5. Inventaire des géosites glaciaires
5.4. La méthode « UNIL » en évolution
La méthode d’inventaire des géomorphosites développée à l’Université de
Lausanne a été déjà maintes fois décrite et utilisée (Reynard, 2006; Kozlik, 2006;
Reynard et al., 2007; Duhem, 2008; Genoud, 2008; Pagano, 2008; Perret, 2008;
Maillard, 2009; Grangier, 2013). Nous allons rappeler ici les grandes lignes de
cette méthode et de son évolution récente (Grangier, 2013). Pour plus de détails,
nous renvoyons le lecteur à l’article méthodologique de Reynard et al. (2007).
Nous exposerons ensuite les adaptations que nous avons testées dans le cadre de
l’IGGC. Il s’agit principalement du développement des critères de gestion (usage
et protection).
5.4.1. Structure de la méthode de base
La méthode d’inventaire des géomorphosites de l’UNIL prévoit une iche d’inventaire
type qui sert de canevas pour le recensement et l’évaluation des géomorphosites
(Reynard, 2006). Cette iche est prévue pour être utilisée complètement ou
partiellement selon les objectifs de l’inventaire et de l’évaluation. Les rubriques et
critères utilisés se basent sur les travaux de Grandgirard (1999), Reynard (2004b),
Coratza et Giusti (2005), Reynard et Panizza (2005), Pralong (2005) et Pralong et
Reynard (2005). Cette iche d’inventaire a été testée par plusieurs étudiants de
Master (Kozlik, 2006; Duhem, 2008; Genoud, 2008; Pagano, 2008; Perret, 2008;
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Maillard, 2009) ainsi que dans la thèse de Pralong (2006). Elle a également été
reprise en dehors de l’Université de Lausanne, au Québec (Masse et al., 2011) et
pour l’inventaire des géopatrimoines du Chablais (SIAC, n.d.), entre autre. Cette
iche est particulièrement détaillée, de façon à guider précisément l’auteur de
l’inventaire, notamment en ce qui concerne les valeurs prises en compte et les
critères utilisés pour évaluer ces valeurs. Elle reste cependant sufisamment simple
(limitation du nombre de critères, absence de pondération) pour être utilisée dans
différents contextes et adaptée.
Cette méthode met l’accent sur la valeur scientiique des géomorphosites ainsi
que sur leurs valeurs additionnelles (Reynard et al., 2007). Elle incite à prendre en
compte la valeur éducative, mais de manière qualitative uniquement. Les aspects
de protection du site sont également évalués de façon qualitative. Suivant les
indications de Grandgirard (1999), un grand soin est porté à la non redondance
des critères dans l’évaluation, de façon à bien gérer le poids attribué à chacun des
critères et à ne pas induire de biais dans l’évaluation. Plusieurs autres principes
guident cette méthode. Ils ne sont pas nécessairement explicités, mais apparaissent
au travers des critères pris en compte. Par exemple, la méthode considère une
valeur scientiique hors de toute connaissance scientiique du site. C’est-à-dire que
l’évaluation de cette valeur n’inclut pas de critère de « connaissance scientiique »
ni qualitatif (publication, nationale, internationale, etc.) ni quantitatif (nombre
d’articles publiés). Un site qui ne serait pas encore étudié pourrait ainsi prétendre
à une haute valeur scientiique, en fonction des critères d’intégrité, de rareté,
d’exemplarité et de sa valeur paléogéographique. Cette manière d’envisager la
valeur scientiique se retrouve dans les méthodes de Serrano et Gonzalez-Trueba
(2005) et de Zouros (2007). En revanche, certains auteurs incluent la connaissance
scientiique dans la valeur scientiique (Bruschi & Cendrero, 2005; Coratza &
Giusti, 2005; Pereira et al., 2007).
Si l’on considère de plus près les critères qui servent à évaluer cette valeur scientiique
(intégrité, rareté, représentativité, valeur paléogéographique), on observe
qu’aucun d’entre eux ne renvoie directement à une utilisation anthropique. Nous
irions même jusqu’à dire que cette déinition implicite (déduite par ses critères)
rapproche considérablement cette valeur scientiique de la valeur intrinsèque
déinie par Sharples (2002) (cf. 5.1.3 Les valeurs attribuées aux géosites),
c’est-à-dire, une valeur qui s’exprime en dehors de toute interaction anthropique
6.
Autre point important, l’évaluation ne donne aucune importance à la taille du
site, à son âge ou au nombre de processus ou de formes qu’il contient, du moins
sous la forme de critères explicitement pris en compte. Ce type de critères est jugé
grossier et fortement dépendant d’un contexte culturel par Sharples (1993, 2002),
qui préconise de ne pas y attribuer trop de poids. Pour Grandgirard (1999), ces
critères sont à envisager comme non discriminants. Nous pensons également que
si ce genre de considération peut intervenir au niveau de la sélection des sites, en
fonction de la thématique d’un inventaire par exemple (cf. 5.3 Une méthode de
sélection des géosites), il est plus délicat de le justiier dans un cadre global de
6 Plusieurs chercheurs se sont opposés au fait d’attribuer une valeur intrinsèque (au
sens de Sharples) à des objets inanimés, dénués de conscience. Ce débat s’inscrit en réalité
dans une problématique plus large de la place de l’Homme dans la Nature (cf. par exemple
Nash, 1989).
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-Géopatrimoines des trois Chablais
protection. Par exemple, une roche peut être particulièrement ancienne mais très
abondante, un site très étendu, mais d’une faible géodiversité, etc.
Enin, du point de vue des aspects contextuels de ce type d’inventaire, il faut
préciser qu’il s’utilise généralement dans un environnement régional, à l’échelle
d’une vallée, d’un PNR ou d’un canton. Le nombre de géomorphosites évalués
oscille entre 20 et 40. La plupart des inventaires réalisés à l’UNIL présentaient un
aspect particulier : inventaire thématique, inventaire pour la valorisation, inventaire
intégrant des cavités, inventaire pour le développement du géotourisme, etc.
La structure de la méthode de 2006 se présente comme suit :
A. Documentation
1. Données générales (code, nom, toponyme, coordonnées, altitude min. et
max., type, taille, propriété, extrait de carte avec périmètre, photo, schéma)
2. Description et morphogenèse
B. Evaluation
3. Valeur scientiique
4. Valeurs additionnelles (écologique, esthétique, culturelle, économique)
C. Gestion
5. Synthèse (valeur globale, valeur éducative, atteintes actuelles et potentielles,
mesures de gestion (protection et valorisation))
6. Références (bibliographie et auteur)
A partir de 2011 est apparue la nécessité de faire évoluer cette méthode, de
façon à intégrer les remarques formulées par les étudiants de Master dans leur
mémoire mais également dans le but de compléter le volet « gestion » de la iche,
resté assez vague. Deux travaux ont donc été initiés ain d’explorer les évolutions
possibles et de les tester : le mémoire de master de Lucien Grangier (2013) et cette
thèse. Deux autres mémoires de Master sont en cours de réalisation (Buchmann,
2014; Bussard, 2014).
5.4.2. Adaptation de la méthode au « terrain »
Nous présentons ici la méthode de l’UNIL que nous avons utilisée pour l’IGGC,
c’est-à-dire, avec les adaptations et développements que nous avons jugés utiles
ou intéressants d’y apporter. Ces adaptations prennent parfois un caractère
exploratoire. Elles nous permettent de mettre à l’épreuve la classiication des
valeurs proposées et d’en interroger la signiication. Nous préciserons au fur et
à mesure les changements d’avec la méthode de base (2006). Les rubriques et
critères qui sont restés inchangés ne sont pas détaillés ici. Les iches détaillées de
chaque géosite glaciaire sont consultables en annexe 4.
Le nouveau canevas de cette méthode se présente comme suit :
A. Documentation
1. Données générales (nom, ID, code, toponyme, forme, processus principal et
secondaire, pays, coordonnées, communes, altitude min. et max., supericie,
statut foncier, statut de protection, occupation du sol, inventaire, stade
glaciaire, période, âge, photo, extrait de carte avec périmètre, schéma) ;
2. Description, protection / inventaire, morphogenèse ;
3. Références (bibliographie).
B. Evaluation
Dans le document
Géopatrimoine des trois Chablais : identification et valorisation des témoins glaciaires
(Page 198-200)