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La démarche de réflexion éthique et la question, centrale, de la responsabilité

B. La démarche d’Aide à la Réflexion Ethique I.Guide d’aide à la réflexion éthique

VII. La démarche de réflexion éthique et la question, centrale, de la responsabilité

La souffrance d’une personne et de ses proches pousse les équipes à aller plus loin, les amène à en faire quelque chose, les pousse à identifier des enjeux qui ne l’ont peut-être pas été initialement. Elle amène les professionnels à se rendre compte des limites de leurs interventions, à mieux s’outiller pour aborder d’autres situations ultérieures, bien qu’aucune situation ne ressemble à une autre. L’enjeu est de tenter d’apaiser la souffrance des proches accompagnants, car leur manière d’appréhender la vie à venir dépendra de la manière dont leur proche aura été pris en charge ou sera décédé. Certaines situations montrent leurs limites aux professionnels, l’humilité à avoir, et la nécessité de la réflexion, car le questionnement éthique est devenu de plus en plus omniprésent. Ces situations exigent de s’outiller au sein des équipes, pour faire émerger d’autres pistes, prenant en compte la singularité des partenaires impliqués. Les professionnels finalement n’ont pas le choix, ils font. Les vraies questions éthiques étant « que veut dire faire et comment agir ? ». Est-on dans le champ de l’éthique ou dans celui de la médiation ? Probablement les deux. Le tout est d’arriver à une décision qui soit la plus mesurée et la plus acceptable possible, suivant Aristote et le juste milieu, suivant aussi Ricœur et la recherche du préférable, renvoyant à la notion aristotélicienne importante du moindre mal. Les soignants ne vont pas guérir la personne, mais comment faire pour que cela se passe le moins mal possible ?

« En effet, en situation de fin de vie, et au quotidien, le réel de la rencontre entre le soignant et le soigné, entre l’accompagnant et l’accompagné, est souvent celui de la rencontre d’une fatigue et d’une souffrance, d’une souffrance souvent ingrate et acrimonieuse. C’est beaucoup moins souvent la rencontre d’une forme radieuse et d’une gratitude. Il convient de mettre alors toutes les analyses théoriques, qu’elles soient philosophiques, sociologiques, ou autres, à l’épreuve du réel et de ce qu’il contient de plus ingrat et douloureux.90»

Dans ce contexte, la question de la responsabilité est centrale. Il est difficile d’être confronté, parfois dans la solitude, voire dans l’indifférence générale, à une responsabilité humaine que personne d’autre ne peut, ou ne veut assumer, à la place du professionnel91. L’étymologie du

90 Fiat E., « Le mensonge en fin de vie », Conférence organisée par l’association JALMALV Savoie, Chambéry, le 21 mars 2012, notes personnelles.

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Vacquin M., Responsabilité, La condition de notre humanité, Editions Autrement Collection « Nos valeurs », Paris, 1994, p.16-17 « […] alors que tant de mots aujourd’hui usés parce que non honorés, ne ressemblent plus

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mot responsabilité, dit qu’être responsable, c’est être comptable de ses actes, pas uniquement vis-à-vis de la société, mais aussi vis-à-vis de soi-même92. Pour Lévinas le mot responsabilité renvoie à la notion de réponse, répondre à, répondre de, voire de répondant. « Le visage me

regarde et m’appelle. Il me réclame. Que me demande-t-il ? De ne pas le laisser seul. Une réponse : me voici. Ma présence vaine, peut-être, mais mouvement gratuit de présence et de responsabilité pour autrui93. » La question centrale est donc celle de comment assumer une

responsabilité dans une société qui se désolidarise de ces questions auxquelles se trouvent confrontés les soignants, société qui s’en déresponsabilise, et s’en remet à un certain nombre d’entre eux, pour assumer une responsabilité que plus personne ne veut assumer94. Dans une société de déresponsabilisation comme cela se voit à l’occasion de situations de judiciarisation des pratiques, de plus en plus protocolisées, le risque est que l’éthique y apporte sa légitimité et sa caution. La traçabilité de l’avis d’un comité d’éthique dans le dossier poserait la question de savoir ce qui se passera, sur le plan judiciaire, s’il n’en n’est pas tenu compte. La culture de service, d’un service à l’autre, est différente et les décisions différentes, sur des situations comparables. La réserve pourrait être alors de se « méfier des éthiciens », pour mieux former l’ensemble des professionnels du soin à la démarche de réflexion éthique. Ainsi, il est bien préférable que des cliniciens aillent au bout d’un parcours universitaire, et que la compétence acquise au cours du parcours professionnel serve la réflexion, au service de l’éthique appliquée, de l’éthique pratique. L’HAS demande d’évaluer la démarche éthique, mais il y a de quoi s’inquiéter, tant l’organisation mise en place sur injonction de certification, ressemble parfois à une « coquille vide ».

responsabilité constituerait-elle une valeur consensuelle propre à redistribuer un rapport d’altérité consistant ? […] Le plus fragile et le plus menacé nous parlent, nous parleront, par identification, aussi longtemps que nous nous saurons fragiles et menacés. Le temps presse : nous parleront-ils encore demain, si s’achève trop tard notre illusoire identification à la toute-puissance ? Est-il pire danger, pour la responsabilité, que l’indifférence qui naitrait, qui nait déjà du refus de nous reconnaitre comme vulnérable? »

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Ricœur P., Parcours de la reconnaissance, Stock, Paris, 2004, p.293« La responsabilité en tant que capacité à

répondre de soi-même est inséparable de la responsabilité en tant que capacité à participer à une discussion raisonnable concernant l’élargissement de la sphère des droits, qu’ils soient civils, politiques ou sociaux92».

93 Levinas E., Altérité et transcendance, Le Livre de Poche, biblio essais, Paris, 1995, p.166

94 Honneth A., La lutte pour la reconnaissance, traduit de l’allemand par Pierre Rusch, Les éditions du cerf, Paris, 2008,p.139 cité par Ricœur, in Parcours de la reconnaissance, Stock, Paris, 2004, p.293 « La

responsabilité peut être tenue à cet égard pour la capacité, reconnue à la fois par la société et par soi-même, de se prononcer d’une manière rationnelle et autonome sur les questions morales»

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A. Refus et arrêt de traitement : situations abordées au cours des réunions du

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