• Aucun résultat trouvé

REVUE DE LA LITTERATURE A Généralités sur la schizophrénie

B. Les familles de patients souffrant de schizophrénie

1. L’histoire de la psychiatrie moderne

Il est important pour comprendre la relation entre le psychiatre et les familles d’inscrire celle- ci dans l’histoire de la psychiatrie moderne que nous allons retracer brièvement, de la naissance de la psychiatrie asilaire à la psychiatrie de secteur que nous connaissons aujourd’hui. Le phénomène de désinstitutionnalisation est important pour notre questionnement, car il entraîne un déplacement du temps de vie du patient de l’institution vers la famille. Plus de la moitié des sujets souffrant de schizophrénie vivent aujourd’hui avec un de leur parent.

1.1 La naissance de la psychiatrie asilaire en France

La naissance de la psychiatrie en tant que discipline médicale est estimée entre 1789 et 1838 (70). Les principes de la "Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789" attribuent aux « insensés », une place en tant que citoyens. Phillipe Pinel puis son élève Étienne Esquirol vont participer à la constitution de la psychiatrie en tant que discipline médicale. Ils défendent « le traitement moral » des malades au sein d’asiles psychiatriques. Le principe du traitement moral se base essentiellement sur les idées du mouvement philanthropique. L’« aliéné » doit bénéficier d’une hygiène de vie convenable dans un climat de bienveillance au sein de l’asile psychiatrique.

Dans ce contexte, l’asile doit permettre de faire vivre la part de raison du malade et de la développer (70,71). La naissance de la psychiatrie en France est essentiellement marquée par la loi de 1838 sur l'asile psychiatrique. Elle est signée par Louis-Phillipe Ier. Elle stipule que chaque département doit disposer de son asile et que l’admission et le maintien des aliénés sont sous le contrôle de l’autorité publique (72). C’est ainsi que débute la psychiatrie asilaire qui correspond au premier mode de pratique de cette discipline sous un mode hospitalo- universitaire.

Au cours des décennies qui suivent, l’activité psychiatrique se développe en France (73). Cette discipline devient un segment à part entière de la profession médicale. Il s’y développe un savoir clinique qui s’appuie sur l’examen psychiatrique, un savoir scientifique décrivant des pathologies, un savoir-faire diagnostique s’appuyant sur une nosologie et un savoir-faire thérapeutique s’appuyant sur le traitement moral du sujet dans son ensemble (74). Ainsi débute l’ère de la psychiatrie asilaire. Celle-ci est basée sur le principe d’aliénation considérée comme une technique thérapeutique globale (75). Cette technique a pour principe de prendre en charge le malade sur l’ensemble des aspects de sa vie : son admission dans l’asile, ses interactions sociales, ses activités, son emploi du temps. Tout est contrôlé pour le malade, de

36 son entrée dans l’établissement jusqu’à la fin de sa vie. Dans cette démarche, l’institution psychiatrique constitue le lieu de vie du malade qui permet de canaliser ses symptômes.

1.2 Le phénomène de désinstitutionnalisation en psychiatrie

Bien que souvent critiquée, la psychiatrie asilaire va rester la référence dans la prise en charge des troubles mentaux pendant plus d’un siècle. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale qu’est impulsée une réforme de l’hôpital psychiatrique. Durant cette période, on observe un phénomène de « désinstitutionnalisation » qui signe le début d’une grande réforme de la psychiatrie occidentale (73).Ce processus est provoqué par deux phénomènes distincts. Tout d’abord, après la guerre, la psychiatrie asilaire est très critiquée par l’opinion publique en Europe pour plusieurs raisons : d’une part, les conditions de vie des aliénés mourant de faim dans les asiles durant l’occupation sont exposées par la presse (76). D’autre part, le mouvement antipsychiatrique va jouer un rôle actif dans la dégradation de l’image de la psychiatrie asilaire. Ce mouvement est essentiellement basé sur la théorie du contrôle social: la psychiatrie aurait une fonction de régulation des déviances sociales (77). L’institution psychiatrie aurait alors une fonction plus répressive qu’humaniste, puisqu’ayant pour fonction de canaliser certains comportements sociaux. Michel Foucault influence ce mouvement à travers son ouvrage « Histoire de la folie à l’âge classique » publié en 1961.(78). Il affirme que le psychiatre exercerait son contrôle social sur le malade à travers le contrôle de la connaissance.

L’autre évènement historique qui va bouleverser la psychiatrie est la découverte des neuroleptiques (79). La chlorpromazine est la première molécule des médicaments antipsychotiques dits de première génération. Elle a été initialement mise au point en 1950 dans le cadre de recherche de l’utilisation des molécules antihistaminiques dans le domaine de l’anesthésie-réanimation. Par la suite, Henri Laborit, chirurgien français, remarque l’état de « désintéressement » dans lequel se trouvent les patients sous cette molécule, état qu’il désigne comme pouvant être utile pour la prise en charge des patients souffrant d’un trouble psychiatrique. La molécule est testée dans les services de psychiatrie de Jean Delay et de Pierre Denicker à l’hôpital Sainte Anne à Paris. Il est constaté un effet sur la stabilisation de l’humeur, une réduction des productions délirantes et des états d’agitation.

Cette molécule et d’autres molécules dérivées sont par la suite utilisées dans la plupart des services de psychiatries d’après-guerre. Il est constaté une réduction des hospitalisations sous contrainte avec des internements d’office qui tombèrent de 18% des placements en 1955 à 12% en 1966 et seulement 2% en 1976. La prise en charge des troubles psychiatriques graves à l’extérieur de l’hôpital est donc devenue possible grâce à l’utilisation des traitements antipsychotiques.

L’institution psychiatrique impulse une désinstitutionnalisation des malades mentaux sous la pression de l’opinion publique et par l’avènement de nouvelles possibilités thérapeutiques efficaces. En réaction, il se développe l’idée d’une psychiatrie au sein de la communauté. En France, cela se traduit par la naissance de la psychiatrie de secteur.

37

1.3 La naissance de la psychiatrie de secteur

Les travaux de la Commission des maladies mentales seront à l’origine de la rédaction de la circulaire du 15 mars 1960. Cette dernière établit la politique de sectorisation. Elle se base sur les normes de l’OMS de l’époque préconisant 4 lits pour 1000 habitants. Les quatre grands principes cités dans les textes sont (80) :

- Traiter de façon aussi précoce que possible ;

- Traiter le malade au plus près de sa famille et de son milieu ;

- Assurer une continuité des soins entre prévention, soins et postcure ;

- Faire intervenir une équipe pluridisciplinaire placée sous la responsabilité d’un médecin-psychiatre.

Dans le cas de la sectorisation, chaque département est partagé en plusieurs secteurs géographiques. Chaque secteur correspond à une équipe d’hospitalisation temps complet et une équipe de soins ambulatoires. Les équipes d’hospitalisation ayant pour fonction le traitement des décompensations psychiatrique. Les équipes ambulatoires mettent en place la continuité des soins extrahospitaliers au sein de la communauté à travers de multiples structures. Ces structures correspondent aux centres médicaux psychologiques (CMP), au centre d’activité thérapeutique à temps partiel (CATTP), aux hôpitaux de jour, aux centres d'accueil familial et aux appartements thérapeutiques. Les patients sont pris en charge par un secteur donné selon l’adresse de leurs domiciles. La philosophie initiale de la psychiatrie de secteur étant d’amener les soins psychiatriques au plus près de la communauté pour lutter contre la stigmatisation de la maladie mentale et pour soigner le malade en dehors des anciens lieux d’asiles. Cette politique de soin n’est réellement généralisée sur le territoire français qu’à partir des années 1970. Elle continuera à s’intégrer et évoluer de façon progressive au cours des décennies qui suivent, notamment à travers de multiples promulgations de loi tentant de perfectionner cette pratique (80).

Cette politique de sectorisation va se traduire par des modifications majeures de la répartition du soin. Depuis le début de la sectorisation, les nombres de lits d’hospitalisations à temps complet sont en diminution constante (80,81). Il est rapporté une réduction de 27% de lits chez les adultes entre 1991 et 1997 avec une poursuite d’une réduction de 5.4% entre 1999 et 2000. Paradoxalement, il y a une forte augmentation de l’activité des secteurs soit une augmentation de 46% de patients suivis pour les adultes entre 1990 et 1997 (81).

Parallèlement, les malades vivent de plus en plus au sein de la communauté et essentiellement dans leurs familles. En France, dans les années 1990, des enquêtes sociologiques montrent que trois quarts des malades mentaux vivent habituellement en milieu ordinaire et un quart en institution médicale ou sociale (82). Pour ceux non institutionnalisés, l’aide au maintien à domicile est essentiellement apportée par l’entourage familial que ce soit sur le plan matériel ou affectif. En sachant qu’en milieu ordinaire, plus de 6 malades sur 10 vivent essentiellement avec leur famille, soit 4 fois sur 5 avec leur parent ou l’un au moins d’entre eux (82). Au cours des dernières décennies, il y a donc un véritable déplacement du temps de vie du patient de l’institution au domicile familial.

38 La psychiatrie s’est fondée en tant que discipline médicale au début du XIXe siècle à travers la psychiatrie asilaire. Cette dernière était basée sur le traitement moral des aliénés au sein de l’institution psychiatrique. Après la Seconde Guerre mondiale, la psychiatrie connait une vague de désinstitutionnalisation médiée par le mouvement antipsychiatrie et la découverte des neuroleptiques. Il s’en suit une psychiatrie dont les soins sont orientés essentiellement vers la communauté. En France, la psychiatrie communautaire prend le nom de la psychiatrie de secteur. Les temps d’hospitalisation sont réduits. De ce fait, il y a un véritable déplacement du temps de vie du patient de l’institution au domicile familial.

2. L’évolution de la relation entre les familles et la

Documents relatifs