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REVUE DE LA LITTERATURE A Généralités sur la schizophrénie

B. Les familles de patients souffrant de schizophrénie

4. La psychoéducation des familles de patients atteints de schizophrénie

niveau d’émotion exprimés. Les études sur le fardeau de l’aidant montrent que les familles de ces patients souffrent. Et cette souffrance a un impact sur la santé physique, la santé psychique, la qualité de vie et l’insertion sociale et professionnelle des membres de l’entourage ; mais elle a aussi un impact sur le fonctionnement familial. Les études sur les émotions exprimées montrent que l’état émotionnel des familles va influencer l’évolution de la maladie du patient souffrant de schizophrénie. Un niveau d’émotion exprimé élevé signifie un niveau de critique important de la famille sur le patient, ce qui entrainerait une augmentation du risque de rechute de la maladie.

4. La psychoéducation des familles de patients atteints de

schizophrénie

4.1 Définition

Les programmes de psychoéducation ont pour but d'informer les patients et leurs familles sur les troubles psychiatriques afin de développer leurs capacités à y faire face (141). Dans le cadre de la prise en charge des familles de patients atteints de schizophrénie, les grands principes de la psychoéducation consistent alors à fournir aux familles (142):

- De l’information sur les troubles ;

- Des stratégies de « coping » face aux symptômes ; - Des méthodes de gestion du stress ;

- Des informations sur les dispositifs de soins et la manière de les solliciter et de les utiliser ;

- Une d’une dynamique groupale de soutien entre pairs destinée à perdurer dans le temps.

Ces interventions sont en général groupales, mais peuvent être faites en individuel. Elles font intervenir auprès des familles différents professionnels de santé (infirmiers, psychologues, psychiatres, assistantes sociales) ou des pairs formés à la psychoéducation.

Elles regroupent les intervenants et les usagers lors de multiples séances de plusieurs heures. En France, plusieurs programmes pour les proches de personnes souffrant de schizophrénie sont disponibles. Le module "AVEC" dédié à la famille dure 16 heures, ARSIMED et Prospect 20 heures. Profamille est un programme de psychoéducation proposé par le CHU de Montpellier sur l’Hôpital de la Colombière. Il propose 14 séances de 4 h soit 56 heures, auxquelles s’ajoutent un travail personnel, les séances de révision, les séances optionnelles et le suivi après le premier module.

49 Profamille suit les recommandations internationales (PORT, NICE, APA) qui préconisent une durée minimale pour ces interventions d’au moins dix séances et de 6 à 9 mois. Les programmes plus courts ont une efficacité moindre sur la prévention des rechutes. Ceux inférieurs à 10 séances n’ont pas démontré d’effet significatif sur la diminution du fardeau des aidants (143).

L’objectif des programmes de psychoéducation ne vise pas seulement la transmission de l’information autour de la maladie. Ils mettent en place des méthodes pédagogiques ayant pour objectif la modification des croyances, des attitudes et des comportements; avec aussi un objectif d’augmenter le soutient social (144).

Durant les séances, les participants assistent à des cours théoriques, témoignent de leurs expériences auprès de leurs proches malades, font des exercices et des jeux de rôles. L’échange entre les participants est encouragé afin de faciliter l’intégration de l’information et d’offrir un espace de parole et d’écoute participant à la cohésion de groupe. Les participants disposent donc d’un soutien émotionnel leur permettant de lutter contre la solitude, la honte ou la culpabilité.

Les échanges se concentrent surtout sur les ressources de leurs proches malades dans le but de développer une collaboration saine. Une idée centrale est de délimiter ce qui fait partie de la personnalité de sujet malade et ce qui fait partie de la maladie. Cette idée développe un partenariat entre « l’aidant » et le « sujet malade » contre « l’objet malade » (145).

Les thèmes abordés sont l’évolution naturelle de la maladie, des troubles, les traitements médicamenteux ou non médicamenteux, la gestion de la crise, la mise en place des limites pour leurs proches, la recherche de soutien social au sein de la communauté. Des techniques de gestion des émotions et de communication y sont enseignés afin d’améliorer la relation auprès de leur proche malade. Un travail autour des croyances permet de diminuer les stéréotypes ainsi que la stigmatisation qui en découle. Il y est aussi enseigné les connaissances et les méthodes permettant de mieux communiquer avec les différents intervenants prenant en charge leurs proches. Ces groupes permettent donc aux membres de ses familles de prendre la juste place « d’aidant ».

4.2 Historique : de la psychoéducation à la psychoéducation familiale

L’historique de la psychoéducation est décrit par certains auteurs (142). Le principe d’éducation du sujet malade remonte déjà à l’époque de la psychiatrie asilaire à travers le « traitement moral » des aliénés décrit par Pinel (146). Le soignant devait s’adresser à la part saine du sujet atteint pour l’éduquer sur ces symptômes.

Le terme psychoéducation apparait dans la littérature qu’à partir des années 1970. Ce terme est utilisé pour désigner les interventions nécessaires pour surmonter les obstacles à l’éducation des enfants atteints de trouble de l’apprentissage ou de troubles psychiques (147). Les fondements de la psychoéducation ont été posés par Leff et Vaughn (148) et Hogarty et al. (149) au cours des années 1980. Ces auteurs montraient que les interventions de

50 psychoéducation auprès des familles permettaient de réduire le taux de rechutes des patients (150).

Ils distinguaient les interventions familiales tels que le groupe de parole des programmes de psychoéducation. Ces derniers se basent sur une dimension éducative pour modifier la vision et les comportements des membres de l’entourage (151). La notion de partenariat entre la famille, le patient et les soignants est déjà développée. L’efficacité de ses groupes se base déjà sur la réduction du niveau d’EE des familles afin de réduire le taux de rechutes (151).

La fin des années 1980 marque le début de la création de groupe de psychoéducation pour les patients atteints de schizophrénie. Ces groupes se sont d’abord essentiellement développés dans les pays anglophones. Parmi eux, il y a “Individual family consultation”, “Family psychoeducation”, “Psychoeducational multifamily group”, “Modified forms of more traditional family therapies” et “Short-term family education”.

C’est dans ce contexte historique qu’est née la première version de Profamille au Québec à la fin des années 1980. Ce programme a ensuite été répandu en Europe au début des années 1990. D’autres programmes de psychoéducation pour les familles de patients atteints de schizophrénie sont utilisés dans le monde francophone. : le groupe Accompagner, Valider, Échanger et Comprendre (AVEC) développé en 2004 ou les ateliers ARSIMED Atelier d’entraide Prospect développé en 2010. Cependant, Profamille reste le groupe le plus utilisé dans le monde francophone aujourd’hui (152).

4.3 Efficacité

Dans la littérature, les méta-analyses d’études comparatives entre des groupes de patients avec des familles ayant bénéficié de psychoéducation versus ceux n’en ayant pas bénéficié montrent qu’une intervention familiale bien conduite, à condition qu’elle soit associée à une médication, permet la réduction du taux de rechute et du taux d’hospitalisation avec une amélioration globale du fonctionnement chez le patient (153).

En plus d’améliorer la symptomatologie du patient, d’autres méta-analyses d’études comparatives montrent non seulement une amélioration des symptômes, mais aussi une meilleure réinsertion psychosociale (154). D’autres études similaires rapporteraient même une amélioration de la compliance au traitement médicamenteux lorsque la famille avait suivi un groupe de psychoéducation (155).

Les programmes de psychoéducation permettraient une réduction du niveau d’EE chez les membres de la famille ce qui expliquerait les effets sur la réduction des rechutes chez les proches atteints de schizophrénie.

Les interventions familiales auraient aussi une efficacité similaire dans la période d’entrée dans la psychose (156). De plus, certains auteurs rapportent une réduction significative des symptômes positifs des patients à ultra haut risque de psychose, après 6 mois d’IF (157).

51 Concernant l’impact sur les familles, certaines études décrivent une réduction du fardeau de l’aidant ressenti après psychoéducation familiale. Il est constaté une amélioration de la qualité de vie au sein de l’entourage proche.

La psychoéducation familiale aurait aussi un effet direct sur l’environnement familial et les membres de la famille qui en bénéficie. Il est rapporté dans la littérature :

- Une réduction du fardeau de l’aidant (158) - Une amélioration de la qualité de vie (159).

- Une amélioration de la qualité de la communication intrafamiliale (160). - Une amélioration des capacités à faire face de la famille (161)

- Une diminution des dépenses de santé par les membres de la famille (161).

Pour les patients souffrant de schizophrénie, outre la réduction du taux de rechutes il est décrit :

- une participation augmentée des patients dans des programmes de retour à l’emploi (162).

- Taux d’emploi significativement augmenté pour les patients (163)

- Diminution des symptômes de la maladie, dont les symptômes négatifs (164) - Amélioration du fonctionnement social (161).

Enfin, certains auteurs rapportent un bénéfice clinique et économique en faveur de la prise en charge des familles (165). Puisque celle-ci permettrait de réduire le taux d’hospitalisation chez ces patients. De façon plus globale, une étude médico-économique australienne mettait en évidence la rentabilité de la prise en charge des familles dans la schizophrénie (166).

4.4 État des lieux de la pratique de la psychoéducation

À ce jour, la psychoéducation des familles pour la prise en charge des patients atteints de schizophrénie est recommandée dans la plupart des guidelines (144,167). Cependant, malgré le niveau de preuve très élevé de ses interventions, les recommandations internationales en leurs faveurs et la rentabilité économique la psychoéducation familiale est encore trop peu répandue dans les pratiques. Le nombre de familles bénéficiant d’une telle prise en charge serait de moins de 10%, mais le plus souvent entre 0 et 2% (168–171). En France, le pourcentage de famille qui se verrait proposer une prise en charge de ce type varierait selon les départements entre 0 et 5% des familles (172).

Il y aurait donc des obstacles à la mise en place des interventions familiales et plus généralement à l’implication des familles dans le soin en milieu psychiatrique.

52 Les programmes de psychoéducation familiale regroupent les membres de l’entourage proche durant plusieurs séances auprès de soignants formés. Ils ont pour objectif la transmission de l’information autour de la maladie et surtout la mise en place des méthodes pédagogiques ayant pour objectif la modification des croyances, des attitudes et des comportements face au malade; avec aussi un objectif d’augmenter le soutient social. Ces programmes, nés dans les années 1980, sont basés sur la réduction du niveau d’émotions exprimées. Ils ont ainsi montré une efficacité sur la réduction du niveau d’EE des familles bénéficiant de ces programmes avec une réduction du taux de rechutes et une amélioration de l’observance du malade. Il est montré aussi une réduction du fardeau de l’aidant et surtout une diminution des couts de santé dans la prise en charge des patients souffrant de schizophrénie. La psychoéducation familiale est donc rentrée dans les recommandations internationales pour la prise en charge des patients souffrant de schizophrénie. Cependant, ces interventions sont encore trop peu répandues en pratique courante.

5. Les obstacles dans la relation entre le psychiatre et la

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