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MATERIEL ET METHODE A Type d’études

A. Description de l’échantillon

3. Les obstacles de la collaboration entre le psychiatre et la famille

1.3 Obstacles liés aux psychiatres

1.3.1. L’attitude du psychiatre dans sa relation avec les familles

Les obstacles liés à l’attitude du psychiatre sont rapportés de façon similaire sur les deux terrains.

La majorité des sujets rapportent qu’un certain nombre d’attitudes du psychiatre vis-à-vis des familles peuvent faire obstacle à leur implication dans le soin:

- L’attitude paternaliste ;

« Si tu te positionnes en disant : « moi je suis dépositaire de la sainte parole ». Non, tu ne vas pas réussir ! Ton médicament c’est à la porte qu’ils vont le jeter. » P15

- L’attitude dogmatique ;

« Il peut aussi y avoir un manque de connaissance, ou une ancienne école ou des dogmes. Culpabiliser la mère. Même si on fait de la psychanalyse, il faut rester ouvert et ne pas rester sur des interprétations. Je pense que c’est un des principaux freins. » P16

- L’attitude de jugement.

« Nous, on peut avoir des préjugés par rapport à certaines réactions et comportements des familles. Alors que ces comportements sont dus à la détresse qu’ils ont. Donc il faut dépasser ça. » P10

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1.3.2. La complexité des prises en charge des familles et le manque de formation

Ces obstacles sont rapportés sur les deux terrains de recherches.

Pour certains psychiatres, la complexité de la prise en charge des familles peut constituer un obstacle dans leur implication dans le soin de leur proche malade. Les prises en charge des familles sont difficiles pour le psychiatre, car :

- Elles demandent un investissement émotionnel important ;

« Sur des cas d’entrée dans la maladie, c’est compliqué de s’ajuster. Sur le plan émotionnel, ils déchargent tous, ce sont des entretiens qui ne sont pas faciles. » P6

« L’investissement émotionnel que demandent les familles est un obstacle. Des fois, on ne peut pas s’engager ou des fois on se réfugie derrière la technique. C’est plus facile de parler du Risperdal que du ressenti et de la tristesse d’une mère dont le fils décompense. » P16

- Elles demandent à être sur deux fronts à la fois pour la famille et pour le patient. « Vous avez des familles conflictuelles, vous avez des parents pathologiques. Quand c’est comme ça, le travail n’est pas facile parce qu’il faut travailler à soigner la famille, mais aussi le malade. » P4

Pour la majorité des psychiatres, le manque de formation des psychiatres dans la prise en charge des familles est un obstacle à leur implication dans le soin de leur proche malade. « Après dans la formation, je trouve qu’on nous apprend très peu d’outils là-dessus et on n’a pas du tout de situations de jeux de rôle, de mise en situation où on doit informer une famille, entendre les propos d’une famille. Comment on adopte une posture rassurante ? Comment on s’adresse à la famille ? Les informations à qui il faut les donner ? À qui il faut éviter de les donner ? Comment ne pas culpabiliser une famille ? Comment être rassurant ? Comment recueillir des informations ? Je pense que ça pourrait être intéressant dans notre formation.» P12

1.3.3. Obstacle du psychiatre ivoirien face à la pluralité culturelle

Tous les psychiatres ivoiriens rapportent une grande pluralité culturelle et ethnique en Côte d’Ivoire. Cela rapporte de la complexité dans la prise en charge des familles, car les fonctionnements familiaux peuvent être très différents d’une ethnie à l’autre. Certains psychiatres vivent cette pluralité ethnique comme un obstacle.

« La Côte d’Ivoire a une soixantaine d’ethnies, donc au moins une soixantaine de cultures. À ce jour, cette disparité de culture a été accentuée avec la politique, où chacun a un parti et méprise l’autre. Alors jusqu’à présent je nage. » P13

« Vous savez la notion de la famille en Afrique, c’est plus complexe, d’autant plus que les réalités culturelles varient d’une région à une autre. Vous ne pouvez pas faire de la psychiatrie

96 en Afrique, ici en Côte d’Ivoire, sans tenir compte de ces réalités. Alors vous allez trouver des familles où l’oncle a plus de responsabilités parentales sur l’individu que le père lui-même. Quand il y a un souci, on vous dit : « voici son papa qui est là ». Et c’est l’oncle qu’on vous montre. Vous allez trouver des familles où c’est le matriarcat. Donc il y a autant d’obstacles. » P4

Certains psychiatres rapportent que la formation du psychiatre ivoirien n’est pas adaptée au contexte culturel de la Côte d’Ivoire et que cela constitue un obstacle pour l’implication des familles dans le soin.

« Il y a d’abord le psychiatre lui-même, sa formation. Ce qui se fait à la fac, c’est la copie conforme de ce que nous faisons en Occident. Ce que les blancs nous en apportent là, on peut l’habiller avec notre culture. Parce que la psychiatrie n’est pas encore rentrée dans notre culture. » P15

Les psychiatres ivoiriens préconisent une approche non dogmatique et holistique pour impliquer les familles dans le soin de leur malade.

« Si nous nous comportons comme des médecins tout courts, comme on nous a appris à la faculté, sans prendre en compte cette dimension sociale étiologique, c’est une barrière évidente. Les positions trop tranchées sur le plan théorique, non holistiques, ça peut poser problème, ça fait beaucoup de mal au patient et aux familles. »P5

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