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A/ Un contrôle budgétaire et comptable renforcé sur les établissements de santé

Le contrôle budgétaire et comptable sur les établissements de santé publics et privés est devenu primordial afin de concilier gestion optimale des établissements et meilleure maitrise des dépenses de santé. Ce contrôle allie des méthodes classiques de contrôle de tutelle à des méthodes plus modernes de certification de comptes et d’un contrôle de gestion qui peut aller jusqu’à une mesure de la performance financière de l’établissement. Nous aborderons le contrôle budgétaire et comptable qu’opèrent les autorités de tarification et le CAC (1), avant d’évoquer le rôle des juridictions financières en matière de contrôle financier sur les ES (2).

1/ Le contrôle budgétaire et comptable par les autorités de tarification et le CAC

116. Les contrôles budgétaires et comptables sont majoritairement réalisés sur pièces et ne nécessitent que très rarement une visite sur site. Force est de constater que l’encadrement des EPS en termes de contrôles budgétaires et comptables est bien plus contraignant que celui qui pèse sur les ESP. En effet, les EPS font l’objet d’un double contrôle : Un contrôle de la procédure budgétaire par l’autorité de tarification, et un contrôle de la comptabilité publique par le comptable public et le CAC.

117. Le contrôle budgétaire, que certains nomment encore « contrôle de tutelle »463, bien qu’il se réalise désormais surtout a posteriori, est exercé par le DGARS dans les établissements de santé publics. Son contentieux relève du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale, contrairement à d’autres actes relevant du conseil de surveillance ou du directeur d’un EPS qui sont soumis au contrôle du juge administratif464. Le contrôle budgétaire exercé par le DGARS porte sur l’EPRD et le plan global de financement pluriannuel (PGFP) qui relèvent

463 LAMI A,VIOUJAS V., « Droit hospitalier », Edition Bruylant, 2018, p. 138.

464 En application de l’article L. 6143-4 1° CSP, le directeur général d’ARS exerce un contrôle a priori sur les délibérations les plus importantes du conseil de surveillance énumérées aux 2°, 5°, 7° et 8° de l’article L. 6143-1 CSP (convention constitutive des CHU, rapport annuel d’activité de l’établissement, statuts des fondations hospitalières…). Il exerce un contrôle de légalité a posteriori sur les délibérations les moins importantes dites de « gestion courante » en application de l’article L. 6143-1 3° CSP (compte financier et affectation des résultats) et peut déférer au tribunal administratif ses délibérations dans un délai de deux mois.

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d’une décision du directeur de l’établissement public465. Ils sont réputés approuvés tacitement si le DGARS ne se prononce pas dans un délai de 30 jours à compter de leur transmission en application de l’article L. 6143-4 2° CSP. Si l’EPRD n’est pas approuvé par le DGARS, le directeur de l’établissement doit proposer un nouveau projet tenant compte des motifs du rejet. A défaut, le DGARS arrête l’EPRD466.

A côté de ce contrôle régulier de l’EPRD par le DGARS, existe un contrôle beaucoup plus sporadique, mis en place par l’ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005 modifiée et son décret n° 2005-1474 du 30 novembre 2005 pour faire face à des EPS « en difficulté ». L’article R. 6145-39 CSP prévoit que « sous réserve de l’exercice de ses pouvoirs généraux de contrôle, le directeur général de l’ARS peut, à son initiative ou à la demande du conseil de surveillance ou du directeur de l’établissement, soumettre le fonctionnement et la gestion d’un établissement public de santé en difficulté à l’examen d’une mission d’enquête ». A l’issue de cette dernière, le DGARS « communique les conclusions de la mission au président du conseil de surveillance, au directeur et au comptable de l’établissement ; il propose les mesures de nature à remédier aux difficultés de fonctionnement ou de gestion constatées ».

Nonobstant ces contrôles relatifs aux délibérations ou aux actes budgétaires des établissements publics de santé, les difficultés financières que connaissent les hôpitaux depuis 2006 et qui ont eu des répercussions sur leur déficit n’ont pas été suffisamment enrayées467. C’est pourquoi la loi HPST du 21 juillet 2009 a autorisé le DGARS à leur imposer des plans de redressement468. Cette mesure de contrainte s’est doublée de la possibilité pour le DGARS de déclencher une procédure de mise sous administration provisoire prévue à l’article L. 6143-3-1 CSP lorsque l’hôpital ne présente pas de plan de redressement dans les délais impartis, ou que celui-ci ne permet pas de redresser la situation ou que l’hôpital ne l’exécute pas469. Nous avons déjà évoqué cette mesure administrative dans le cadre des contrôles liés au respect des textes législatifs et réglementaires relatifs à la sécurité et à la qualité des prises en charge. En effet, cet article

465 Art. L. 6143-7 CSP.

466 Cependant, le DGARS peut intervenir, soit par substitution du directeur lorsque ce dernier n’arrête pas l’EPRD dans les délais règlementaires en application de l’article L. 6145-1 CSP, soit par approbation expresse en application de l’article L. 6143-3 2° CSP, lorsque l’établissement de santé public connait des difficultés financières et est soumis à un plan de redressement prévu à l’article L. 6143-3 CSP.

467 Le directeur général d’ARS depuis un décret de 2011 réalise un contrôle dans le cadre du recours à l’emprunt des établissements publics de santé qui ont été affectés par les dettes, notamment dues aux emprunts toxiques. L’ARS doit ainsi donner son autorisation préalable à l’emprunt en application des conditions prévues à l’article D. 6145-70 CSP.

468 Art. L. 6143-3 CSP.

469 En application de l’article L. 6143-3 CSP, le directeur général de l’ARS peut solliciter l’avis de la chambre régionale des comptes.

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prévoit une autre hypothèse à l’administration provisoire qui est celle du « manquement grave portant atteinte à la sécurité des patients ». Il nous faudra examiner dans notre étude si ces deux hypothèses confèrent aux agents contrôleurs les mêmes droits en contrôle, et si les suites données à l’administration provisoire diffèrent selon que les causes en sont financières ou sécuritaires470.

118. Le contrôle budgétaire exercé par l’autorité de tarification sur les EPS se double également d’un contrôle sur la comptabilité de ces établissements. Il s’agit d’abord d’un contrôle interne par le comptable public de l’établissement en application de l’article L. 6145-8 CSP, comptable qui engage sa responsabilité sur ses propres deniers. Il s’agit ensuite d’un contrôle externe par un CAC mis en place de manière obligatoire, à l’instar des établissements de santé privés, par la loi HPST afin de procéder, à la certification des comptes de certains établissements publics qui dépassent le seuil de cent millions d’euros de total des produits du compte de résultat principal pendant trois exercices consécutifs471.

Du côté des ESP et du fait de leur autonomie budgétaire, le contrôle financier est beaucoup plus léger. Comme les établissements publics, ils sont soumis depuis plus longtemps que les établissements publics à la certification de leurs comptes par un CAC472. Les comptes certifiés ainsi que toutes les pièces comptables sont transmis par le commissaire aux comptes à l’autorité de tarification pour le besoin de son contrôle et le rapport de certification des comptes est transmis à la CDC en application des articles L. 132-4 et L. 141-12 CJF.

Il ne faut pas trop vite conclure que les ESP sont « hors contrôle financier » de l’ARS. Le Conseil d’État dans un arrêt de 2007 a reconnu la possibilité pour un directeur d’ARH de désigner un administrateur provisoire au titre de l’article L. 6161-3-1 CSP dans un établissement de santé privé associatif qui connaissait des difficultés financières473. La motivation porte sur le fait que « la restriction apportée à l'autonomie des organismes gestionnaires d'établissements de santé, notamment à ceux qui sont constitués sous la forme d'associations, par la possibilité de nommer un administrateur provisoire en cas de difficulté financière prolongée, est justifiée par le souci d'éviter que des irrégularités graves ou la

470 Une première réponse se trouve à l’article L. 6131-1 CSP qui permet au DGARS d’agir sur le volet de la coopération au sein du système de santé en afin de « garantir la qualité et la sécurité des soins » et « lorsque la procédure décrite à l’article L. 6143-3-1 n’a pas permis d’amélioration financière d’un établissement ».

471 Art. D. 6145-61-7 CSP.

472 Art. L. 6161-1 à L. 6163-10 CSP.

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persistance de difficultés financières ne mettent en péril la continuité des soins dispensés aux assurés sociaux ».

A côté du contrôle budgétaire s’est développé le contrôle financier par les juridictions financières qui, comme nous allons le voir, participe indirectement du renforcement du contrôle relatif à la qualité et à la sécurité des prises en charges.

2/ Le contrôle financier par les juridictions financières

119. Les CRC mises en place par la loi de décentralisation de 1982 ont pris une place prépondérante en matière de contrôle financier sur les ES. Ces juridictions financières ont une triple fonction de contrôle : un contrôle juridictionnel sur le comptable public, un contrôle administratif sur les actes budgétaires et un contrôle plus large et très innovant sur la gestion des établissements de santé.

Dans sa fonction juridictionnelle, la chambre régionale des comptes juge tous les quatre ans en moyenne la régularité des comptes du comptable public des établissements de santé publics de son ressort et prononce des jugements sur les comptes du comptable public de l’EPS474. Elle donne décharge sur la gestion annuelle et quitus quand le comptable quitte l’EPS. Elle peut mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public ou déclarer comptables de fait certaines personnes qui se seraient immiscer dans les comptes publics A côté de cette fonction juridictionnelle, les chambres régionales des comptes ont une fonction administrative sur deux volets.

Le premier volet est celui du contrôle des budgets hospitaliers. La CRC est censée assurer le contrôle des actes budgétaires des établissements publics de santé mais ce contrôle, qui n’était pas prévu pour les hôpitaux lors de la publication de la loi du 2 mars 1982, reste marginal475. Cependant, depuis 2009, en application de l’article L. 6143-3-1 CSP, elle peut être saisie par le DGARS pour donner un avis sur la situation financière et le cas échéant sur les mesures de redressement lorsqu’un EPS est susceptible d’être mis sous administration provisoire476. Le second volet concerne l’exercice par les CRC, sur délégation de la CDC, d’un contrôle de gestion sur les EPS. En application de l’article L. 211-3 CJF, le contrôle des comptes et de la gestion porte « sur la régularité des actes de gestion, sur l’économie des moyens mis en œuvre

474 Art. L. 211-1 CJF.

475 BERTUCCI J.-Y., DOYELLE A., « Le contrôle sur les établissements publics de santé », AJDA, 1997, p. 444.

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et sur l’évaluation des résultats atteints par rapport aux objectifs fixés par l’assemblée délibérante ou par l’organe délibérant. L’opportunité de ces objectifs ne peut pas faire l’objet d’observations ».

Si la CRC ne se prononce pas sur l’opportunité des objectifs et des choix politiques relatifs à la gestion de l’EPS, elle s’intéresse en revanche à la fiabilité des comptes et à l’équilibre financier des opérations et de la gestion. Ce contrôle des comptes et de la gestion donne lieu à un rapport ou une lettre d’observations envoyée en procédure contradictoire à l’ordonnateur, assorti de recommandations dont la mise en œuvre fait l’objet d’un suivi. En moyenne, les hôpitaux les plus importants sont contrôlés tous les six à sept ans à ce titre. Ces rapports d’observations peuvent aussi être publiés sur le site internet de la CDC pour les plus emblématiques d’entre eux, jouent ainsi un rôle pédagogique auprès des établissements du secteur.

120. Les juridictions financières, indépendantes des autorités sanitaires et expertes dans l’analyse de la gestion budgétaire et financière, ont rapidement vu le périmètre de ce contrôle de gestion s’élargir. L’article 109 de la loi de santé de 2016477 a étendu les pouvoirs de contrôle des juridictions financières aux établissements et services de droit privé. La CDC478 et les CRC479 peuvent désormais exercer leur contrôle de gestion sur les personnes morales de droit privé à caractère sanitaire, social ou médico-social mentionnées à l'article L. 312-1 CASF et à l'article L. 6111-1 CSP. Pour Michèle DELAUNAY, alors ministre déléguée chargée des personnes âgées et de la dépendance et qui a porté cet amendement480, « ces établissements représentent une part significative de l’offre de soins et d’hébergement et reçoivent, à ce titre, d’importants financements publics, principalement de la Sécurité sociale (plus de 47 milliards d’Euros). Le contrôle permettra aussi une évaluation comparative des coûts et des modes de gestion et des pratiques des établissements financés par l’assurance maladie, qu’ils soient publics ou privés ».

477 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, JO du 27 janvier 2016.

478 Art. L. 111-7 CJF pour les personnes morales de droit privé à caractère sanitaire, social ou médico-social mentionnées à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles et à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (ES privés d’intérêt collectif et privés) et financées par l'Etat, ses établissements publics ou l'un des organismes mentionnés à l'article L. 134-1 du présent code (assurance maladie notamment).

479 Art. L. 211-7 CJF pour les personnes morales de droit privé à caractère sanitaire, social ou médico-social mentionnées à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles et à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (ES privés d’intérêt collectif et privés) et financées par une collectivité territoriale, un établissement public ou un groupement d'intérêt public relevant lui-même de la compétence de la chambre régionale des comptes ou par l'un des organismes mentionnés à l'article L. 134-1 du présent code (assurance maladie notamment).

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Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 janvier 2016 est allé dans le même sens en retenant que « la nécessité pour l'État de contrôler l'emploi des ressources que ces personnes morales de droit privé perçoivent est de nature à justifier l'instauration d'un régime spécifique de contrôle »481. Mais les sages émettent une réserve à l’adresse du pouvoir réglementaire en précisant « qu'il appartiendra toutefois au pouvoir réglementaire de veiller, en fixant les modalités de mise en œuvre de ces contrôles, au respect des principes constitutionnels de la liberté d'entreprendre ou de la liberté d'association des personnes morales de droit privé concernées ».

Comme le fait remarquer Vincent VIOUJAS, l’autonomie dont bénéficient les établissements privés demeure supérieure à celle dont disposent les établissements publics482. Toutefois, ce renforcement des contrôles par les juridictions financières sur les personnes morales de droit privé va, selon nous, contribuer au renforcement du contrôle par le ministère et les ARS, comme l’a souligné la CDC dans son référé de 2019 adressé à la ministre de la santé sur les contrôles des cliniques privées483. La Cour des comptes y relève une « régulation trop distante par la DGOS et les ARS », notamment par défaut de transmission par les cliniques privées de leurs comptes aux ARS484, et qui se limite au suivi par ces dernières des autorisations d’activités et d’équipement lourds. La CDC remarque en revanche dans son référé que les ARS « ne suivent pas en général la mise en œuvre des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, ni celles des reconnaissances contractuelles et des conditions techniques de fonctionnements une fois les autorisations accordées » et cite pour exemple la fermeture de plateaux non conformes à la sécurité et à la qualité des pratiques (notamment en lien avec les recommandations issues de la certification par la HAS). Nous le constatons, le contrôle financier constitue bel est bien un instrument à part entière de mesure de la « performance » des établissements qui dépasse la simple gestion budgétaire pour aller sur la qualité des prises en charge485.

Aussi, au-delà du « mélange des genres » apparent souligné par Didier TRUCHET486 qui résulterait de l’introduction du comptable public dans le privé et du comptable privé dans le public, nous pensons que ces deux mouvements procèdent de la même intention. Celle de rendre

481 Cons. Const., 21 janv. 2016, Loi de modernisation de notre système de santé, n° 2016-727 DC.

482VIOUJAS V., « Le renforcement du contrôle sur les établissements de santé », in les cahiers de la fonction publique hospitalière, n° 39, septembre 2016.

483 Référé de la Cour des Comptes n° S2019-0885 du 26 mars 2019 relatif aux « Constats issus des premiers contrôles des cliniques privées » (publié).

484 Art. L. 6113-8 et L. 6161-3 CSP.

485 ADVIELLE F., VAN HERZELE P., « Le contrôle de performance des établissements publics de santé par les chambres régionales des comptes », AJDA 2018, op. cit., p. 2013.

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efficient le contrôle financier de la dépense publique dans le secteur public comme pour le secteur privé, lorsque que cette dépense provient des prélèvements obligatoires.

Le contrôle financier par l’autorité de tarification, les comptables et maintenant les juridictions financières, ne porte pas sur la justification des actes médicaux et leur prise en charge par l’assurance maladie. Ce contrôle de l’activité médicale est spécifique au service du contrôle médical de la sécurité sociale et dorénavant, les ARS y contribuent pleinement.

B/ De l’activité médicale à la pertinence des soins : le renouveau du contrôle relatif

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