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CHAPITRE 3 : MÉTHODOLOGIE

8. LES OBSERVATIONS DES PRATIQUES DE LECTURE À HAUTE

8.4. L’IDENTIFICATION ET LE CONTRÔLE DES BIAIS DE L’OBSERVATION DES

Toute observation comporte au moins deux biais : un effet d’intrusion de

l’observateur (Beaugrand, 1988, p.298), ainsi que des effets associés aux attentes

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du sujet et des observateurs (Beaugrand, 1988, p.298) qui risquent d’amener les

participants à modifier leur comportement. Cependant, ces biais sont difficilement contrôlables.

Comme nous avons créé notre liste de codes avant nos observations, un autre biais de notre observation pourrait être dû à l’inadéquation de nos codes par rapport aux situations observées. Étant donné que nous ne pouvions pas prétendre avoir répertorié l’ensemble des interventions qui pouvaient avoir lieu lors des séances de lecture, nous avons choisi d’utiliser un codage mixte, c’est-à-dire que notre liste de codes initiale a été ajustée en cours de codage, en fonction des données. De cette manière, lors de notre analyse des lectures à haute voix, certains codes ont été ajoutés pour pouvoir décrire les interventions des enseignantes qui ne correspondaient à aucun des codes prédéfinis tandis que d’autres, en raison de leur inutilité, ont été supprimés.

Quand il est question de codage, le chercheur doit veiller à toujours coder de la même façon les extraits similaires (Van der Maren, 1996). Afin d’assurer cette fidélité, dans notre liste de code, chaque code était défini et associé à un exemple. De plus, comme lors d’une analyse de contenu, il existe un biais lié à la subjectivité du chercheur dans le classement des réponses (Miles et Huberman, 2003), afin d’assurer la fiabilité de notre codage, nous avons employé le codage

multiple (Miles et Huberman, 2003, p.125). Une autre chercheuse a, de ce fait,

contre-codé quatre des observations, soit environ 17% de celles-ci, à partir de notre liste de codes. Avec ce contre-codage, effectué à partir des verbatims des observations, nous avons aussi tenté de contrôler deux limites relatives au codage : soit le recoupement des codes et la délimitation des unités de codage (Van der Maren, 1996). À la suite de ce contre-codage, nous avons affiné notre liste de codes en regroupant sous un même code certains codes jugés trop similaires. Aucun changement n’a été apporté à la délimitation des unités de codage. Notre

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codage peut être considéré comme fiable parce que nous avons obtenu un pourcentage de fiabilité (79,9 %)83 qui dépassait le seuil de 70 %.

Un autre biais associé à notre recherche est que nous avons seulement observé quatre fois les enseignantes sélectionnées au cours des neuf semaines. Il est possible que ces observations ne nous aient pas permis de dresser un portrait réaliste des pratiques de lecture à haute voix des enseignantes. En vue de contrôler ce biais, pendant les neuf semaines de la recherche, nous avons demandé aux enseignantes de décrire leurs pratiques de lecture à haute voix à l’aide d’une grille (annexe 9). Cette grille comprenait les éléments suivants : nombre de livres lus dans la semaine, durée des lectures à haute voix, œuvres lues (titre et nom de l’auteur), objectif de la lecture, moment des discussions, thème général de la discussion, interventions mises en œuvre lors des lectures et retour sur la pratique. De façon à uniformiser la description des interventions, nous leur avons fourni un référentiel d’interventions. Les enseignantes formées et non formées n’avaient pas le même référentiel. Celui des enseignantes formées (annexe 10) comportait l’ensemble des types d’inférences, alors que celui des enseignantes non formées (annexe 11) – qui n’étaient pas au courant de nos objectifs de recherche – comprenait une catégorie plus générale pour cet aspect, soit éléments implicites. Chaque semaine, les enseignantes nous transmettaient par Internet les grilles décrivant leurs lectures. Lors d’un entretien téléphonique hebdomadaire, nous les questionnions afin d’obtenir des précisions par rapport à leurs descriptions. De plus, avec les enseignantes formées, nous utilisions cet entretien pour les amener à réfléchir sur leurs pratiques. À partir des éléments qu’elles avaient relevés dans la partie « retour sur la pratique » de la grille, lors de cet entretien nous menions avec elles une activité réflexive sur le thème de la recherche, c’est-à-dire sur les moyens de travailler les inférences lors des lectures à haute voix. De plus, nous leur offrions un soutien pour remédier aux difficultés qu’elles rencontraient dans la

83Fiabilité = nombre d’accords/(nombre total d’accords + désaccords) (Miles et Huberman, 2003,

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mise en œuvre de leurs pratiques. Les données ainsi obtenues nous ont donné la possibilité de décrire les pratiques déclarées de lecture à haute voix des enseignantes expertes pendant le déroulement de la recherche.

À l’aide de ces données, nous voulions nous assurer que les pratiques observées correspondaient aux pratiques de lecture à haute voix mises en œuvre par les enseignantes pendant les neuf semaines. Pour ce faire, nous avons dénombré les types d’inférences travaillées par les enseignantes. De plus, comme le choix des œuvres lues revenait aux enseignantes, nous avons cherché à apprécier la qualité des œuvres lues. N’étant pas en mesure dans le cadre de cette recherche d’évaluer le potentiel inférentiel de chacune des œuvres lues, nous nous sommes basée sur le fait que, pour travailler les inférences, il est préférable de choisir des œuvres qui ne sont pas trop simples (Kispal, 2008). Nous avons, par conséquent, présumé que les œuvres dont la qualité était reconnue par des organismes spécialistes en littérature de jeunesse étaient plus propices à un travail inférentiel que les autres.

Notre analyse de la qualité des œuvres repose sur les sélections de divers comités de lecture d’organismes spécialisés en littérature de jeunesse. Pour chaque œuvre, nous avons calculé une note sur 3, qui constitue un indicateur de sa qualité. Les critères utilisés pour attribuer cette note diffèrent en fonction de l’origine des œuvres. Pour les œuvres québécoises, cette note a été calculée selon les critères suivants : appartenance au site Livres ouverts84 (1 point si l’œuvre était présente sur le site, 2 si cette œuvre était reconnue pour sa qualité exceptionnelle) et présence dans la sélection de Communication Jeunesse85 ou attribution d’un prix

84 Le site internet Livres ouverts a été créé par le Ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport.

Les œuvres présentes sur ce site sont sélectionnées à partir de nombreux critères se rapportant aux catégories suivantes : 1) Le texte, l'écriture, la langue; 2) Le récit, la narration, l'histoire; 3) Les sujets, thèmes et points de vue traités; 4) Les valeurs prônées; 5) Les aspects visuels, les illustrations; et 6) Les aspects matériels. Pour une description détaillée de ces critères, voir

http://www.livresouverts.qc.ca/criteres_selection_V3.php .

85 Communication jeunesse est un organisme culturel québécois qui promeut la littérature de

jeunesse québécoise. Cet organisme propose chaque année une sélection d’œuvres de littérature de jeunesse à partir des critères suivants : la richesse littéraire et visuelle des œuvres, l'originalité du

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littéraire (1 point). Pour les œuvres européennes, appartenance à la sélection de la

Joie par les livres publiée en 2007 sous la forme du recueil Escales en littérature de jeunesse (1 point si l’œuvre était présente dans le recueil, 2 si cette œuvre était

considérée comme un coup de cœur) et attribution d’un prix littéraire (1 point). Dans le but de comparer la qualité des œuvres lues par les enseignantes, un résultat moyen de la qualité des œuvres a été calculé pour chacune des enseignantes.

En somme, les données issues des pratiques déclarées viendront compléter notre description des styles de lecture à haute voix des enseignantes expertes.

9. LES QUESTIONNAIRES POUR ÉVALUER LES IMPACTS À COURT