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B/ Une recherche de critères de définition de l’inspection dans les textes spécifiques au champ étudié

Si nous considérons les textes spécifiques à l’inspection et au contrôle dans les établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux, objets de notre étude, nous allons nous rendre compte que le critère processuel n’est pas l’apanage de l’inspection, et que le critère finaliste de sécurité souvent rattaché au terme « inspection » peut également être associé au terme de « contrôle ».

Nous nous attacherons en premier lieu à l’étude des textes du CSP (1), puis à ceux du CASF (2).

1/ Une différenciation peu marquée entre inspection et contrôle dans le champ étudié au titre du CSP.

137. La sixième partie du CSP consacrée aux « établissements et services de santé » présente un chapitre spécifique très court relatif au « contrôle » et composé seulement des trois articles L. 6116-1 à L. 6116-3 CSP. Ces derniers évoquent au titre de ces contrôles, « l’exécution des lois et règlements qui se rapportent à la santé publique ». Ces contrôles sont ici pris dans le sens d’une vérification de conformité aux textes législatifs et réglementaires et sont rattachés organiquement aux inspecteurs des articles L. 1421-1 et L. 1435-7 CSP ainsi qu’à l’IGAS543. En revanche, les termes « contrôle » ou « inspection » n’apparaissent pas dans la procédure d’autorisation des établissements et services de santé544, où seul le terme « visite de conformité » est visé545. Et même lorsque le DGARS met en œuvre ses pouvoirs de police administrative au titre de l’article L. 6122-13 CSP lorsqu’un « manquement aux lois et règlement pris pour la protection de la santé publique ou à la continuité des soins assurée par le personnel médical » est imputable à la personne titulaire de l’autorisation, ou que « la sécurité des patients ou du personnel » est en jeu, le législateur n’utilise ni le terme « contrôle »,

543 Art. L. 6116-1 à L. 6116-3 CSP.

544 Art. L. 6122-1 à L. 6122-21 CSP.

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ni celui d’« inspection », alors que les mesures prises dans ce cadre sont clairement des mesures de police administrative comme nous le verrons.

138. Aussi, à propos des établissements et services visés par le CSP, notre étude sur les textes montre trois positions différentes vis-à-vis du terme « inspection ».

D’abord, certains textes fondateurs de la démarche inspection-contrôle témoignent d’une indifférenciation des termes inspection et contrôle vis-à-vis du critère processuel (lié à un objet, un lieu, une méthode). Les missions confiées aux ARS par le législateur en 2009 sont éloquentes sur ce point. Si l’article L. 1431-2 CSP associe le terme « contrôle » au fonctionnement des établissements et services et à l’autorisation qui leur est délivrée546, le législateur utilise aussi dans ce même article les termes « contrôle » et « inspection » en tant qu’opération matérielle, lorsque la finalité est celle de protection de la santé. Ainsi, en application de l’article L. 1431-2 1431-2° e), « elles (les ARS) veillent … à la qualité et à la sécurité des actes médicaux, de la dispensation et de l’utilisation des produits de santé ainsi que des prises en charge et accompagnements médico-sociaux et elles procèdent à des contrôles à cette fin », alors qu’en application de l’article L. 1431-2 1° c), elles « procèdent aux inspections nécessaires » au regard du programme annuel de contrôle de respect des règles d’hygiène dont elles ont la charge.

Cette indifférenciation des termes transparait également dans d’autres articles du CSP relatifs aux ES. L’ordonnance n° 2018-20 du 17 janvier 2018 relative au service de santé des armées et à l’institution nationale des invalides prévoit dans son article 9 que les inspecteurs des ARS peuvent « procéder à des contrôles et à des inspections au sein des formations militaires et des établissements sous la tutelle du ministère de la défense » qui donnent lieu à des « rapports de contrôle et d’inspection » transmis au ministre de la défense et le cas échéant aux autres ministres intéressés547. Nous retrouvons cette indifférenciation dans le domaine de l’aide médicale à la procréation où les différents opérateurs, dont les établissements de santé, autorisés à pratiquer ce type d’activités « font l’objet d’une inspection ou d’un contrôle » par les agents visés à l’article L. 1421-1 CSP548. C’est également le cas de l’ABM qui doit obligatoirement procéder à la synthèse de ses « rapports de contrôle et d’inspection »549.

546 Art. L. 1431-2 2° b) « Elles autorisent la création et les activités des établissements de santé et installations […] ainsi que les établissements et services médico-sociaux […] elles « contrôlent leur fonctionnement… ».

547 Art. L. 1421-3-1 CSP.

548 Art. R. 2143-33 CSP.

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Ensuite, nous constatons que rares sont les textes qui, dans la sixième partie du CSP relative aux établissements de santé, utilisent le terme « inspection » en tant qu’opération matérielle à finalité purement sécuritaire. Seul le texte relatif aux inspections de laboratoires de biologie médicale rattache550 le terme « inspection » à la fois au processus (notamment aux droits reconnus aux inspecteurs en matière d’accès aux documents et aux locaux), et à une finalité sécuritaire. En l’espèce, à l’issue de « l’inspection » prévue à l’article L. 6231-3 CSP, le DGARS, « en cas d’urgence tenant à la sécurité des patients ou du personnel… peut prononcer une interruption immédiate » du fonctionnement des moyens techniques nécessaire à la réalisation de l’activité, ce que corrobore la notion de « danger imminent » de l’article R. 6231-1 CSP qui justifie ce type de mesures. Nous nous rendons compte dans ce cas que le lien entre inspection et sécurité n’est pas forcément exclusif. Le texte rappelle davantage, au travers de l’usage du terme « inspection », les prérogatives reconnues aux inspecteurs dans l’exercice de leurs missions de contrôle lorsqu’il emploie le terme « inspection », qu’une finalité particulière liée à la sécurité.

Enfin, dans un troisième cas, plus rare, le terme « inspection » est utilisé dans le sens de la visite de conformité. Ce cas semble à première vue éloigner l’inspection du critère finaliste de sécurité. Il concerne l’autorisation des installations de chirurgie esthétique où le DGARS peut faire « procéder à une inspection des installations à l’occasion de l’instruction d’une demande de renouvellement d’autorisation ou à l’occasion de l’instruction de la demande de confirmation d’autorisation »551. En réalité, ce cas est, selon nous, à rattacher à la police administrative de la sécurité des installations, car cette « inspection de conformité » a lieu lors de la demande de renouvellement de l’autorisation de chirurgie esthétique pour laquelle le DGARS voit son délai de réponse à la demande de renouvellement passer de quatre à six mois afin de pouvoir diligenter une inspection des installations. Cette prorogation de délai est motivée par la nécessité de s’assurer de la sécurité des installations et l’utilisation du terme « inspection » vise pleinement dans ce cas la garantie de sécurité.

Il ressort donc du CSP que bien que l’inspection traduise une opération matérielle, elle soit le plus souvent associée à la police administrative, même si la lecture des textes n’est pas toujours claire à ce propos. Le CASF a été soumis à la même recherche.

550 CSP, Titre III « Inspections » du Livre II de la Partie VI.

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2/ La prédominance de la notion de contrôle, ou l’inspection réduite à sa dimension organique et processuelle dans le CASF.

139. Comme nous l’avons noté précédemment, aucun titre relatif à l’inspection ne figure dans le CASF, ce qui explique que le terme « contrôle » y soit majoritairement employé. Les contrôles de l’aide sociale des articles L. 133-1 à L. 133-7 CASF visent « l’application des lois et règlements relatifs à l’aide sociale de l’Etat », renvoyant ainsi à la notion classique de « contrôle de conformité » à un texte. Si nous concentrons notre recherche sur le livre troisième du CASF consacré aux « établissements et des services », nous constatons naturellement la prédominance du terme « contrôle ». Toutefois, au sein de ce livre troisième, le chapitre III « Droits et obligations des établissements et services sociaux et médico-sociaux » soumis à autorisation a vu l’intitulé de sa section 4 « Contrôle » modifié par l’ordonnance du 2018-22 du 17 janvier 2018 dans un sens plus finaliste de « Contrôle administratif et mesures de police administrative ». Au sein de cette section, le terme « contrôle » est employé de manière quasi-exclusive aux articles L. 313-13 à L. 313-20 CASF.

En revanche, le terme « inspection » n’y apparait qu’une seule fois, au titre des « visites d’inspection » qui doivent être conduites par un médecin inspecteur de santé publique ou un inspecteur de l’action sanitaire et sociale pour les établissements et services relevant de l’autorisation du représentant de l’État dans le département552. Cette assertion est paradoxale, car le préfet de département ne dispose plus de MISP dans les services de cohésion sociale. Cette disposition de 2018 est une scorie juridique qui révèle en réalité un ancien pouvoir de police administrative « réservé » à ces deux corps professionnels MISP et IASS. Ils étaient jusqu’alors les seuls à pouvoir légalement conduire553 des inspections de protection des personnes dans le domaine social et médico-social554.

Cette survivance, dans l’ordonnance n° 2018-22, d’un monopole de la conduite des inspections « maltraitance » au bénéfice des seuls corps de IASS et de MISP, lorsque l’inspection porte sur un établissement ou un service social relevant du pouvoir d’autorisation du préfet de département, est loin d’être anecdotique. Elle est due à l’intervention du syndicat professionnel majoritaire au sein du corps des IASS auprès du législateur, au moment de la rédaction de l’ordonnance de janvier 2018, qui a fait valoir que le rôle « régalien » de conduite d’une mission d’inspection devait naturellement leur revenir, la présence de MISP aux côté des IASS s’avérant

552 Art L. 313-13 II CASF précité.

553 Au sens de « coordonner ».

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nécessaire à la révélation et la résolution de conduites maltraitantes notamment au sein des Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Pour autant, un tel monopole de conduite d’une inspection par ces deux corps n’a pas été retenu dans le champ du contrôle des établissements et services médico-sociaux relevant de l’autorisation du DGARS555. Il faut croire que le symbole du pouvoir régalien attaché au pouvoir d’ordre public du préfet de département dans le champ social est encore très fort.

Enfin, au sein des établissements et services habilités à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale, agréés ou soumis à déclaration, tels que les accueils pour mineurs ou pour majeurs, les règles sont les mêmes. L’article L. 331-1 CASF, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 17 janvier 2018, renvoie aux « contrôles » prévus par la section quatre précitée. Là aussi, nous pouvons noter que cet article L. 331-1 CASF a été dépouillé de sa fonction de « surveillance » que lui conférait le législateur avant 2018 et qui nourrissait un objectif exclusivement sécuritaire. Il reste là aussi une survivance de la notion de surveillance à l’article R. 331-5 CASF de la section II intitulée « surveillance des établissements ». Mais sa portée est désormais limitée, puisque ce dernier article oblige le maire à apposer une cotation et un paraphe556 sur le registre des entrées et des sorties prévu à l’article L. 331-2 CASF mis à disposition permanente des autorités judiciaires et administratives notamment dans le cadre de leurs contrôles.

140. Ainsi, dans le CASF, le terme « inspection » est essentiellement utilisé dans un sens organique557 ou processuel558, alors que comme souligné précédemment elle est plus attachée à la finalité de police administrative dans le CSP.

En outre, la pratique et les textes reflètent une certaine porosité entre inspection et contrôle rendue encore plus complexe par l’utilisation de termes connexes comme « surveillance » ou « enquête », ce qui rend les définitions et les postures instables pour les acteurs de terrain. Nous pouvons alors poser la question de savoir si une inspection est lato sensu, une opération matérielle de contrôle, y compris à visée sécuritaire, ou si une inspection est, par sa nature juridique, stricto sensu, un contrôle uniquement à visée sécuritaire.

555 Art. L 313-13 III CASF.

556 La cotation consiste à appliquer un numéro de référence sur chaque page du registre et le paraphe consiste en l’apposition sur la première et dernière page d’un cachet, d’une signature et d’une date pour éviter la falsification par destruction, par ajout ou par remplacement.

557 Par renvoi aux inspecteurs et contrôleurs de l’article L. 1421-1 CSP.

558 Par renvoi de l’article L. 313-13-1 CASF aux articles L. 1421-2 et L. 1421-3 CSP relatifs à l’accès aux locaux et aux documents.

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Pour y répondre, il convient d’examiner maintenant ce que disent la doctrine et la jurisprudence de la notion d’inspection.

§2 La recherche de critères de différenciation de l’inspection dans la doctrine et la

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