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CHAPITRE 2 : CADRE CONCEPTUEL

5. LES INFÉRENCES

5.5. RECHERCHES SUR L’ENTRAÎNEMENT À LA COMPRÉHENSION

5.5.1. Recherche sur l’entraînement à la compréhension inférentielle au primaire

McGee et Johnson (2003) ont étudié les effets d’un entraînement à la compréhension inférentielle chez des enfants bons et mauvais « compreneurs » âgés de 6 à 9 ans (n=40). Ces effets ont été comparés à ceux obtenus à la suite d’un entraînement à des stratégies de compréhension. L’entraînement à la compréhension inférentielle a duré trois semaines et a consisté en trois types d’activités sur les éléments suivants : les inférences lexicales (l’enfant s’exerce à reconnaître et à utiliser des mots qui vont l’aider à comprendre un texte), la création de questions (après un enseignement sur les mots interrogatifs, l’enfant les utilise en créant des questions) et les prédictions (l’enfant tente de prédire des extraits cachés dans le texte). Ces activités ont eu lieu à six reprises. L’enseignement reçu par les élèves du groupe contrôle n’est pas précisément décrit dans cette recherche, il est seulement mentionné que ces enfants ont lu des textes et répondu à des questions. Les résultats indiquent que les mauvais compreneurs, soumis aux deux types d’entraînement, ont une amélioration plus significative de leurs habiletés de compréhension que les bons compreneurs. De plus, l’entraînement à la compréhension inférentielle serait significativement plus efficace pour les mauvais compreneurs que la réalisation des exercices de compréhension. Cette recherche indique qu’un entraînement à la compréhension inférentielle dans lequel les enfants du primaire sont engagés activement dans la construction du sens peut les aider, en leur permettant notamment de prendre conscience du rôle actif qu’ils ont à jouer lors de la compréhension de textes. Qu’en est-il des élèves du préscolaire? Peuvent-ils également être entraînés à réaliser des inférences?

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5.5.2. Recherches sur l’entraînement à la compréhension inférentielle en maternelle

En France, Bianco et Pellenq (2002) ont mis en place, dans des classes de grande section de maternelle (n=118), un programme d’entraînement qui mettait l’accent sur le traitement de l’implicite dans la compréhension48. Les élèves du groupe expérimental étaient soumis hebdomadairement à un entraînement de la compréhension de l’implicite d’une demi-heure pendant 14 semaines. Cette étude pilote soulignait que les élèves des groupes expérimentaux qui avaient reçu cet entraînement réussissaient significativement mieux à une épreuve de compréhension que les élèves du groupe contrôle, sans entraînement. Cette épreuve incluait des exercices de compréhension de textes et de phrases, de construction d’inférences et de détection d’incohérences49. Un deuxième post-test réalisé au cours de l’année suivante, alors que les élèves étaient au cours préparatoire50, révèle que les bénéfices de cet entraînement étaient encore perceptibles lors d’une épreuve de compréhension.

À la suite de cette étude pilote, Bianco, Pellenq et Coda (2004) ont cherché à vérifier les effets d’un entraînement systématique à la compréhension de l’implicite dans un texte sur les habiletés de compréhension d'élèves de la moyenne section de maternelle51, ce pour quoi elles ont conduit une recherche à plus grande échelle (n=833). Leur échantillon était réparti en quatre groupes : trois groupes expérimentaux avec un entraînement hebdomadaire à la compréhension et un groupe expérimental sans entraînement. Le premier groupe expérimental suivait un entraînement axé sur la compréhension de l’implicite dans le but de travailler

plus spécifiquement les habiletés suivantes : détection d’incohérences […],

48 Le contenu de cet entraînement n’est pas décrit dans l’article de Bianco et Pellenq (2002). 49 Lors de cette épreuve, l’expérimentateur lisait les textes et les questions pour l’enfant du

préscolaire; il s’agissait donc de compréhension de textes et de phrases oralisés par l’adulte.

50 Le cours préparatoire en France est l’équivalent de la première année au Québec.

51 La moyenne section de maternelle, en France, correspond à la maternelle 4 ans au Québec, qui

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interprétation des connecteurs, des anaphores et des relations causales, déduction, construction des modèles de situation et structures d’histoire (Bianco et al., 2004,

p.82). Le deuxième groupe expérimental était exposé à un entraînement sous la forme de lectures partagées52 (lecture à haute voix d’un album par l’enseignant accompagnée d’une discussion avec les élèves). Lors de ces lectures, pendant les 14 semaines de la recherche, deux albums ont été exploités en petits groupes avec les élèves. Le troisième groupe recevait quant à lui un entraînement métaphonologique (20 minutes par semaine). Au post-test lors de l’épreuve de compréhension, les élèves du premier groupe expérimental (avec entraînement systématique à la compréhension) ont obtenu des résultats significativement plus élevés que ceux des autres groupes expérimentaux et du groupe contrôle.

En continuant dans la même lignée, Bianco et al. (2010) ont utilisé un dispositif très semblable à celui de la recherche de Bianco, Pellenq et Coda (2004) pour conduire une recherche longitudinale (n=857) d’une durée de trois ans. Leurs trois groupes expérimentaux recevaient les mêmes entraînements (compréhension de l’implicite; lecture partagée; métaphonologique) que ceux de la recherche de Bianco, Pellenq et Coda (2004) et le groupe contrôle était toujours sans entraînement. Chacun de leur trois groupes expérimentaux était cependant divisé en deux sous-groupes : l’un d’entre eux suivait l’entraînement au cours d’une année (pendant 14 semaines) tandis que l’autre y était exposé durant deux années, soit 14 semaines par année. Ces chercheurs ont voulu comparer les effets d’un entraînement à la compréhension explicite (groupe 1 : leçons et exercices sur la compréhension) et implicite (groupe 2 : lectures partagées) à celui d’un entraînement métaphonologique et d’une absence d’entraînement. À la fin de la deuxième année d’entraînement, les élèves du groupe avec entraînement explicite à la compréhension pendant deux ans réussissent significativement mieux que les

52 Les lectures partagées sont des moments de lecture qui réunissent des adultes et des enfants

(parents/enfants, maîtres/élèves) autour de la lecture d’albums ou d’histoires (Grossmann, 2001,

p.135-136). Cette pratique est une adaptation, pour la classe, de la lecture faite à la maison entre le parent et l’enfant (Giasson, 2003).

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élèves des autres groupes à une épreuve de compréhension. En outre, ces effets semblent durables, car ils sont encore présents neuf mois après la fin de l’entraînement. Par conséquent, ces chercheurs soulignent que pour qu’un entraînement à la compréhension soit efficace, il doit être explicite et d’une longue durée (deux ans).

Il est surprenant de constater que, dans ces deux études menées par Bianco et ses collaborateurs, la lecture partagée — forme de lecture à haute voix — n’a pas produit d’effets sur les habiletés de compréhension des élèves, alors que certaines recherches montrent que les lectures à haute voix ont un effet sur ces habiletés (Dickinson et Smith, 1994; Rosenhouse, Feitelson, Kita et Goldstein, 1997). Selon nous, deux éléments du dispositif de recherche pourraient expliquer cette différence de résultats. D’une part, dans les recherches de Bianco et ses collaborateurs, pour les lectures partagées, seuls deux albums ont été exploités en classe pendant les 14 semaines la première année et trois au cours de la deuxième. D’autre part, contrairement au premier groupe expérimental, les enseignants n’avaient pas de pistes didactiques pour exploiter les albums. Dans ces conditions, la forme de lecture partagée privilégiée dans ces deux recherches nous paraît très éloignée des lectures à haute voix qui ont cours habituellement dans des classes de préscolaire. Ces résultats vont également à l’encontre des recommandations de Kispal (2008) qui, dans une méta-analyse sur l’enseignement des inférences, suggère d’opter au préscolaire pour un enseignement implicite de la compréhension lors des lectures à haute voix. De plus en plus de chercheurs abondent dans ce sens en conseillant d’intégrer un travail inférentiel aux pratiques de lecture à haute voix (Kendeou et al., 2008; Lafontaine, 2003; Makdissi et al., 2010; Tauveron, 1999; Van Kleeck, 2008).

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5.6. Recherches sur la lecture à haute voix comme moyen de travailler les