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4. Quaternaire

4.2. Reconstitution des stades glaciaires

4.2.1. Problématique

Nous avons montré, en introduction de ce chapitre, que les recherches sur le

Quaternaire du Chablais s’étaient focalisées sur certains secteurs, alors que

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d’autres restaient quasiment inexplorés. Dans la mesure où nous travaillions dans

un processus d’identiication et de valorisation du géopatrimoine, une partie

de notre recherche a été consacrée à compléter le repérage des morphologies

glaciaires dans les secteurs les moins prospectés, dans le but d’identiier le type de

morphologies glaciaires présentes dans le Chablais et leurs caractéristiques. Une

bonne connaissance de ces morphologies nous a paru nécessaire pour l’élaboration

d’un inventaire de géosites (chapitre 5) ainsi que pour la préparation d’un produit

de valorisation géotouristique (chapitre 6). Ce travail de terrain avait également

pour but de contribuer à l’établissement de cartes de stades glaciaires, focalisées

sur le Chablais. Ces cartes de stades on été considérées comme des éléments clefs,

propres à représenter une synthèse des connaissances actuelles sur les luctuations

glaciaires régionales et ce, notamment à destination du public. Nous exposons ici

brièvement notre méthode de travail et résumons les résultats obtenus.

4.2.2. Méthodes

Etant donné le très grand périmètre concerné par cette étude (l’ensemble des

trois Chablais), nous avons dû concentrer nos recherches sur un nombre limité de

terrains et selon deux méthodes spéciiques, la cartographie géomorphologique et

la datation relative des extensions glaciaires à l’aide du calcul des dépressions des

lignes d’équilibre glaciaire (DLEG).

Sur la base de notre étude bibliographique (Fig. 4.1), nous avons choisi de

prospecter en particulier les cirques glaciaires du massif du Chablais, des Dents

du Midi et des Dents de Morcles. Nous avons apporté un soin particulier aux sites

qui nous semblaient pouvoir être intégrés dans l’inventaire des géosites glaciaires,

bien que la sélection des géosites n’aient été effectuée que postérieurement aux

missions de terrain. Il en va de même pour les reconstitutions des DLEG, que

nous avons effectuées en particulier sur les géosites potentiels, ain d’apporter des

éléments de connaissance objective aux sites inventoriés.

Cartographie géomorphologique

Les cartes géomorphologiques ont été réalisées avec la légende de l’UNIL

(Schoeneich, 1993; Schoeneich et al., 1998 ; Reynard et al., 2005), particulièrement

adaptée aux terrains alpins. Cette légende se base sur la différenciation des formes

selon leurs processus. Elle est particulièrement détaillée en ce qui concerne les

processus glaciaires et périglaciaires (Schoeneich, 1998a). Nous avons effectué des

levés géomorphologiques lors de plusieurs missions de terrain entre l’été 2009 et

l’automne 2012. Nous avons été aidée par un stagiaire de l’UNIL, Gaël Petremand,

qui s’est également chargé d’une grande partie de la numérisation des données.

La cartographie du vallon de Nant a été réalisée en collaboration avec Simon

Martin (2013). Elle a servi de base à l’élaboration de médias visuels à destination

du public. Nous nous somme également appuyée sur des levés de terrains réalisés

par Philippe Schoeneich, dans le Chablais valaisan (Recon – Chétillon – Croix,

Eusin, Savalène).

Les cartographies ont été saisies sur un système d’information géographique (SIG)

(ArcGis®), ce qui permet d’utiliser eficacement divers éléments complémentaires

aux observations de terrain. Pour les besoins spéciiques du Chablais nous avons

souvent utilisé les images aériennes et les modèles numériques de terrain (MNT).

Ce type de document sert à préparer les observations in situ et à préciser les

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limites des formes cartographiées au moment de leur saisie. Les MNT sont très

utiles lorsque le couvert forestier est dense, s’ils sont d’une précision sufisante.

Le MNT disponible pour la Suisse permet, par exemple, de distinguer des

systèmes de cordons morainiques (glaciers des Martinets, Lac Lioson, vallée de

l’Avançon) grâce à une précision au mètre. En France, le MNT que nous avons

utilisé (Aster Gdem) n’offrait qu’une résolution à trente mètres, ce qui ne permet

pas de distinguer certaines morphologies. L’utilisation d’un SIG offre la possibilité

de croiser les supports d’information et assure la réutilisation des données qui

se trouvent non seulement pourvues d’une légende standardisée, mais sont

également géolocalisées.

Dépression de la ligne d’équilibre glaciaire

Cette méthode a été appliquée de manière relativement grossière et sur quatre

sites jusqu’à son terme. Nous souhaitions avant tout vériier l’âge possible des

cordons morainiques laissés par les glaciers locaux dans les cirques d’altitude, en

particulier dans le massif du Chablais pour lequel aucune étude de ce type n’avait

été entreprise. Ces données étaient particulièrement utiles pour l’établissement de

cartes de stade glaciaires précises au niveau des glaciers secondaires chablaisiens.

Nous les avons également exploitées dans la partie inventaire (chapitre 5), à des

ins de sélection des géosites, de manière à attribuer un «  stade glaciaire  » à

chacun des géosites potentiels (cf. 5.3 Une méthode de sélection des géosites).

Le site que nous avons utilisé est le vallon des Plagnes-Cubourré, qui comporte

une série de cordons morainiques bien dessinés, dont deux positions principales

identiiables à 1100 m (position du front : Greppy) et à 1300 m (position du front :

Cubourré). Pour la reconstitution des surfaces glaciaires, nous avons utilisé un

SIG, selon la méthode classique du partage des surfaces et en utilisant une valeur

d’AAR de 0.67. Les valeurs obtenues (LEG Greppy 1300 m, LEG Cubourré 1625 m)

ont été comparées avec les données des Préalpes vaudoises (Dorthe-Monachon &

Schoeneich, 1993) pour en déduire des dépressions des lignes d’équilibre glaciaire

pour ces deux positions. Nous obtenons, pour Greppy, une DLEG de 950 m et

pour Cubourré une DLEG de 875 m, ce qui nous oriente vers les stades de Bühl

pour la position de Greppy et de Steinach – Gschnitz pour la position de Cubourré.

Pour comparaison, les valeurs estimées sur la base de l’enracinement des cordons

morainiques montrent une différence de la LEG de + 70 m (Greppy) et de - 50 m

(Cubourré).

4.2.3. Résultats

Les sites qui ont fait l’objet d’une cartographie complète sont (Fig. 4.8) : le vallon de

Plagnes-Cubourré (HS), le cirque des Chalets de Pertuis (HS), les cirques de

Recon-Chétillon-Croix et d’Eusin (VS), le cirque de Savalène (VS), les cirques d’Antème

et de Soi (VS), le vallon de Nant (VD), le cirque de Paneirosse (VD). Certains sites

ont fait l’objet d’une cartographie partielle : le cirque de Salanfe (VS), le vallon de

Dreveneuse (VS), les cirques de Bise et de Darbon (HS), le cirque de Novel (VS), le

glacier rocheux d’Entre la Reille et le vallon des Fonds de L’Hongrin (VD). Ces deux

derniers sites ont été saisis sur la base des cartes établies respectivement pas

J.-B. Bosson (2012) et Ph. Schoeneich (1998a). Les cartes géomorphologiques sont

rassemblées dans l’annexe 2.

De nombreux autres sites ont fait l’objet de missions de terrain (cf. Fig. 5.4 chapitre

5) et bien que des morphologies glaciaires et périglaciaires y aient été repérées,

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ces informations, souvent sporadiques sont restées à l’état de notes. Les sites de

Graydon (HS), d’Ubine (HS), des Combes (HS), de Jambaz (HS), du Biot (HS), du

Seythroux (HS), notamment, mériteraient une cartographie géomorphologique

détaillée. Les vallées des Dranses nous ont semblé particulièrement riches en

formations glaciaires, luvioglaciaires et glaciolacustres. Un travail de cartographie

et de sédimentologie viendrait combler un vaste lou sur l’origine et la mise en

place de ces dépôts. Enin, une cartographie plus générale de la composition des

tills et de l’origine des blocs erratiques à l’intérieur des vallées des Dranses reste

un travail à accomplir. Ces indications pourraient nous renseigner sur l’ampleur de

la difluence supposée du glacier du Rhône par le Pas de Morgins ainsi que sur le

comportement des glaciers locaux par rapport à ces lux exogènes.

Ce travail de cartographie est donc resté relativement restreint par rapport à

l’ensemble de notre région d’étude. Nous avons par exemple très peu exploré les

vallées de Morzine et du Brevon. Il nous a cependant permis de repérer un certain

nombre de morphologies glaciaires et de les prendre en compte dans l’inventaire

des géosites glaciaires. Nous avons ainsi constaté que les cirques étaient riches

en cordons morainiques, souvent bien conservés. Par exemple, les phases inales

des glaciers situés dans les vallons afluents à la vallée du Rhône présentent

des similitudes assez frappantes. Ces appareils semblent avoir été protégés par

de hautes parois rocheuses orientées grossièrement SW-NE et avoir connu des

stagnations prolongées qui se traduisent par la construction de très nets bastions

Fig. 4.8 : Localisation des cartographies géomorphologiques réalisées dans le cadre de ce

travail (zones colorées). Les sites associés à un numéro d’identiication (ID) sont intégrés

à l’inventaire des géosites glaciaires présenté au chapitre 5. Fond de carte : relief ombré

(Aster Gdem V2).

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morainiques (Novel, Savalène, Recon, Eusin, Antème, Soi). Cette situation est

particulièrement bien illustrée au vallon de Nant, par le glacier des Martinets.

Les observations que nous avons réalisées au niveau de cirques viennent compléter

les informations présentes dans la littérature. Le Chablais apparaît ainsi comme

une région où se côtoient des morphologies fossiles relativement anciennes

(antérieures au dernier cycle glaciaire) et des formes actives (glaciers actuels), avec

toute une série de formations intermédiaires. Elle est également caractérisée par la

variété de ses témoins glaciaires et associés (Tab. 3.3 chapitre 3 et Tab. 5.2 chapitre

5). Au niveau des cirques, les cordons morainiques, glaciers rocheux et protalus

ramparts dominent alors que les vallées sont riches en terrasses luvioglaciaires

ou luviatiles et en dépôts glaciolacustres. Le Bas-Chablais est caractérisé par ses

chenaux luvioglaciaires, associés aux complexes de terrasses de kame et cordons

morainiques du glacier du Rhône. La plaine du Rhône, quant à elle, rassemble des

formes luviatiles et gravitaires.

Les valeurs de la DLEG obtenues sur le site des Plagnes-Cubourré (voir plus haut,

4.2.4 Méthodes) constituent un premier pas vers une meilleure connaissance

des stades tardiglaciaires du massif du Chablais. L’application de cette méthode

nécessite une cartographie des formations glaciaires et périglaciaires détaillée qui

reste encore à établir pour la majeure partie du Chablais. Nous avons cependant pu

utiliser ces premiers résultats comme base d’estimation d’autres sites chablaisiens

dans le contexte de notre inventaire des géosites glaciaires (chapitre 5).

Enin, les cartes de stades réalisées pour l’exposition sur le patrimoine glaciaire

(cf. chapitre 6) s’appuient sur quatre lots d’observations  : 1) les travaux de S.

Coutterand (2010) (synthèse sur le glacier du Rhône)  ; 2) les travaux de Ph.

Schoeneich (1998a) (cartographie géomorphologique et reconstitution glaciaire

détaillée des vallées des Ormonts)  ; 3) l’étude de Wetter (1987) (prospection

dans les vallées des Avançons)  ; 4) ce travail (synthèse régionale, cartographie

géomorphologique, observation de terrain, datation cosmogénique). Une partie

de ces cartes sont présentées au chapitre 6 «  Exposition glaciaire  ». Nous les

utilisons également tout au long de ce travail, comme support, pour présenter

nos données.

En conclusion

Ce travail de cartographie et de reconstitution nous a permis de mieux cerner

les morphologies glaciaires dans les cirques et vallons d’altitude. En complément

des éléments mentionnés par la littérature (articles et cartes géologiques), cet

apport permet d’obtenir une vue d’ensemble des témoins glaciaires chablaisiens

(types et caractéristiques). Il nous a surtout convaincue de l’intérêt d’une véritable

exploration, en particulier, dans les vallées des Dranses. Un travail exclusivement

consacré au Quaternaire et limité à des zones plus restreintes reste donc a réaliser.

Cette partie de notre recherche nous a aidée à établir les bases d’une méthode

de sélection spéciique pour les géosites glaciaires chablaisiens. Nous avons

également pu intégrer un certain nombre d’éléments nouveaux dans l’inventaire

des géosites glaciaires, en particulier dans les sections «  morphogenèses  » de

l’inventaire. Enin, nous avons pu contribuer à l’établissement des cartes de stades

glaciaires préparées pour l’exposition itinérante sur le patrimoine glaciaire.

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