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A/ Les contrôles de conformité à l’autorisation sur les établissements et services de santé

Le contrôle de conformité dans le champ sanitaire considéré comme très large se conçoit aujourd’hui comme un contrôle de planification (1), mais semble remis en cause par la certification des ES (2).

390 BATBIE A., Traité théorique et pratique de droit public et administratif, T. 7 Cotillon, 1868, p. 275-276.

391 ROUAULT M.-C., Droit administratif et institutions administratives, 3e éd., Ed. Larcier, 2015, ; GAUDEMET Y., Droit administratif, 2e éd., LGDJ, 2015.

392 La visite de conformité a la nature d’une mesure de police administrative, car elle porte notamment sur la vérification des conditions techniques de fonctionnements imposées par la règlementation (ex : article D. 6122-38 CSP pour la visite de conformité dans un établissement de santé). Sous cet aspect, la visite de conformité est une visite de sécurité (cf CAA Lyon, 8 avr. 2010, req. n° 08LY00155, concernant le refus de renouvellement d’autorisation d’une maternité). En revanche, la vérification du respect des conditions d’implantation prévues par l’autorisation ne relève pas de l’action de police, car il s’agit de vérifier l’exécution d’un engagement pris par l’établissement (cf M.-L. MOQUET-ANGER, « Les compétences de contrôle du service de contrôle médical », Revue fondamentale des questions hospitalières n°9, 2004, p. 61 et 62.).

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1/ Le contrôle de conformité à l’autorisation dans le champ sanitaire : un contrôle de de police lié à la planification

102. Les autorisations sanitaires sur les établissements de santé publics et privés ne sont plus de simples actes de police administrative, mais se révèlent être aussi des instruments de planification au sens économique du terme393, car « en matière de santé, ce n’est pas la demande qui commande l’offre mais bien l’inverse »394. L’autorisation sanitaire, comme l’autorisation sanitaire, constitue un outil de planification, « à la fois quantitative et qualitative, à la fois impérative et incitative, à la fois autoritaire et concertée, à la fois ambitieuse et limitée », comme l’a formulé le Pr LEMOYNE-DEFORGES395.

Dans la typologie des autorisations administratives proposée par Laurent SEUROT, l’autorisation sanitaire fait partie de ce que l’auteur nomme les « autorisation habilitations », parce-que leur régime juridique actuel déroge aux quatre caractères de la simple « autorisation de police » (unilatéralité, gratuité, précarité et incessibilité) et ne répond pas aux caractères de ce qu’il nomme par ailleurs les « autorisations allocations » qui visent à organiser l’accès à une ressource rare (créneaux aériens, sillons ferroviaires) ou un « droit à produire » (quotas laitiers, quotas d’émissions de gaz à effet de serre)396.

En effet, les autorisations sanitaires doivent être non seulement compatibles avec les objectifs du schéma régional de santé, mais aussi avec l’objectif de qualité et de sécurité pour les patients et les personnels, dans le respect des normes techniques prévues par les textes, et en tenant compte des impératifs financiers fixés par l’ONDAM. Nous ne rentrerons pas ici dans les détails du régime juridique des autorisations hospitalières issues de l’ordonnance du 4 septembre 2003397 qui ont été en partie modifiées par l’ordonnance du 3 janvier 2018398. Mais il s’avère que la visite de conformité constitue le « premier contrôle » sur une activité de soins ou un équipement, et que la place occupée par ce contrôle a évolué ces dernières années.

393 APOLLIS B., Autorisations sanitaires et hospitalisation privée : Contribution à l'étude des autorisations administratives dans leurs rapports avec les personnes privées, Université de Montpellier I, 2005, prec.

394 APOLLIS B., TERRIER E., « La réforme de la planification hospitalière », AJDA 2006 p. 422.

395 LEMOYNE-DEFORGES J.-M., « L’avenir de la planification hospitalière », Administration 1994, n° 165, p. 32.

396 SEUROT L., « Autorisations sanitaires et théorie générale des autorisations administratives », RDSS mai-juin 2020, p. 468.

397 Sur le sujet, voir la thèse de APPOLIS B., Autorisations hospitalières et hospitalisation privée, LEH, coll. Thèses, 2008 et la thèse de DUPUY O., Le régime des autorisations administratives et la recomposition de l’offre hospitalière, Paris VII, 2003.

398 Ordonnance n° 2018-4 du 3 janv. 2018 relative à la simplification et à la modernisation des régimes d’autorisation des activités de soins et d’équipements matériels lourds, JO 4 janv. 2018.

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Les autorisations sanitaires relèvent désormais du DGARS et couvrent un champ très large au regard de la conception extensive de la notion d’ES donnée par les juges administratifs et judiciaires399. Les activités de soins sont répertoriées à l’article R. 6122-25 CSP et les équipements matériels lourds à l’article R. 6122-26 CSP. Les demandes d’autorisation sont adressées au DGARS selon un calendrier défini par les textes. A la lecture de l’article L. 6122-2 CSP, trois conditions cumulatives sont à prendre en compte pour que l’autorisation soit accordée : le projet doit répondre aux besoins de santé de la population identifiés par le projet régional de santé, il doit être compatible avec les objectifs fixés par ce schéma et il doit satisfaire à des conditions d’implantation et à des conditions techniques de fonctionnement dont le juge administratif a rappelé qu’elles doivent figurer dans la décision d’autorisation400. A ces trois conditions cumulatives vient s’ajouter celle prévue à l’article L. 6122-5 CSP qui dispose que l’autorisation est subordonnée au respect des engagements relatifs, d’une part, aux dépenses à la charge de l’assurance maladie ou au volume d’activité, et, d’autre part, à la réalisation d’une évaluation sur la réalisation des objectifs du CPOM, et aux conditions particulières imposées dans l’intérêt de la santé publique. Le contrôle de l’autorisation ne s’arrête donc pas au simple respect des conditions techniques d’organisation et de fonctionnement de l’établissement, mais a été élargi aux respects des indicateurs issus de la planification et de la contractualisation, ce qui, nous le verrons, interroge la dimension juridique de ce que l’on nomme aujourd’hui le « contrôle ».

La durée de l’autorisation qui était de cinq ans dans le domaine des établissements de santé ne peut plus être, sauf exception, inférieure à sept ans, en application de l’article 1 de l’ordonnance n° 2018-21 du 17 janvier 2018401. L’opération matérielle qui consiste à contrôler la conformité d’un établissement de santé lors de l’autorisation ou lors de son renouvellement est décrite à l’article D. 6122-38 CSP sous le terme de « visite de conformité ». Celle-ci est effectuée par au moins deux personnes désignées par le DGARS parmi les six corps d’inspection et de contrôle des services du ministère de la santé mentionnés aux articles L. 1421-1 CSP et les agents régulièrement désignés en tant qu’inspecteurs ou contrôleurs par le DGARS en application de

399 Dans son ouvrage sur le « droit hospitalier » paru aux éditions LGDJ dans sa 5e édition, le Pr. M.-L. MOQUER -ANGER rappelle qu’il a été jugé que des cabinets de ville pratiquant des endoscopies digestives ou une activité de chirurgie ambulatoire constituent des établissements de santé. Sur la question, V. CORMIER M., « La notion d’établissement de santé », in De l’hôpital à l’établissement public de santé, MOQUET-ANGER M.-L. (dir.), L’Harmattan, 1998, p. 6 et « Contrôle des investissements hospitaliers », in Litec Droit médical et hospitalier, fasc. 121, spéc. n° 7.

400 CAA Marseille, 3 févr. 2005, Polyclinique Malartic, n° 02MA02192, 02MA00221.

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l’article L. 1435-7 CSP (ICARS)402, ainsi que par les praticiens conseils de l’assurance-maladie. Relevons ici la symétrie des agents chargés du contrôle de la conformité avec ceux en charge de l’inspection, en ce que cette dernière, comme nous le verrons, vise essentiellement le respect des textes relatifs à la qualité et à la sécurité. Cette symétrie entre les deux types de contrôles se retrouve dans les suites données à ceux-ci. Lorsque sont identifiés à l’occasion de la visite de conformité des risques tenant à la protection de la santé publique, à la sécurité des personnes et aux dépenses de santé, l’objectif est alors de prévenir ou sanctionner ceux-ci par des mesures coercitives d’injonction, de suspension ou de retrait403. Lorsque l’activité et les installations sont conformes aux attendus, l’ARS doit transmettre le résultat positif de la visite dans un délai d’un mois à l’établissement.

Néanmoins, nous allons constater que le législateur a introduit en janvier 2018 une novation juridique en articulant la procédure de police administrative de la visite de conformité avec la démarche qualité de certification.

2/ Le contrôle de conformité à l’autorisation dans le champ sanitaire : un contrôle remis en cause par la certification des établissements de santé ?

103. La procédure et la portée du contrôle de l’autorisation que constitue la visite de conformité a été profondément modifiée ces dernières années. Avant les décrets d’application de la loi HPST, la durée de validité de l’autorisation était comptée à partir de la visite de conformité qui avait lieu dans le mois qui suivait la signification par laquelle le titulaire énonçait au directeur d’ARH qu’il était en mesure de faire fonctionner ses installations. Dorénavant, cette visite de conformité doit se réaliser sur demande du titulaire dans les six mois qui suivent la mise en fonctionnement de ces installations, alors même que l’établissement accueille des patients. Cette dissociation entre le début de l’autorisation et la visite de conformité fait de celle-ci un contrôle « a posteriori » dans le sanitaire, contrairement à ce qui est en vigueur dans les ESSMS.

En outre, l’ordonnance du 3 janvier 2018 a fait entrer la démarche qualité dans la procédure d’autorisation à l’article L. 6122-2 CSP qui prévoit que « l’autorisation est accordée en tenant compte des éléments des rapports de certification émis par la Haute Autorité de Santé qui concernent le projet pour lequel elle est sollicitée ». Si les rapports de certification de la HAS

402 CAA Versailles, 30 dec. 2014, Clinique Sainte Isabelle, n° 13VE02347 ; TA Montreuil, 10 dec. 2015, Clinique du Landy, n° 1306640.

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ne sont pas opposables au DGARS, ce texte permet de les utiliser pour écarter une autorisation lorsque la qualité ou la sécurité sont mis en cause dans ces rapports, ce qui renforce le caractère de décision susceptible de faire grief de ces rapports de certification. Enfin, il ressort des articles L. 6122-4 CSP et D. 6122-38 CSP que la visite de conformité devient facultative, car le DGARS « peut décider qu’il sera fait une visite de conformité dans les six mois… »404.

Dans son rapport de présentation de l’ordonnance du 3 janvier 2018 au Président de la République405, la ministre de la santé rappelait sa volonté de "simplifier le régime des autorisations sanitaires, notamment en réduisant les contraintes procédurales, mais également à le moderniser, en permettant une meilleure prise en compte des critères de qualité". Elle évoquait l’objectif de permettre au DGARS "de tenir compte, lors de la décision d'autorisation, des conclusions de certification de la HAS, afin de lier régulation de l'offre de soins, d'une part, et qualité et sécurité des soins, d'autre part". Pour se convaincre de la mise à l’écart des visites de conformité, la ministre de la santé au sujet du nouvel article L. 6122-4 CSP que l’objectif était de « rendre facultatives les visites de conformité actuellement requises pour toute nouvelle autorisation malgré leur caractère chronophage et souvent peu pertinent, dans un objectif d'efficacité et d'optimisation des moyens". Il faut rappeler ici l’objectif de réduction des effectifs qui sous-tend le concept sans cesse mis en avant de l’adéquation mission-moyen. L'ARS pourra ainsi selon la ministre "cibler les situations ou activités nécessitant de telles visites".

Nous allons voir que dans le champ des établissements et services sociaux et médico-sociaux, le même mouvement est à l’œuvre.

B/ Les contrôles de l’autorisation sur les établissements et services sociaux et

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