif aux traitements médicaux dans les

situations de fin de vie, Strasbourg, 21 février 2013, p. 21-22

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Canouï P., Place de l’éthique dans le processus décisionnel, Enseignement supérieur en soins infirmiers adultes et pédiatriques, Editions scientifiques et médicales Elsevier, 2002, p.90

65 Selon l’expression de J.F. Malherbe cf. ci-dessus.

66 Canouï P., Place de l’éthique dans le processus décisionnel, Enseignement supérieur en soins infirmiers adultes et pédiatriques, Editions scientifiques et médicales Elsevier, 2002, p.92

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