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CHAPITRE 2 : CADRE CONCEPTUEL

5. LES INFÉRENCES

5.4. RECHERCHES SUR LES DIFFICULTÉS DES ÉLÈVES À FAIRE DES

De nombreux problèmes de compréhension sont imputables à des difficultés ayant trait au processus inférentiel (Golder et Gaonac’h, 2004). Afin de mieux cerner l’origine de ces difficultés, nous examinons les recherches qui tentent de les expliquer.

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Oakhill (1982) a effectué une étude avec des enfants bons et mauvais compreneurs 47 agés de 7-8 ans (n=28). Dans celle-ci, huit histoires étaient lues par un adulte à chaque enfant. Cette lecture était suivie d’une épreuve de reconnaissance dans laquelle chaque sujet devait différencier, parmi 32 phrases, celles entendues dans l’histoire de celles qui n’en faisant pas partie. Pour chaque histoire, quatre phrases étaient proposées : deux phrases extraites de l’histoire et deux nouvelles phrases créées à partir du texte. Parmi ces deux dernières, une respectait le sens du texte d’origine et consistait en une mise en relation de deux phrases initiales (c’est-à-dire une inférence), tandis qu’une autre était non conforme au sens du texte. Cette chercheuse a constaté que les bons compreneurs étaient plus enclins à commettre des erreurs de reconnaissance de la phrase créée (conforme au texte) que les mauvais compreneurs. Les bons compreneurs auraient donc intégré les inférences à leur représentation mentale du sens du texte, puisqu’ils reconnaissent la phrase créée à partir d’une inférence comme un extrait du texte. Ainsi, il semblerait qu’ils soient plus actifs dans la construction du sens du texte entendu que les mauvais compreneurs.

Plus tard, Oakhill (1984) a conduit une autre recherche auprès d’enfants bons et mauvais compreneurs âgés de 7-8 ans (n=24) dans le but de comparer leur habileté à répondre à des questions littérales et inférentielles à la suite de la lecture de courts textes. Dans un premier temps, les enfants devaient répondre à ces questions sans avoir accès au texte. Dans un deuxième temps, ils répondaient aux questions en ayant la possibilité de s’y référer. Les résultats indiquent qu’en l’absence du texte, les résultats des bons compreneurs sont supérieurs à ceux des mauvais compreneurs, et ce, pour les deux types de questions. Par contre, en présence du texte, les deux groupes obtiennent des résultats similaires pour les questions

47 Les bons et les mauvais compreneurs sont des enfants qui ont des résultats similaires lors

d’épreuves de lecture à haute voix et de compréhension de mots isolés. Par contre, lors d’un test de compréhension de texte standardisé, les bons compreneurs ont des résultats supérieurs à ceux attendus pour leur âge, tandis que ceux des mauvais compreneurs sont inférieurs à ceux attendus en regard de leur âge. Cette distinction entre les bons et les mauvais compreneurs est la même pour les trois recherches suivantes : Oakhill (1982), Oakhill (1984) et Cain et Oakhill (1999).

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littérales. En ce qui concerne les questions inférentielles, bien que la possibilité de consulter le texte ait entraîné une amélioration des résultats des mauvais compreneurs, elle ne leur permet pas d’égaler les résultats des bons compreneurs. Par conséquent, une des caractéristiques des bons compreneurs serait qu’ils sont habiles à réaliser des inférences, alors que les mauvais compreneurs éprouveraient des difficultés à mobiliser les stratégies nécessaires pour réaliser les inférences. En conclusion, les difficultés des mauvais compreneurs à faire des inférences ne sont pas seulement attribuables à un problème de mémoire, car elles persistent lorsqu’ils peuvent accéder au texte pour répondre aux questions.

Une autre recherche, réalisée par Cain et Oakhill (1999), a permis de confirmer et d’approfondir les résultats de l’étude précédente. Leur premier objectif était d’examiner le sens de la relation entre l’habileté de compréhension des enfants et leur habileté à faire des inférences. Leur deuxième objectif était d’étudier les causes possibles des difficultés des enfants à réaliser des inférences. Afin de répondre à ces deux objectifs, elles ont sélectionné trois groupes de sujets suivant un appariement d’âge chronologique (bons et mauvais compreneurs de 7-8 ans) et d’âge lectural (6-7ans). Les trois groupes de sujets devaient lire quatre histoires et répondre à des questions littérales et inférentielles à deux reprises. Comme dans la recherche d’Oakhill (1984), la période de questions sur le texte se déroulait en deux temps : d’abord sans avoir recours au texte, puis en ayant la possibilité de le consulter. D’une part, en ce qui a trait au premier objectif, les sujets plus jeunes ont obtenu de meilleurs résultats que les mauvais « compreneurs » aux questions inférentielles. Ainsi, cela semble indiquer qu’une mauvaise compréhension serait, en partie, le résultat de la difficulté des sujets à faire des inférences. D’autre part, en ce qui concerne le deuxième objectif, la condition d’absence ou de présence du texte leur a permis de remarquer que les difficultés des mauvais compreneurs à faire certaines inférences persistent lorsqu’ils peuvent se référer au texte. En effet, les inférences pour lesquelles les mauvais compreneurs devaient utiliser leurs connaissances antérieures pour combler les informations manquantes dans le texte

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sont demeurées problématiques, même lorsque l’examinateur leur indiquait dans quelle partie du texte ils trouveraient des indices pour répondre à la question. Ce résultat va dans le même sens que celui obtenu par Oakhill (1984), parce qu’il révèle que les difficultés des sujets à faire des inférences ne viennent pas seulement d’un problème de rétention des informations. En vue de vérifier si cette difficulté à faire des inférences venait d’un manque de connaissances sur le thème du texte, les sujets étaient soumis à une épreuve pour évaluer s’ils avaient les connaissances nécessaires pour réaliser les inférences des histoires présentées. Les résultats indiquent que les sujets possédaient tous ces connaissances. Certes, les connaissances antérieures sont nécessaires pour pouvoir lire un texte et faire des inférences (Oakhill et Cain, 2004); mais en dépit de leurs connaissances sur le thème traité, certains mauvais compreneurs éprouvent toujours des difficultés à faire des inférences (Cain et Oakhill, 1999).

À partir de cette recherche, Cain et Oakhill (1999) ont souligné qu’ils existent des différences entre les stratégies de compréhension mobilisées par les bons et les mauvais compreneurs. En effet, ces derniers éprouveraient des difficultés lorsqu’il s’agit d’utiliser leurs connaissances de façon à combler le manque d’informations d’un texte : ils ne savent ni comment, ni quand le faire (Cain et Oakhill, 1999).

Dans un même sens, Golder et Gaonac’h (2004) ont avancé que les difficultés des élèves à faire des inférences viendraient d’un traitement superficiel du texte. Cette constatation est en accord avec les conclusions d’une enquête réalisée en Belgique (Lafontaine, 1997). Lors de cette étude, il a été remarqué qu’au moment de leur entrée au secondaire, les élèves (n=2472) se montrent peu capables de réaliser, seuls, des inférences simples. Ces difficultés à faire des inférences s’expliquent par deux raisons : les élèves ont appris tardivement que lire implique faire des inférences et ils ont été peu entraînés à le faire (Lafontaine, 1997). Ces observations sont similaires à celles de Goigoux (1998), qui a relevé que les élèves en difficulté en lecture ont une représentation erronée de l’acte de lire selon

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laquelle il leur suffit de décoder tous les mots d’un texte pour le comprendre (p.159). Certains élèves n’auraient donc pas conscience de la nécessité de faire des inférences lors de la lecture d’un texte. Cette représentation erronée ne serait pas sans lien avec certaines pratiques d’enseignement de la lecture qui mettent l’accent sur la compréhension littérale et l’identification des mots (Tauveron, 2002; Goigoux, 1998). De même, Giasson (2011) a émis l’hypothèse suivante : certains élèves réalisent difficilement des inférences parce que les enseignants du début du primaire ne les travaillent pas, les considérant comme des habiletés de compréhension de haut niveau trop difficiles pour de jeunes enfants.

En somme, les difficultés à faire des inférences ne sont pas seulement imputables à des problèmes de rétention des informations du texte ou à un manque de connaissances sur le sujet du texte (Oakhill, 1984; Cain et Oakhill, 1999). Les mauvais compreneurs auraient plutôt des difficultés dans l’emploi de certaines stratégies de compréhension (Cain et Oakhill, 1999). Aussi, il existerait des lacunes dans les pratiques d’enseignement destinées aux jeunes enfants, encore trop peu axées sur les inférences, et ce, malgré le fait que même de très jeunes enfants peuvent réaliser des inférences (Florit et al., 2011; Makdissi, 2004; Van den Broek et al., 2005).

Dans la mesure où il est reconnu que les enfants sont capables de faire des inférences avant de recevoir un enseignement formel de la lecture, certains chercheurs recommandent vivement de travailler cette habileté dès le préscolaire et de continuer à le faire avec les jeunes lecteurs (Bianco et al., 2010; Florit, et al., 2011; Makdissi et al., 2010). Ce travail sur les inférences peut prendre la forme de programmes d’entraînement (Bianco et Pellenq, 2002; Bianco, Pellenq et Coda, 2004; Bianco et al., 2010; McGee et Johnson, 2003) ou bien être intégré aux pratiques de lecture à haute voix (Cabell et al., 2008; Kendeou et al., 2008; Kispal, 2008; Lafontaine, 2003; Makdissi et al., 2010; Tauveron, 1999; Van Kleeck, 2008).

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5.5. Recherches sur l’entraînement à la compréhension inférentielle au