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CHAPITRE 3 : MÉTHODOLOGIE

8. LES OBSERVATIONS DES PRATIQUES DE LECTURE À HAUTE

8.1. DESCRIPTION DE L’OBSERVATION DES PRATIQUES DE LECTURE À HAUTE

8.1.2. Notre sélection d’albums de littérature de jeunesse

En vue d’observer la façon dont les enseignantes travaillaient les inférences lors de leurs lectures avec les élèves, nous avons choisi quatre albums en fonction des possibilités qu’ils offraient pour travailler les inférences nécessaires à la compréhension (inférences anaphoriques, causales et lexicales). Nous avons principalement basé notre choix d’albums sur ces types d’inférences, car ce sont ceux qui revêtent un caractère essentiel dans la compréhension. Le tableau X présente ces quatre albums75, leur ordre de présentation et leur pertinence pour travailler ces inférences nécessaires.

72 Il est à noter qu’il existe de plus en plus d’albums sans texte dans lesquels la narration est

entièrement portée par les illustrations.

73 Le narrateur imagier est également nommé narrateur visuel par Nières-Chevrel (2003). Dans

cette thèse, nous emploierons ce terme.

74 Pour une description détaillée des différents types de rapport texte-image dans l’album, voir van

der Linden (2007).

75 Nous avons initialement publié une partie de la présentation des albums 2, 3 et 4 dans Dupin de

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Tableau X – Présentation des quatre albums pour les observations

Album 1 : Mourlevat, J.-C. et Bénazet, J.-L. (1998). Le jeune loup qui n’avait pas de nom. Toulouse : Milan jeunesse.

Résumé de l’album : Un vieil homme rencontre un jeune loup qui n’a pas de nom

et qui en est très attristé. L’homme lui indique que son nom est dans le sac qu’il porte sur son dos et lui propose de faire route en sa compagnie. Ces deux

protagonistes rencontrent d’autres animaux dans la même situation (un ours, une grenouille, un hérisson, un écureuil, une souris). Tous ces animaux forment un cortège derrière le vieil homme qui, une fois arrivé chez lui, dépose son sac en leur mentionnant qu’il contient tous les noms et disparaît. Tous les animaux, excepté le loup, trouvent leur nom dans ce sac. Le loup se verra alors transmettre dans un rêve son nom associé à sa nouvelle fonction : celui qui donne les noms. Remplacé par le loup, le vieil homme disparaît. Dans cet album, la disparition du vieil homme reste mystérieuse (Meurt-il? Part-il à la retraite?... ).

Pertinence de cet album pour notre recherche :

Inférences anaphoriques : reprises anaphoriques variées (ex. : pronoms sujets, pronoms objets, groupes nominaux…)

Inférences causales : inférences nécessaires pour comprendre les actions de certains personnages (ex. : pourquoi le loup ne touche-t-il pas au sac?) et ce qu’il advient du vieil homme à la fin de l’histoire.

Inférences de sentiment-attitude : plusieurs inférences de ce type sont nécessaires pour comprendre le rapport des personnages aux situations.

Inférences logiques : ces inférences permettent de comprendre les liens entre les noms des animaux et le nom de leur espèce (ex : les loups se nomment Léopold, Lindberg, Luculus, etc., tandis que les ours s’appellent Oscar, Owen, Oméga, etc.). Inférences lexicales : quelques mots moins fréquents nécessiteront d’être travaillés avec les élèves (ex. : troupe, marcassin, marcher avec peine, pelotonner).

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Album 2 : Wormell, C. (2003). Deux grenouilles. Paris : Kaléidoscope.

Résumé de l’album : Deux grenouilles devisent sur un nénuphar. L’une d’entre

elles, quelque peu paranoïaque, tient un bâton afin de se protéger de la venue hypothétique d’un chien. L’autre, plus terre-à-terre, trouve cette crainte ridicule, puisque les prédateurs des grenouilles sont plutôt les hérons et les brochets. Les tribulations qui s’ensuivent montrent aux lecteurs que les peurs des deux grenouilles étaient justifiées.

Pertinence de cet album pour notre recherche :

Inférences anaphoriques : nombreuses reprises anaphoriques au moyen de pronoms sujets et objets.

Inférences causales : les intentions des personnages ne sont pas toujours explicites (ex. : Pourquoi le héron prend-il les grenouilles dans son bec? Pour quelle raison, la grenouille, qui trouvait initialement qu’avoir un bâton était grotesque, cherche-t- elle à en avoir un à la fin de l’histoire?)

Inférences lexicales : certains mots seront potentiellement peu familiers pour les élèves (ex : alentour, javelot, rétorquer, brochet et héron).

Album 3 : Cornette et Rochette (1997). Coyote mauve. Paris : L’école des

loisirs.

Résumé de l’album : Jim, un petit garçon qui vit dans le désert, rencontre un

drôle de coyote. Celui-ci est mauve et danse en poussant un cri étrange. Jim, intrigué, cherche à savoir, sans succès, pourquoi le coyote est mauve et agit de la sorte. C’est à ses dépens qu’il finit par découvrir les secrets du coyote. Dans cet album, à la fin inattendue, l’auteur ne nomme pas explicitement les deux secrets du coyote et la raison pour laquelle celui-ci ne veut pas les révéler à Jim.

Pertinence de cet album pour notre recherche :

Inférences anaphoriques : les reprises anaphoriques sont nombreuses et variées (pronoms et groupes nominaux)

Inférences causales : grande place laissée à l’implicite dans les relations causales structurant ce récit (ex. : Quels sont les secrets du coyote? Pourquoi ne les a-t-il

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pas révélés à Jim?).

Inférences lexicales : quelques mots probablement peu connus des élèves et présence de deux néologismes (ex. : abrupte, myrtilles, strident, mauviose et

mauvite).

Album 4 : Dedieu, T. (1994). Yakouba. Paris : Seuil Jeunesse.

Résumé de l’album : Yakouba, un jeune Africain, doit affronter un lion afin de

devenir un guerrier. Toutefois, lorsque le jeune homme rencontre le lion, ce dernier est déjà blessé et affaibli : il constitue une proie facile. Ainsi, lors de son face à face avec le lion, Yakouba est confronté à un choix : soit il le tue (sans honneur) et devient un guerrier respecté par tous les habitants du village, soit il lui laisse la vie sauve; il se sentira grandi, mais devra subir le bannissement. L’auteur ne met pas en mots la décision de Yakouba, mais la montre subtilement à travers les conséquences de ses actes. Ainsi, lors de son retour dans le village, les adultes l’accueillent en silence, il devient berger à l’extérieur du village et, plus précisément, berger d’un troupeau qui n’est plus jamais menacé par les lions.

Pertinence de cet album pour notre recherche :

Inférences anaphoriques : fréquentes reprises anaphoriques au moyen de pronoms et de groupes nominaux

Inférences causales : L’ellipse narrative sur le choix de Yakouba offre une occasion parfaite de travailler les inférences causales. En effet, pour comprendre ce choix et les actes qui en découlent, il faut relier entre eux différents événements du texte.

Inférences lexicales : le registre de langue de cette œuvre est soutenu, ce qui fait que certains mots nécessitent un travail avec des élèves du préscolaire (ex. : festin,

se parer, scruter, transfigurer, rival, banni).

L’ordre de traitement des albums a été établi en fonction du degré de complexité des œuvres. Le premier album, Le jeune loup qui n’avait pas de nom, avec sa structure de récit canonique, ne présente pas de difficultés majeures pour des élèves du préscolaire. Le texte (lexique, structure de phrases) est tout à fait adapté

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à notre clientèle, même s’il est long (953 mots). Les illustrations, qui occupent la double page, sont en redondance avec le texte – images et texte transmettent sensiblement les mêmes informations (Van der Linden, 2007) – et soutiennent ainsi sa compréhension. Dans cet album, les inférences nécessaires, entre autres celles sur des inférences de sentiment-attitude, nous semblent très accessibles pour les élèves de cet âge.

Dans le deuxième album, Deux grenouilles, la structure du récit est classique, comme celle du premier album. Le texte, en ce qui a trait aux structures de phrases et du choix du lexique, est plus complexe que dans l’album précédent; il est par contre nettement plus court (489 mots). Les illustrations s’étendent également sur la double page, mais elles collaborent avec le texte, c’est-à-dire que le texte et les images se complètent (Van der Linden, 2007). De plus, l’illustration finale (épilogue) apporte une information clé pour comprendre le dénouement de l’histoire qui n’est pas reprise en mots. Du point de vue de la narration visuelle, une illustration peut induire les élèves en erreur, car s’ils ne se fient qu’à elle, sans considérer les informations présentées au début de l’œuvre, ils pourraient croire que le héron, qui dérobe les grenouilles au brochet, veut en fait les sauver. Enfin, cet album comporte davantage d’éléments implicites que le premier, notamment en ce qui concerne les inférences causales.

Le troisième album, Coyote mauve, peut être déconcertant pour les élèves, car la structure canonique du récit y est transgressée : l’histoire se termine sans que le personnage ait réglé son problème. Toutefois, les illustrations, qui couvrent l’ensemble de la double page, sont en redondance avec le texte. La seule difficulté qu’elles puissent renfermer est la présence d’un camion qui, même s’il ne joue aucun rôle dans l’histoire, se retrouve sur de nombreuses pages et risque ainsi de distraire certains élèves du propos principal. Cet album est conseillé par le

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ministère de l'Éducation nationale en France (2007) pour des élèves de cycle 276. Par contre, sa complexité est soulignée dans ce document par un indice de difficulté de 3 (indice le plus élevé). Cet indice est en adéquation avec la classification du site Internet Livres ouverts du ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport (MELS), dans lequel cet album est recommandé pour des élèves du premier cycle du primaire. C’est en raison des éléments présentés ci-dessus et de la présence de nombreuses inférences causales que nous avons choisi que cet album soit lu en troisième par les enseignantes, même si son texte ne comporte pas de difficultés particulières et est d’une longueur moyenne (619 mots).

Enfin, notre quatrième album, Yakouba, est une œuvre qui, à cause de sa grande complexité, est généralement employée avec des élèves du deuxième ou du troisième cycle du primaire. En effet, sur le site Internet Livres ouverts du MELS, il est conseillé de l’exploiter à partir du deuxième cycle du primaire et il fait partie de la liste proposée par le ministère de l'Éducation nationale en France (2007) pour des élèves de cycle 3. Même si son texte est relativement plus court que celui des trois autres albums (304 mots), le registre de langue y est soutenu (lexique et structures de phrases), ce qui peut constituer un obstacle à la compréhension. Dans cet album, la mise en pages varie : les illustrations sont sur une seule page ou sur l’ensemble de la double page. De plus, les illustrations, si elles sont parfois redondantes avec le texte, servent la plupart du temps à le compléter. Chose plus rare dans des albums destinés à de jeunes enfants, les images sont intégralement en noir et blanc. Pour trois des doubles pages, en raison de l’absence de texte, la narration est uniquement portée par les illustrations. Malgré le niveau de difficulté de cet album, nous avons voulu le proposer à des enseignantes du préscolaire, parce qu’il se prête admirablement bien à un travail sur les inférences causales et constituait, au terme du projet, un moyen d’observer de quelle manière les enseignantes travaillaient un texte qui, en raison de ses différentes caractéristiques, est considéré comme très résistant.

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