• Aucun résultat trouvé

B/ Les contrôles relatifs à la sécurité et à la qualité des prises en charge dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux

Dans les ESSMS, les contrôles de qualité et sécurité sont répartis entre différents autorités administratives qui ont entrainé une perte de pouvoir du préfet de département sur cette matière régalienne (1). Mais ce dernier conserve un pouvoir de substitution et d’arbitrage dans les contrôles au titre de l’ordre public (2).

1/ La perte de pouvoir du Préfet de département en matière de sécurité des personnes 112. La réforme de l’organisation de l’administration régionale et départementale de l’État issue de la RGPP a donné lieu en 2010 à une redistribution des cartes entre, d’un côté, le préfet de région devenu « responsable de l’exécution des politiques de l’État dans la région sous réserve des compétences de l’agence régionale de santé»441 et représente à ce titre « l’échelon de pilotage des politiques publiques », et, de l’autre côté, le préfet de département confirmé dans son rôle de « mise en œuvre des priorités gouvernementales, dans le cadre des instructions du préfet de région»442. Toutefois, le décret n° 2010-146 du 16 février 2010 réaffirme dans son article 5 que « le préfet de département a la charge de l’ordre public et de la sécurité des populations », et l’autorité de principe reconnue au préfet de région par ce décret sur le préfet

441 Art. 2 du décret n° 2010-146 du 16 février 2010 modifiant le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les régions et les départements.

442 Rapport au Président de la République sur le décret n° 2010-146 du 16 février 2010 modifiant le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004.

126

de département, ne trouve pas à s’appliquer en matière d’ordre public443. Si le préfet de département demeure dans les textes le gardien de l’ordre public, nous allons voir qu’en réalité, ce principe a fortement évolué dans les textes relatifs aux ESSMS, et ce pour plusieurs raisons. La première raison est relative au périmètre du pouvoir de maintien de l’ordre public par le préfet de département dans le champ social et médico-social. A ce titre, l’ordonnance n° 2018-22 du 17 janvier 2018444 a conservé au profit du préfet de département, au titre des « contrôles administratifs et mesures de police administrative » relatifs aux établissements et services sous autorisation445, un pouvoir général de contrôle direct et concurrent de ceux du DGARS et du PCD sur l’ensemble des ESSMS soumis à autorisation446. Ce pouvoir s’étend aux ESSMS soumis à agrément ou déclaration aux termes de l’article L. 331-1 CASF447, comme en disposait auparavant l’article L. 313-13 alinéa 6 CASF448.

Cependant, ce pouvoir général de contrôle direct et concurrent réservé au préfet de département était plus large avant précitée du 17 janvier 2018, car les textes lui reconnaissaient non seulement un pouvoir d’initiative du contrôle en établissement ou service autorisé, agréé ou déclaré au titre de l’activité ou de la sécurité et ce, quelle que soit l’autorité de délivrance, mais il conférait aussi au préfet le monopole de la fermeture d’un établissement ou service médicosocial au titre de la sécurité et de la protection des personnes449. Ce monopole s’exprimait, comme nous l’avons étudié, par le biais d’un pouvoir exclusif de fermeture directe ou après injonction, « lorsque la santé, la sécurité ou le bien être moral ou physique des personnes accueillies sont menacés ou compromis » au titre de l’article L. 313-13 alinéa 6

443 Art. 2 du décret n° 2004-374 modifié en 2010.

444 Ordonnance n° 2018-22 du 17 janvier 2018 relative au contrôle de la mise en œuvre des dispositions du code de l'action sociale et des familles et de l'article L. 412-2 du code du tourisme et aux suites de ce contrôle.

445 Section IV du chapitre III du Titre I du Livre III du CASF dans sa version de janvier 2018.

446 Art. L. 313-13 VI CASF : « Quelle que soit l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation, le représentant de l’État dans le département peut, à tout moment, diligenter les contrôles prévus à la présente section ».

447 Art. L. 331-1 CASF nouveau : « Le contrôle des établissements et services habilités à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale, agréés ou déclarés … est exercé dans les conditions définies à la section IV du chapitre III du titre Ier du livre III ».

448 Art. L. 313-13 alinéa 4 CASF ancien : « Quelle que soit l’autorité qui a délivré l’autorisation, le représentant de l’État dans le département peut, à tout moment, diligenter les contrôles prévus au titre III du présent livre ».

449 Le terme de « lutte contre la maltraitance institutionnelle » est employé par les services de l’État dans le cadre de leurs inspections mais la notion de maltraitance ne fait l’objet d’aucune définition juridique précise et renvoie à une réalité complexe et polymorphe difficile à appréhender. Elle est citée une fois seulement à l’article L. 311-4 CASF pour annoncer les droits objectifs reconnus aux usagers par la loi 2002-2 afin de « prévenir tout risque de maltraitance ». Selon Michel BORGETTO, elle peut prendre la forme de violences physiques, morales ou financières renvoyant ainsi aux infractions du code pénal. Elle peut aussi plus « simplement » prendre la forme de « négligences, d’abandons et de privations d’ordre matériel ou affectif (manque répété de soins de santé, prises de risque inconsidérées, privation de nourriture, boisson ou d’autres produits d’usage journalier) » qui peuvent se traduire par des mesures de police administrative, nonobstant des poursuites pénales ou disciplinaires (BORGETTO M., « La maltraitance en établissement », RDSS n° 6, novembre-décembre 2006, p. 967.).

127

CASF, qui renvoyait explicitement au Titre III, et notamment à l’article L. 331-5 CASF. Ce monopole obligeait ainsi le DGARS et le PCD à saisir le représentant de l’État dans le département pour qu’il le mette en œuvre, alors même que le contrôle était mené à l’initiative de ces deux autorités administratives, ensemble ou séparément, avec leurs propres agents450. Pour autant, la loi HPST avait commis un premier crime de lèse-majesté en reconnaissant au DGARS une compétence de maintien de l’ordre public à titre d’exception sur les ESSMS relevant de la compétence d’autorisation exclusive de ce dernier, comme vu précédemment en application de l’article L. 313-16 CASF. Le même pouvoir lui avait été reconnu en matière de lutte contre la maltraitance et développement de la bientraitance dans le champ des établissements sanitaires et médico-sociaux451. Depuis l’ordonnance n° 2018-22 du 17 janvier 2018, le pouvoir général de contrôle du préfet, direct et concurrent de ceux du DGARS et du PCD, demeure. Mais le préfet n’a plus le monopole d’injonction et de fermeture au titre du maintien de l’ordre public sur l’ensemble des établissements et services, y compris en cas d’urgence. Nous analyserons dans le titre 2 de notre recherche ce que cela implique en termes d’exercice des opérations de contrôle au titre de l’ordre public.

La deuxième raison a trait au contrôle de « l’exécution des lois et règlements qui se rapportent à la santé publique » et notamment aux contrôles relatifs à la sécurité sanitaire dans les établissements et services médico-sociaux. En effet, le préfet de département a perdu en 2010 un pouvoir exclusif de contrôle en la matière au sein des établissements et services médico-sociaux (sécurité des produits de santé, légionelloses…) que lui reconnaissait l’article L. 6116-2 CSP dans sa version datant de l’ordonnance du 4 septembre 6116-2003. L’ordonnance du 6116-23 février 2010 précitée a ainsi modifié cet article pour confier l’exercice de ce contrôle au DGARS dans le champ médico-social452. En contrepartie, le préfet de département conserve l’initiative d’un contrôle de sécurité sanitaire dans les établissements et services sociaux453.

La troisième et dernière raison est matérielle. Par manque d’agents contrôleurs sous l’autorité hiérarchique directe du préfet, l’article précité renvoi à l’article L. 313-13 II CASF qui dispose

450 Sans préjudice du pouvoir de police du maire au titre de la sécurité des locaux ouverts au public dans sa commune (CE, 4 mars 1991, Ville de Tourcoing c/ Debaillie, n° 75632, RDSS, n° 4, 1991, p. 661.)

451 Art. L 1431-2-2° e) du CSP qui dispose que les ARS « contribuent, avec les services de l’Etat compétents et les collectivités territoriales concernées, à la lutte contre la maltraitance et au développement de la bientraitance dans les établissements et services de santé et médico-sociaux ».

452 Art. L. 6116-2 CSP: « A l'intérieur des établissements de santé et organismes exerçant les missions d'établissement de santé et des établissements médico-sociaux, le contrôle est exercé à l'initiative du directeur général de l'agence régionale de santé sans préjudice des pouvoirs reconnus au représentant de l'Etat dans le département en application du présent code et du livre III du code de l'action sociale et des familles ».

128

que ce dernier peut avoir recours à des « personnels placés sous son autorité ou sous celle de l’agence régionale de santé ou mis à sa disposition par d’autres services de l’État ou par d’autres agences régionales de santé, mentionnés aux articles L. 1421-1 et L. 1435-7 CSP ». Or, étant donné que les forces vives des services préfectoraux sont en déclin et que la mise à disposition d’inspecteurs provenant d’autres autorités est lourde à mettre en œuvre, l’exercice de ce pouvoir général de contrôle est pratiquement impossible.

Le DGARS a donc pris toute sa place en matière de contrôle médico-social, tant en matière de contrôle de l’activité, qu’en matière de contrôle visant la sécurité et la protection des personnes, mais également, nous le verrons, en matière de contrôle financier. Le préfet de département sort ainsi affaibli des réformes de 2009 et 2018 qui ont instauré un vrai partage des compétences de contrôle d’ordre public, et malgré qu’il conserve son pouvoir général de contrôle sur l’ensemble des ESSMS en application de l’article L. 313-13 VI CASF. Toutefois, le préfet de département conserve un pouvoir de substitution et d’arbitrage qu’il nous faut maintenant considérer.

2/ Le maintien d’un pouvoir de substitution et d’arbitrage du préfet de département dans les contrôles des ESSMS au titre de la puissance publique

A côté du pouvoir général de contrôle conservé par le préfet de département au titre de son « droit d’évocation » dans le champ des établissements sociaux et médico-sociaux, les textes attribuent au préfet de département un pouvoir de substitution en cas de carence des autres autorités administratives de contrôle (a), ainsi qu’un pouvoir d’arbitrage en cas de désaccord entre elles (b).

a) Le pouvoir de substitution du préfet de département en cas de carence de la décision à prendre dans le cadre des contrôles des ESSMS.

113. La substitution préfectorale implique de suivre une procédure de carence, caractérisée juridiquement par une mise en demeure infructueuse réalisée à l’égard de l’autorité compétente. Comme toute action d’office, le pouvoir de substitution est très encadré. Depuis la décentralisation de 1982, il ne subsiste des trois tutelles que l’État avait sur les collectivités territoriales (annulation, approbation, substitution) que le pouvoir de substitution454. La substitution préfectorale n’est traditionnellement mise en œuvre qu’à l’égard d’un service

454 L’annulation et l’approbation ayant été remplacées par le déféré préfectoral devant le juge administratif du fait du principe de libre administration des collectivités territoriales. La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a affirmé à l’article 72 de la Constitution que « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ».

129

décentralisé (maire, PCD, président du conseil régional, président d’un établissement public de coopération intercommunale)455 et s’exerce au titre des pouvoirs de police administrative générale du préfet de département456.

En matière de contrôle dans le champ médico-social, une telle procédure de substitution existait avant l’ordonnance n° 2018-22 du 17 janvier 2018 à l’article L. 313-16 alinéa 2 CASF en cas de carence du PCD sur un contrôle d’un service ou d’un établissement autorisé exclusivement par ce dernier457. A contrario, cette disposition ne conférait donc pas explicitement selon nous de pouvoir d'intervention du préfet en cas de carence du DGARS. Pourtant, selon Pierre NAITALI, « la lecture du premier alinéa de cet article semble laisser planer un doute. En effet, l'alinéa 1er de l'article L. 313-16 CASF dispose que « l'autorité qui a délivré l'autorisation ou, le cas échéant, le représentant de l'État dans le département dans les conditions prévues au présent article prononce… »458. L’auteur concluait ainsi que le préfet avait également un pouvoir de substitution en cas de carence du DGARS.

Cette position nous semble discutable, car le DGARS dispose depuis 2009 d’un pouvoir d’injonction et de fermeture, y compris en urgence sur les établissements autorisés exclusivement par lui. Par ailleurs, le nouvel article L. 313-16 II CASF, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2018-22 du 17 janvier 2018, confirme que la seule carence qui entraine un pouvoir de substitution préfectorale s’exerce à l’égard des structures relevant de l’autorisation du PCD, y compris en cas de fermeture pour défaut d’autorisation459. A notre connaissance, le pouvoir de substitution n’a donc jamais été accordé au préfet à l’égard du DGARS, pas plus qu’à un autre service déconcentré de l’État.

b) Le pouvoir d’arbitrage du préfet de département en cas de désaccord entre autorités administratives chargées de prendre une décision dans le cadre des contrôles des ESSMS.

114. Le préfet de département dispose d’un pouvoir d’arbitrage en cas de désaccord des deux autorités administratives de contrôle ayant des compétences de contrôle conjointes (autorisations conjointes). Ainsi, il intervient en cas de désaccord sur le prononcé d’une

455 V. les articles L. 2215-1, L. 3221-5, L. 5211-9-2, L. 4433-24-1-2, et LO.6462-2 CGCT.

456 TCHEN V., « La police administrative, théorie générale », LexisNexis, Fasc. 200.

457 Soit « lorsque les conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement [n’étaient] pas respectées », soit lorsqu’étaient constatées « des infractions aux lois et règlements susceptibles d’entrainer la mise en cause de la responsabilité civile de l’établissement ou du service ou la responsabilité pénale de ses dirigeants ».

458 NAITALI P., « Les pouvoirs du directeur général de l’ARS en matière médico-sociale », RDSS, mai-juin 2016, p. 415.

130

cessation d’activité entre le PCD et le DGARS dans le cas d’un constat de défaut d’autorisation relatif à un ESSMS. L’article L. 313-15 CASF renvoie en effet au III de l’article L. 313-16 CASF qui dispose que « Lorsque l’établissement, le service ou le lieu d’accueil relève d’une autorisation conjointe, les décisions prévues au I sont prises conjointement par les autorités compétentes. En cas de désaccord entre ces autorités, lesdites décisions peuvent être prises par le représentant de l’État dans le département ». Sur le même fondement juridique, le préfet est également compétent pour trancher les désaccords concernant un défaut d’autorisation conjointe entre lui-même et le PCD.

Un raisonnement identique peut être adopté pour l’article L. 313-16 CASF relatif au contrôle de sécurité des personnes depuis la publication de l’ordonnance précitée de 2018. Lorsque l’établissement ou le service relève d’une autorisation conjointe, la décision de suspension ou de cessation d’activité prévue au I de cet article est prise conjointement par les deux autorités en cas d’autorisation conjointe460. Si le PCD et le DGARS se trouvent en désaccord sur ces décisions administratives qui peuvent relever de l’urgence, alors le préfet de département peut user de son pouvoir d’arbitrage et décider à leur place461.

Notons au passage que le désaccord entre le préfet et le DGARS sur une autorisation conjointe n’était pas cité avant 2018. L’ordonnance de janvier 2018 laisse place à cette éventualité à l’article L. 313-16 III CASF, puisque le texte ne cite plus explicitement les autorités substituées comme c’était le cas auparavant, ce qui laisse à penser que le préfet aura le dernier mot. En conclusion, il apparaît que les difficultés que les ex DDASS et les DRASS avaient connues sur le champ sanitaire avec la double subordination entre préfet et directeur d’ARH, soient maintenant reportées sur le champ de l’inspection des établissements médico-sociaux avec des compétences croisées et des mises à dispositions d’agents entre autorités de contrôle. Dans ce secteur, le préfet de département conserve des pouvoirs d’intervention en contrôle théoriquement importants. Une compétence générale de contrôle direct et concurrente sur l’ensemble de ceux-ci mais difficile à mettre en œuvre en pratique (L. 313-13 VI CASF) ; un pouvoir de substitution en cas de carence du PCD en matière de protection des personnes (L. 313-16 II CASF); et enfin un pouvoir d’arbitrage en cas de désaccord entre les deux autres

460 Par exemple pour les EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), les ESAT (établissements et services d’aide par le travail) ou les MAS (maisons d’accueils spécialisées).

131

autorités administratives de contrôle en matière de suites à donner en cas de défaut d’autorisation (L. 313-15 CASF).

En conséquence, les différentes autorités de contrôle territoriales doivent faire preuve d’écoute réciproque et d’anticipation afin de pouvoir mener chacune leurs actions de contrôle dans le sens de l’intérêt général, en se tenant mutuellement informées et en facilitant les mises à disposition d’agents des ARS vers les services déconcentrés dans le cadre des protocoles départementaux prévus par le décret du 31 mars 2010462.

Les contrôles liés à la police administrative que nous venons de passer en revue sont complexes et enchevêtrés. Toutefois, cette typologie ne serait pas complète si nous n’abordions pas les contrôles liés à la gestion budgétaire, financière et à la tarification.

Sect. 2 - Les contrôles liés à la gestion budgétaire, financière et à la tarification

Les contrôles financiers liés au budget, à la tarification ou à la gestion dans les établissements et services sont exécutés régulièrement, car les établissements et services du champ étudié doivent l’essentiel de leurs recettes au budget de l’État et de l’assurance-maladie. Toutefois, des différences marquées apparaissent parmi ces contrôles, entre ceux qui concernent les établissements et services de santé (§1), et ceux qui concernent les établissements sociaux et médico-sociaux (§2).

§1 Les contrôles liés à la gestion budgétaire, financière et à la tarification dans le

Documents relatifs