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B/ La décentralisation fonctionnelle des contrôles dans le champ sanitaire

Les activités d’inspection et de contrôle qui ont connu une décentralisation territoriale dans le champ social et médicosocial ont également fait l’objet d’une décentralisation fonctionnelle en 1996 avec la création des ARH (1), et la création dans les années quatre-vingt-dix des agences nationales de sécurité sanitaire (2).

1/ Une première décentralisation fonctionnelle de l’inspection-contrôle au niveau régional en matière sanitaire dans les années fin 90 - début 2000 : l’articulation complexe entre préfet de département et directeur d’ARH.

64. Jusqu’à la mise en place des ARH par l’Ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée223, seuls le ministre chargé de la santé et le représentant de l’État dans le département (par l’intermédiaire du directeur de la DDASS), détenaient la compétence exclusive de contrôle sur le fonctionnement des établissements et services de santé et sur le contrôle de la sécurité sanitaire au sein de ceux-ci. A titre d’exemples, ces deux autorités disposaient de la capacité de retrait d’autorisation sanitaire lorsque le taux d’occupation ou le niveau d’activité étaient inférieurs à des seuils fixés par décret224. En application de l’ancien article L. 712-18 CSP, le ministre de la santé et le préfet de département détenaient le pouvoir de suspension d’activité totale ou partielle de l’autorisation de fonctionner d’une installation ou d’une activité de soins en cas d’urgence tenant à la sécurité des malades ou lorsque les conditions techniques de fonctionnement fixées par décret n’étaient pas

222 HARDY J.P., « La longue construction juridique (1971-2007) du contrôle et de l’inspection dans le secteur social et médico-social », IASS la Revue, n° 53, décembre 2006.

223 Art. L. 6115-1 à L.6115-10 CSP.

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respectées. Le ministre de la santé et le préfet de département détenaient aussi un pouvoir de suspension lorsqu’étaient constatées dans un établissement de santé et du fait de celui-ci, des infractions aux lois et règlements pris pour la protection de la santé publique entraînant la responsabilité civile de l'établissement ou la responsabilité pénale de ses dirigeants.

L’objectif premier des ordonnances Juppé de 1996 n’a pas été de renforcer les pouvoirs de contrôle dans le champ sanitaire et médico-social mais de mettre en œuvre, au niveau d’une région, la politique hospitalière définie par le gouvernement avec les instruments principaux de la planification225 et de la contractualisation226. Ces agences mises en place en 1996 sous forme de GIP ont été constituées de manière paritaire d’agents de l’État et d’agents de l’assurance maladie qui, nous l’avons vu, étaient préalablement dotés de pouvoirs de contrôles variés. Aussi, les ARH se sont vues progressivement dotées de pouvoirs de contrôle, y compris en matière de police administrative, en lien avec le préfet de département.

En effet, l’ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 est venue opérer un nouveau partage de compétences entre le préfet de département et le directeur de l’ARH, partage qui a été précisé dans la circulaire du 21 janvier 1997 afin de « mettre de la clarté dans les rôles du représentant de l’État et du directeur régional de l’hospitalisation »227. Ces deux textes ont consacré une première étape dans la décentralisation fonctionnelle des contrôles en établissements et services de santé dont la mise en pratique s’est avérée difficile. Il ressort de ces textes, et particulièrement de la circulaire de janvier 1997, la distinction entre, d’une part, le contrôle de sécurité sanitaire en ES dont l’élaboration du « plan régional » revenait au préfet de région en lien avec les préfets de département et, d’autre part, le contrôle de l’activité des ES dont le « plan de contrôle de l’analyse et de l’activité » relevait du directeur de l’ARH (nommé aussi « contrôle du fonctionnement », il comprend les visites de conformité liées à l’autorisation). 65. Cette répartition des pouvoirs semblait tellement contrenature que la circulaire de janvier 1997 avait invité le représentant de l’État et le directeur de l’ARH à se coordonner et se tenir informés continuellement au sein de la commission exécutive de l’ARH228. Cette répartition complexe et assez artificielle entre deux types de contrôles qui se recoupent en

225 par le biais des schémas régionaux d’organisation sanitaire

226 par le biais des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens

227 Circulaire DGS/DH/QS/AF n° 97-36 du 21 janvier 1997 relative à l’organisation du contrôle de la sécurité sanitaire dans les établissements de santé et à la coordination entre les représentants de l’Etat dans la région et le département et les directeurs des agences régionales de l’hospitalisation, BOMES n° 97/7, p. 129.

228 Art. 2-3 de la Circulaire DGS/DH/QS/AF n° 97-36 du 21 janvier 1997 : « Le représentant de l’Etat et le directeur de l’agence se tiennent mutuellement informés des décisions qu’ils prennent, faisant suite aux conclusions des missions de contrôle dans les établissements de santé ».

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réalité, s’expliquait par la volonté du législateur de laisser au représentant de l’État l’apparence d’une main mise sur la sécurité sanitaire. Le représentant de l’État dans le département, de par la mission constitutionnelle de police générale et de garantie de l’ordre public qu’il s’était vu confiée en 1982229, avait encore sous son autorité hiérarchique les corps d’inspection, notamment de médecins et pharmaciens inspecteurs, même si la circulaire de janvier 1997 prévoyait qu’en « cas d’urgence et notamment de risque grave et immédiat pour la sécurité des patients hospitalisés, le directeur de l’ARH… » pouvait adresser directement des instructions aux fonctionnaires des services déconcentrés de l’État exerçant des missions d’inspection dans les ES.

En revanche, à côté de ce contrôle de sécurité sanitaire, le contrôle « technique » de fonctionnement des ES relevait pleinement à partir de 1996, de la compétence exclusive du directeur de l’ARH (avec le ministre chargé de la santé)230. Il concernait les visites de conformité et les contrôles techniques a posteriori sur les conditions d’application des autorisations des ES, publics ou privés, d’activités de soins et d’équipements matériels lourds231. Pour exercer ces contrôles, le directeur de l’ARH n’avait pas d’agents contrôleurs sous sa responsabilité hiérarchique232. Il devait avoir recours aux agents des DDASS et DRASS et à ceux de l’assurance maladie qui intervenaient sur le contrôle technique avec les services de l’État. En effet, l’ordonnance du 24 avril 1996 n’avait pas changé la liste des agents des DDASS et DRASS compétents en matière de contrôles de « l’exécution des lois et règlements qui se rapportent à la santé publique » qui restaient ceux répertoriés à l’article 10 de la loi n°79-1140 du 29 décembre 1979 relative aux équipements sanitaires et modifiant certaines dispositions de la loi n°70-1318 du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière233. Aussi, ces agents de l’État qui intervenaient en contrôle sur les établissements de santé ont-ils connu de 1996 à 2010,

229 Décret n°82-389 du 10 mai 1982 relatif aux pouvoirs des préfets et à l’action des services et organismes publics de l’Etat dans les départements.

230 Art. L. 712-8 CSP.

231 L’article 12 de l’Ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée modifie l’article 712 CSP en confiant à l’article L. 712-8 CSP au ministre chargé de la santé et au directeur de l’ARH le pouvoir de délivrer les autorisations aux établissements sanitaires et équipements matériels lourds et à l’article L. 712-18 CSP celui de suspendre totalement ou partiellement l’autorisation de fonctionner d’une installation ou d’une activité de soins « lorsque les conditions techniques de fonctionnement prévues au 3° de l’article L . 712-9 ne sont pas respectées ou lorsque sont constatées dans un établissement de santé et du fait de celui-ci des infractions aux lois et règlements pris pour la protection de la santé publique entrainant la responsabilité civile de l’établissement ou la responsabilité pénale de ses dirigeants ».

232 L’équipe du directeur d’ARH se composait d’une dizaine de chargés de mission essentiellement affectés à la planification de l’offre de soins et à l’allocation de ressources.

233 Art. 10 de la loi n°79-1140 du 29 décembre 1979 : « L’exécution des lois et règlements qui se rapportent à la santé publique est contrôlée, à l’intérieur des établissements sanitaires et sociaux, par les médecins inspecteurs de la santé, les pharmaciens inspecteurs, les fonctionnaires de catégorie A ou agents assimilés de services extérieurs des affaires sanitaires et sociales et les membres de l’inspection générale des affaires sociales ».

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une double subordination : hiérarchique vis à vis du préfet et fonctionnelle vis à vis du directeur de l’ARH, lorsqu’ils procédaient aux contrôles sur les établissements et services de santé.

66. Avec l’ordonnance du 4 septembre 2003 qui a réformé le système de santé234, un pas supplémentaire est franchi dans le partage des compétences entre préfet et directeur d’ARH en matière de contrôle des ES. Mais il a fallu la parution de la circulaire du 3 juin 2004 relative à l’exercice des pouvoirs de contrôle au sein des ES235 pour tenter d’éclaircir l’articulation complexe entre le préfet et le directeur d’ARH sur ses deux types de contrôles en termes de partages de compétences236. Le directeur de l’ARH conservait la compétence exclusive du contrôle technique désormais prévue à l’article L. 6115-1 CSP qui disposait que l’ARH « …a pour mission de définir et mettre en œuvre la politique régionale de l’offre de soins hospitaliers, d’analyser et de coordonner l’activité des établissements de santé publics et privés, de contrôler leur fonctionnement et de déterminer leurs ressources »237. Le directeur d’ARH s’était vu également reconnaitre à l’article 23 de l’ordonnance de 2003 un pouvoir de contrôle et d’analyse économique et financière sur les établissements de santé privés qui était la contrepartie de la tarification assurée par l’assurance maladie. L’article L. 6161-3 CSP avait ainsi rendu obligatoire la transmission aux ARH des comptes certifiés des ESP accompagnés de toutes autres pièces comptables.

En outre, le directeur de l’ARH s’était vu attribué une compétence concurrente avec le préfet en matière de contrôle de « l’exécution des lois et règlements qui se rapportent à la santé publique » qualifié « a contrario » du contrôle de fonctionnement précité de « contrôle de sécurité sanitaire » dans les ES238. L’article L. 6116-2 CSP disposait que : « A l'intérieur des établissements de santé et organismes exerçant les missions d'établissement de santé, le

234 Ordonnance n° 2003-850 du 4 septembre 2003 portant simplification de l'organisation et du fonctionnement du système de santé ainsi que des procédures de création d'établissements ou de services sociaux ou médico-sociaux soumis à autorisation.

235 Circulaire DHOS/G n° 2004-251 du 3 juin 2004 relative à l'exercice des pouvoirs de contrôle au sein des établissements de santé prévus aux articles L. 6115-1, L. 6116-1 et 2 du code de la santé publique (BOMSS 10 juillet 2004, n° 2004/26, p 183).

236 BARLET C., « L’inspection et le contrôle dans le cadre de la loi HPST », RGDM, n°15, 2011, p. 157-178.

237 La circulaire du 3 juin 2004 définit les contrôles de fonctionnement comme « les contrôles qui n'ont pas pour objet a priori de vérifier la conformité aux règles de santé publique ; il s'agit, par exemple, d'un contrôle tendant à apprécier le mode d'organisation d'un établissement ou à analyser l'origine de difficultés budgétaires ; ces contrôles relèvent de la seule compétence du directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation ».

238 La circulaire du 3 juin2004 définit les contrôles de l’article L. 6116-1 CSP comme « les contrôles destinés à vérifier la conformité d'un établissement à la réglementation en vigueur en matière de santé publique ; il s'agit, par exemple, du contrôle d'une installation de stérilisation ou d'un dépôt mortuaire ; aux termes de l'article L. 6116-2, le préfet est également compétent pour ordonner de tels contrôles ou inspections ».

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contrôle est exercé à l'initiative du directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation ou du représentant de l'Etat dans le département. Celle de ces deux autorités qui prend l'initiative d'un contrôle en informe sans délai l'autre autorité ». Cette innovation sur le plan juridique s’est avérée difficile à mettre en œuvre en pratique, d’une part à cause de la perte de pouvoir du préfet sur un domaine qui lui était historiquement réservé, d’autre part en raison de la difficulté de mettre à disposition des agents contrôleurs de l’État pour le compte de l’agence, quand celle-ci prenait l’initiative du contrôle.

Nous le voyons, la décentralisation fonctionnelle a été à l’œuvre au niveau régional sur les ES en 1996, puis en 2003. Imparfaite dans le partage des pouvoirs239, elle a néanmoins auguré de la future loi HPST de 2009 qui, comme nous le verrons, va confier au DGARS la quasi-totalité des pouvoirs de contrôle en matière d’établissements et services de santé, mais aussi médicosociaux.

Cette décentralisation fonctionnelle du contrôle sanitaire au niveau régional s’est doublée d’une décentralisation fonctionnelle au niveau national avec la création d’agences nationales de sécurité sanitaire.

2/ La décentralisation fonctionnelle de l’inspection-contrôle importante au niveau national : la création des agences nationales de sécurité sanitaire.

67. Dans les années quatre-vingt-dix, les différents scandales sanitaires successifs en France et en Europe ont rendu nécessaire la mise en place d’un nouveau dispositif de vigilances et de sécurité sanitaire240. L’institution médicale, les organisations administratives et l’État ont failli. Le « primum non nocere » doit être rétabli et le système sanitaire se doter d’experts capables de prévenir, évaluer et endiguer les risques en passant du « tout curatif » à une approche systémique du risque qui intègre la prévention. Selon Didier TABUTEAU241, après « l’ère des défenseurs » de la santé publique au 18e et 19e siècles, qui a vu la naissance de la notion d’ordre public avec sa composante initiale de « salubrité », puis « l’ère des bâtisseurs » avec la

239 DE FORGES J-M., CORMIER M., « La prétendue simplification du système hospitalier du 4 septembre » 2003, RDSS, 2004, p. 110.

240 Plusieurs crises sanitaires majeures sont à l’origine du concept de sécurité sanitaire : l’affaire du sang contaminé (distribution de sang contaminé par le CNTS entre 1984 et 1985 à des hémophiles), médiatisée en 1991 avec le procès des ministres en 1999 ; l’amiante (années 1990 en France, création de l’ANDEVA en 1996 et interdiction amiante en 1997 avec obligation du Dossier Technique Amiante ; l’ESB (vache folle) en Grande Bretagne en 1996. Ces dossiers sanitaires médiatisés avaient été précédés d’autres affaires médiatiques avec le Thalidomide dans les années 50-60 (malformations chez enfants de mères ayant consommé cet antinauséeux) et le talc Morhange (200 enfants morts des suites d’un mélange par erreur d’un talc avec substance toxique dans les années 1970).

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construction au 20e siècle de ministères, de services territoriaux et d’établissements organisés sur la carte sanitaire, s’ouvre dans les années quatre-vingt-dix ce que l’auteur appelle « l’ère des enquêteurs » de la santé publique. Le développement du droit de la responsabilité, le droit à l’information des patients et la responsabilité sans faute242 ont largement contribué à l’avènement de ce que Stéphanie RENARD à appeler dans sa thèse un « ordre public sanitaire »243.

Différentes agences sanitaires ont alors été créées que l’on peut regrouper schématiquement en trois catégories.

 Les agences de police sanitaire : l’AFSSAPS pour les médicaments et les produits de santé et l’AFSSA pour le médicament vétérinaire.

 Les agences d’expertise sanitaire avec une compétence de veille et d’alerte afin de donner des avis : Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET), l’Institut national de veille sanitaire (INVS), et l’AFSSA pour l’essentiel de ses activités.  Les opérateurs sanitaires chargés d’encadrer un domaine sensible : Etablissement français

du sang (EFS), et l’ABM.

Entre 1993 et 2004, cinq réformes sont mises en œuvre par le législateur (1993, 1994, 1998, 2001, 2004) et douze agences sont créées avec des pouvoirs de police sanitaires délégués, entrainant une transformation considérable du paysage administratif244. Deux agences nationales se voient attribuer en particulier un rôle important en matière de contrôle des établissements et services de santé depuis les années 1990 et 2000. En premier lieu, l’Agence du médicament née en 1993245, qui deviendra Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé en 1998 (AFSSAPS)246, puis Agence nationale de sécurité du médicaments et des produits de santé le 1er mai 2012 (ANSM)247. En second lieu, l’Agence de la biomédecine créée en 2004 (ABM)248. En concevant ces agences, il s’est agi pour le législateur de ne plus

242 CE, Ass. 9 avril 1993, Bianchi, n° 69336, Rec., p. 127 ; Concl. DAËL ; RFDA 1993, p.573 ; AJDA 1993, p.344, chron. MAUGÜE et TOUVET ; D. 1994, somm. comm. p. 65, ob. BON et TERNEYRE ; JCP 1993, II, 22061, note MOREAU ; RDP 1993, p.1099, note PAILLET ; Rev. Adm. 1993, p.561, note FRAISSEX.

243 RENARD S., L’ordre public sanitaire (étude en droit public interne), prec.

244 TABUTEAU D., « Les agences sanitaires : balkanisation d’une administration défaillante ou retour à l’État hygiéniste ? », Les tribunes de la santé, vol. n°1, 2003, pp. 34-46.

245 Loi n° 93-5 du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicament, et décret n° 93-295 du 8 mars 1993 relatif à l’Agence du médicament créée par l’article L. 567-1 du code de la santé publique.

246 Loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.

247 Loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

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faire dépendre la sécurité sanitaire d’une organisation centralisée autour de la DGS, comme c’était le cas en 1992 et 1993 avec l’Agence du médicament et l’Agence française du sang, mais bien de donner à ces agences une autonomie, une expertise et un pouvoir de police sanitaire. Nous étudierons les pouvoirs de contrôles des principales agences de sécurité sanitaire dans une partie qui leur sera consacrée.

68. En conclusion de cette partie sur l’évolution des autorités et missions de contrôle de 1945 à nos jours, nous pouvons distinguer plusieurs phases. La première phase de 1945 aux années soixante-dix est celle d’une fonction inspection fondée sur l’idée de surveillance et de contrôle sur le terrain dans un contexte d’interdépendance et de négociation entre les autorités publiques et les opérateurs de terrain qui se connaissent très bien au niveau local. Puis, une deuxième phase marquée par le recul et la minoration de l’inspection classique à partir des années 1970 avec le développement de la planification et d’une police administrative de l’autorisation d’une part, et l’apparition de modalités de gouvernement à distance249, d’autre part, centré sur les enveloppes budgétaires, la contractualisation et la procédure des appels à projets au nom de la rationalisation des dépenses de l’assurance maladie et de l’État.

Ce mouvement s’est accentué dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, avec ce que l’on pourrait qualifier de troisième phase, sous l’influence d’une nouvelle organisation administrative de l’État dans le champ sanitaire et social et d’une évolution de la culture professionnelle des inspecteurs, ce qui ne signifie pas une disparition de la fonction, mais son éclatement entre diverses entités (collectivités territoriales, agences nationales) et selon des procédés apparentés (visites de conformités, évaluation). Il est intéressant de constater que c’est à la fin des années quatre-vingt-dix que se réorganise la fonction inspection dans les services démontrés de l’État (DRASS) et dans les Conseils généraux, pour répondre à l’objectif de césure entre gestion et inspection et utiliser au mieux les nouveaux indicateurs de gestion. Ainsi, les autorités administratives se dotent de cellules d’inspections indépendantes des personnels en charge du suivi budgétaire des opérateurs. Comme le rappelle Magali ROBELET, « la procédure d’inspection se trouve ainsi détachée des relations d’interconnaissance pour fournir des informations « objectives » reposant sur des indicateurs d’activité, de gestion budgétaire ou de ressources humaines »250.

249 EPSTEIN R., « Gouverner à distance. Quand l’État se retire des territoires », Prec. p. 96-111.

250 ROBELET B., « Les transformations de modes de contrôle croisés entre associations et autorités publiques dans le secteur du handicap », Prec., p. 599 à 612.

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Toutefois, la pensée « économico-gestionnaire » et le « raisonnement financier » apparus dans les années quatre-vingt-dix n’ont pas forcément facilité le travail d'homogénéisation dévolu classiquement aux procédures administratives, selon Martine BURDILLAT251. Ce que l’auteur perçoit comme la « capture de la chose publique » par les associations professionnelles partenaires, mais aussi l'éclatement interne des métiers au sein des affaires sanitaires et sociales, de même que la nouvelle nécessité de faire mieux avec moins, ont ravivé les tensions entre les multiples missions dont sont dépositaires les agents des services de l'État (planification, régulation de l'offre, suivi des politiques, contrôle et inspection, traitement des situations d'urgence, notamment urgence sociale et crises sanitaires).

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