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Aspects éthiques des situations de refus et arrêt de traitement

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-01270194

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01270194

Submitted on 5 Feb 2016

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Aspects éthiques des situations de refus et arrêt de

traitement

Pierre Basset

To cite this version:

Pierre Basset. Aspects éthiques des situations de refus et arrêt de traitement. Ethique. Université Paris Saclay (COmUE), 2016. Français. �NNT : 2016SACLS015�. �tel-01270194�

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NNT 2016SACLS015.

T

HESE DE DOCTORAT

DE

L’U

NIVERSITE

P

ARIS

-S

ACLAY

UNIVERSITE PARIS – SUD

ECOLE DOCTORALE n° 578 Sciences de l’homme et de la société SHS

Spécialité de doctorat : ETHIQUE par

Pierre BASSET

« Aspects éthiques des situations de refus et arrêt de traitement »

Thèse présentée et soutenue à l’Espace Éthique IDF CHU Saint-Louis 75475 Paris

Le Mardi 26 Janvier 2016 Composition du jury :

Pr Emmanuel HIRSCH Directeur Espace Ethique IDF Université Paris Sud Pr Eric FIAT Rapporteur Université Paris-Est Marne-la-Vallée Pr Marilène FILBET Rapporteur Université Lyon Sud Faculté de Médecine Pr Christian HERVE Président Jury Université Paris Descartes Ethique médicale Pr Alain SERRIE Examinateur Universités Paris Descartes - Paris Diderot Dr Gilbert ZULIAN Co-encadrant Hôpitaux Universitaires de Genève

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« Aspects éthiques des situations de refus et arrêt de traitement »

Mots clés : refus de traitement, relation de soin, réflexion éthique, conflit de valeur

Résumé : L’objectif de ce travail est d’étudier ce qui amène une personne malade à formuler un refus de traitement, à partir d’une triple approche. Celle du patient et de ses proches, celle des professionnels confrontés à ce refus, celle d’un groupe de réflexion éthique, pluri professionnel, rassemblant des représentants des sciences humaines, ainsi que des « citoyens ordinaires » non professionnels de santé, apportant le regard de la cité. Chercher le sens d’un refus consiste à analyser et décrypter une volonté de la personne que quelque chose se produise ou ne se produise pas, et correspond à la dialectique du don et de l’acceptation du soin. Refuser un traitement n’est pas refuser un soin. Les situations de refus constituent un champ de réflexion sur nos comportements, individuels et collectifs, nos doutes, nos incertitudes ainsi que sur des valeurs en conflit. Ce travail étudie la complexité des problèmes rencontrés à ce sujet en pratique clinique quotidienne, pour en approfondir le questionnement dans l’interaction qui se joue entre les différents acteurs. Il montre aussi l’importance des méthodes de travail à mettre en place pour favoriser l’éthique du dialogue. Face aux choix auxquels sont confrontés ceux qui assument la responsabilité de la décision, la question se pose de savoir vers quelles ressources se tourner pour favoriser la réflexion éthique, évitant l’arbitraire des convictions personnelles.

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« Ethical aspects of refusing and withdrawing medical treatment »

Key words: refusal of treatment, caring relationship, ethical reflection, conflict of value

Abstract: The objective of this work is to study what brings a sick person to formulate a refusal of treatment, based on a three-pronged approach. One of the patient and his relatives, one of professionals faced with this refusal, and one of a multi-professional ethics reflection group, bringing together representatives of humanities and social sciences, as well as “ordinary citizens”, bringing the outside eye of the city. Looking for the meaning of a refusal consists of analyzing and decoding a willingness of the person that something happens or does not happen, and corresponds to the dialectic of the gift and acceptance of the care. To refuse a treatment doesn’t mean refusing care. Situations of refusal pave the way for reflection about our individual and collective behavior, our doubts, our uncertainties as well as conflicting values. This work explores the complexity of such problems encountered in daily clinical practice, in order to deepen the questioning about the interaction played between the different actors. It also shows how important it is to working methods that promote the ethics of dialogue. Considering the choices faced by those who assume the responsibility for the decision, the question arises of which resources to use to promote ethical reflection, avoiding the arbitrary nature of personal convictions.

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Table des matières

Avants propos 7

Introduction 11

Méthodologie 14

Première partie : le contexte d’étude

A. Groupe de Réflexion Ethique. Finalité, Fonctionnement, Organisation 21

I Réflexion éthique et institutionnalisation de l’éthique : comment se situer ? 21 II Le groupe de réflexion éthique répond à un exercice de démocratie sanitaire 24

III La présence des « citoyens ordinaires » ouvre à la diversité des regards 28

o Un aspect original est la participation de jeunes élèves d’une classe terminale

o La place de chacun et le point de vue d’où il parle. Quel questionnement ? IV Groupe de réflexion éthique ? de parole ? de supervision ? analyse de pratique ? 35

o La finalité du groupe n’est pas celle d’un groupe de parole, ni de supervision.

o Le constat du fonctionnement conditionne l’évolution méthodologique

B. La démarche d’Aide à la Réflexion Ethique 46

I Guide d’aide à la réflexion éthique 47

II Des modèles d’analyse font l’objet d’une réflexion déjà ancienne 54

III La méthode de la réflexion éthique fait partie de l’activité de soin 59

IV L’intérêt de la narration en médecine pour une éthique du dialogue 63

V Qu’est-ce qu’un cas éthique et comment le présenter ? 68

VI La formation à la réflexion éthique comme exigence professionnelle 70

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Deuxième partie : les aspects du refus

A. Refus et arrêt de traitement : situations cliniques étudiées au groupe de réflexion 78

I Questionnement éthique et directives anticipées de refus de réanimation 78

II Autonomie d'une personne vulnérable et refus d’hospitalisation 80

III Refus et arrêt de traitement, demande de mort anticipée 80

IV Refus de soulagement de la douleur. Refus de chimiothérapie. Aspects éthiques 82 V Réflexion éthique en réanimation néonatale. Arrêt ou obstination déraisonnable ? 83 VI Etat végétatif chronique, demande d’arrêt de nutrition et d’hydratation par la famille 84

VII Questionnement éthique face à un refus d'amputation 85

VIII Refus de transfusion, désir de mort anticipée 86

IX Ethique et refus de dialyse 88

B. Approche juridique et législative du refus 90

I Pratiques médicales, droit pénal, évolution législative et émergence du refus 90

o Un regard philosophique sur le droit

II Le fil rouge des lois, codes, décrets, chartes, circulaires, déclarations, avis, etc. 92

III Réflexion éthique, refus de traitement, judiciarisation des pratiques 96

IV Le juriste, le médecin, la société, et la fin de vie comme champ de réflexion 101

V Regard sociologique sur la place du droit dans les affaires complexes de fin de vie 106 VI Regard du juriste sur les directives anticipées, le refus et l’arrêt de traitement 107

C. Refus et directives anticipées 110

I Les voix de chacun : patient, proche, écrivain, philosophe, adolescence, juriste, médecin… 110

II Approche du groupe de réflexion éthique 117

III Approche générale des directives anticipées 121

o La réalisation est particulièrement importante dans les maladies neurodégénératives

o La vigilance s’impose par rapport à l’idée de maitriser ce qui n’existe pas

IV Evolution des idées sur la place des directives anticipées 129

D. Sens du refus, sens d’un arrêt de traitement 136

I Les différents points de vue en présence 136

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o Le point de vue des professionnels, des médecins et des soignants.

o L’information et le consentement sont au cœur de la problématique du refus

II Les liens entre interruption de traitement et refus de traitement 145

III Approche du groupe de réflexion éthique sur le refus et l’arrêt de traitement 147

o Prend-t-on assez en compte le sens que revêt le refus et ce qu’il signifie pour le patient ?

o Une problématique soulevée importante est l’arrêt des traitements spécifiques

o La réanimation néo natale comme la dialyse, constituent un champ de réflexion

o L’annonce du handicap est une situation sidérante pour les parents

o La situation d’arrêt de traitement pose question aux équipes et aux familles

IV Le sens et les motifs du refus dans la relation soignant-soigné 162

V La conduite à tenir, toujours délicate, privilégie l’écoute et l’information 167

E. Refus et violence dans la relation de soin 172

I Paroles de patients, de proches, de soignants, de médecins sur la violence 173

II Approche du groupe de réflexion éthique sur violence et relation de soin 181

o Le refus questionne le vécu du professionnel, du patient et la relation de soin

o La relation de soin, entre vulnérabilité du patient et vulnérabilité du soignant

o La complexité, loin d’être un argument pour rompre le lien, exige de l’assumer

III La violence au cœur des soins 186

o Quelle injonction à faire de l’éthique au quotidien dans le soin ordinaire ?

o Les problèmes liés à la violence sont nombreux complexes et de nature très différente

o Le monde des soins confronte les professionnels à la violence des émotions

IV Le cadre d’une parole échangée : ne parlons pas de la violence, parlons-nous ! 195

F. Le Tiers dans la relation de soin en situation extrême 200

I Approche générale du concept de tiers 200

o Faire « appel à » témoigne d’un esprit d’ouverture et d’une volonté de dialogue

II Définition et missions du tiers intervenant 204

III La fonction du tiers inclut une dimension de médiation. Que signifie intervenir ? 206

IV Le tiers, la transversalité, l’exemple des équipes mobiles de soins palliatifs 208

V Situation extrême, situation complexe, ou impasse ? Rôle et fonction du tiers 213

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G. Respecter la volonté et les souhaits d’une personne vulnérable 221

I Le point de vue des patients et des soignants 221

II Les dilemmes résultent d’un conflit entre principes d’autonomie et bienfaisance 222 III Que signifie respecter l’autonomie d’un être vulnérable ? Quelle posture soignante ? 226

IV Quels enjeux sociétaux autour du refus et de la vulnérabilité ? 233

H. Refus, information, consentement, obstination. Approche du groupe de réflexion 237

I Une approche éthique privilégie l’anticipation et la discussion 237

II La maladie grave bouleverse la vie de la personne et celle de l’aidant naturel 239

III La parole échangée permet le partage d’une culture de la réflexion éthique 240

IV En matière d’éthique, la question « qui décide ? » pose la question de la collégialité 242 V Etre éthique ne se résume pas à être logique et rationnel, il faut être attentif à autrui 243

VI Qu’appelle-t-on obstination déraisonnable? 247

I. Douleur et souffrance. Quelles différences ? Quels liens ? 252

I Regard éthique du médecin clinicien sur la douleur et souffrance 252

o La dernière rencontre entre Stefan Zweig et Sigmund Freud

o Le regard des soignants sur la souffrance

o Il existe une confusion fréquente entre douleur et souffrance

o La réponse à la souffrance est souvent réduite au traitement de la douleur

o La souffrance confronte à la complexité d’une relation éthique et à la responsabilité

o La culture médicale réduit l’expérience de la maladie en sa représentation théorique

o La maladie et la souffrance associée favorisent un questionnement sur le sens de la vie

II Souffrance des soignants, information et communication 267

o Le point de vue des soignants

o L’analyse de la souffrance des soignants révèle l’importance des méthodes de travail

o Souffrance professionnelle et démarche de réflexion éthique institutionnelle

o Les difficultés de communication, facteur de stress et de souffrance professionnelle

o La « présence juste » conditionne l’approche professionnelle des problèmes

III Souffrance des proches, souffrance des familles 275

o La plainte révèle dans l’immense majorité des cas un problème de communication

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Bibliographie 285

Index 299

Annexes 300

Annexe 1 Entretiens sur situation de refus : patient, compagne, oncologue, réanimateur 301 Annexe 2 Entretiens sur situation de refus : patiente, médecin hématologue 312

Annexe 3 Entretiens sur situation de refus : patiente, chirurgien 318

Annexe 4 Entretien sur situation de refus : conjoint d’une patiente 328

Annexe 5 Témoignage « citoyen » sur le refus 330

Annexe 6 Quinze entretiens avec professionnels de santé et un juriste sur le refus 332

Remerciements 358

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Avant-Propos

L’étude de ce qui amène une personne concernée par la maladie à un refus, et de ce qu’éprouvent proches et professionnels de santé face à cette situation, donne un aperçu de la complexité des problèmes rencontrés dans la pratique clinique quotidienne et amène à en approfondir le questionnement éthique. Il est attendu de l’auteur d’un tel travail, lui-même clinicien professionnel de santé, qu’il fasse rentrer le lecteur dans les coulisses de la réflexion et des pratiques, de situations inextricables, pour aller vers des choses inconnues des professionnels eux-mêmes, et rentrer dans l’intimité des points de vue, comme si les professionnels se rencontraient et se racontaient leur vie.

La manière de procéder est de capter et de raconter une certaine vérité des personnes malades, de leurs proches et des professionnels du soin. Il s’agit d’un « reportage » qui correspond à la production d’un enquêteur qui est allé quelque part sur le terrain. Le « reportage », c’est aller dans la réalité. Or il devient rare de trouver de véritables « reportages », et beaucoup plus fréquent de trouver des rapports, synthèses et études statistiques. Il faut être conscient de son bagage, pour ne pas le subir, être prêt à s’en extraire, prêt à changer, à découvrir des choses que l’on n’attendait pas, faire la différence entre l’objectivité et l’honnêteté, rencontrer des personnes que l’activité professionnelle habituelle ne donne pas l’occasion de rencontrer, comprendre des personnes qui fonctionnent différemment de soi, oser parler de ce à quoi on ne pouvait s’attendre. C’est finalement le terrain qui confronte et ramène en permanence à la réalité.

Ce travail oublie certitudes, convictions et positions figées, privilégie nuance et effort d’épuration, renonce au « pour ou contre », envisage la diversité des opinions sur un plan égalitaire et ne pense pas « a priori » des approches comme étant plus d’autorité que d’autres. L’auteur « oublie » qu’il a un avis sur la question, pour en faire le tour en se posant la question en permanence « et si j’avais tort ? », en évitant le « je pense que », pour sortir de sa personne par un exercice de mise à distance de soi. Mais ce travail ne se veut pas neutre, ni impersonnel, et n’hésite pas à prendre un risque argumentatif. L’éthique de la communication a conduit l’auteur à respecter certaines règles, à dire ce qui ne porte atteinte à quiconque, avec un discours que légitime une longue expérience professionnelle, avec des arguments amenant

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à dire au nom de quoi ces arguments sont avancés, et à préciser les valeurs sous-tendant le discours. Il tente de témoigner et transmettre, avec le maximum de précaution et bienveillance, par un travail de décantation s’autorisant le doute et la nuance, à propos d’un sujet ramené à l’essentiel, par une argumentation se voulant rigoureuse. Le pathétique pour un professionnel du soin serait le refus d’envisager la complexité, avec la tenue d’un discours simpliste sur un tel sujet. Ce travail n’est pas grandiose, se veut sobre et modeste, mais a l’ambition de la rigueur, veut honorer le doute et la complexité.

Il est important de partir de la réalité immédiate de terrain. Un travail de thèse apporte un éclairage et confronte une expertise du terrain à la recherche intellectuelle, pour viser un travail universitaire. Faire abstraction du terrain serait une régression. Il est attendu du professionnel de santé, de la réalité interrogée, transformée, questionnée, comme le ferait le philosophe, le sociologue ou l’anthropologue… que l’auteur, médecin clinicien, n’est pas ! On n’attend pas qu’il parle de l’éthique en général, mais qu’il dise son professionnalisme, et développe une qualité d’interrogation à partir de celui-ci pour construire une réflexion. Travail spécifique et original en ce sens que seuls les professionnels du terrain peuvent apporter cet éclairage à partir de leurs pratiques.

Il faut, à partir de la pratique quotidienne, pouvoir parler du consentement, de la confidentialité, de la fragilité, de la pudeur, de la crainte, de la honte, de la culpabilité, du doute, de l’incertitude… Le lecteur sera beaucoup plus attentif aux particularités qu’aux généralités, et s’il existe une éthique de la recherche avec des guidelines, il existe aussi une éthique du soin ordinaire, dans sa banalité quotidienne. Partir de la réalité, c’est dire ce que « je » vois, ce que « je » vis au quotidien, en précisant toujours qui est « je » et le point de vue d’où « je » parle, c’est travailler sur l’utilité de l’éthique quotidienne, et pas sur une philosophie générale du bien et du juste. Il existe une véritable responsabilité « politique » au sens citoyen, et un devoir de mobilisation des professionnels qui sont sur le terrain, avec une exigence de signalement par rapport aux besoins éthiques. L’auteur d’un travail de thèse a ainsi un rôle de veilleur. Il pousse l’étude dans les recoins de la pratique quotidienne. Le travail de thèse n’est pas uniquement théorique, mais une alliance de la théorie à l’expérience clinique quotidienne. Il ne se contente pas de constats, mais doit faire émerger des propositions pour un projet où s’exprime le professionnalisme. Ce travail, difficile et exigeant, montre aussi le plaisir de l’auteur d’être ce qu’il fait, et celui de faire ce qu’il est. Il constitue, en quelque sorte, un espace de liberté pour le professionnel.

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Il n‘y a pas de « petite question », tout étant dans la manière de la traiter. Bien raconter quelque chose, c’est l’avoir bien compris, c’est réfléchir en permanence en faisant attention « au prêt à penser », et en gardant une réflexion personnelle dans le souci de la recherche. Discuter d’une situation, c’est se demander quel est le problème, envisager les angles d’appel, préciser le point de vue d’où l’auteur parle, ce à quoi il est attaché et les valeurs mises en jeu. Dans quel contexte ? A quel moment ? Avec quel regard ? Quelle interrogation ? Qui parle ? Le soigné ? Le soignant ? Le proche ? L’investigateur ? Que dit-il ? Que veut-il dire ? Que veut-on lui faire dire ? A quoi veut-il aboutir ? Pour aller idéalement au bout de sa pensée, dans un style concis, sobre, précis, faisant sentir l’expérience de l’auteur. « Ce cas est grave… parce que…, pour qui…, pourquoi…comment ». Toute opinion doit être fondée, argumentée, et toute position prise est alors recevable, si elle est justifiée. Il n’est pas attendu une réponse définitive, mais une argumentation nuancée, qui ne tranche pas.

L’éthique est l’art de la conduite, pas de la bonne conduite. Elle montre le chemin sans dire ce qu’il faut faire, sans donner de leçon, en montrant la relativité des valeurs. Quels sont les arguments du choix et les arguments éthiques ? Où est la tension entre les valeurs en jeu ? Qu’existe-t-il derrière les décrets et les normes d’une société devenue normative à l’extrême ? Que penser de l’illusion produite par des règles dont on ne regarde même plus le résultat de l’application sur le terrain ? Que comprennent les patients et les professionnels, quand la démarche administrative ou institutionnelle prend le pas sur la démarche de compréhension, et que le fossé se creuse, entre ceux qui agissent sans penser et ceux qui pensent sans agir ? La capacité réflexive des soignants est confrontée, « de facto », sur le terrain, à leurs représentations, croyances et sentiments, parallèlement à la raison. Face au besoin d’éthique à l’hôpital, comment envisager un enseignement et une diffusion de la réflexion éthique ? Les professionnels du soin peuvent-ils tous acquérir ces savoirs, et en ont-ils le temps, l’envie et la motivation ? Comment créer les conditions de l’instauration de la réflexion éthique pour ne pas en réduire le champ à celui d’une éthique normative ? Faut-il réserver cet enseignement, ou cette activité, à certains « experts » au risque de voir ceux-ci en tirer un pouvoir certain ?

La réflexion proposée s’inspire de la spirale, une courbe qui prend naissance en un point ou en un axe particulier, et qui tourne tout autour, tout en s’en éloignant progressivement. La réflexion agrandit ainsi l’ouverture avec une régularité exemplaire, et s’emploie à décortiquer les petits mystères du monde qui nous entoure. Si les spirales sont si fascinantes, et qu’on s’émerveille de leurs mécanismes si différents, qui aboutissent à des formes si semblables,

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c’est qu’elles nous conduisent, et nous ramènent, à ce qui nous intéresse et nous questionne : le comment et le pourquoi des choses.

Je me suis astreint à la « règle du jeu » de la recherche doctorale exigeant de produire un travail dans le contexte professionnel [sur]chargé que connaissent les responsables de services cliniques, avec de multiples contraintes liées à la vie institutionnelle : responsable d’un service douleur-soins palliatifs comprenant une activité d’hospitalisation et une activité transversale intra-hospitalière, d’un centre d’étude et de traitement de la douleur, président du comité de lutte contre la douleur, médiateur médical hospitalier, animateur du groupe de réflexion éthique. In fine, ce travail se veut plus l’expression d’un désir de réflexion que la prétention d’une production aboutie et finie.

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Introduction

Le refus, de quoi parle-t-on ? Le refus de traitement ou d’investigations complémentaires, de la part d’un malade informé et capable de faire un choix, pose question dans la relation de soin. Les conditions de ce refus sont prévues par la loi. Cependant, le refus est problématique dans certains cas. Par exemple, quand une personne malade refuse le soulagement de la douleur et que celle-ci devient intolérable, rendant les soins impossibles, ou quand le refus d’un traitement vital, qui pourrait guérir la personne, ou entraîner une longue rémission de la maladie, va inévitablement et rapidement conduire à la mort. Ces situations confrontent médecins et soignants à leurs limites : limites constituées par le caractère insupportable d’une douleur extrême qui pourrait être soulagée, ou par la survenue de la mort qui pourrait être évitée. Elles les interrogent sur le sens de ce pour quoi ils ont choisi de faire ce métier. Se trouvent ainsi mis en présence, le respect de la volonté du patient et le désir de bienfaisance du soignant, qui imposent aux professionnels de se poser la question de savoir ce qu’est « être bienfaisant ». La personne malade a droit au respect de son « autonomie1 », mais la question se pose de savoir ce que vaut l’autonomie d’un malade en situation extrême de vulnérabilité. Le professionnel est confronté à un conflit de valeur. Ces situations, confrontant malades et soignants aux limites de la souffrance et de la mort, comportent un vécu de violence réciproque. Elles amènent à réfléchir sur les notions de complexité et de situations dites « extrêmes ». La souffrance, qui ne se limite pas à la douleur, la violence qui fait partie de la vie en général et « s’invite » dans la relation de soin, sont des termes qui échappent au langage pour les définir. On en parle, on les éprouve ou les subit, mais on ne sait exactement les définir autrement que par leurs conséquences. Ces situations posent à chaque fois un problème singulier, jamais résolu et toujours à repenser. Elles amènent une équipe, confrontée à ses limites, à réfléchir au sens de ses actes.

Ce travail vise à comprendre ce qu’est un refus et à en analyser le sens, les raisons et les conséquences sur la personne, les proches et les professionnels dans une organisation de soin.

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Il précise le point de vue des personnes impliquées et l’idée qu’elles s’en font2, notamment à partir d’exemples paradigmatiques de situations de refus de soulagement de la douleur et de refus de traitement curatif mettant en jeu le pronostic vital. Le préalable au consentement est la liberté de pouvoir consentir. La liberté de consentir s’accompagne du droit de refuser. Pouvoir dire non, c’est pouvoir reprendre ou conserver son identité. Le soignant doit pouvoir accepter, comprendre, respecter la liberté d’une personne malade de refuser. Il ne doit pas entretenir la disqualification du refus au nom d’une culture médicale dominante. Or c’est une expérience éternelle qu’une institution qui a du pouvoir, ne cherche à en avoir plus, ou à en abuser3. Face au pouvoir soignant s’oppose le contre-pouvoir de la valeur éthique du refus.

Le travail décrit l’interaction entre le patient, ses proches, et les professionnels. Il décrit la situation et ses impacts, fait des liens entre refus de traitement et l’échec du traitement, entraînant chez le patient une perte de confiance, un refus de la relation, un huis clos, une remise en cause des capacités du soignant, au sein d’une équipe mise en difficulté, et en souffrance. Ainsi, il met en lien le refus avec les circonstances qui mettent l’équipe en échec. La notion de confiance est mise en perspective avec différentes situations de refus rencontrées. C’est le refus de la relation avec les professionnels, dont le patient réclame pourtant leur service.

Le respect du refus concerne et questionne toute la formation médicale et amène à considérer les différentes visions du soin et de la santé, vues du coté médical, du côté de la personne soignée, et de ses proches. Prendre soin est une dimension du soin amenant à prendre en considération son absence ou sa limitation. La souffrance des professionnels, mis en difficulté face au refus, questionne la toute-puissance, car les soignants peuvent parfois contraindre, patient et famille, à accepter des examens et des traitements au nom de la démarche diagnostique, ou culpabiliser des proches de laisser un patient sans diagnostic. Pour une famille, cela peut revêtir l’allure d’une grande violence, d’une maltraitance involontaire, et donner l’impression de gâcher des instants précieux de vie.

2 Kafka F., Méditations sur le péché, la souffrance, l'espoir et le vrai chemin, in : Préparatifs de noces à la

campagne, Gallimard, Coll. Folio, Paris, 1980 « Diversité des idées que l’on peut se faire, par exemple d’une pomme. L’idée du petit garçon qui est obligé de tendre le cou pour arriver à voir tout juste la pomme sur le dessus de la table, et celle du maitre de maison qui prend la pomme et l’offre librement à son convive.» p.48-49

3 Zweig S., Le monde d’hier, souvenirs d’un Européen, Traduction Niemetz S., Imprimerie Bussière, St Amand Montrond, 1993, [Titre original Die Welt von Gestern Bermann-Fischer Verlag, Stockholm, 1944], p.246, « Le

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Ce travail montre le paradoxe du refus - de quoi ? - en contre-point de l’offre médicale du soulagement et du soin. Il vise à opposer et mettre en balance les idées [la faute et le pardon, le refus et la proposition, la douleur et la souffrance, le symptôme et son soulagement, la douceur et la violence…], à poser les questions [qui ? quoi ? comment ? à cause de qui ? de quoi ? en vue de quoi ? pour quoi ?]. Il montre les oppositions et les contrastes dans un champ de réflexion à propos d’une expérience fondamentale et cruciale, entre refus et acceptation, sujet éventail débouchant sur de multiples développements. Un aspect du travail sera celui de compréhension de la personne soignée et de l’équipe soignante, celui d’une analyse du refus et de ses raisons, ainsi que celui de compréhension de la valeur éthique de la liberté de refuser ce qui est proposé par l’institution de soin. Un autre aspect sera d’étudier ce que peuvent mettre en place les professionnels et l’institution, interpellés par le refus de ce qui donne sens à leur engagement, pour développer la réflexion éthique.

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Méthodologie.

La problématique soulevée est que les situations de refus constituent un champ de réflexion

sur nos comportements, doutes et valeurs en conflit. Elles questionnent ce au nom de quoi le professionnel a choisi cette profession, que le refus remet en question. Face aux choix auxquels sont confrontés ceux qui assument la responsabilité de la décision, la question se pose de savoir vers quelles ressources se tourner pour favoriser la réflexion éthique, évitant l’arbitraire des convictions personnelles.

L’hypothèse de travail est que le cadre de travail permettant les conditions du dialogue,

l’ouverture et la circulation de la parole échangée, reconnait la personne malade en tant que sujet, et redonne confiance aux professionnels dans la capacité à s’approprier la réflexion éthique indispensable pour répondre à l’approche des situations complexes rencontrées au cours de la pratique professionnelle. La confrontation à la souffrance, aux conflits de valeur, aux postures de refus, amène à poser l’hypothèse que pour penser et aborder dans une perspective éthique cette problématique, il est nécessaire d’instaurer les conditions d’un échange de parole. Cette approche inclue le tiers.

L’objectif principal est d’étudier les problèmes rencontrés dans la pratique clinique

quotidienne concernant le refus, pour en approfondir le questionnement et l’interaction entre patient, proches et professionnels. Il sera de chercher la signification et le sens du refus, de requalifier les situations, et de montrer comment faire advenir le dialogue et l’échange dans une pensée médicale et soignante, parmi les acteurs en présence.

L’objectif secondaire est de répondre à une série de questions. Quel est le vécu des patients,

de leurs proches, et des professionnels dans une situation de refus ? Les professionnels reconnaissent-ils au sujet la liberté de refuser au même titre que celle de consentir ? Quelle valeur reconnaitre à l’assentiment d’une personne vulnérable incapable de donner un

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consentement « éclairé » ? Quels sont les conflits de valeur mis en jeu dans ces situations complexes, parfois qualifiées d’extrêmes ? Quelle méthode de travail permet à une équipe pluridisciplinaire, et à une institution, de répondre à ces situations ?

Cette enquête qualitative ne repose pas sur un échantillon « représentatif » de patients, de familles, de proches, ni de professionnels et de leurs conditions d’exercice, mais entend, à travers l’identification de situations variées, faire jouer des contrastes productifs pour l’analyse4. Une étude au ras des phénomènes abordant des situations complexes, se voulant « scientifique » par la rigueur de l’analyse, et non une étude quantitative sur « bulldozer statistique ». Elle tente de saisir la complexité d’une relation de soin, multidimensionnelle, en essayant d’éclairer les multiples aspects des phénomènes, et de saisir des liaisons mouvantes entre la pensée des différents acteurs de la relation de soin.

« Relier, relier toujours, était une méthode plus riche, au niveau théorique même, que les théories blindées, bardées épistémologiquement et logiquement, méthodologiquement aptes à tout affronter, sauf évidemment la complexité du réel5. »

Ce travail expose des situations didactiques construites autour d'un « problème », le terme désignant un questionnement, une énigme issue d'un objet d’observation avec un support concret, une situation clinique, dont la résolution nécessite l'investissement des professionnels, qui sont face à une « difficulté de la réalité ».

Une « difficulté de la réalité » dénote un trait du réel qui défie notre pensée, mais qui ne nous engage pas tout simplement en tant qu’être pensant […] mais dans notre totalité d’êtres humains. Elle concerne, en ce sens, notre expérience du monde. La difficulté sur le plan cognitif se manifeste au niveau de l’intersubjectivité : cette perception de la difficulté nous éloigne des autres êtres humains qui ne la perçoivent pas. Il s’agit dès lors d’un double problème : dans le rapport d’un agent à son environnement [il sent qu’il y a un problème, que quelque chose lui devient intolérable] et dans le rapport de l’agent aux autres agents [il n’y a plus d’accord dans la description du monde, le socle d’expérience en commun fait défaut, la base de l’entente s’effondre6.]

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Barbot J., « Soigner en situation de risque judiciaire », Revue française de sciences politiques, Presses de Sciences Po, Paris, vol.58, n°6, décembre 2008, p. 985-1014

5 Morin E., Introduction à la pensée complexe, Paris, Editions du Seuil, 2005, p.48

6 Frega R., « L’enquête expressive : le perfectionnisme de J.M. Coetzee », in : Laugier S., La voix et la vertu,

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Toutes les situations étudiées sont des situations d’interaction, une interaction entre une personne soignée, des soignants d’une équipe de soin et des proches, des professionnels entre eux, et ces regards interactifs semblent éclairants pour la plupart des situations. A partir d’entretiens auprès de personnes malades, de médecins et de soignants, la méthode de travail va consister à faire émerger les points de vue. Plutôt que de parler des malades, des médecins ou des soignants, la méthode de travail a consisté à parler aux malades, aux médecins et aux soignants, dont ce travail rapporte la pensée. Que veut dire quelqu’un qui dit non ? Il dit non à quoi et à qui ? Parce qu’il y a une demande, il y a une exigence de réflexion et d’une présence dans un rapport asymétrique. Ce travail analyse les histoires d’interaction, plutôt que celle du malade de son côté et celle du soignant de l’autre, car on serait alors dans deux mondes étanches, ce qui n’est finalement pas le problème. Le problème est, en revanche, l’association et l’intrication des dimensions objective et subjective, dépassant le dualisme de l’objectif et du subjectif. Interroger collectivement ses pratiques et devenir conscient de leurs conséquences pour d’autres malades, c’est déjà s’acheminer vers une éthique professionnelle.

La compétence morale est en ce sens une capacité à saisir certaines qualités des situations, à voir des implications qui ne sont pas immédiatement explicites, pour ensuite les articuler - si besoin est - dans un raisonnement qui permette à l’agent de se rendre intelligible à soi et aux autres, et qui leur permette de retrouver les bases d’une entente ou d’un accord là où la difficulté de la réalité les avait mis à l’écart les uns des autres7.

Cette étude est réalisée à partir de cas cliniques et d’entretiens dont l’exposé pose le cadre de la réflexion. Ces cas cliniques et les valeurs qu’ils sous-tendent font l’objet d’un chapitre particulier. Dans un premier temps, au cours d’une période allant de 2008 à 2012, les entretiens sont menés, d’une part auprès de personnes malades ayant exprimé un refus et de leurs proches, d’autre part auprès des professionnels de santé de différents services de soins. Les professionnels sont médecins, infirmiers, aides-soignants, psychologues, donnant leur avis à partir de leur expérience de situation de refus. Les entretiens, initialement au nombre de dix-sept, menés en tête-à-tête, semi-directifs, enregistrés, font l’objet d’un compte-rendu soumis à la lecture de leur auteur pour approbation, puis à la relecture de professionnels et de non professionnels, extérieurs à l’équipe, qui en extraient les thèmes principaux et idées essentielles. Les entretiens de médecins concernent des médecins séniors, référents des

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malades ayant exprimé un refus de traitement, directement impliqués et en première ligne. Ils font part de leur vécu et de leur ressenti de ce refus. Les personnes malades, leurs proches, et les professionnels ont été rencontrés à des stades divers de l’évolution de la maladie, sont d’âges différents, des deux sexes, de conditions sociales diverses. Ils ne constituent pas des échantillons au sens strict du terme, ce qui impliquerait le respect de critères représentatifs en termes de groupe d’âge, de sexe, de catégories socio-professionnelles ou de discipline chez les professionnels de santé, mais ils constituent un ensemble d’informateurs diversifiés pour l’analyse. Comme d’habitude dans une analyse qualitative, le groupe d’informateurs s’est constitué au gré de l’enquête dans les services fréquentés. Une enquête résultant de la constitution d’un échantillon représentatif, au sens strict du terme, aurait supposé une sélection a priori des personnes étudiées, en désaccord avec la démarche qui a procédé par immersion et empathie8.

Dans un deuxième temps, sur une période de 2012 à 2015, des entretiens sont réalisés au cours de la tenue des réunions du groupe de réflexion éthique, dont neuf ont porté sur le thème du refus de traitement, ce qui permet d’apporter le double éclairage, individuel et collectif, sur cette thématique. Les participants au groupe sont des professionnels de santé de toutes professions et de toutes disciplines, des intervenants extérieurs, professeurs de philosophie, juristes, sociologue, et des « citoyens ordinaires » sans aucun lien avec le milieu de la santé, apportant le regard de la cité. Les échanges sont enregistrés et font l’objet d’un compte rendu écrit, relu par des participants des différentes professions. Les propos relatés dans le travail sont rapportés à leurs auteurs en citant la profession en note de bas de page. L’objectif du travail est de fournir des témoignages, personnels individuels, issus des entretiens en tête à tête, et de produire une réflexion collective, issue des échanges tenus au cours des réunions du groupe de réflexion éthique. La finalité, les objectifs et le fonctionnement du groupe de réflexion éthique font l’objet d’un développement dans ce travail. La réflexion collective, au sein du groupe de réflexion éthique, à partir de situations cliniques présentées par les équipes de soin elles-mêmes, permet de conférer une signification publique à « la dimension intersubjective de l’expérience morale9 ».La réflexion collective du groupe de réflexion éthique a permis d’aborder, au cours des réunions consacrées aux thèmes étudiés, les sujets évoqués dans la relation de soin confrontée au refus : sens d’un refus, douleur et souffrance, violence dans la relation de soin, directives anticipées, obstination

8 Fainzang S., La relation médecin malade : information et mensonge, PUF, Paris, 2006, p.18

9 Frega R., « L’enquête expressive : le perfectionnisme de J.M. Coetzee », in : Laugier S., La voix et la vertu,

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déraisonnable, information, consentement et assentiment, dilemme éthique entre respect de l’autonomie et désir de bienfaisance, rapport à la vulnérabilité, souffrance et épuisement professionnel, formation des soignants à la démarche de réflexion éthique, rôle du tiers dans la réflexion.

Une première partie de ce travail détaille le contexte d’étude au sein de l’institution, et les conditions qui ont permis la réflexion collective, au sein du groupe de réflexion éthique. La finalité et le fonctionnement du groupe de réflexion éthique sont précisés, ainsi que les modalités d’élaboration d’un guide d’aide à la réflexion éthique. L’étude du contexte permet de préciser ce qui existe localement en termes d’organisation de la réflexion éthique, car toutes les institutions ne fonctionnent pas sur le même mode, et aussi d’envisager les aspects, risques et intérêt, de son institutionnalisation. Cette partie du travail permet donc de contextualiser la problématique. Quelle différence entre groupe de réflexion éthique, groupe de parole, groupe d’analyse de la pratique, groupe de supervision ?

Une deuxième partie est consacrée à la synthèse de la réflexion menée par le groupe de réflexion sur la thématique du refus et aux aspects spécifiques de sa problématique. La réflexion menée croise les éclairages, individuels et collectifs, des professionnels du soin, des personnes malades et de leurs proches, ainsi que des « citoyens ordinaires » apportant le regard de la cité. L’étude des situations cliniques amènera à faire des allers retours, de la clinique à la réflexion théorique. A partir d’un nombre limité de situations cliniques complexes de refus, vont être mis en évidence des points communs régulièrement retrouvés et les valeurs en tension déterminant les enjeux présents dans la problématique. Ces situations complexes ont toutes en commun d’avoir mis les équipes en difficulté. Un nombre limité de cas et le recul d’une expérience professionnelle permettent de mener la réflexion. « Un cas bien étudié vaut cent cas ». C’est la complexité d’un nombre de cas limité qui a attiré et retenu notre intérêt. Que voir d’autre comme méthode dans ce champ de réflexion que constitue le soin ? Dans ces situations, comment faire autrement que de partir de l’existant?

« C’est une méthode dont il est difficile de donner la recette et qui se juge aux résultats. Tout ce que j’espère, c’est qu’ils seront assez clairs et qu’il y aura moyen de les contester10. »

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Dans ce champ de réflexion il ne semble pas possible d’appliquer une recette issue d’une étude statistique. Le nœud du travail est la préoccupation de chercher le sens et de montrer comment requalifier les choses, comment repérer et faire advenir quelque chose dans une pensée médicale, dans une pensée soignante. Les idées fortes de ces entretiens alimentent la réflexion à propos des problèmes éthiques soulevés.

Celle-ci aborde les aspects éthiques de la relation de soin face à la vulnérabilité, la violence dans la relation de soin, la juste présence dans la relation soignant-soigné, la capacité à considérer le point de vue d’autrui, la prise en charge de la douleur et le sens de la souffrance, le sens du refus et le respect de la liberté du malade de refuser, les problèmes éthiques liés au respect des principes et aux conflits de valeur pouvant en résulter, l’information et le consentement, l’obstination déraisonnable, les directives anticipées, le comportement des professionnels et l’extrême variabilité des attitudes dans les situations de prise de décision, ce qu’est une situation extrême et la notion de complexité qui la sous-tend, la prise en compte du contexte décisionnel dans la prise de décision, la place du tiers, la prise en considération et la prévention de la souffrance professionnelle des soignants et le besoin de formation dans le champ de la réflexion éthique.

Les références bibliographiques se rapportent à ces différents aspects de la réflexion. Elles abordent la problématique du refus et de l’arrêt des thérapeutiques, ainsi que celle de la distinction entre soin et traitement. Les références utilisées s’appuient sur des penseurs et auteurs spécialistes de l’éthique médicale, philosophes, sociologues, médecins, psychologues, juristes apportant leurs contributions à des ouvrages de référence. Plusieurs travaux font référence depuis 1999, puis 2002 et 2005 aux textes des lois relatives aux droits des malades à l’information11, et aux droits des malades et à la fin de vie12. Des travaux récents et en cours en lien avec l’actualité rapportent l’évolution des courants de pensée en cours.

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11 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé 12

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A. Groupe de Réflexion Ethique. Finalité, Fonctionnement

« Question ouverte à tous. Il y a un immense problème de communication entre professionnels entre eux d’une part, entre professionnels, patients et proches d’autre part. Vous en tant que professionnels, comment mettez-vous en place ce débat sur la problématique de la communication d’un point de vue éthique13?»

I. Réflexion éthique et institutionnalisation de l’éthique : comment se situer ?

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé dans son article 5 instaure que « les établissements de santé mènent en leur sein, une réflexion sur

les questions éthiques posées par l’accueil et la prise en charge médicale14. » Selon les

recommandations de la Haute Autorité de Santé, dans son manuel de certification d’Avril 2011, les établissements de santé doivent prévoir une stratégie dans une première étape, mettre en œuvre dans une deuxième étape, puis évaluer dans une troisième étape ce qui a été mis en œuvre dans le cadre de la démarche éthique institutionnelle. Les professionnels de santé doivent avoir accès à des ressources en matière d’éthique et les projets d’établissement doivent prendre en compte la dimension éthique de la prise en charge. Les professionnels de l’établissement de santé doivent être sensibilisés à la réflexion éthique et les questions éthiques se posant au sein de l’établissement doivent être traitées. Un état des lieux des questions éthiques liées aux activités de l’établissement doit être réalisé. Le paragraphe introductif du critère 1.c concernant la démarche éthique pose le cadre :

Le rythme toujours plus soutenu des progrès de la technologie et de la science médicale, les risques de dépersonnalisation liés à la spécialisation très poussée d’une partie de la médecine, l’exigence accrue de maîtrise des dépenses de santé, l’évolution des modes de légitimation de l’exercice de l’autorité rendent nécessaire d'intégrer la réflexion et le questionnement éthiques aux arbitrages auxquels est confronté l’ensemble des professionnels exerçant en établissement de santé. Cette nécessité a été reconnue par la loi du 4 mars 2002 qui demande aux établissements de santé de mener “en leur sein une réflexion sur les questions éthiques posées par l'accueil et la prise en charge médicale”. Il existe de

13 Margaux, 16 ans, élève de classe terminale, invitée à participer avec l’ensemble de sa classe et son professeur de philosophie au 7e Colloque Alpin de Soins Palliatifs, « Ethique et Soins Palliatifs », Chambéry, 4 avril 2014

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nombreuses situations qui doivent appeler de la part des établissements de santé une démarche éthique : des questions liées aux conflits d’intérêts et aux impacts éthiques des décisions économiques ; des situations de soins particulières et/ou complexes ; mais aussi les situations quotidiennes [conduite à tenir en cas de refus de soins d'hygiène, respect de l'intimité des patients sédatés, mise en œuvre effective des droits du patient, etc.]. Certains facteurs semblent déterminants dans l’émergence et la conduite de démarches éthiques au sein des établissements de santé : la sensibilisation et la formation de l’ensemble des professionnels ; l’organisation de temps de réflexion thématique ; l’accès à des ressources documentaires15.

La démarche éthique devient donc obligatoire et son application est souvent comprise selon une logique d’application d’une démarche qualité avec les étapes de prévision, de mise en œuvre et d’évaluation. Est-ce compatible avec l’instauration de la réflexion éthique et celle-ci peut-elle se résumer à l’application de règles de procédure permettant l’application de recommandations de pratiques professionnelles reproductibles, vérifiables et améliorables ?

« Est-ce que l’institutionnalisation de la réflexion éthique constitue une garantie du caractère éthique des décisions qui seront prises dans ces établissements [….] N’est-ce pas l’action d’institutionnaliser l’éthique qui est valorisée plutôt que les réflexions des professionnels, […] la démarche éthique ne risque-t-elle pas d’être réduite à une simple variable d’ajustement conduisant à la mise en œuvre de recommandations ou d’avis certifiés éthiques16 ? »

Vu du terrain « d’en bas », assister à une institutionnalisation de la réflexion éthique est un peu désagréable, en ce sens que l’institution commence à s’intéresser à ce qui est fait au quotidien, à partir du moment où cela peut rentrer dans les « clous de l’accréditation ». On voit ainsi venir des qualiticiens expliquant qu’« on a entendu que vous faisiez des réunions au sein du service », avec le sentiment d’être décrypté comme pouvant répondre à une norme d’organisation de réunion d’éthique, qui au départ n’étaient pas des réunions d’éthique, mais des réunions visant à mieux comprendre les décisions à prendre. Un malaise peut alors exister de voir l’éthique concernant la décision, mise dans une logique de certification, au même rang et dans le même « package » que le circuit du médicament, l’hygiène hospitalière, le suivi des infections nosocomiales, l’identito-vigilance ou la tenue du dossier patient. Cependant, et inversement, n’est-ce pas aussi par un indispensable processus de reconnaissance

15 HAS, Manuel de certification des établissements de santé, V2010, Direction de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, Avril 2011, Critère 1.c Démarche éthique.

16 Dekeuwer C., Chvetzoff R., Clouzeau C., Kopp N., Réflexion éthique et institutionnalisation de l’éthique, Ethique et Santé, Masson, France, 2011, vol.8, n°3,p. 125-131

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institutionnelle que sera valorisée la démarche de réflexion éthique, permettant d’en assurer la diffusion. Il conviendra, dès le départ, d’être conscient des dérives possibles. Si la réflexion éthique ne s’imposait que parce que l’HAS en a fait un critère d’évaluation, et si l’éthique ne consiste plus qu’à appliquer le droit, alors il nous faut repenser une autre éthique du soin, qui par la formation et la sensibilisation des professionnels de santé, favorise des questionnements et des échanges incessants au sein de lieux de réflexion, où ils auront conscience, à la fois des contraintes qui s’imposent à eux, et de l’indispensable liberté d’expression à conserver17.

Est-il possible de penser un contre-pouvoir à cette institutionnalisation de l’éthique ? On voit comment la démarche d’accréditation, puis de certification, s’est déployée depuis une vingtaine d’années. Au départ, il s’agissait du bien de l’hôpital, de faire bien son métier, de valoriser ses connaissances, puis au fur et à mesure du temps, cette démarche est devenue plus incitative « si vous ne répondez pas à cette question-là, on vous ferme ! ». Quel contre-pouvoir imaginer à ces « comités d’éthique » qui ne sont pas l’émergence des professionnels et qui leurs sont imposés ? D’un côté, l’éthique peut devenir l’empire de la norme d’une société marquée par une hyper-technicité, avec le risque d’hyper-rationalisation des processus lors des procédures. D’un autre coté, l’éthique peut aussi être celle d’une société qui réagit en inventant des espaces de délibération modifiant les pratiques. Comment fédérer ces espaces est une difficulté. Un aspect intéressant d’un groupe de réflexion éthique est de redonner sens au temps, à la narration, à la dimension de l’anamnèse, quand les équipes de soins sont invitées à présenter une situation clinique ayant posé question dans le champ de la réflexion éthique. C’est alors considérer le groupe éthique comme une mémoire de l’agir, le présent du terrain, le lieu de la décision lucide, le présent du futur. Que cherchons-nous ? Que voulons-nous ? C’est le rôle de l’imagination18. Le triptyque mémoire-rationalité-imagination est intéressant, pour peu que le groupe éthique soit un espace dédié à la pensée et à la réflexion.

Il faut institutionnaliser la démarche éthique pensent d’autres. L’institutionnalisation n’est pas bonne ou mauvaise en soi. Ce sont les excès et dérives, l’insuffisance ou le trop, qui sont

17 Communication Dr Serge Dupperet, notes personnelles de discussion, Colloque Figures et postures de

l'éthicien Grandeurs et limites de l'institutionnalisation de l'éthique en santé, Lyon 14 juin 2013 organisé par

l'Université Jean Moulin Lyon 3 et l’ENS Lyon 18

Gibert M., L’imagination en morale, Editions Hermann L’avocat du diable, Paris, 2014, p.251 « De ce point

de vue très général et pour autant qu’on puisse qualifier ainsi une faculté cognitive, l’imagination paraît bonne et désirable. Ce n’est donc pas sans raison que John Rawls la mentionne dans la liste des « biens premiers naturels », au côté de la santé, de la vigueur et de l’intelligence ou que Martha Nussbaum l’inclut dans la liste des dix capabilités essentielles au fonctionnement humain »

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délétères. Tout dépend de la manière dont elle instaurée. Cette demande d’éthique, qui « contamine » peu à peu l’ensemble des secteurs de la vie publique, doit être entendue comme un signe de vitalité démocratique. Il nous revient d’y répondre par des démarches originales avec le souci d’étudier les diverses initiatives menées. Elaborer l’éthique ensemble, et se soumettre ensemble au travail de l’éthique, peut conduire à favoriser la cohésion et le lien social. Cette méthode de réflexion permet de restaurer l’individu, en tant que personne singulière, dans toute sa dimension, clinique, historique, culturelle, citoyenne.

Les professionnels sont confrontés à des situations difficiles, d’une complexité technique croissante, dans un contexte institutionnel marqué par la judiciarisation des pratiques, et par la diversité culturelle des populations accueillies, favorisant les situations conflictuelles. Le professionnel du soin rencontre, au quotidien, des situations posant question, dans des situations concrètes au cœur de l’éthique du soin. Elles peuvent concerner aussi bien le respect de la confidentialité et le secret médical, qu’un refus de traitement mettant en jeu un pronostic vital face au respect de la volonté d’un malade ou l’exigence de sécurité face au respect de la liberté de la personne. Se pose donc la question de l’institutionnalisation de l’éthique du soin. Comment évaluer les pratiques soignantes dans de telles situations ? D’autant qu’il existe une réelle difficulté pour les soignants de repérer et de distinguer ce qui relève d’une bonne pratique professionnelle de ce qui relève d’une question éthique.

II. Le groupe de réflexion éthique répond à un exercice de démocratie sanitaire

Souvent est reproché à l’éthique philosophique d’être coupée des pratiques, d’être du côté des jugements de valeur et de donner des leçons de morale, ce qui aboutit à des querelles de chapelles entre protagonistes qui tiennent chacun à ce qu’ils avancent. L’organisation d’un groupe de réflexion éthique répond à une volonté de faire dialoguer des professionnels du soin, qui ont une réflexion immanente et directe sur leur propre pratique, et des représentants des sciences humaines, au contact de ces professionnels, dans l’idée d’aller chercher les questions, de repérer d’où elles surgissent et de voir ce qu’on en fait. Un aspect de l’éthique est une interrogation de ce qui est trop bien pensé, de ce qui semble évident, une rencontre de l’autre et un enrichissement dans l’échange. Ce qui ressort de ce type de réflexion et de dialogue, est que l’éthique est avant toute chose, une chose humaine, mettant en valeur la dimension multidimensionnelle de l’homme. Elle met en présence des personnes venues d’horizons différents, permet de prendre en compte ses différentes dimensions. L’homme n’est pas que rationnel, pas plus qu’uniquement affectif. L’éthique n’apporte pas des réponses

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prêtes à l’emploi et va poser sans cesse des questions là où cela grippe, là où cela vit. Il y a éthique là où il y a comme un sentiment de malaise, comme dans une situation de crise. Il y a alors deux attitudes possibles. Celle de se fermer pour se protéger et celle de profiter de cette situation pour voir ce qui se passe en chacun d’entre nous, à ce moment-là, et dans la relation avec l’autre. Dans cette relation d’interaction, dans l’éthique de « l’entre-deux », considérer une norme et des protocoles comme des outils, est utile et nécessaire. Mais dans le même temps, il convient de ne pas se laisser confisquer la réflexion, de ne pas la déléguer à d’autres, ni d’abandonner la responsabilité de trouver des réponses. C’est dans cette mesure que les réponses doivent s’expérimenter et se décliner, et que l’éthique trouve son chemin au milieu des contraintes, et non en dépit des contraintes.

« Viser l’idéal pour comprendre le réel. L’univers du soin est un univers très difficile nécessitant certaines vertus pour y être utile. Les médecins ont l’art de mettre en exergue des situations extrêmes qui peuvent déstabiliser des philosophes, anthropologues, sociologues ou autres chercheurs des sciences sociales. Ceux-ci peuvent aussi mettre le doigt sur ce qui fait mal, et c’est tout un art d’établir les conditions pour que cela se passe bien. Il est fondamental d’accorder une importance à ce regard extérieur, celui des gens qui nous observent19.»

Réfléchir à plusieurs et venus d’horizons différents rend la réflexion plus éthique. En aucun cas il s’agit de donner un avis ou prendre une décision. La réflexion est le processus, la méthode, la démarche. Le travail du groupe est l’accueil réciproque de la position de celui qui est en face de nous, surtout si nous ne la partageons pas, et d’essayer de comprendre en quoi elle est aussi éthique que la nôtre. A travers une telle méthode on en arrive à produire une pensée en commun, alors qu’aujourd’hui il devient très difficile de produire de la pensée quand on est seul, tellement la masse d’informations contradictoires est difficile à intégrer, et la masse de positions contradictoires est difficile à décrypter. La construction en commun aide à la cohésion des équipes de soins. L’idée est que ces situations discutées, situations souvent aux marges, sont signifiantes de ce qui se passe dans l’institution et la société en général. Il y a quelques années aucune équipe n’aurait osé exposer en public ses doutes et inquiétudes. Le fait qu’une équipe pluri-professionnelle ose aujourd’hui le faire à voix haute est courageux. C’est le témoin qu’elle sent qu’elle peut être entendue. Si elle sent qu’elle peut l’être, cela veut dire que le climat hospitalier, institutionnel, sociétal, culturel, change et évolue. Ce qui témoigne aussi de l’émergence de valeurs nouvelles, ou d’un rééquilibrage des valeurs, qu’il

19 Notes personnelles, synthèse réalisée par Julie Henry au Colloque Figures et postures de l'éthicien Grandeurs

et limites de l'institutionnalisation de l'éthique en santé, Lyon 14 juin 2013 organisé par l'Université Jean Moulin

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convient de regarder de près pour voir quelle place leur donner. Cette façon d’entendre et de faire émerger le terrain, de se mettre à son écoute, permet de mettre sur la table du débat public des éléments pour repenser le débat, sur des questions sociétales importantes. Au lieu de penser uniquement au plan conceptuel et théorique, entendre la voix des premiers concernés dans le champ du soin et comprendre les arguments qui la fondent, renouvelle la façon d’y réfléchir et interpelle l’espace politique.

La finalité du groupe de réflexion est de favoriser et de développer « par contagion », une culture de la réflexion éthique au sein de l’institution et du réseau sanitaire local. Ce groupe, ouvert aux équipes confrontées à une situation éthique, de par son existence institutionnelle et son fonctionnement, vise à constituer une espace tiers permettant de favoriser une éthique du dialogue au sein de l'institution. Il offre la possibilité à tout soignant de participer, ou à toute équipe de venir témoigner de ce qui a été fait, dans une logique de rapport d’égalité entre les personnes, et non hiérarchique verticale. L’idée fondamentale est que la réflexion éthique appartient à tous, et non à quelques experts dans le domaine. En effet, les professionnels confrontés à la réalité quotidienne sont les mieux placés pour répondre aux situations complexes et dilemmes éthiques auxquels ils font face. L’idée initiale a été de ne pas formaliser, a priori, un schéma d’organisation rigide, mais de faire vivre le groupe et de le construire en travaillant. Une formalisation minimale a été réalisée afin, d’une part de répondre aux exigences de la certification et des recommandations de la Haute Autorité de Santé, dans une logique de démarche qualité, et d’autre part d’éviter les dérives de l’institutionnalisation de l’éthique20. Le fonctionnement privilégié du groupe est celui d’une étude « a posteriori» des situations ayant posé question, pour mieux appréhender de futures situations. Les professionnels acquièrent ainsi progressivement les repères indispensables à la conduite de la réflexion éthique. Cependant il ne suffit pas de se mettre autour d’une table et de discuter pour constituer un groupe de réflexion éthique. Il faut aussi la capacité de disposer de compétences qui vont montrer la complexité d’une situation.

Un « groupe ressource » pluri-professionnel, représentatif de la communauté professionnelle, constitué par une quinzaine de personnes ayant participé le plus souvent aux réunions, permet de compter sur des personnes disponibles pour aider une équipe à réaliser une présentation. Le « groupe ressource » est garant du cadre, fait le point régulièrement sur le fonctionnement, aborde les éventuelles difficultés rencontrées lors des réunions, fait des propositions de sujets

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en fonction des propositions des équipes, invite les équipes à présenter des situations, prépare et anime les réunions, rencontre les nouveaux participants ou les professionnels invités, pour leur expliquer les règles de fonctionnement du groupe de réflexion éthique. Chaque réunion donne lieu à une réunion de préparation, entre des membres du groupe ressource et l’équipe chargée de faire la présentation, afin de l’aider à dégager la ou les problématiques éthiques. Ce groupe est garant du cadre, rappelé au début de chaque réunion, car les acteurs participant peuvent changer. Chaque participant a la responsabilité de formuler une opinion sur le fonctionnement, si cela est nécessaire. Un groupe ressource permet qu’une seule personne ne soit pas seule garant du cadre, permet de réfléchir sur l’accompagnement des équipes, pour que la parole reste libre, quand il est parfois difficile de se faire entendre. Il convient de réfléchir à intervalle régulier sur le fonctionnement du groupe en insistant sur la dimension de respect mutuel qui doit présider aux échanges entre les personnes. Que mettre derrière les termes de respect mutuel et comment un groupe humain pourrait-il fonctionner sans un respect mutuel ? Il s’agit d’une capacité à écouter et se faire entendre dans une relation de confiance, avec l’assurance que si chacun a la liberté reconnue d’interpeller autrui, chacun respectera aussi la liberté d’autrui de l’interpeller. Le fonctionnement du groupe est guidé par les principes de l’éthique de la discussion. La présentation invite au partage de points de vue et au questionnement dans un contexte favorisant l'échange de parole contribuant à une meilleure analyse des déterminants qui interfèrent dans le processus décisionnel. Un compte rendu écrit est élaboré, et mis à disposition des participants. Il est utile de rappeler au début de chaque rencontre, le cadre et la règle de fonctionnement, et que les participants sont là pour un éclairage professionnel, juridique, philosophique, citoyen, psychologique… mais pas pour apporter un jugement ni être jugés.

Le groupe ressource anime un « groupe élargi » dont le principe est d’être ouvert à tous les professionnels de l’institution et au-delà, quel que soit son statut. Le principe de l’ouverture du groupe à tout professionnel peut être discutable. L’avantage en est la sensibilisation du maximum de professionnels. L’inconvénient est que les participants venus une seule fois, ou pour la première fois, découvrent les codes de discussion et de réflexion de ceux qui sont venus plus souvent. Cela peut créer des situations décalées, parfois difficiles, potentiellement conflictuelles, exigeant une modération attentive. C’est un choix au départ.

Le groupe élargi est pluri-professionnel, avec la participation de personnes extérieures apportant différents éclairages, philosophique ou juridique, et des non professionnels, issus de la société civile, « citoyens ordinaires » permettant d’enrichir la réflexion

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