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MATERIEL ET METHODE A Type d’études

D. Discussion et perspectives

4. La déstigmatisation pour favoriser la relation de collaboration tripartite

Notre étude montre que la stigmatisation est un obstacle majeur pour l’implication des familles et cela, quel que soit le contexte social et culturel dans lequel évoluent ces familles. Les solutions apportées pour lever cet obstacle sont multiples.

Il est probable que l’amélioration de la qualité de collaboration entre les professionnels de santé mentale et les familles puisse favoriser une déstigmatisation auprès de ces familles. Premièrement, la psychoéducation familiale a montré des résultats sur la modification des représentations de la maladie mentale auprès des membres de la famille (217). Deuxièmement, une systématisation de la rencontre avec les familles et une implication active dans nos dispositifs de soins pourrait permettre aux familles de mieux comprendre les enjeux

132 des prises en charge psychiatriques, mais aussi d’apporter un autre regard sur nos pratiques. Cette collaboration permettrait de combattre les préjugés sur l’institution psychiatrique du côté des familles, mais aussi les préjugés sur les familles du côté des soignants.

Mais le combat pour la déstigmatisation de l’institution psychiatrique et de la schizophrénie va bien au-delà de la problématique des familles. Ce phénomène concerne aussi l'image de la psychiatrie et des psychiatres dans les médias et les opinions du grand public, des étudiants en médecine, des professionnels de la santé autres que les psychiatres, des personnes atteintes de maladies mentales et de leur famille sur la psychiatrie et les psychiatres (216). Les recommandations apportées pour combattre la stigmatisation sont variées. Les perspectives apportées sont une amélioration de la formation des professionnels de santé et des psychiatres sur la déstigmatisation (216). Il est également recommandé que les sociétés psychiatriques nationales établissent des liens avec d'autres associations professionnelles, avec des organisations de patients et leurs proches et aussi avec les médias afin d'aborder le problème de la stigmatisation sur un plusieurs fronts (216). Il est également souligné le rôle que les psychiatres peuvent jouer dans la prévention de la stigmatisation de la psychiatrie, en insistant sur la nécessité d'établir une relation respectueuse avec les patients, de respecter strictement les règles éthiques dans la pratique de la psychiatrie et de maintenir la compétence professionnelle (216).

Il serait intéressant de développer l’influence de la stigmatisation sur la relation de collaboration avec les familles. Et en quoi cette collaboration pourrait être bénéfique pour le changement de l’image de la schizophrénie et de l’institution psychiatrique.

L’amélioration de l’implication des familles dans le soin de patients souffrant de schizophrénie est décrite selon 4 perspectives.

Premièrement, la recherche systématique du consentement et la mise en pratique d’outils clinique pour l’évaluation du consentement des patients souffrant de schizophrénie sont essentielles pour définir l’implication des familles selon la volonté propre du patient. Deuxièmement, le développement d’outils cliniques et de concepts permettant de comprendre la souffrance des familles est nécessaire. Cela permettrait de nuancer leur place d’aidant qui beaucoup trop marquer malgré les souffrances qu’elles endurent. Et surtout, la mise en place de ces outils permettrait des interventions adaptées à leur problématique. Troisièmement, un changement de paradigme orienté sur la prise en charge familiale est nécessaire pour pouvoir appliquer ces outils. Ce changement doit être médié par le développement d’une recherche épistémologique de la profession de psychiatre afin de mieux orienter l’enseignement et la formation de cette profession à l’implication des familles.

Quatrièmement, la lutte contre la stigmatisation est essentielle pour la mise en place d’une relation de collaboration entre les familles, le patient et les professionnels.

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CONCLUSION

Sur les deux terrains, les représentations qu’ont les psychiatres des familles de patients souffrant de schizophrénie et les rôles et usages qu’ils ont face à ces familles sont similaires. Pour les psychiatres, la prise en charge du patient souffrant de schizophrénie se fait dans le cadre d’une relation de collaboration tripartite entre le patient, la famille et les professionnels de santé. Le psychiatre considère essentiellement les familles comme aidant à la thérapeutique et cela malgré la souffrance induite par cette place d’aidant. En effet, les familles constituent pour eux une source d’information et constituent des acteurs nécessaires à la prise en charge des patients souffrant de schizophrénie. Cette place de l’aidant permet d’amener au patient une stabilité clinique, un soutien moral et financier et une meilleure réinsertion sociale et professionnelle. Pour les psychiatres, leur mission est d’éduquer ces familles, afin qu’elles s’ajustent dans leur rôle d’aidant. Pour arriver à leurs fins, ils construisent avec les familles une relation de collaboration personnalisée basée sur la confiance. Ils encouragent donc la rencontre avec ces familles et leur apportent une écoute empathique. Ils le font dans le cadre d’une prise en charge globale avec une équipe pluridisciplinaire et avec le soutien des associations de familles. L’éducation en tant que telle se fait de façon individuelle durant les entretiens médicaux ou en groupe en les orientant vers des programmes de psychoéducation familiale.

Cependant, les psychiatres de la région d’Occitanie et du district d’Abidjan rencontrent des obstacles à cette implication des familles dans le soin. Ceux-ci selon 6 catégories : les obstacles liés aux patients, ceux liés à la famille, ceux liés aux psychiatres, ceux liés au système juridique, ceux en relation avec l’organisation du système de santé et enfin ceux liés au système de croyances. Premièrement, le refus des patients souffrant de schizophrénie à impliquer les familles est un obstacle. Il interroge sur la recherche et l’évaluation du consentement éclairé du patient. Deuxièmement, le manque de connaissance et la souffrance des familles sont un obstacle. Il soulève le fait que le rôle de l’aidant est encore mal défini, non seulement par les familles, mais aussi par les psychiatres. Troisièmement, une attitude paternaliste et dogmatique associée à un manque de compétence du psychiatre est un obstacle. Il soulève le manque de formation théorique et pratique du psychiatre concernant la prise en charge des familles. Quatrièmement, le secret médical et l’implication des familles dans les procédures de soins sans consentement sont des obstacles juridiques surtout pour les familles en France. Le code de santé publique dépassé est rapporté comme un obstacle global pour la profession du psychiatre ivoirien. Cinquièmement, l’organisation du système de santé mentale présente des obstacles. En Côte d’Ivoire, le manque de ressources économique est l’obstacle majeur à l’implication des familles. En France, le manque d’accessibilité et de disponibilité du psychiatre est lié à une organisation non pensée pour la prise en charge des familles. Sixièmement, les obstacles liés au système de croyances sont séparés en deux sous catégories d’obstacles, ceux liés à une guerre de paradigme et ceux liés à la stigmatisation. En France, le paradigme médical centré sur l’individu est priorisé sur celui englobant la famille. En Côte d’Ivoire, le paradigme neurobiologique rentre en opposition avec les croyances mystiques de la maladie mentale dont est imprégnée la population. Sur les deux terrains, mais de façon plus marquée en Côte

134 d’Ivoire, la stigmatisation de l’institution psychiatrique, des patients et des familles est un obstacle majeur à une relation de confiance dans la relation tripartite.

La recherche d’obstacles communs sur les deux terrains s’est heurtée aux différences économiques abyssales entre ces deux terrains. Cette différence a en effet constitué un facteur de confusion notable. Mais, des leviers communs afin d’améliorer cette collaboration entre les familles et les psychiatres ont pu être mis en exergue.

Ainsi, il a été identifié quatre perspectives d’amélioration de cette relation de collaboration tripartite. Tout d’abord, la recherche et l’évaluation actives du consentement permettraient au psychiatre de mieux s’ajuster à la volonté du patient dans l’implication des familles. Puis, le développement d’outils clinique et thérapeutique pour la prise en charge de la souffrance des familles sont indispensables pour les impliquer. Il faudrait ensuite un changement de paradigme plus orienté vers des soins familiaux pour appliquer les outils nécessaires à la prise en charge des familles. En parallèle, la lutte contre la stigmatisation est une piste prometteuse pour l’amélioration de la relation tripartite.

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