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CHAPITRE 2 : CADRE CONCEPTUEL

5. LES INFÉRENCES

5.3. LE DÉVELOPPEMENT DE L’HABILETÉ DES ENFANTS À FAIRE DES

Paris, Lindauer et Cox (1977) ont mené une première recherche auprès d’enfants de deuxième et de sixième année et d’élèves du collège45 qui portait sur les inférences causales. Dans celle-ci, les sujets étaient répartis en deux groupes. Dans les deux groupes, des phrases étaient lues aux sujets qui avaient pour consigne de les mémoriser et de les répéter. Dans le premier groupe, les phrases contenaient la conséquence logique de l’action (liste explicite), tandis que dans le deuxième groupe, cette conséquence n’était pas présente (liste implicite)46. Les sujets devaient ensuite faire un rappel de la phrase entendue à partir d’un indice issu de la phrase (indice explicite) ou extrait de la conséquence possible de l’action (indice implicite). Les résultats montrent que les enfants de deuxième année qui faisaient partie du groupe ayant entendu la liste implicite rappellent beaucoup moins de phrases à partir de l’indice implicite de l’action que les sujets de sixième année et que ceux du collège. Les chercheurs en ont conclu que, lors de l’écoute des phrases, les enfants de deuxième année n’avaient probablement pas compris les inférences et qu’ainsi les indices implicites ne correspondaient pas à leur

45 Le niveau précis de ces élèves n’est pas précisé dans cette étude.

46 Voici un exemple de ces deux types de phrases traduites à partir de Paris, Lindauer et Cox (1977,

p.1729) : l’enseignant a éteint les lumières pour le film et la pièce est devenue noire (liste explicite); l’enseignant a éteint les lumières pour le film (liste implicite).

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représentation du sens de la phrase. Afin de vérifier si de jeunes sujets étaient capables de réaliser des inférences, ces chercheurs ont conduit une deuxième recherche, cette fois-ci avec des enfants de première année (Paris, Lindauer et Cox, 1977).

Dans cette deuxième recherche, les conditions d’expérimentation étaient similaires à l’étude que nous venons de présenter. La seule différence est que, lors de l’écoute des phrases, les sujets étaient invités à construire une histoire à partir de cette phrase. À ce moment-là, l’expérimentateur devait noter si l’histoire proposée par le sujet incluait l’inférence causale attendue. Les résultats obtenus signalent que les jeunes enfants (première année) sont capables de rappeler des phrases à partir des indices implicites. Ainsi, il semblerait que les jeunes enfants puissent faire les mêmes inférences que les plus vieux, mais qu’ils ne les fassent pas spontanément. De ces études, nous retenons que les jeunes enfants ont la capacité de faire des inférences.

Dans une recherche plus récente, Makdissi et Boisclair (2004) se sont intéressées à la construction des inférences causales lors de la compréhension d’une histoire lue par l’adulte à des enfants âgés de 3 à 6 ans (n=421). À la suite de la lecture, les élèves devaient raconter l’histoire entendue à l’expérimentateur. L’analyse des données a permis de dégager différents niveaux dans la construction des relations causales dans une histoire. Le tableau IV présente les résultats de cette étude.

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Tableau IV — Les niveaux de développement des relations causales dans le récit chez l’enfant d’âge préscolaire (Makdissi et Boisclair, 2004)

Niveau de développement des relations causales lors du rappel de récit

Description de la représentation que l’enfant se fait du récit

Niveau 0 : Dénomination d’objets présents sur la page couverture (Makdissi et Boisclair, 2004, p.5)

Une histoire, c’est des objets visibles sur l’image (Makdissi et Boisclair, 2004, p.5) Niveau 1 : les personnages (Makdissi et

Boisclair, 2004, p.5)

Une histoire, c’est des personnages

(Makdissi et Boisclair, 2004, p.6)

Niveau 2 : les actions isolées (Makdissi et Boisclair, 2004, p.6)

À chaque nouvelle image, une nouvelle histoire (Makdissi et Boisclair, 2004, p.7) Niveau 3 : le début de la structuration du

récit, la coordination des composantes (Makdissi et Boisclair, 2004, p.7)

Une histoire, c’est un problème et/ou des épisodes et/ou une fin qu’il faut coordonner

(Makdissi et Boisclair, 2004, p.9). Niveau 4 : l’apparition des liens successifs,

la temporalité (Makdissi et Boisclair, 2004,

p.10)

Une histoire, c’est un problème et/ou des épisodes et/ou une fin qui s’organisent dans le temps (Makdissi et Boisclair, 2004, p.11) Niveau 5 : l’apparition des liens de

causalité, l’explication (Makdissi et Boisclair, 2004, p.12)

Une histoire, c’est un problème et/ou des épisodes et/ou une fin qu’il faut mettre en relations causales (Makdissi et Boisclair, 2004, p.13)

Niveau 6 : l’apparition de la double causalité, la naissance du thème (Makdissi et Boisclair, 2004, p.14)

Une histoire, c’est un message commun qui peut être construit à partir du problème, du but, des épisodes, de la fin et de la solution. Une histoire, c’est un thème d’ensemble (Makdissi et Boisclair, 2004, p.16)

Cette recherche est intéressante, car elle nous offre des indications quant à la façon dont les enfants construisent progressivement leur compréhension des relations causales dans le récit. Ainsi, les enfants du préscolaire sont en mesure d’établir des relations causales entre différents éléments d’un récit (problème /but/épisodes/fin/ solution). À ce propos, il a été souligné que bien avant l’apprentissage formel de

la lecture, l’enfant, en constante recherche de sens, élabore et complexifie ses inférences à l’oral, entre autres moyens, à partir de son vécu et des histoires réelles ou fictives qui lui sont racontées (Makdissi, 2004, p.7).

Van den Broek et al. (2005) abondent dans le même sens en ajoutant que même de très jeunes enfants peuvent réaliser différents types d’inférences. Ces chercheurs

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apportent cependant une nuance : les jeunes enfants font des inférences moins complexes que les plus vieux et ont besoin de posséder des connaissances antérieures par rapport au texte qui vont soutenir la réalisation de ces inférences.

Tout dernièrement, Florit et al. (2011) se sont également penchées sur l’habileté de jeunes enfants (de 4 à 6 ans) (n=221) à faire des inférences en situation d’écoute d’un texte. Lors de cette écoute, les élèves devaient répondre oralement à une tâche de compréhension composée de questions littérales (explicites) et de questions inférentielles (implicites). De plus, les élèves étaient soumis à de courts textes accompagnés de questions inférentielles. Comme dans les recherches décrites précédemment, les résultats montrent, d’une part, que les informations explicites sont comprises plus facilement par tous les enfants que les informations implicites et, d’autre part, que de jeunes enfants (4 ans) sont en mesure de réaliser des inférences. En outre, ces chercheuses mentionnent que cette habileté se développe entre l’âge de 4 et 6 ans.

En somme, bien que l’habileté des élèves à faire des inférences s’améliore avec l’âge (Oakhill et Cain, 2004, Florit et al., 2011), les enfants du préscolaire peuvent faire des inférences (Florit et al., 2011; Makdissi, 2004; Van den Broek et al., 2005). Ils le feraient néanmoins de façon moins spontanée et avec moins d’efficacité que des enfants plus âgés (Paris, Lindauer et Cox, 1977; Van den Broek et al., 2005).