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Des représentations sociales de l’éducation technologique

Chapitre 2 : Le point de vue des élèves

1. Des représentations sociales de l’éducation technologique

_ L’éducation technologique, discipline marginale

Face à l’institutionnalisation d’un enseignement technologique, identique pour tous les élèves, Chambon (1984) s’interroge sur la perception des contenus que les élèves construisent. Son idée de départ, appuyée sur des recherches anglo-saxonnes (Apple, 1976), est que les objets d’enseignement ne sont pas neutres ou universels, mais des objets tout à fait relatifs, car éminemment culturels et chargés d’enjeux sociaux.

Cet auteur fait l’hypothèse que la représentation de l’« éducation manuelle et technique » (EMT) par les parents ou par les élèves est liée aux projets socioprofessionnels de ces élèves et à leur appartenance sociale et culturelle ; elle dépend des points de vue concernant l’école, le « travail » et le savoir en général. Socialement construite, cette discipline serait aussi socialement perçue. Ses travaux menés surtout à partir de questionnaires ont révélé que les élèves, ainsi que les parents, considèrent que l’éducation manuelle et technique est une matière scolaire de « peu de valeur » : elle exige peu d’efforts de la part des élèves, peu de connaissances sont mises en œuvre ; son enseignement nécessite peu de formation, des études courtes suffisent.

Pour ce qui est de l’activité, elle apparaît, pour certains élèves, être subie ; pour d’autres ce sont des moments réservés à la détente, ils se prononcent alors pour une plus grande liberté par rapport aux autres moments disciplinaires.

Par ailleurs cet auteur souligne que l’appartenance des élèves à un groupe social ou à une classe sociale particulière est déterminante quant à leur positon à l’égard de l’éducation manuelle et technique. Les enfants de cadres lui attribuent une valeur faible alors qu’un intérêt plus important est porté par les enfants d’artisans et d’ouvriers. L’opposition entre garçons et filles est bien nette. Les filles considèrent que cet enseignement est davantage destiné à la détente, alors que pour les garçons, il s’agit d’une discipline qui les prépare professionnellement. D’une façon plus générale, l’éducation manuelle et technique est perçue comme devant apporter équilibre et agrément au cours des études. Ni pièce essentielle dans les études, ni exclue du domaine de la compétence scolaire, cette discipline occupe une place certaine mais marginale. Au terme de ces analyses, l’auteur conclut que de telles observations ne sont point sans incidences sur le plan pédagogique.

Dans les mêmes années, La fondation PATT (Pupils’Attitudes Towards Technology) a mis en chantier une étude internationale sur les attitudes des élèves face à « technology », (cette notion est plus proche de « technique » que Technologie dans son acception social et scolaire). Commencée en 1983, cette enquête a été administrée dans 12 pays, l’Australie, la Belgique, le Danemark, la France, l’Italie, le Kenya, le Mexique, les Pays Bas, le Nigeria, la Pologne et le Royaume Uni. Certains de ces états avaient un enseignement de technologie parmi les enseignements généraux dès l’âge de 12 ans et d’autres étaient prêts à en introduire un.

L’ensemble des chercheurs des 12 pays concernés ont choisi d’administrer les questionnaires portant sur le concept de « technology » et sur les attitudes des adolescent(e) s envers la « technology » auprès de groupes restreints d’élèves. Les enquêtes ont donc porté sur environ 300 élèves par pays (à peu près 50 % de filles et 50 % de garçons). Les élèves appartenaient généralement à une seule et même région géographique. L’environnement éducatif (école mixte ou non, enseignement technologique en vigueur ou non) était précisé. Les élèves interrogés ont 12/14 ans et suivent une scolarité classique,

Le questionnaire sur les attitudes était composé de 60 questions regroupées pour le dépouillement selon 6 grands thèmes : Intérêt, Genre, Conséquences, Difficultés, Curriculum et Carrière. L’élève interrogé doit situer son choix sur une échelle comportant 5 possibilités d’appréciation.

Ces études tendent à montrer (Raat, De Klerk-Wolters & De Vries, 1987, 1989), de façon significative, que les garçons sont davantage intéressés par l’enseignement technologique que les filles. Ces attitudes, conclut l’étude, dépendent des représentations sociales de cet enseignement chez ces élèves et de leurs projets personnels ou professionnels (Wolters, 1989). Dunlap (1990) montre dans un article que la présence d’un enseignement de technologie dans le plan d’études, modifie positivement les attitudes des élèves vis-à-vis du monde technicisé qui les entoure. En France, le même questionnaire a été administré à 234 élèves de collèges de 13 ans +/- 11 mois (122 filles et 112 garçons) sont issus d’établissement ruraux, urbains et de banlieue. Les élèves ont globalement une perception positive de la technologie dans ses manifestations matérielles. Cet intérêt pour la technologie au niveau extrascolaire ne se traduit pas par un enthousiasme particulier pour un enseignement de technologie à l’école. Les adolescents établissent un lien entre les études technologiques et l’obtention d’un métier technique. La moitié des élèves se disent attirés par les métiers liés à la technologie. Mais, contrairement aux résultats de PATT, en France, la variable « genre » est moins importante et influe moins sur les attitudes

des élèves (Terlon, 1990). La France est un des pays où cette différence d’appréciation est la plus faible.

Il semble que les enfants dont l’un des parents a un métier technique ont une attitude plus positive à l’égard de la technologie, en particulier quand la mère a une telle activité. Les caractéristiques du milieu, qu’il soit urbain ou rural, n’ont pas d’impact significatif sur les attitudes des élèves. Cette étude signale, cependant, que la conception de la Technologie est plus précise chez les garçons que chez les filles.

_ Evolutions relatives de la représentation sociale de l’éducation technologique

Une enquête a été menée dans les Bouches du Rhône, afin de mesurer un éventuel écart entre les représentations des élèves de 1985 et des élèves de 1997. Cette enquête a été réalisée dans des collèges du département des Bouches du Rhône et a concerné 225 élèves, 110 garçons et 115 filles, de 13 ans +/- 11 mois, issus de neuf classes de 4e de 5 collèges, disposant de caractéristiques aussi proches que possible de celles de l’enquête menée en 1985 (Corréard, 1999). Cette étude a montré qu’il y avait eu des changements opérés dans les projets professionnels des élèves : seulement un tiers des élèves contre la moitié en 1985 souhaitent éventuellement se tourner plus tard vers un métier lié à la technologie. D’autres points méritent d’être signalés à propos de la variable « genre ». En effet, les adolescent(e) s, qu’ils soient fille ou garçon, se sentent égaux devant la technologie. Ils n’expriment pas de réelle distinction sexuée dans les activités technologiques. C’est ainsi que 80 % des adolescent(e) s interrogé(e) s affirment qu’une fille peut tout à fait avoir un emploi technique comme elle est tout à fait capable de se servir d’un ordinateur. D’autres résultats d’une étude similaire aux Pays de Galles (Hendley & Lyle, 1996) montrent la tendance à la diminution des écarts entre les perceptions et les attitudes des filles vis-à-vis de l’éducation technologique et celles des garçons.

Dans ce sens, plusieurs travaux anglo-saxons portant sur les perceptions de l’éducation par les élèves et par les enseignants ont été réalisés (Rennie, 1987 ; Jarvis & Rennie, 1996). Mais les résultats de ces travaux demeurent ambigus en raison de la confusion liée à l’usage indifférencié du terme « technologie » et des champs sémantiques qu’il recouvre d’une part et le sens qui lui est donné n’est pas représentatif de l’enseignement de la Technologie, avec ses spécificités françaises, tel que les textes le positionnent dans la scolarité obligatoire.

Ces enquêtes, particulièrement datées en raison de la double évolution du milieu technique et de l’enseignement, sont toutefois des contributions intéressantes surtout sur la mise en évidence de l’influence des représentations sociales et des attitudes des élèves sur leurs intérêts, leur

engagement et leur implication dans les activités proposées au fil des moments d’enseignement. En outre, ces travaux indiquent que ces engagements et attitudes sont différenciés en fonction du genre des élèves et de la catégorie socioprofessionnelle de leurs parents, et selon leurs projets personnel et professionnel. Mais l’enquête la plus récente indique que la variable sexe est très faiblement déterminante.

Ces études et recherches sont précieuses pour notre préoccupation car ils nous rendent attentifs aux variables caractéristiques des élèves susceptibles d’être prises en compte dans notre recherche.