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Résultats obtenus par dynamique moléculaire

II) MODELES ET DESCRIPTIONS PHYSIQUES

4) Résultats obtenus par dynamique moléculaire

L’étude de ce processus de transport croisé par dynamique moléculaire est relativement récent (MacGowans et Evans, 1986). Par la suite, même si des efforts certains ont été entrepris, peu d’équipes ont travaillé, ou travaillent actuellement, sur le sujet. On peut citer dans l’ordre chronologique celles de Evans, de Ciccoti, de Vogelsang, de Erpenbeck à la fin des années 1980, de Heyes, de Hafskjold au début des années 1990 et enfin plus récemment celles de Rousseau, de Müller-Plathe ou encore celle de Yeganegi. Le nombre assez restreint de travaux sur le sujet provient essentiellement de la durée des simulations nécessaires afin de pouvoir évaluer le coefficient de transport associé à la thermodiffusion, qui est de l’ordre de vingt fois les temps de simulation classique pour les autres propriétés de transport (Vogelsang et al., 1987). De plus la petite quantité de résultats expérimentaux sur des mélanges simples en phase condensée n’a pas contribué à l’essor de ces techniques qui ne trouvaient alors pas de point de comparaison.

a) Historique

Nous allons brièvement décrire chronologiquement les différents travaux entrepris sur l’étude de la thermodiffusion par dynamique moléculaire en phase fluide, il existe des travaux en phase solide (Janek et al., 2002), (Lopasso et al., 2001) mais nous n’en parlerons pas . Un bon historique peut être trouvé dans (Simon, 1997) ou encore dans (Reith, 1998). Comme nous l’énoncions précédemment les premières simulations de la thermodiffusion, basées sur des méthodes hors équilibre synthétique, ont été réalisées par (MacGowans et Evans, 1986)

sur des mélanges de sphères de Lennard-Jones. L’année suivante les premières mesures par une méthode à l’équilibre, grâce aux relations de Green-Kubo, ont été menées par (Paolini et Cicotti, 1987). Assez étonnamment, ce n’est qu’à la fin des années 80 que Erpenbeck (1989), effectua les premières simulations sur des sphères dures. Puis trois ans plus tard, Kincaid et al. (1992) ont utilisé pour la première fois un algorithme de dynamique hors équilibre directe pour évaluer la thermodiffusion. L’année suivante l’algorithme HEX, que nous avons utilisé, fut proposé par Hafskjold et al. (1993). Puis Schaink et al. (1992, 1993) utilisèrent un modèle non atomique pour la description des molécules, en l’occurrence un mélange de CH4/CF4 et de benzène/cyclohexane, et une méthode à l’équilibre pour la détermination de l’effet Soret. En 1994, une synthèse des principaux résultats obtenus jusqu'à lors a été réalisé par Hoheisel Hoheisel (1994), afin d’essayer de décrire l’effet Soret dans les liquides moléculaires avec comme conclusion que beaucoup de travail restait à faire. Hafskjold (1996) et Kjelstrup et Hafskjold (1996) effectuèrent des simulations de la thermodiffusion au travers d’une interface liquide-gaz. Bresme et al. (1996) et Wold (1997) introduisirent des charges ioniques dans leur système, pour évaluer la thermodiffusion de mélanges chargés électrostatiquement. Puis Simon et al. (1997, 1998) couplèrent, avec succès, méthode hors équilibre directe et description complexe des molécules. Simultanément Wold et al. (1997, 1999) étudiaient pour la première fois l’influence d’un milieu poreux sur la thermodiffusion. Les premières études intensives sur des sphères de Lennard-Jones sont apparues avec l’apparition de supercalculateurs plus puissants (Reith, 1998) (Reith et Müller-Plathe, 2000). Certains se sont même attelés à étudier la thermophorèse par le biais de la dynamique moléculaire bidimensionnelle (Paredes et al., 2000). Dernièrement Perronace et al. (2001, 2002a, 2002b) ont réalisé des simulations par une méthode hors équilibre synthétique appliquée à des molécules articulées. Maghari et Yeganegi (2001) ont, quant à eux, réalisés des simulations en utilisant un potentiel intermoléculaire réaliste sur un mélange de H2-D2, différent de celui de Lennard-Jones. Enfin, Colombani et al. (2002) ont été les premiers à simuler un mélange dans un milieu poreux complexe pour étudier l’influence de ce dernier.

Par ailleurs, l’utilisation quasi-systématique du potentiel de Lennard-Jones dans tous les cas que nous connaissons, excepté dans (Magahri et Yeganegi, 2001), est d’ailleurs étonnante, car plusieurs auteurs comparant résultats expérimentaux et théorie de Chapman-Enskog pour les gaz dilués ont montré que le potentiel de Buckingham, dont la partie répulsive est de forme exponentielle, était bien mieux adapté que celui de Lennard-Jones pour estimer la thermodiffusion (Moran et Watson, 1957), (Saxena et Mathur, 1965). L’explication, quant à cette utilisation quasi exclusive, tient probablement au fait que le potentiel de Lennard-Jones est le plus utilisé pour l’étude des propriétés de transport dans les fluides simples.

b) Comparaison dynamique moléculaire/expériences.

Du fait du faible nombre de mesures expérimentales fiables sur des systèmes simples à simuler, pour lesquels la dynamique moléculaire est adaptée, il existe très peu de confrontations de résultats de dynamique moléculaire avec des mesures expérimentales. À notre connaissance, il n’existe qu’une seule comparaison qui concerne les gaz rares, en l’occurrence un mélange Ar-Kr, ou un bon accord à pu être trouvé (Perronace et al., 2002b). Quant aux mélanges d’alcanes normaux, il existe des confrontations pour les mélanges méthane/n-pentane et méthane/n-décane, ou les simulations ont été réalisées sur des molécules articulées. Les résultats sont plutôt concordants (Perronace et al., 2002a) et (Simon et al., 1998), mais des différences de l’ordre de 20 à 30 % existent néanmoins. Récemment nous avons montré que les sphères de Lennard-Jones permettaient d’obtenir des résultats en bon accord concernant ces deux mélanges (Galliéro et al., 2002c, 2003a). Enfin (Reith, 1998) a montré, que les sphères de Lennard-Jones ne semblaient pas à même de pouvoir quantifier

correctement la thermodiffusion dans les mélanges plus complexes, en l’occurrence un mélange de Benzène/Cyclohexane, d’autres tests non publiés ont confirmé cette inadéquation.

c) Règles générales obtenues.

Néanmoins, concernant les résultats des simulations sur des mélanges binaires de sphères de Lennard-Jones, de nombreux progrès ont été réalisés dans la compréhension de la thermodiffusion dans ces mélanges simples. Ceci, même si des résultats contradictoires ont pu être publiés (Bordat et al., 2001), pour lesquels il semble malgré tout qu’un consensus émerge progressivement depuis quelques années. Nous avons essayé de résumer les grandes tendances obtenues par différents auteurs sur la dépendance du coefficient de Soret, ou facteur de thermodiffusion, avec les paramètres décrivant les sphères de Lennard-Jones. Le composé migrant, relativement à l’autre, le plus vers les zones froides est celui dont :

 la masse est la plus importante, pour un même diamètre atomique et une même force d’interaction et ceci quel que soit l’état thermodynamique, (Hafskjold et al., 1993), (Kincaid et al., 1992), (Reith et Müller-plathe, 2000), (Rousseau et al., 1994). Ce résultat confirme les résultats expérimentaux obtenus sur les isotopes ;

 la profondeur du potentiel d’interaction est la plus grande, pour une même masse et un même diamètre atomique (Hafskjold, 2002), (Maghari et Yeganegi, 2000), (Reith et Müller-Plathe, 2000), (Vogelsang et Hoheisel, 1988), cette contribution étant loin d’être négligeable par rapport à celle de la masse ;

 le rayon moléculaire est le plus petit, pour une même masse et une même profondeur de potentiel (Bordat et al., 2001), (Maghari et Yeganegi, 2000), (Reith et al., 2000). Ceci dans le cas de simulation en gaz non dilués. C’est sur ce point qu’une controverse semble exister, (Bordat et al., 2001), (Hafskjold, 2002), mais la faible statistique de certains des résultats obtenus par le passé semble être la cause principale de cette discordance. Cette clarification est d’autant plus nécessaire que ce résultat est contraire à celui prédit par la théorie de Chapman-Enskog (Chapman et Cowling, 1970). On peut penser que cette différence provient du fait qu’à basse pression ce sont les contributions purement cinétiques qui interviennent majoritairement et que, dès que la pression augmente, la contribution thermodynamique s’accroît, ce qui implique que dès lors l’approche purement cinétique n’est plus représentative ;

 le nombre de carbones est le plus élevé dans un mélange méthane ou éthane avec un petit

n-alcane (Simon et al., 1997, 1998), (Perronace et al., 2002a).

De plus (Reith et Müller-Plathe (2000) ont montré qu’en phase liquide, une simple sommation de toutes les contributions séparées, de masse, diamètre atomique et profondeur de potentiel, permet une bonne estimation du coefficient de Soret obtenu pour une simulation pour lesquels tous ces paramètres ont été changés simultanément.

Par ailleurs, Wold (1997) a pu montrer que lorsque l’on introduit des charges coulombiennes, la thermodiffusion est réduite par rapport à des mélanges sans charges électrostatiques.

Concernant la dépendance de la thermodiffusion avec les conditions thermodynamiques, les résultats ont montré que l’amplitude de la séparation est fortement accrue en phase liquide par rapport à celle en phase gazeuse, mais les résultats sont trop peu nombreux pour pouvoir généraliser (Bordat et al., 2001).

Par ailleurs Schaink et al. (1992) ont montré que l’introduction d’une description plus complexe des molécules par rapport à de simples sphères de Lennard-Jones pouvait introduire des différences sur les valeurs obtenues du coefficient de Soret, mais ils avaient des barres d’erreurs trop importantes pour conclure. Simon et al. (1999) ont poursuivi ce type de comparaison et ils ont abouti à la conclusion que la modélisation sous forme de sphères de Lennard-Jones peut rendre compte de la dépendance qualitative du facteur de thermodiffusion, dans un mélange méthane/n-décane, avec la composition, la pression et la température, mais surestime systématiquement ce dernier par rapport à des simulations sur des molécules articulées.

Quant aux différentes méthodologie de dynamique moléculaire, il semble qu’elle soient à même de donner des résultats très similaires (Paolini et Ciccotti, 1987), (Perronace et al., 2002a, 2002b), (Reith, 1998), même si des différences subsistent (Perronace, 2001). Ces différences proviennent essentiellement du besoin d’évaluer les enthalpies molaires partielles pour certaines méthodes qui introduisent des incertitudes plus grandes (Simon, 1997).

e) Comparaison dynamique moléculaire/modèle théorique.

Les résultats obtenus par dynamique moléculaire sur des mélanges de sphères dures montrent que pour les faibles densités, l’approche de Chapman-Enskog permet une estimation correcte (Erpenbeck, 1989), mais que pour les fluides à forte masse volumique, la différence s’accroît de manière drastique ; ceci montrant l’inadéquation de cette méthode théorique pour les fluides denses (Erpenbeck, 1993). Ces résultats ont été confirmés par Kincaid et Hafskjold (1994) qui ont montré que, pour un potentiel de Lennard-Jones, les approches cinétiques du type de celle de Chapman-Enskog donnent les bonnes tendances mais avec des amplitudes différentes de celles obtenues par MD.

Certains auteurs, (Kincaid et Hafskjold, 1994), (Simon, 1997) ont aussi montré que les résultats obtenus par les modèles théoriques thermodynamiques, celui de Haase ou de Kempers, ne sont pas à même d’évaluer les résultats obtenus par dynamique moléculaire. Mais la comparaison est très difficile à réaliser car ces modèles macroscopiques sont extrêmement sensibles aux équations d’état utilisées, tout comme le sont les simulations de dynamique moléculaire par rapport aux paramètres décrivant les molécules.

Une solution serait de comparer des résultats obtenus par dynamique moléculaire sur des sphères de Lennard-Jones avec ceux déduits d’un de ces modèles dont l’équation d’état utilisée serait une du type de celle dite de Lennard-Jones (Sun et Teja, 1998) et qui semble à même de bien représenter un fluide composé de sphères de Lennard-Jones (Liu et al., 2000), (Nezbeda, 2001).

Un autre travail envisageable, pour jauger de la qualité des modèles macroscopiques, serait d’utiliser la dynamique moléculaire d’une part, pour évaluer sur un mélange donné directement la thermodiffusion et d’autre part pour calculer sur le même fluide chacun des termes apparaissant dans les modèles macroscopiques et notamment les grandeurs partielles en utilisant par exemple les techniques décrites dans (Hafskjold et Ikeshoji, 1995) et (Henrichsen et Rowley, 1997). La confrontation des deux résultats obtenus permettrait de valider ou invalider directement les différents modèles macroscopiques testés.