4. Quaternaire
4.3. Datation du retrait glaciaire
4.3.2. La datation du LLGM et du stade de Genève
Méthodologie
La première stratégie de datation se concentre sur les blocs erratiques cristallins
présents dans le Chablais (Fig. 4.9). Les matériaux cristallins disséminés sur le
territoire proviennent du massif du Mont Blanc et du Valais. Ils sont donc des
marqueurs des extensions du glacier du Rhône
4. Ce dernier a produit les lux de
glace principaux dans cette région. Il a très certainement occupé une partie du
massif intérieur (massif du Chablais, Haute-Savoie) grâce à une difluence par
le Pas de Morgins (Burri, 1963; Plancherel, 1998), ce qui explique, en partie, la
présence de certains blocs de granite ou de gneiss dans les vallées des Dranses
(Fig. 4.6). Deux périodes d’extension sont ciblées par les datations : le dernier
maximum glaciaire (LLGM : last local glacial maximum) et un stade dont le front
est situé en ville de Genève (stade de Genève) (Fig. 4.10).
Les blocs cristallins et en particulier les granites ont subi une exploitation
intense dès le 19
esiècle. Il ne reste donc aujourd’hui qu’un nombre restreint
de ces marqueurs sur le territoire. Pour les trouver, il est nécessaire d’effectuer
des recherches sur le terrain, parfois à l’aveugle puisque les blocs erratiques
ne igurent pas systématiquement sur les cartes géologiques. Ces dernières
peuvent également être assez imprécises quant à la répartition des différents
tills (till local versus till rhodanien, par exemple sur la carte Monthey (Badoux &
Chessex, 1960)). Les entretiens avec les habitants ont donné de bons résultats.
Nous avons ainsi découvert des blocs souvent hauts en altitude et non répertoriés
(bloc du Sciard CHA 02). Les blocs prélevés ont été choisis en fonction de leur
taille ain de minimiser le risque qu’ils aient été déplacés par des processus
naturels ou anthropiques. Les blocs les plus volumineux sont considérés comme
stables. L’altitude a été déterminante pour s’assurer que la datation donnerait
4 Nous continuons à parler du « glacier du Rhône » dans ce manuscrit, par souci de
cohérence avec les parties précédentes bien que Bini et al. (2009) aient proposé une nouvelle
appellation de « glacier du Valais » que nous estimons être plus adéquate par rapport à la
zone d’alimentation et à l’extension de ce glacier.
- 110 - Quaternaire
une information proche du dernier maximum ou du stade de Genève. Ainsi, tous
les blocs du bord du Léman ont été écartés. Finalement, le choix s’est porté sur
sept blocs erratiques cristallins, de granite du Mont Blanc pour une moitié et de
gneiss pour l’autre. Malheureusement, il n’a été possible de prélever deux blocs
sur une même morphologie que sur un site et nous verrons que cet essai a été
infructueux (CHA 041 et CHA 042). Pour les autres sites, un seul bloc remplissait
les conditions de prélèvement (taille supérieure à 1 m, environnement stable,
position susceptible d’avoir été exposée au rayonnement cosmogénique dès le
dépôt, absence de marque visible d’exploitation, etc.).
Méthode de prélèvement
Les sept échantillons ont été prélevés en deux séances d’une journée, la première
avec l’aide de Gilles Broccard et de S. Coutterand (28.10.2010 / CHA 011a, CHA
011b, CHA 02, CHA 03), la seconde avec l’aide de S. Coutterand (03.11.2010
/ CHA 041, CHA 042, CHA 05 + ROC 01). Les précautions d’usage ont été
respectées : prélèvement sur le sommet des blocs, d’une épaisseur maximum
de 5 cm, sur une surface homogène et si possible, plane. Les outils utilisés sont
une massette et deux burins. Les relevés d’écrantage ont été effectués avec des
instruments Suunto® (boussole et clinomètre). Un bloc a été prélevé en deux
endroits pour vériication (CHA011 a et b), une fois sur le sommet et une fois
sur la tranche. Cette précaution a été conseillée par G. Broccard, au vu de la
coniguration « en amas » des blocs présents sur cet alpage et potentiellement
déplacés pour les plus petits ou exploités pour les plus volumineux.
Fig. 4.9 : Cartes de situation des blocs erratiques prélevés pour la première série de
data-tions. Fond de carte : relief ombré (Aster Gdem V2).
111
111
-Géopatrimoines des trois Chablais
Extraction du
10Be
Le traitement mécanique puis chimique des échantillons a été effectué selon une
méthodologie élaborée par S. Ivy-Ochs. Le broyage et le tamisage pour réduction
en fraction ine (200-500 µm) ont été réalisés au laboratoire EDYTEM avec un
concasseur à mâchoires et deux tamis manuels. La dissolution de l’échantillon pour
récupération du quartz (Kohl & Nishiizumi, 1992) a été préparée au laboratoire
Fig. 4.10 : Extraits de carte du dernier maximum glaciaire (A) et du stade de Genève (B).
Les résultats de la première série de datation y on été représentés. Modiié d’après S.
Coutterand.
- 112 - Quaternaire
d’Ion Beam Physics (ETH Zürich) par S. Ivy-Ochs et Michael Rüttimann. Enin, le
traitement chimique pour l’extraction du béryllium a été réalisé au laboratoire
d’Ion Beam Physics, sous la direction deS. Ivy-Ochs, avec l’aide de M. Rüttimann
(Ochs & Ivy-Ochs, 1997).
Mesure et calcul des âges d’exposition
La mesure de la quantité de Béryllium 10 a été effectuée sur l’accélérateur de masse
Tamdem de l’ETHZ. L’erreur analytique est comprise entre 6.94 et 4.02%. Les âges
d’exposition ont été calculés grâce au calculateur en ligne CRONUS-Earth v2.2.
(Balco et al., 2008). Le taux de production des isotopes utilisé est celui proposé par
Balco et al. (2009) pour l’Amérique du Nord (NE North America calibration (3.88
± 0.19 at./g/yr)), qui est le taux actuellement employé pour les Alpes suisses par
l’équipe de S. Ivy-Ochs. L’amélioration des taux de production locaux est un axe de
recherche en développement. Les âges présentés pourraient donc encore évoluer
(faiblement) en fonction des avancées de cette recherche.
Les valeurs proposées pour les âges d’exposition ne tiennent pas compte de la
couverture neigeuse ni d’un éventuel couvert forestier. Le taux d’érosion retenu
est de 3 mm/ka ce qui est considéré comme une valeur minimale pour les roches
cristallines sous nos latitudes (Ivy-Ochs et al., 2004). Les âges obtenus sont donc à
considérer comme des âges minimaux.
Résultats
Le tableau ci-dessous (Tab. 4.2) présente les concentrations mesurées par AMS et
les âges d’exposition sans et avec un taux d’érosion de 3 mm/ka.
Nom de l’échan- tillon Alt. (m) Hauteur du bloc (cm) Epaisseur du pr
élè-vement (cm) Facteur d’écrantage 10
4
atomes/g
Err
eur %
Age d’exposition (ka) (ér
osion nulle)
Age d’exposition (ka) (ér
osion : 3
mm/ka)
CHA011a 1251 1.17 3 0.999 5.18 ± 0.2 5.31 4.6 ± 0.3 4.6 ± 0.3
CHA011b 1251 0.75 3 0.499 11.52 ± 0.6 5.28 19.9 ± 1.4 20.9 ± 1.5
CHA02 1357 1.1 4 0.976 25.29 ± 1.7 6.94 21.5 ± 1.8 22.6 ± 2
CHA03 1520 2.6 4 0.991 20.76 ± 0.9 4.52 15.2 ± 1 15.8 ± 1
CHA05 691 3 3 0.998 16.17 ± 0.6 4.02 23 ± 1.4 24.3 ± 1.6
ROC01 454 2.5 4 0.999 9.02 ± 0.6 6.81 16 ± 1.3 16.2 ± 1.4
Tab. 4.2 : Concentrations en
10Be et âges d’exposition calculés sans et avec un taux d’érosion
113
113
-Géopatrimoines des trois Chablais
CHA 011 - Ensemble de blocs de l’alpage des Sœurs – 1251 m
Lieu: Alpage des Sœurs, Reveroz, Haute-Savoie
Date du prélèvement: 28.10.2010
Nom du bloc: CHA 011 (CHA011a : sommet + CHA011b : côté)
Altitude (m): 1251
Lithologie : Granite du Mont Blanc
Coordonnées : (WGS 84 UTM 32 N) 32 T 310796 5133132 / 46.3253 6.5421
Situation : Sur la crête du Mt d’Hermone (extrémité NE) dans une petite dépression
de la ligne de crête. Géologie du Mt d’Hermone : calcaire siliceux du Lias
moyen recouvert de moraine à éléments cristallins et préalpins (brèche,
calcaire) jusqu’à ~1260 m. De nombreux petits (moins d’1m
3) blocs
cristallins et calcaires parsèment le pâturage.
Description du bloc : Ensemble de quatre blocs de taille moyenne, dont certains ont peut-être
été déplacés par l’homme. Granite du Mont Blanc porphyrique (quartz,
biotite, feldspaths).
Chronologie
suppo-sée :
Position de retrait du dernier maximum local hors cuvette lémanique
(l’altitude des blocs semble un peu faible pour correspondre au dernier
niveau maximum).
Observations : Les blocs sont petits. Il n’est pas certain qu’ils n’aient pas été pris dans la
masse morainique avant d’émerger étant donné leur situation dans une
faible cuvette.
Prélèvement : Granite à gros cristaux (orthose: 3-4 cm; quartz: 1-1.5 cm). Lithologie
homogène sur l’ensemble du bloc, riche en quartz. Roche humide.
Epais-seur : 3 cm max. Facteur d’écrantage : CHA011a : 0.999 / CHA011b :
0.499.
Résultat CHA011a : 4’668 ± 340
10Be = 5’000 – 4’300 (taux d’érosion : 3mm/ka)
Résultat CHA011b : 20’869 ± 1584
10Be = 22’500 – 19’300 (taux d’érosion : 3mm/ka)
Tab. 4.3 : Caractéristiques et résultats du bloc CHA 011.
Fig. 4.11 : Situation de l’amas de blocs de l’alpage des Sœurs (CHA 011) et des
prélève-ments CH 011a et b (vue depuis le SW). Photo : A. Perret.
- 114 - Quaternaire
CHA 02 – Bloc de l’alpage du Sciard (Buchille) – 1357 m
Lieu: Alpage du Sciard, Buchille, Vailly
Date du prélèvement: 28.10.2010
Nom du bloc: CHA 02
Altitude (m): 1357
Lithologie : Granite du Mont Blanc
Coordonnées : (WGS 84 UTM 32 N) 32 T 312419 5127626 / 46.2763 6.5653
Situation : Sur la rive droite du Brevon, à la hauteur des Plagnes, dans une
forte pente. La carte géologique indique à proximité une ine bande
de placage morainique partant du fond de la vallée jusqu’à 1350
m d’altitude. Le pâturage est parsemé de blocs cristallins de petite
taille. La roche en place est afleurante, au-dessus de la route, en
contrebas du bloc CHA 02.
Description du bloc : Granite avec biotite en saillie.
Chronologie supposée : Etant donné son altitude élevée, ce bloc peut avoir été déposé au
dernier maximum hors cuvette lémanique.
Observations : Le bloc est situé dans une combe holocène. Un glissement de
versant forme une légère combe concave. Il a pu perdre de l’altitude
depuis son dépôt.
Prélèvement : Granite et biotite en saillie. Epaisseur : 4 cm max. Facteur
d’écran-tage : 0.976
Résultat CHA02 : 22’652 ± 2041
10Be = 24’700 - 20’600 (taux d’érosion : 3mm/ka)
Tab. 4.4 : Caractéristiques et résultats du bloc de l’alpage du Sciard (CHA 02).
Fig. 4.12 : Situation du bloc de l’alpage du Sciard (CHA 02) sur la carte topographique et
sur la carte géologique. Modiié d’après Badoux (1965a). Situation du prélèvement (vue
depuis le Nord). Photo : A. Perret.
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-Géopatrimoines des trois Chablais
CHA 03 – Bloc du Champsot – 1520 m
Lieu: Le Champsot, Morgins, Pointe de Bellevue
Date du prélèvement: 28.10.2010
Nom du bloc: CHA 03
Altitude (m): 1520
Lithologie : Granite du Mont Blanc
Coordonnées : (WGS 84 UTM 32 N) 32 T 337963 5123248 / 46.2432 6.8981
Situation : Sur la rive gauche du Val de Morgins, sous la pointe de Bellevue. Le bloc
est entouré, dans un rayon de 2 m de petits blocs de lithologie identique.
Il est situé dans une pente en mouvement. Bien qu’indiquée en moraine
locale par la carte géologique, la zone est visiblement tapissée de
mo-raine à éléments cristallins, jusqu’à l’altitude de 1750 m.
Description du bloc : La foliation du bloc est bien visible, parallèle à la pente. Elle a favorisé
la pénétration de l’eau atmosphérique et accentué la dégradation du
granite. Les petits blocs alentours de même lithologie proviennent
certai-nement de ce gros bloc.
Chronologie supposée : A cette altitude, le bloc a dû être déposé lors du retrait d’une langue
difluente du glacier du Rhône (donc un peu avant le retrait du glacier
principal) après son extension maximale hors cuvette lémanique.
Observations : Le bloc est situé dans une zone actuellement en glissement. Il porte une
plaque gravée à la mémoire d’Ephrem et Denise Guérin-Raboud.
Prélèvement : Roche altérée en surface, le prélèvement s’est fait sur une zone de roche
dense. Epaisseur : 4 cm max. Facteur d’écrantage : 0.991
Résultat CHA03 : 15’788 ± 1038
10Be = 16’800 – 14’800 (taux d’érosion : 3mm/ka)
Tab. 4.5 : Caractéristiques et résultats du bloc du Champsot (CHA 03).
Fig. 4.13 : Situation du bloc du Champsot (CHA 03) sur la carte topographique et la carte
géologique. Modiié d’après Gagnebin et al. (1934). Situation du prélèvement (vue depuis
l’Ouest). Photo : A. Perret.
- 116 - Quaternaire
CHA 041 + 042 – Pierre du Diable – 605 m
Lieu: Allinges, Pierre du Diable ou pierre à Passet
Date du prélèvement: 03.11.2010
Nom du bloc: CHA 041 – CHA 042
Altitude (m): 605
Lithologie : Orthogneiss (rive gauche du Rhône valaisan, zone de Siviez-Mischabel)
Coordonnées : (WGS 84 UTM 32 N) 32 T 306355 5133417 - 32 T 306263 5133413
Situation : CHA 041: terrasses supérieures de Thonon, sur une vaste étendue plane,
à proximité d’un cordon morainique peu élevé, mais assez long. La carte
géologique indique de la moraine directement sous le bloc.
CHA 042: à 100 m à l’ouest de CHA 041, sur le tracé du cordon
sus-mentionné. Le sol aux alentours des deux blocs est jonché d’éléments
cristallins.
Description du bloc : CHA 041 : gros bloc (~60 m
3) en partie enfoui dans le till.
CHA 042 : gros bloc (~20 m
3) de même lithologie que CHA 042. Bloc
très ruiniforme.
Chronologie supposée : Période de retrait du stade de Genève (situation au niveau des terrasses
supérieures de Thonon, chenal de Draillant à proximité).
Observations : CHA 041 est utilisé pour l’escalade. Quelques spits ont été plantés au
sommet. Pas de trace d’exploitation. Cupules anthropiques peu visibles
et peu profondes au sommet. Le bloc a très peu de chance d’avoir été
pris dans la masse morainique lors du dépôt, il est de bonne taille et
situé sur une étendue très plane.
Prélèvement : CHA 042 : pente 25°. Epaisseur 4 cm max.
Résultat CHA 041 ø l’échantillon ne contenait pas de quartz
Résultat CHA 042 ø l’échantillon ne contenait pas de quartz
Tab. 4.6 : Caractéristiques et résultats de la Pierre du Diable et du bloc voisin (CHA 04, CHA
042).
Fig. 4.14 : Situation de la Pierre du Diable et du bloc voisin (CHA 041, CHA 042). Vue des
deux blocs depuis l’Ouest (CHA 041) et depuis le Nord (CHA 042). Photo : A. Pica
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-Géopatrimoines des trois Chablais
CHA 05 – Pierre à Martin – 691 m
Lieu: Mont de Boisy, Ballaison, pierre à Martin
Date du prélèvement: 03.11.2010
Nom du bloc: CHA 05
Altitude (m): 691
Lithologie : Gneiss
Coordonnées : (WGS 84 UTM 32 N) 32 T 295265 5131073
Situation : Sur le lanc SW du Mont Boisy, sur une faible pente, dans un champ.
Repose sur une faible couverture morainique à éléments cristallins et
préalpins (calcaire du Lias, molasse). Le bloc semble isolé.
Description du bloc : Gros bloc (~100 m
3) de gneiss (biotite, orthose, quartz). Provient de la
rive gauche du Rhône valaisan, région de Nendaz.
Chronologie supposée : Stade de Genève.
Observations : Le bloc igure à l’inventaire des monuments naturels. Il est utilisé pour
l’escalade. Aucune trace d’exploitation visible. Des cupules anthropiques
sont mentionnées au sommet (inventaire), mais elles sont peu marquées.
Le bloc a très peu de chance d’avoir été pris dans la masse morainique
lors de son dépôt. Il est de bonne taille, est situé dans une faible pente
et repose sur une faible couverture morainique de type argile à blocaux.
Malheureusement, ce bloc n’est pas situé sur une morphologie
mar-quant un stationnement glaciaire (cordon, terrasse).
Prélèvement : Sur l’arête sommitale. Epaisseur : 3 cm max. La roche présente de belles
veines de quartz. La surface n’est pas altérée.
Résultat CHA 05 24’343 ± 1639
10Be = 26’000 – 22’700 (taux d’érosion : 3 mm/ka)
Tab. 4.7 : Caractéristiques et résultats de la Pierre à Martin (CHA 05).
Fig. 4.15 : Situation de la Pierre à Martin (CHA 05). Situation du prélèvement (vue depuis le
Nord). Photo : A. Berger.
- 118 - Quaternaire
ROC 01 – Pierre aux serpents – 454 m
Lieu: Vallée de l'Arve, Aranthon
Date du prélèvement: 03.11.2010
Nom du bloc: ROC 01
Altitude (m): 454
Lithologie : Granite du Mont Blanc
Coordonnées : (WGS 84 UTM 32 N) 32 T 293742 5108489 / 46.09882 6.33149
Situation : En rive gauche de la vallée de l’Arve, environ 20 km avant la jonction de
l’Arve avec le Rhône. Le bloc est déposé sur une terrasse luvioglaciaire.
Le sol est très plan sur plusieurs centaines de mètres. Le bloc semble
isolé, on ne remarque pas de blocs plus petits et de même lithologie à
proximité.
Description du bloc : Gros bloc pyramidal de 2.5 m de haut pour 9-7-6 m de côté. Il semble
à moitié enfoui dans la terrasse. Il est fendu à l’est mais n’est pas
ruini-forme. L’érosion semble l’avoir attaqué de façon régulière.
Chronologie supposée : Pourrait être contemporain du stade des Rocailles du glacier de l’Arve.
Observations : On se demande pour quelle raison ce bloc a été épargné par les
graniteurs. Nous n’avons pas d’information sur l’appellation. Le bloc
se trouve actuellement dans une forêt privée, ce qui pourrait expliquer
qu’il ait été conservé. Le bloc est en position stratigraphique claire : à la
surface d’une terrasse glaciolacustre.
Prélèvement : Sur l’arête sommitale. Epaisseur : 4 cm max. Facteur d’écrantage :
0.999
Résultat ROC 01 : 16’201 ± 1416
10Be = 17’600 – 14’800 (taux d’érosion : 3mm/ka)
Tab. 4.8 : Caractéristiques et résultats de la Pierre aux serpents (ROC 1).
Fig. 4.16 : Situation de la Pierre aux serpents (ROC 01) sur carte topographique et carte
géologique. Modiié d’après Kerrien (1998). Situation du prélèvement (vue depuis le SW).
Photo : A. Perret.
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-Géopatrimoines des trois Chablais
Discussion
Le bloc CHA 011, prélèvements a et b
L’amas de blocs cristallins de l’alpage des Sœurs n’est pas situé sur une morphologie
glaciaire distincte mais sur le replat - et même une légère cuvette – de la crête
structurale du Mt d’Hermone (Fig. 4.11). Il repose sur une faible épaisseur de till
rhodanien, sus-jacent à la roche en place. Cette position, associée à une altitude
légèrement plus faible que celle admise pour le LLGM (Fig. 4.10 : 1320 - 1251 =
79 m) situe a priori le dépôt de ces blocs durant le retrait du dernier maximum
hors cuvette lémanique.
La coniguration en amas indiquait une exploitation possible du bloc CHA 011
(récupération du granite pour la construction) et/ou à un déplacement probable
par l’homme des blocs les plus petits (manœuvre d’épierrement du pâturage). Deux
échantillons ont été prélevés, l’un sur le sommet du bloc, l’autre sur la tranche (Fig.
4.11). Les résultats obtenus (Tab. 4.3) indiquent que le sommet du bloc est exposé
depuis environ 4’700 ± 340
10Be BP (CHA 011a), ce qui correspond à la in du
Néolithique, voire, au début de l’Age du Bronze ancien. Le sommet du bloc CHA
011 pourrait donc être une surface rajeunie. L’échantillon pris sur le côté du bloc
indique quant à lui, une exposition d’environ 20’900 ± 1584
10Be BP (CHA 011b),
ce qui correspond aux âges cosmogéniques considérés comme correspondant au
LGGM sur les lancs du Jura ainsi que sur le plateau suisse (Ivy-Ochs et al., 2004,
2009). Cette chronologie est par contre en contradiction avec les âges
14C obtenus
dans les environs d’Evian (Guiter et al., 2005; Triganon et al., 2005) (voir plus loin :
« Région d’Evian : plateau Gavot »).
Nous proposons de considérer que le bloc CHA 011 a été en partie exploité. Le
sommet présente donc une surface sensiblement rajeunie alors que le côté du bloc
indique un âge plus proche de son dépôt au cours du retrait du LLGM.
Le boc CHA 02
Le bloc CHA 02 est situé sur une pente couverte d’une ine couche de till à
éléments cristallins. Le till semble donc plus étendu que ce qui est indiqué sur
la carte géologique (Badoux, 1965a) (Fig. 4.12). Son dépôt ne marque pas un
stationnement du glacier mais a dû survenir dans une phase de décrue. Son
altitude est équivalente à celle du niveau de glace admis pour le dernier maximum
(LLGM) à cet endroit (Fig. 4.10 : entre 1350 et 1400 m). La pente sur laquelle il
repose est parsemée d’autres blocs cristallins dont certains sont situés plus haut
en altitude, d’une vingtaine de mètres. Il est possible que le dépôt de ce bloc et
des autres matériaux cristallins ait eu lieu dans les premières phases de retrait du
dernier maximum glaciaire (LLGM).
Etant donnée sa position, il est peu probable que le dépôt cristallin de la Buchille
provienne de la langue principale du glacier du Rhône. La glace arrivant au débouché
des Dranses devait être trop importante pour laisser accès en rive gauche, aux lux
en provenance du Valais. Il s’agit plus probablement d’une langue difluant par le
Pas de Morgins, puis par le col du Corbier, dont l’altitude serait nécessairement
plus élevée que le niveau de glace à hauteur du Léman (1320 m environ), la langue
difluente fonctionnant comme un glacier de vallée. Si l’on considère un niveau de
glace à 1700 m au niveau du Pas de Morgins et un niveau de glace à 1400 m au
niveau de l’Alpage de la Buchille, la pente générale de cette langue difluente serait
de 0.75% (300 m / 40’000 m). Dans cette coniguration, la difluence du glacier
- 120 - Quaternaire
du Rhône disposerait d’environ 300 m de glace pour passer le Pas de Morgins
(1700 – 1371 = 329 m) puis, à nouveau d’environ 300 m de glace pour passer
le col du Corbier (1700 - (0.075 x 25’000) = 1512.5 m) (1512.5 – 1237 = 275
m). Cette proposition suppose que les lux en provenance du Valais n’ont pas été
sufisamment contrés par les glaces locales en particulier, celles du Val d’Illiez, du
vallon « d’Abondance » et de la vallée de Morzine (cette dernière étant également
gonlée par une difluence du Giffre par le col des Gets) pour que les matériaux
cristallins ne puissent atteindre la rive gauche du glacier et se déposer sur la pente
de la Buchille. Une autre hypothèse serait que les blocs cristallins ont pu transiter
du glacier de l’Arve au glacier du Giffre, puis passant le col des Gets, être déposés
en rive gauche du « glacier de Morzine ». Le col des Gets est sufisamment large
et bas (1170 m) pour qu’une importante masse de glace ait pu y transiter depuis
la vallée du Giffre. On explique mal cependant comment les blocs de granite ont
pu passer du glacier de l’Arve au glacier du Giffre (peut-être par déversement).
Dans tous les cas, la présence de ce dépôt à la Buchille fait partie de l’énigme non
résolue de la présence d’éléments cristallins à l’intérieur du massif du Chablais, la
spéciicité des ces blocs étant qu’ils sont clairement identiiés comme des éléments
de granite du Mont-Blanc et non pas comme des résidus possibles de lentilles de
granite contenus dans les lyschs afleurant au col des Gets (nappe des Gets). En
outre, leur position au sein d’un dépôt de till montre que ce ne sont probablement
pas des blocs remaniés et que leur altitude ne devrait pas avoir fortement varié
Dans le document
Géopatrimoine des trois Chablais : identification et valorisation des témoins glaciaires
(Page 128-143)