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B/ De l’activité médicale à la pertinence des soins : le renouveau du contrôle relatif à l’activité médicale ?

Le contrôle de l’activité médicale dévolu à la sécurité sociale recouvre une large gamme de contrôles allant de l’utilité de l’acte et la tarification de l’activité des ES (1) au contrôle émergent de pertinence des soins (2).

1/ Le contrôle de l’activité médicale : de l’utilité de l’acte à la tarification à l’activité 121. En tant que service national depuis 1967, le contrôle médical a vu ses compétences élargies avec l’ordonnance du 24 avril 1996 relative à la maitrise médicalisée des dépenses de soins qui en fixe une définition à l’article L. 315-1 I et II CSS: « le contrôle médical porte sur tous les éléments d’ordre médical qui commandent l’attribution et le service de l’ensemble des prestations de l’assurance maladie, maternité et invalidité ainsi que des prestations prises en charge en application des articles L. 251-2 et L. 254-1 du code de l’action sociale et des familles ». Nous l’avons déjà abordé en citant les différents acteurs de contrôle mais il est nécessaire de revenir sur le sujet plus en détails.

Les deux formes de contrôle médical les plus connues sont, d’une part, celle qui porte sur les assurés sociaux afin de rechercher des abus en matière de soins, de prescriptions d’arrêts de travail qui se traduisent par des prestations disproportionnées ou inutiles487 et, d’autre part, celle qui porte sur l’analyse, sur le plan médical, de l’activité des professionnels de santé libéraux

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qui dispensent des soins aux bénéficiaires de l’assurance maladie, notamment au regard des conventions signées avec cette dernière488.

Une troisième forme de contrôle médical se concentre sur l’activité médicale des ES et retient notre attention dans le cadre de cette étude. Au titre de l’article L. 315-1 III CSS : « il (le contrôle médical) procède à l’analyse, sur le plan médical, de l’activité des établissements de santé ». Le contrôle médical en établissement de santé se compose de trois variantes qui toutes tendent à une meilleure gestion du risque face au défi majeur que constitue la maitrise des dépenses de santé.

En premier lieu, il consiste en l’analyse sur le plan médical, de l’activité des ES mentionnés aux articles L. 162-29 CSS et L. 162-29-1 CSS (ES publics et privés). Il utilise la méthode des coupes transversales ou longitudinales sur les services de soins afin de mettre en évidence d’éventuelles inadéquations de séjours ou des volumes de prescriptions atypiques. Le contrôle médical a été étendu également aux prises en charges des soins dans les établissements médico-sociaux au titre de l’article R. 166-1 CSS489 et utilise la coupe « Pathos » pour calculer les niveaux de soins des résidents490.

En deuxième lieu, le contrôle médical se fonde sur le respect des références opposables : l’article L. 162-12-15 CSS précise que les établissements qui accueillent des bénéficiaires de prestations sociales doivent respecter les références médicales opposables de la HAS et de l’ANSM, afin de concourir à la maitrise des dépenses médicales. Comme l’a fait remarquer Marie-Laure MOQUET-ANGER491, cette activité se rapproche de celle exercée par les experts visiteurs de la HAS au titre de l’accréditation des professionnels de santé et de la certification des établissements de santé. Toutefois, le professeur MOQUET-ANGER relève des différences quant à l’objet de ces contrôles (justification de la prise en charge sociale pour l’un, démarche de la qualité pour l’autre), quant à leur finalité (financement de la prestation d’une part, accréditation et certification d’autre part), et quant aux fondements juridiques de ces missions (législation sociale pour les unes, législation sanitaire pour les autres).

488 Art. L. 315-1 IV CSS. A ce titre, les praticiens conseils contrôlent le respect de règles d’établissement des ordonnances et des prescriptions de médicaments définis à l’article L. 162-4 CSS.

489 Art. R. 166-1 CSS : « Pour effectuer les contrôles prévus respectivement par les articles L. 162-29, L. 162-29-1 et L. 162-29-162-30, les praticiens conseils mentionnés à l'article R. 162-29-166-8 ont librement accès à tout établissement, service ou institution sanitaire ou médico-sociale recevant des bénéficiaires de l'assurance maladie ».

490 Le Pathos moyen pondéré (PMP) est une évaluation des moyens nécessaire à la réalisation des soins.

491 MOQUET-ANGER M.-L., « Les compétences de contrôle du service du contrôle médical », Revue fondamentale des questions hospitalières, n°9, 2004, p. 64.

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Au-delà de la gestion du risque qui reste modeste s’agissant des établissements de santé dont elle est le financeur principal492, l’assurance maladie a vu son champ de contrôle élargi depuis 2004 à une troisième variante du contrôle médical en établissement. Il s’agit du contrôle de la facturation des actes et des séjours dans les établissements de santé publics et privés (ex OQN) en médecine, chirurgie et obstétrique493. La tarification à l’activité a été introduite par l’article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004 pour remplacer d’autres procédures de financements jugées trop inflationnistes494 dans le but d'optimiser les pratiques médicales, en s'appuyant sur des règles de l'art formalisées et consensuelles, afin d'améliorer la qualité des soins et la maîtrise des dépenses495.Cette tarification consiste à appliquer des tarifs spécifiques à des pathologies déterminées en fonction de groupes homogènes de séjours (GHS) tels que fixés dans le cadre du PMSI496.

122. La tarification à l’activité fait l’objet d’un contrôle spécifique. Le contrôle T2A est un contrôle externe de la régularité et de la sincérité de la facturation497. Il repose sur un système déclaratif et implique en contrepartie un contrôle du respect des règles de codage fixées aux articles L. 162-22-6 et L. 162-23-1 CSS. Ce contrôle n’est ni un audit de la qualité du codage, ni un contrôle de la pertinence des soins. Son objectif est de déceler des atypies ou des anomalies de codage pouvant donner lieu à des sous-facturations ou des sur-facturations au préjudice de l’assurance maladie. Une commission de programmation mixte assurance maladie et ARS élabore un programme régional de contrôle qui suit généralement des orientations fixées au niveau national498. Son exécution revient au DGARS en application de R. 162-35 CSS et ce dernier peut prononcer des sanctions financières à l’égard de l’établissement.

492BERGOIGNAN ESPER C.,DUPONT M., Droit Hospitalier, Dalloz 2014, p.65.

493 Art. L. 162-22-6 CSS.

494 Depuis une Circulaire du 26 mars 1888, les hôpitaux assurant le service public hospitalier étaient financés sur la base d’un régime de tarification individuelle appelé « prix de journée ». Celui-ci considéré comme inflationniste à partir des années 1970 a été remplacé par la loi n° 83-25 du 19 janvier 1983 par le « budget global » pour les établissements de santé publics et privés assurant le service public hospitalier. Ce système consistait en un versement par l’assurance maladie d’une « dotation globale de fonctionnement » (anc. art. R. 714-3-26 CSP) qui se traduisait par une enveloppe budgétaire annuelle définie a priori, afin de freiner les dépenses de santé. (Alors que les établissements du secteur privés à but lucratif sous OQN conservaient un mode de tarification mixte « à l’acte » et « à la journée »). L’absence de lien entre le financement et l’activité réelle des établissements de santé et le défaut d’indicateurs d’activité ont mené à la facturation à l’activité mise en place en 2004 dans le court séjour (MCO).

495 VIOUJAS V., « L'hôpital et l'assurance maladie : les stratégies d'un aveugle pour recouvrer la vue », RDSS 2010, p. 677.

496 V. supra.

497 V. guide de contrôle externe T2A MCO de 2018 et Instruction n° DGOS/R1/DSS/MCGR/2014/105 du 10 avril 2014 relative aux priorités nationales des contrôles externes de la tarification à l’activité pour 2014.

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Dans le déroulé du contrôle T2A, les médecins contrôleurs de l’assurance maladie annoncent à l’établissement la date de leur visite de contrôle. Pour les besoins de ce contrôle, ils ont accès aux dossiers médicaux, ils produisent un rapport et l’envoient en procédure contradictoire à l’établissement499. A l’issue de la procédure contradictoire et du rapport définitif et en cas d’inobservation des règles de production des GHS, deux types de suites sont possibles. En premier lieu, la classique répétition de l’indû par les organismes d’assurance maladie en application de l’article L. 133-4 CSS dont le contentieux relève du juge judiciaire par le biais des tribunaux de contentieux de la sécurité sociale500. En second lieu peut s’ajouter une sanction financière prononcée par le DGARS en application de l’article L. 162-23-13 CSS501. Cette sanction financière est modulable en fonction des sommes indument perçues502. Il s’agit d’une sanction administrative dont le contentieux relève du recours en annulation et non du plein contentieux, car elle est prise par l’ARS qui agit au nom de l’État et non plus en son nom propre comme c’était le cas pour les ARH503.

Considérée en 2005 comme une véritable révolution, la mise en place des contrôles T2A a été au départ mal perçue par les ES, car ressentie comme une recherche de fraude à leur encontre, alors que ceux-ci ne connaissaient en réalité pas bien les règles de codification et que l’absence de référentiels opposables ne permettait pas de mesurer de manière efficace la pertinence des prises en charge504. Aujourd’hui, le contrôle T2A est devenu plus mature, avec une phase d’expansion dans le secteur de la psychiatrie et des soins de suite et de réadaptation. Ce contrôle croisé avec le contrôle réalisé par l’ARS sur les actes budgétaires et le rôle des juridictions financières sur la gestion des ES, permettent au DGARS d’alimenter sa capacité d’analyse et de réaction, dans son double rôle d’autorité de tarification et d’autorité d’autorisation sur les ES publics et privés.

499 Art. R. 162-35-2 CSS.

500 PRETOT X., Droit de la sécurité sociale, les mémentos, Dalloz, 14e éd. 2015, p. 108.

501 Avec la procédure prévue à l’article R.162-35-4 CSS.

502 La sanction est fixée en fonction de la gravité des manquements constatés et de leur caractère réitéré, à un montant au maximum égal au montant des recettes annuelles d’assurance maladie afférentes aux activités, prestations ou ensembles de séjours ayant fait l’objet du contrôle multiplié par le taux d’anomalies. Ce montant ne peut excéder dix fois les sommes indûment perçues par l’établissement.

503 CE, 16 mars 2015, Hôpital privé de l’Estuaire, n° 371465, RDSS, 2015, p. 517, concl. R.DECOUT-PAOLINI, RGDM, 2015, n° 56, p. 89, concl. R.DECOUT-PAOLINI et note V.VIOUJAS.

504 VIOUJAS V., « L'hôpital et l'assurance maladie : les stratégies d'un aveugle pour recouvrer la vue », RDSS, 2010, op. cit., p. 677.

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Notre recherche montre aussi qu’en matière de contrôle, les moyens peuvent justifier une fin qui est celle de la recherche de la qualité des soins dans le respect des orientations financières de l’ONDAM. Aussi, devons-nous évoquer le contrôle de la pertinence des soins.

2/ Le contrôle de la pertinence des soins : un nouveau type de contrôle ?

123. Un quatrième type de contrôle médical a vu le jour dans le cadre de la Stratégie nationale de santé 2018-2022 adoptée le 29 décembre 2017 par la ministre de la santé Agnès Buzyn505: le contrôle de la pertinence des soins. Le « soin pertinent » est défini dans cette stratégie comme le soin « dispensé en adéquation avec les besoins du patient, sur la base d’une analyse bénéfice / risques, et conformément aux données actuelles de la science, aux recommandations de la Haute autorité de santé, et des sociétés savantes, nationales et internationales ». A partir de cet impératif de pertinence des soins, le législateur a décidé de subordonner le remboursement de certains produits de santé et actes médicaux en y intégrant de nouveaux motifs de contrôle. L’article L. 162-19-1 CSS, issu de la loi de financement de la sécurité sociale de 2017506, subordonne en effet le remboursement d’un produit de santé et des prestations éventuellement associées à l’énoncé de mentions nouvelles sur l’ordonnance qui les prescrit, notamment « au renseignement sur l’ordonnance par le professionnel de santé d’éléments relatifs aux circonstances et aux indications de la prescription lorsque ce produit et, le cas échéant, ses prestations associées présentent un intérêt particulier pour la santé publique, un impact financier pour les dépenses d'assurance maladie ou un risque de mésusage ». Le non-respect de ces obligations peut donner lieu au constat d'un indu par le contrôle médical de l’assurance maladie. Pour Anne-Sophie GINON, la formalisation sur l’ordonnance des circonstances de recours aux produits et prestations doit permettre au service médical de mesurer le juste recours aux soins, c’est-à-dire d’évaluer le caractère approprié de la prescription produite507. Selon elle, ce nouveau contrôle constitue une voie inédite qui doit permettre la comparaison entre les prescriptions réalisées par des professionnels de santé.

Ce contrôle de la pertinence des soins ne peut pas être effectué au nom d’une ARS pour des prises en charge en établissement de santé, comme l’a rappelé le Conseil d’État dans un arrêt du 7 mars 2018, en considérant que les sanctions financières que « l’agence régionale de santé

505 Décret n° 2017-1866 du 29 déc. 2017 portant définition de la stratégie nationale de santé pour la période 2018-2022, JO 31 déc. 2017.

506 Loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 - art. 58 (V)

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peut prendre à l’encontre d’un établissement de santé dans le cadre de la tarification à l’activité ne peuvent pas reposer sur une appréciation de la pertinence médicale des soins »508. Le contrôle de la pertinence des soins relève des praticiens-conseils de l’assurance maladie, seuls à même de fournir une expertise médicale sur les choix des médecins pris en concertation avec leurs patients en médecine de ville comme à l’hôpital.

Le secteur sanitaire est donc très encadré par les règles et les contrôles budgétaires et financiers, ce qui parait logique quand on sait que les établissements de santé représentent à eux seuls près de 42% de l’ONDAM 2020 contre moins de 11% pour les établissements et services médico-sociaux509. Ces contrôles visent non seulement à l’équilibre des comptes mais aussi à la qualité des prises en charge.

Il en va de même pour le secteur des ESSMS confronté à la complexité de ce type de contrôles au regard du nombre d’autorités administratives compétentes et au manque de clarté dans la présentation juridique de ces contrôles.

§2 Les contrôles liés à la gestion budgétaire, financière et à la tarification dans le

champ des établissements et services sociaux et médico-sociaux

Sur le secteur social et médico-social, les contrôles budgétaires et financiers sont beaucoup plus complexes à appréhender que sur le secteur sanitaire. Nous allons constater qu’un principe de distributivité du contrôle financier s’applique entre autorités de tarification en présence d’ESSMS gérés par des organismes de droit privé à but non lucratif (A). Pour autant, il subsiste des « missions d’enquête financière » qui font resurgir une concurrence entre DGARS et préfet de département (B).

508 CE, 7 mars 2018, Société polyclinique Vauban, n° 403309; AJDA 2018. p. 532.

509 Annexe 7 Ondam et dépenses de santé, PLFSS 2020 (82,5 Md€ pour les établissements de santé contre 21 Md€ pour le secteur médico-social).

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A/ Le principe de distributivité du contrôle financier entre autorités de tarification

sur les ESSMS gérés par des organismes de droit privé à but non lucratif

124. Dans le champ social et médico-social, le préfet du département, le PCD et le DGARS disposent de plusieurs pouvoirs de contrôle financier sur les ESSMS liés à leurs pouvoirs de tarification au titre de l’article R. 314-3 CASF.

Classiquement, ces autorités de tarification procèdent à un contrôle financier annuel sur les établissements et services, lors des campagnes budgétaires de fixation des tarifs et de contrôle des comptes administratifs. Elles ont accès, en application de l’article R. 314-56 CASF, à toutes les pièces qui attestent du respect de leurs obligations financières, sociales et fiscales. De même, elles peuvent demander à la personne morale qui assure la gestion d’un établissement ou service social ou médicosocial, de réaliser ou faire réaliser une étude portant notamment sur les conditions de gestion, l’intérêt d’une mise en œuvre d’actions de coopération ou de coordination avec des partenaires extérieurs notamment en termes de mutualisation de services510.

Mais surtout, depuis la loi HPST de 2009, chacune de ces trois « autorités de tarification » bénéficie d’un pouvoir de contrôle financier prévu à l’article L. 313-14-1 CASF sur les établissements et services relevant de leur tarification, lorsque ceux-ci sont « gérés par des organismes privés à but non lucratif ». Ces pouvoirs de contrôles financiers sont « distribués à parts égales » entre eux, ce qui nous amène à parler de « distributivité » du contrôle financier sur le secteur privé à but non lucratif. En application de cet article, « lorsque la situation financière fait apparaitre un déséquilibre financier significatif et prolongé, ou lorsque sont constatés des dysfonctionnements dans la gestion financière de ces établissements et services […] l’autorité de tarification compétente adresse à la personne morale gestionnaire une injonction de remédier au déséquilibre financier ou aux dysfonctionnements constatés et de produire un plan de redressement adapté, dans un délai qu’elle fixe ». S’il n’est pas satisfait à cette injonction, ou en cas de refus de l’organisme gestionnaire de signer un avenant au CPOM, l’autorité de tarification peut désigner un administrateur provisoire pour une durée de six mois renouvelable une fois. En cas d’échec de l’administration provisoire, l’autorité de tarification peut saisir le commissaire aux comptes pour la mise en œuvre de la procédure l’alerte prévue à l’article L. 612-3 du Code de commerce.

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Cette procédure particulière mise en place par la loi HPST511 a été inspirée par arrêt du Conseil d’État relatif au contrôle financier des établissements de santé privés à but non lucratif et transposé aux ESSMS privés à but non lucratifs512. Ce contrôle oblige les autorités de tarification à être vigilantes sur les financements versés aux associations gestionnaires d’établissements et constitue un indéniable levier d’action supplémentaire dans l’objectif des CPOM devenus obligatoires.

Cependant, la mission de contrôle de l’article L. 313-14-1 CASF peut rentrer en conflit avec les missions d’enquêtes financières.

B/ La concurrence entre DGARS et préfet de département sur les « missions

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