5. Inventaire des géosites glaciaires
5.2. L’inventaire, un processus et un outil
5.2.1. Le processus d’inventaire
L’inventaire est une pratique largement répandue. Il en existe dans des contextes
passablement différents, de la gestion des stocks en magasin à la protection des
milieux naturels. Dans tous les cas, l’inventaire doit servir à une bonne gestion
des objets concernés. Il est réalisé selon un projet déini, dans un environnement
donné avec des objectifs de gestion. Une fois terminé, il est donc assimilable à un
outil, s’il a été effectivement conçu dans cette optique.
Les inventaires de géosites se pratiquent dans plusieurs contextes (légal,
développement de méthode académique, valorisation du patrimoine) et à
différentes échelles (nationale, régionale, communale). Il s’agit d’un travail long et
rigoureux, qui nécessite souvent une très bonne connaissance préalable du terrain
et des objets concernés.
161
161
-Géopatrimoines des trois Chablais
Une série d’éléments vient contraindre et guider le processus d’inventaire (Fig.
5.3). Parmi ceux-ci, on peut mentionner : le cadre, le contenu et la pérennisation
de l’inventaire.
Le cadre tient compte des éléments suivants :
• Le contexte et les objectifs de l’inventaire (protection, aménagement,
candidature à l’European Geopark Network, etc.) ;
• Le terrain d’étude (surface, connaissance scientiique actuelle,
documentation disponible) ;
• Le temps à disposition et le nombre de sites visés par l’inventaire ;
• Le personnel affecté à l’inventaire (niveau de qualiication, connaissance
personnelle du terrain d’étude).
Le contenu a trait aux:
• Type de sélection choisie (inventaire exhaustif, avis d’expert, étude
géomorphologique préalable, etc.) ;
• Informations qui doivent être présentes dans l’inventaire (utilisation d’une
méthode existante, adaptation ou création d’une méthode appropriée);
• Type d’évaluation choisie (qualitative, numérique).
La pérennisation concerne:
• Le support de l’inventaire (base de données, tableur, textes) ;
• Sa gestion sur le long terme (transmission, mises à jour).
Réaliser un inventaire relève donc bien d’un processus où ces différents éléments
doivent être successivement considérés pour choisir ou élaborer une méthodologie
d’inventaire qui puisse guider la/les personne(s) qui réalisera(ront) le travail
(coordination, documentation, évaluation). Il est particulièrement important que
le contenu de l’inventaire – valeurs, critères et sous-critères – soit parfaitement
explicité, pour assurer que les iches seront remplies de façon homogène.
5.2.2. L’inventaire des géosites glaciaires du Chablais
L’inventaire des géosites glaciaires du Chablais (IGGC) était une des réalisations
prévues dans le cadre de ce travail de thèse. Il devait, d’une part, répondre à
des attentes au sein du projet 123 Chablais. Initialement, l’IGGC devait venir en
soutien de différents produits de valorisation des patrimoines, par exemple, un
guide régional des éditions Glénat (Collectif, 2011), en apportant une sélection de
sites exploitables dans ce contexte. Cependant, pour des raisons administratives,
la thèse n’a pu débuter que tardivement par rapport à l’avancement des différents
projets. Les calendriers étant dès lors décalés, les objectifs de l’inventaire
ont été légèrement adaptés. Du point de vue du projet 123 Chablais et du
Syndicat d’Aménagement Intercommunal du Chablais (SIAC), il ne s’agissait
plus que d’apporter des éléments injectables dans l’inventaire régional en cours
(géopatrimoines), géré par le SIAC et exploité par le Geopark Chablais, et de
préparer une base pour la création d’une exposition itinérante sur le patrimoine
glaciaire régional (cf. chapitre 6).
Cet inventaire devait, d’autre part, contribuer au développement de la méthode
élaborée à l’UNIL (Reynard et al., 2007), dans le cadre des recherches en cours sur
- 162 - Inventaire
sites » de l’IAG (Reynard & Coratza, 2013). Les deux cibles de ce développement
étaient la valeur d’usage, prise en compte dans la méthode mais de façon
secondaire, ainsi que le processus de sélection, qui demeure un aspect lou des
inventaires déjà réalisés (Pereira & Pereira, 2010; Martin, 2013) (Fig. 5.3)
Cadre de l’inventaire
Nous pouvons résumer ici les différents éléments du cadre de l’inventaire des
géosites glaciaires (et associés) du Chablais.
Contexte
La thèse et l’inventaire qui en fait partie sont réalisés dans le cadre du projet
123 Chablais de valorisation des patrimoines. L’inventaire est particulièrement
Fig. 5.3 : Processus global d’inventaire des géosites avec sélection mixte (intégrale et
spéci-ique), modiié d’après (Reynard et al., 2012c).
163
163
-Géopatrimoines des trois Chablais
utile à la démarche géoparc (Chablais français) et doit soutenir les productions
géotouristiques et géodidactiques du projet 123 Chablais. Il participe en outre
au développement académique d’une méthode d’inventaire des géomorphosites.
Objectifs
1. Compléter / étoffer l’inventaire des géopatrimoines du Chablais
(haut-savoyard) ;
2. Apporter de la matière exploitable pour l’exposition sur les patrimoines
glaciaires du Chablais ;
3. Développer et tester l’intégration des valeurs d’usage (potentiel d’usage et
besoin de protection) dans la méthode de l’UNIL, en relation avec le cadre
de l’étude (Geopark Chablais);
4. Interroger l’étape de sélection des géosites et proposer une méthode en
relation avec le cadre d’étude (Geopark Chablais).
Terrain d’étude
Alors que l’inventaire des géopatrimoines du SIAC ne concerne que le Chablais
français, l’inventaire des géosites glaciaires s’effectue sur l’ensemble du terrain
couvert par ce travail de thèse, soit les trois Chablais (Vaud, Valais et Haute-Savoie).
Le terrain d’étude est globalement bien documenté du point de vue des témoins
glaciaires mais de façon hétérogène.
Le temps à disposition et le nombre de sites visés par l’inventaire
Nous disposions initialement de trois ans, soit deux saisons de terrain. En réalité, le
terrain a été effectué sur trois saisons (été-automne 2009, 2010, 2011), couplé avec
d’autres objectifs (cartographie géomorphologique et datations cosmogéniques).
L’élaboration de la méthode de sélection et des critères utilisés, la rédaction des
iches et l’évaluation des sites ont été effectués en deux étapes, durant l’hiver
2011 et l’hiver 2012. Nous évaluons le temps passé sur cet inventaire à six mois de
travail à plein temps. Le nombre de sites visé s’est imposé à environ 30 géosites, à
partir d’une présélection d’environ 100 points d’intérêt géologique.
Le personnel affecté à l’inventaire
Nous avons travaillé principalement seule sur cet inventaire, avec l’aide, durant l’été
2010, d’un stagiaire en Bachelor à l’Université de Lausanne. Il avait été envisagé
une contribution à l’évaluation numérique des géosites par deux experts (une
docteure en géologie et un professeur en géomorphologie, très bon connaisseurs
du terrain). Faute de temps, cette collaboration n’a pas pu être réalisée. Elle aurait
permis de confronter les résultats obtenus par trois évaluateurs utilisant une même
méthode d’évaluation.
Contenu
Bien que reprenant une méthode existante, le contenu de l’inventaire a été adapté
au contexte régional et thématique. Nous résumons ici les différents axes travaillés.
Chacun d’entre eux sera détaillé dans un point particulier.
Le type de sélection choisie
La sélection des géosites est bien souvent le point faible des inventaires, parce
qu’elle ne permet pas d’expliciter comment s’est opéré le passage du terrain aux
- 164 - Inventaire
géosites. Nous avons choisi de développer une méthode spéciique, sur la base
de deux axes. Les sites sélectionnés pour igurer dans l’inventaire des géosites
glaciaires du Chablais rendent compte 1) de la géo(morpho)diversité régionale et
2) de la chronologie glaciaire régionale (pour plus de détails voir partie 5.3 Une
méthode de sélection des géosites).
Les informations présentes dans l’inventaire
En ce qui concerne les éléments de documentation des sites, nous avons suivi
scrupuleusement les indications de la méthode de l’UNIL (Reynard, 2006; Reynard
et al., 2007): informations ponctuelles (nom, code, coordonnées, surface,
processus, commune, etc.), description et morphogenèse. En ce qui concerne
les valeurs prises en compte dans l’évaluation des géosites, nous nous sommes
questionnée sur l’intérêt d’ajouter des critères concernant la valeur d’usage des
géosites et leur besoin de protection, dans le cadre précis de cet inventaire. En
particulier, nous nous sommes intéressée à la problématique des usages actuels et
potentiels. Cet inventaire doit-il donner un aperçu de la situation actuelle ou des
potentialités que pourraient offrir les géosites inventoriés ?
Pour rendre compte de la situation actuelle, il est utile de répertorier, par exemple,
le niveau de protection et la présence de matériel d’interprétation sur un site. Ces
informations sont capitales pour la gestion des géosites, en particulier au sein
d’un géoparc. Elles permettent de ixer des priorités de gestion, d’aménagement
et d’entretien. Elles doivent être accompagnées d’éléments informatifs tels que
le sujet abordé, le public visé, l’état des installations, les auteurs, etc. Le géoparc
peut ainsi avoir une bonne vue d’ensemble de ce qu’offre son territoire, les
gestionnaires peuvent ensuite décider de mesures à prendre pour renforcer les
outils de valorisation.
Dans une optique de développement et de valorisation des géosciences plus
large, en particulier, ouvert à des types de publics différents du « grand public », il
pourrait être intéressant de donner une autre vision du territoire. Certains sites ne
sont pas valorisés pour des questions de circonstances, d’aléas (politique, culturel,
économique) alors qu’ils représentent parfois d’excellents spécimens de diversité,
de lisibilité, etc. Un inventaire qui voudrait avoir une certaine validité sur le long
terme devrait pouvoir rendre compte de ces géosites particuliers.
Nous avons donc choisi d’introduire une notation double, qui rende compte de
la valeur d’usage actuelle et du potentiel d’utilisation du site, d’un point de vue
didactique (lisibilité et robustesse). Un calcul simple, a permis d’obtenir un « écart
à la valeur d’usage potentielle ». Nous développons cet aspect au point 5.4.3
Evaluation qualitative et numérique.
Le type d’évaluation choisie
Comme préconisé par la méthode de l’UNIL, nous avons choisi une double
évaluation, à la fois qualitative (sous forme de texte) et quantitative (attribution
de scores entre 0 et 1, par intervalle de 0.25 point). Nous avons ajouté, pour une
plus grande traçabilité, une échelle explicitée sous forme de texte, ain de guider
l’attribution des scores. On ne le répétera jamais assez, l’échelle, tout comme les
valeurs prises en compte, sont fonction du territoire considéré. L’évaluation se
fait donc en fonction des éléments présents dans le périmètre considéré. Dans
165
165
-Géopatrimoines des trois Chablais
ce contexte, chaque échelle doit être adaptée à la réalité du terrain. Ce point est
illustré dans la partie 5.4.2 Aadaptation de la méthode au terrain.
Pérennisation
En raison des nombreuses modiications apportées à la méthode de l’UNIL, il était
impossible d’utiliser la base de données disponible à l’IGD, ixée sur le logiciel
MySQL. La structure de la base gérée par le SIAC (Access) était également trop
différente pour servir de support à notre inventaire. Nous avons donc réalisé un
listing des sites avec leurs informations ponctuelles sur un tableur Excel, puis, nous
avons intégré ces données dans un SIG (ArcGis), de façon à joindre à la liste des sites
des périmètres géolocalisés. Les textes (description, morphogenèse et évaluation
qualitative) on été rédigés sous Word. Les iches complètes de l’inventaire (annexe
4) sont inalement mises en page sous Word. La transmission des données a été
faite au SIAC sur les différents supports mentionnés, et c’est un stagiaire du SIAC
qui s’est chargé 1) d’intégrer les nouveaux sites à l’inventaire des géopatrimoines
du Chablais (IGC) ; 2) de compléter les sites igurant déjà dans l’inventaire avec nos
données. A ce propos, dans certains cas, les géosites glaciaires ne correspondaient
pas aux éléments de géopatrimoine envisagés selon d’autres critères. Par exemple,
le site « les lacs des Plagnes-Cubourré », igure à l’IGC avec un périmètre et une
dénomination qui relètent un point de vue écologique. Il est donc sensiblement
différent du géosite « vallon glaciaire des Plagnes-Cubourré » que nous avons
identiié comme géosite glaciaire pertinent pour l’IGGC.
Dans le document
Géopatrimoine des trois Chablais : identification et valorisation des témoins glaciaires
(Page 179-184)