4. Quaternaire
4.1. Etat des connaissances sur le Quaternaire des Chablais
4.1.3. Méthodes de datation relative, numérique et absolue
La datation des matériaux permet d’attribuer des âges à certaines formations.
Les méthodes anciennes (
14C, dendrochronologie) permettent de dater la matière
organique alors que les méthodes plus récentes permettent de dater des minéraux
(thermoluminescence, isotopes cosmogéniques). On utilise également des
courbes de référence (isotopes stables des glaces groenlandaises ou des sédiments
lacustres, paléomagnétisme des sédiments lacustres) pour caler les observations
régionales sur des signaux climatiques globaux.
Les repères relatifs
L’approche morpho-stratigraphique : L’agencement des morphologies
glaciaires (et périglaciaires) dans l’espace et selon leur altitude est largement
utilisée dans les reconstitutions des luctuations glaciaires, en particulier pour les
Fig. 4.3 : Extrait de la carte géomorphologique du vallon de Nant. A. Carte
géomorpho-logique sur fond de carte. B. Carte géomorphogéomorpho-logique sur fond de carte MNT ombré.
C. Fond MNT ombré. Cartographie : G. Petremand, S. Martin et A. Perret. Fond de carte
Swisstopo.
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périodes du Tardiglaciaire et de l’Holocène (Maisch, 1982; Schoeneich, 1998a; Le
Roy, 2012; Scapozza, 2013). Cette méthode consiste à identiier puis à hiérarchiser
les marqueurs de position glaciaire ain de reconstituer les luctuations glaciaires.
Cette approche peut-être complétée par le calcul de la dépression de la ligne
d’équilibre glaciaire depuis le Petit Age Glaciaire, pour chacune des luctuations
reconstituées. On infère de la valeur ainsi obtenue la correspondance de la
position considérée à un stade glaciaire de référence pour la zone d’étude. Le
calcul de la DLEG peut se baser sur plusieurs formules, par exemple, celle qui
considère la surface glaciaire (Accumulation Area Ratio (AAR)) (Gross et al., 1976).
La géométrie glaciaire quand à elle est reconstituée sur la base de la position de
cordons morainiques frontaux, dans le meilleur des cas.
Cette méthode présente l’avantage d’être peu coûteuse et relativement facile
à utiliser. Elle connaît cependant plusieurs inconvénients. Par exemple, les
morphologies glaciaires doivent être reconnues avec certitude pour éviter de
reconstituer des glaciers qui n’ont jamais existé ou encore les limites attribuées aux
glaciers reconstitués sont toujours estimées sur la base de la topographie actuelle,
etc.
Les chronologies isotopiques marines, groenlandaises et lacustres : Depuis
les années 1970, la mesure du rapport entre les isotopes stables d’oxygène
16O et
18O permet de reconstituer les variations du volume des glaces continentales. Des
carottes de sédiments marins profonds ont livré des courbes isotopiques montrant
non pas quatre mais un minimum de 12 glaciations quaternaires (Prell et al., 1986).
Plus récemment, l’analyse des isotopes d’oxygène a été appliquée aux glaces de
la calotte groenlandaise, très stables, qui donnent une résolution à l’année ou à
la décennie. Depuis, la notation des périodes glaciaires et interglaciaires se fait
de plus en plus en référence aux stades isotopiques (SIO) et moins aux quatre
glaciations déinies par Penck et Brückner (1909). Dans ce système, les périodes
froides obtiennent des nombres pairs et les périodes chaudes des nombres impairs.
Certains stades sont divisés en luctuations secondaires.
Les mêmes isotopes ont été mesurés dans les sédiments lacustres. L’intérêt de cette
méthode est la très bonne concordance obtenue entre ces trois environnements
(mer, calotte, lac), ce qui permet d’interpréter les courbes isotopiques comme des
signaux valables pour l’ensemble du globe.
La téphrochronologie : Les éruptions volcaniques qui provoquent la formation
de grandes quantités de cendres peuvent être repérées sur de très grandes
distances. La signature chimique des chaque volcan est identiiable. Les éruptions
importantes sont donc enregistrées dans certains sédiments lacustres et palustres.
Un indicateur européen bien repérable est l’éruption du Laacher See (Allemagne)
qui s’est produite vers 11’000 BP. La découverte de ce niveau de cendres permet de
ixer un âge repère dans une série sédimentaire (Vial, 1976; Schoeneich, 1998a).
Les chronologies palynologiques : Les palynologues reconstituent les
paléoenvironnements climatiques grâce aux assemblages de pollens fossiles
contenus dans les sédiments. Outre les proils polliniques qui peuvent être
utilisés pour corréler des séries sédimentaires, des biozones ont été déinies en
ce qui concerne l’évolution du climat au Tardiglaciaire (Welten, 1982; Ammann
& Lotter, 1989). Cette nomenclature est également utilisée dans les travaux de
reconstitution des stades glaciaires (Blavoux & Brun, 1966; Guiter, 2003).
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-Géopatrimoines des trois Chablais
Le paléomagnétisme : Certains types de sédiments enregistrent, au moment
de leur dépôt, la position du nord magnétique. Ce dernier variant dans le temps
en intensité et en inclinaison, des courbes de référence ont pu être reconstituées
sur certaines séquences lacustres. Elles offrent des possibilités de corrélation et de
datation (Schoeneich, 1998a).
Les repères numériques
Le carbone 14 : Cette méthode permet de mesurer l’âge des matériaux organiques
grâce à la désintégration du
14C qui suit la mort de l’organisme. Elle est pratiquée
depuis les années 1960 et largement utilisée pour dater les interglaciaires
et interstadiaires alpins (par ex. Blavoux, 1965; Arn, 1984; Triganon, 2002).
Plusieurs modiications y ont été apportées au fur et à mesure du développement
d’autres méthodes de datation, comme la dendrochronologie. Les âges bruts
sont maintenant calibrés (Stuiver & van der Plicht, 1998) pour approcher plus
précisément des âges calendaires mais certaines périodes sont encore afligées
d’une marge d’erreur importante (par exemple la période comprise entre 10’500
et 8’000 BP). Une meilleure technologie à rendu possible des mesures sur de très
petites quantités de matière organique (Accelerator Mass Spectrometry AMS).
Certains matériaux et environnements sont considérés comme pouvant induire
un biais dans la mesure comme le collagène que l’on retrouve dans les os fossiles
(Schoeneich, 1998b) et les milieux riches en carbonates (effet d’eau dure). Il
faut également prêter attention au fait que les âges sont indiqués en années BP
(before present), le « présent » étant ixé par convention à 1950. Finalement, cette
méthode ne permet pas de remonter au-delà de 40’000 BP.
Les isotopes cosmogéniques (Surface Exposure Dating (SED)): Cette méthode
plus récente (Gosse & Phillips, 2001) propose de dater la décroissance des isotopes
cosmogéniques contenus dans certains minéraux comme le quartz. Le signal
émis permet de dater l’âge d’exposition de la roche au rayonnement cosmique.
Elle se pratique sur des parois rocheuses, des blocs ou des sables. De nombreux
paramètres sont pris en compte dans les calculs de datation et la méthode
d’échantillonnage est déterminante pour l’obtention d’une valeur cohérente.
Relativement dificile à mettre en œuvre, c’est l’une des seules méthodes, avec
l’OSL (Optically Stimulated Luminescence), qui permette de dater des matières
minérales, ce qui est extrêmement intéressant pour l’étude du Quaternaire. Les
valeurs obtenues doivent être interprétées en fonction de l’exposition héritée et
du taux d’érosion (facteurs estimés) en âges minimaux ou maximaux, selon les cas.
Des blocs erratiques (Ivy-Ochs, 1996) et des surfaces d’érosion (Delunel, 2010) ont
été datés grâce aux isotopes cosmogéniques.
La luminescence stimulée optiquement (Optically Stimulated Luminescence
(OSL)) : Cette méthode est dérivée de la thermoluminescence, utilisée dès les années
1950 et a été développée pour être appliquée aux sédiments (cf. Mercier, 2008).
Elle consiste à mesurer l’énergie emmagasinée par le sédiment depuis sa dernière
exposition à la lumière du soleil. Cette méthode s’applique particulièrement bien
aux lœss, mais peut être utilisée pour dater des terrasses luvioglaciaires (Preusser,
2004).
Les repères absolus
La dendrochronologie : le comptage des cernes d’arbres offre la possibilité de
déterminer l’année, voire la saison de la mort de l’arbre étudié. Cette méthode
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nécessite l’établissement d’une courbe de référence pour l’essence et la région
prospectée. Tout évènement qui implique une modiication de la croissance de
l’arbre est potentiellement datable (glissement de terrain, poussée glaciaire).
4.1.4. Le glacier du Rhône et ses relations avec les appareils secondaires
Dans le document
Géopatrimoine des trois Chablais : identification et valorisation des témoins glaciaires
(Page 104-107)