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Chapitre 2 : Le point de vue des élèves

2. Des rapports à…

Dans le deuxième ensemble de recherches, les problématiques sociologiques, psychologiques, psychanalytiques et anthropologiques ont permis de préciser ces différents rapports « à l’école », « à soi », « aux autres », « au monde », « au savoir », « aux savoirs » (Charlot, 2001). Certaines de ces recherches, Bautier et Rochex (2000), Evrard (1998), Jellab (2001) et Plantier (2003) ont permis de distinguer notamment rapport identitaire et rapport épistémique et donc de caractériser le rapport de l’élève à des contenus précis et des pratiques d’enseignement déterminées.

Nous présenterons ici celles qui nous ont semblé proches de nos préoccupations ; elles portent sur différentes disciplines et sur différents niveaux scolaires.

_ Philosophie et sciences économiques et sociales, au lycée

E. Bautier et J.-Y. Rochex (2001) se sont intéressés aux rapports que les élèves de Terminale ES entretiennent avec deux disciplines : les sciences économiques et sociales (S.E.S) et la philosophie. Chacune de ces deux disciplines confronte explicitement les élèves à la nécessité de sortir du registre de l’opinion, de l’expérience ou du témoignage pour entrer dans un travail d’appropriation et de confrontation de concepts et de théories. L’une devrait produire du sens sur « la vie » au sens anthropologique du terme (la philosophie) et l’autre sur « la vie » au sens de « la vie que l’on mène dans le monde ».

Les auteurs montrent que les conceptions disciplinaires, les idéologies professionnelles, et les modes de transmission ou de mise en formes didactiques propres à ces deux disciplines ont des effets sur les possibilités offertes aux élèves de se saisir de ce qui est appris à l’école pour faire sens de la vie et de leur vie.

_ Biologie et biochimie au lycée

Ce sont les rapports au savoir scientifique de deux classes du secondaire, en biologie et en biochimie, qui ont été étudiés par Evrard et al. (1998), avec l’hypothèse que les disciplines sollicitent de façon différente les composantes épistémiques et les composantes identitaires du rapport au savoir. Ils utilisent la même méthodologie que la recherche précédente en la complétant par quatre analyses : le type de discours produit, le contenu évoqué, le rôle du sens dans le processus d’apprentissage, et les procédures utilisées pour porter un regard critique sur le savoir.

Les élèves d’une classe de biologie considèrent la biologie comme génératrice de savoir, ceux d’une classe de biochimie considèrent la biochimie comme produisant du savoir-faire. Cette différence de perception, quant à la nature du savoir biochimique et biologique, viendrait, selon les auteurs, de la nature plus empirique de la biochimie, de son enseignement plus expérimental, pragmatique.

L’étude des médiations permettant la construction du sens de l’apprentissage met également en évidence des différences entre les deux classes. Dans la classe de biologie concernée par l’étude, cette médiation dépend, d’une part du savoir lui-même, et d’autre part des individus (élèves). En biochimie, cette médiation dépend également du savoir mais aussi, des individus, de la classe et de l’extérieur, ces facteurs jouant ici un rôle égal.

_ Enseignement général et enseignement professionnel en lycée professionnel

Aziz Jellab interroge le sens que les élèves du lycée professionnel donnent au fait d’aller à l’école et d’apprendre. Il questionne la « dialectique expérience scolaire et apprentissage ». L’auteur tient compte de l’implication des différentes configurations complexes « engageantes » des histoires subjectives des sujets et des contextes institutionnels. Il s’agit, pour lui, « de saisir

le sens que l’élève donne aux savoirs scolaires et professionnels, de cerner la nature des apprentissages qu’il pense effectuer et les raisons qui expliquent sa mobilisation sur les contenus enseignés » (Jellab, 2001, p. 65), et de savoir si étudier l’institution scolaire à l’aune de ses

relations avec les autres univers sociaux suffit pour en saisir le fonctionnement.

Il distingue quatre formes de rapport aux savoirs, caractérisées par la hiérarchie accordée aux savoirs généraux et aux savoirs professionnels. Quatre postures d’élèves se distinguent : valorisation des savoirs professionnels au détriment des savoirs généraux ; investissement des seuls savoirs préparant à un métier ; construction d’une cohérence d’ensemble entre les différents

contenus pour maîtriser des situations professionnelles ; logique conflictuelle avec l’institution scolaire, sans mobilisation de savoirs.

_ Technique et non technique dans l’enseignement professionnel

C’est la différence entre « technique » et « non technique » construite par ces élèves de lycée professionnel que Joëlle Plantier (2002) se propose, de caractériser par des formes (ou figures) du rapport au savoir enseigné (qu’il soit technique ou général).

Elle rend compte ainsi de la manière dont les élèves réinterprètent pour eux-mêmes les représentations du « technique » et du « non technique ». Les termes de technique et du non technique ne renvoient pas ici à des filières ou des disciplines mais à des « catégories de pensée ». Ces termes désignent un principe de classement des objets de l’expérience (faits, individus, savoirs…) et particulièrement de l’expérience scolaire.

La distinction la plus évidente pour les élèves est interne aux disciplines générales, spécifiquement entre les mathématiques et la philosophie. En effet, pour les élèves, les mathématiques et la philosophie sont autant de manières différentes d’appréhender le lien de sens entre la connaissance et l’expérience. Le sens des mathématiques est interne au fonctionnement de la discipline, tandis que la philosophie renvoie à l’expérience ordinaire des objets dont elle traite (liberté, le bonheur…).

D’une certaine manière, Jellab et Plantier considèrent que le sens donné par les élèves aux savoirs scolaires et professionnels, explique leur mobilisation sur certains contenus enseignés. Les élèves sont confrontés à des savoirs procéduraux, à des démarches intellectuelles à entreprendre pour concevoir, organiser et réaliser des activités professionnelles. Travailler en atelier, utiliser des machines, c’est adapter des postures et des connaissances pratiques directement opérationnelles en situation professionnelle.

L’école, pour ces élèves du lycée professionnel est un espace d’apprentissage éloigné de la vie, de l’expérience quotidienne comme expérience première. Les savoirs qui sont décontextualisés n’ont pour seule valeur que d’être appris.