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MATERIEL ET METHODE A Type d’études

A. Description de l’échantillon

2. Rôle et usage du psychiatre vis-à-vis de la famille

Dans ce chapitre, il sera développé le rôle perçu par le psychiatre, au sens des fonctions qu’il s’attribue, dans la relation de collaboration avec les familles de patients atteints de schizophrénie. Puis, il sera développé les usages du psychiatre dans ces fonctions. Autrement dit, quelles sont les stratégies que le psychiatre met en place pour remplir son rôle auprès des familles ?

2.1. Rôle du psychiatre vis-à-vis de la famille

Selon tous les psychiatres interrogés, leur rôle est d’éduquer les familles à la maladie pour qu’ils puissent accomplir leur rôle d’aidant.

« Je pense que ça fait partie des missions du psychiatre de rencontrer les familles, d’éduquer les familles sur la schizophrénie leur expliquer la pathologie. » P10

Dans son rôle d’éducation de l’aidant, l’objectif du psychiatre est que les familles puissent : - Contribuer au maintien de la stabilité clinique en connaissant les symptômes et

l’importance du traitement ;

« Donc on a besoin de leur expliquer tout ça pour qu’ils puissent nous aider pour intervenir pour… ne pas surveiller, ce n’est pas un rôle de flicage, mais nous alerter éventuellement ou vérifier l’adhésion au traitement, etc. » P10

- Adopter une attitude adaptée vis-à-vis de la maladie et des soins et ne pas devenir elles-mêmes stigmatisantes ;

« Il faut expliquer la différence entre la paresse et la perte d’initiative, entre le fait d’être caractériel et les troubles psychiatriques. Mieux ils connaitront la maladie, mieux ils pourront interagir avec leurs proches » P10

« Donc notre rôle c’est d’expliquer la maladie. […]Tout ce qui est stigmatisation et rejet il faut les sensibiliser à ne pas avoir ce regard-là, à savoir que c’est une maladie comme toute autre maladie, que ça peut arriver. » P9

- Contribuer à l’insertion professionnelle et sociale. Pour un des sujets à Abidjan, le psychiatre doit expliquer la maladie, le soin et la place que doit pouvoir retrouver le patient dans la communauté.

89 « Moi, mon choix c’était de raccompagner les patients dans leur famille. En fait, le malade mental est à lisière de la société et du gouffre. Je répète, un malade mental est à la limite qu’admet la société et de ce que la société rejette. Tu comprends ? […] Le psychiatre, son rôle n’est pas de pousser le malade dans le gouffre. C’est de le ramener. » P15

« Je leur dis qu’il est à nouveau à mesure d’assumer les fonctions qu’il avait avant. [...] C’est un homme! Donc, il faut leur expliquer tout ça. » P15

2.2. Usage du psychiatre dans la relation avec la famille

2.2.1. La construction d’une alliance : une relation de confiance et de collaboration

Pour impliquer les familles dans la prise en charge de leur proche souffrant de schizophrénie, tous les psychiatres rapportent qu’il est essentiel de construire une relation de collaboration basée sur une relation de confiance.

La construction d’une relation de confiance est abordée dans les usages du psychiatre et non dans les rôles.

Il ressort des entretiens que le psychiatre a pour mission principale la prise en charge du patient. C’est pour assurer cette mission principale qu’il a besoin d’impliquer les familles. Et pour impliquer les familles, il a besoin de construire une relation de collaboration basée sur la confiance avec ces familles. Ce n’est donc pas une mission en soi, mais un moyen pour assurer la prise en charge optimale du patient.

« On a besoin de faire alliance avec la famille pour le bien du patient. » P12

« Il faut être bien à l’écoute [des familles] parce qu’après vous gagnez et le patient gagne. » P5

Tout d’abord, tous les psychiatres disent consacrer du temps pour rencontrer les familles, les écouter et établir une relation de collaboration et d’alliance :

- Prendre le temps nécessaire et se rendre disponibles pour les familles ;

« Il faut sensibiliser la famille, lui montrer qu’on est là. Nous montrer qu’elle peut nous joindre à tout moment. » P13

« Il faut accepter de prendre du temps pour ça.» P5 - Faire preuve d’une attitude empathique ;

« J’essaie de mettre devant eux : « qu’est-ce qui vous inquiète ». Donc, je leur dis : « je sais qu’il y a quelque chose qui vous inquiète. Et quel est votre point de vue sur la situation ? » J’essaie par ces formulations d’essayer, de faire en sorte qu’ils se sentent écoutés. Et souvent, quand ils arrivent hyper tendus, ça désamorce. Ils se disent : « enfin quelqu’un qui va m’écouter ». » P6

90 « Le premier médicament d’un médecin, c’est l’accueil, c’est l’écoute, c’est la confiance. C’est tout ! » P15

- L’écoute permet d’accueillir et de répondre à l’agressivité ;

« Je trouve vraiment que l’agressivité est à prendre en compte. Les familles dans la revendication procédurière c’est très fréquent. Et je trouve qu’avec l’expérience on se rend compte que c’est vraiment de la souffrance. Et d’arriver à identifier que cette famille-là, a besoin d’être écoutée ou qu’elle a l’impression de ne pas être écoutée. Et quand on laisse un peu de temps quitte à se laisser crier dessus, ça désamorce énormément de situations. » P12

- Des psychiatres estiment que le psychiatre ne peut être légitime avant d’avoir écouté la famille.

« Donc je pense qu’au tout début, la première chose à faire c’est de les écouter et de comprendre ce qu’ils veulent nous raconter. Ils ont besoin de nous raconter tout ce qu’ils ont vécu, tout ce qu’ils vivent. […] Si on n’écoute pas toute l’histoire, on va ne rien comprendre. Pour avoir cette légitimité de dire « moi je sais ». Il faut les avoir écoutés et il faut leur montrer qu’on tient compte de ce qu’ils nous disent. » P11

Il est nécessaire pour le psychiatre de prendre en compte la singularité du cas de chaque famille pour les impliquer dans le soin.

« Je dirais que c’est vraiment au cas par cas avec les familles. […] J’allais dire qu’il faut faire feu de tout bois avec imagination et pertinence en psychiatrie. Il faut inventer à chaque fois un cadre un peu nouveau. » P7

2.2.2. Le soutien d’une équipe pluridisciplinaire.

La prise en charge de la famille se fait en équipe, les différents acteurs interviennent à domicile et portent un discours plus social.

« Donc, la prise en charge du schizophrène tient compte toujours de l’entourage, c’est ce que nous avons tellement bien compris qu’on a une équipe pluridisciplinaire (infirmiers, assistantes sociales éducateurs spécialisés) qui peut se rendre au domicile des familles. » P4

« Il faut éviter de travailler uniquement en tête à tête avec les familles. Quand le malade et la famille viennent, c’est toute une équipe qui travaille avec lui. Parce qu’enfermé dans un bureau, c’est exclure les autres. Quand les autres membres de l’équipe arrivent, ils ont un discours qui n’est pas médical, mais très social. » P13

« Et donc, j’ai laissé l’assistante sociale et les infirmiers travailler avec la mère et moi je travaille avec le patient. Mais, j’ai dit: "il faut qu’on s’occupe de la maman, mais moi je ne vais pas pouvoir m’occuper des deux en même temps". Compte tenu du fait que j’ai qu’un cerveau et qu’elle prenait beaucoup de place. » P7

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2.2.3. Les usages pour l’éducation des familles

Comme il a été vu dans le chapitre précédent, le rôle principal du psychiatre est d’éduquer la famille dans son rôle d’aidant. Tous les psychiatres rapportent recevoir les familles et participer à l’éducation :

- Soit durant les entretiens médicaux ;

« On a besoin que toutes ces visites soient des occasions d’échanger avec la famille ; de les sensibiliser et de faire en sorte qu’ils puissent jouer leurs rôles dans la prise en charge. » P9

- Soit en les impliquant dans des groupes de psychoéducation familiale.

« Depuis qu’on l’a créé, on a inclus environ 150 à 160 familles qui ont déjà participé à Profamille. » P10

« Après auprès des familles c’est expliquer la maladie, c’est aussi donner des informations sur la maladie et qu’est-ce qui existe aussi pour eux par rapport à la maladie : de l’UNAFAM, de Profamille, quels sont les offres de soins, quels sont les possibilités d’aides que vous vous pouvez avoir en tant que famille. » P4

2.2.4. L’implication des familles durant les temps d’hospitalisation à Abidjan

Une des particularités rapportées par les psychiatres d’Abidjan est la présence permanente, requise par certains psychiatres, d’un membre de la famille durant l’hospitalisation du patient. La pertinence de cette pratique pour le soutien moral du proche malade et pour l’implication de la famille dans le soin ne fait pas consensus, certains psychiatres évoquent aujourd’hui une « guerre d’école » .

« Je n’hospitalise pas sans un parent. La famille autour du malade c’est très important. Imaginez quelqu’un qui est psychotique et qui commence à avoir de l’insight, il se retrouve et il voit qu’il est seul, il se sent abandonné : vous le replongez dans la dépression avec un sentiment d’abandon. » P4

« On est obligé, c’est la loi de l’hôpital [selon ce psychiatre] d’ailleurs de faire hospitaliser le patient avec au moins les membres de sa famille pour ne pas couper le contact avec elle. Comme ça, on explique tout, le processus de la pathologie et le traitement. » P15

Mais pour ces psychiatres, cet usage n’est pas soutenu matériellement ni financièrement par l’administration.

« C’est dommage. L’administration n’est pas organisée pour que les familles restent avec les patients et ça fait un surcout dans le traitement. Donc ce sont des aspects à améliorer. » P5

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3. Les obstacles de la collaboration entre le psychiatre et la

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