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Dynamique moléculaire et milieu poreux

VI) RESULTATS EN MILIEU POREUX

1) Dynamique moléculaire et milieu poreux

a) Modus operandi

Tous les résultats que nous allons présenté dans ce chapitre dédiés aux milieux poreux sont basés sur un mélange méthane/n-décane dont les paramètres moléculaires ont été tirés de (Simon et al., 1999). Les potentiels d’interactions associés aux interactions fluide-solide sont décrits dans le chapitre (III.6.d). Ils sont dits intégrés, c’est à dire que la matrice solide est considérée comme étant un milieu continu sans aucun degré de liberté interne. Ce faisant les aspects thermiques et les déformations possible de la structure solide sont occultées. Par ailleurs, dans tous les cas, le flux de chaleur est imposé suivant la direction x et les pores lamellaires sont orientés comme décrit par la figure (VI.1)

Parallèlement à ce travail, Jean Colombani et al. mènent des travaux dans des conditions similaires mais pour des structures solides dont les atomes sont explicitement modélisés. Ceci dans l’optique de montrer les différences induites par une telle approche par rapport à celle que nous avons utilisée (Colombani et al., 2002, 2003).

Afin de pouvoir effectuer des comparaisons avec les résultats en fluide libre, une difficulté s’est posée : comment définir correctement à l’échelle microscopique la masse volumique du fluide confiné dans le milieu poreux. En effet, la figure (VI.2) montre manifestement que dans le cas d’un pore lamellaire près des parois solides il n’y a pas de fluide. Cela est induit par la partie répulsive du potentiel fluide-solide qui repousse le fluide vers le centre du pore. Ainsi le volume effectivement occupé par le fluide n’est pas égal au volume libre du milieu poreux. Cette différence devenant bien sur négligeable dans le cas de macropores.

Pour pouvoir comparer de manière efficace les résultats en fluide libre et ceux en milieu poreux nous avons utilisé, pour définir la masse volumique, le volume effectif du fluide compris dans le pore. Ce volume effectif dans un pore lamellaire est défini de la manière suivante :

S H

Veff.=( −2×min(σs1s2))× (VI.1) où H est la largeur du pore, S la surface d’une section du pore et σs1, σs2 sont les paramètres d’interactions fluide-solide de la relation (III.41) respectivement associés au composé 1 et 2.

Par ailleurs, pour comparer les résultats pour différentes largeurs de pores, nous avons conservé le nombre de particules constant, égal à 1500. Dès lors dans la plupart des cas la boîte de simulation n’est plus cubique ce qui nous a obligé à désactiver la méthode de cellules, chapitre (III.10.b), ce qui a entraîné une légère augmentation des temps de calculs. En ce qui concerne les pas de temps, le rayon de coupure des interactions et le flux de chaleur imposé, nous sommes restés dans les conditions décrites dans le chapitre (IV.2).

Figure (VI.2) : Répartition de la masse volumique d’un mélange équimolaire hors équilibre de méthane et de n-décane au sein d’un slit pore de 3nm de large. Pour ce système T*=2,273

Par ailleurs les paramètres moléculaires correspondant à la phase solide ont toujours été choisis de manière à ce que le fluide soit mouillant pour cette dernière. Enfin dans les pores lamellaires le gradient de température a été imposé suivant l’axe x soit parallèlement aux deux murs solides.

b) Différences avec les fluides libres.

L’introduction d’un milieu poreux à l’échelle microscopique induit de nombreux changements par rapport à un fluide libre. Ces différences tant d’un point de vue dynamique que statique modifient les propriétés du fluide considéré. Une liste des effets possibles, à l’échelle microscopique, peut être trouvée dans (Colombani et al., 2002).

Comme le montre les figures (VI.2) et (VI.3), une forte adsorption près des parois solides implique une très forte inhomogénéité du fluide et une structuration de ce dernier, celle ci étant d’autant plus prononcée que le pore est fin, les effets de surfaces étant dès lors prépondérant. Cet agencement provoqué par l’adsorption et par le molecular packing est classique dans les fluides confinés (Wold, 1997). On peut même imaginer que dans certains cas une condensation capillaire puisse apparaître ce qui rendrait d’autant plus difficile une interprétation des résultas.

Par ailleurs certains mélanges, l’adsorption des composés mis en jeu peut être plus ou moins importante suivant la nature des interactions entre espèces fluides et milieu poreux. Il apparaît dès lors une adsorption différentielle si les isothermes d’adsorption des composés impliqués sont différentes. Cette adsorption différentielle modifie donc la répartition des espèces et par la même les mesures de gradient de fraction molaire.

Figure (VI.3) : Répartition de la masse volumique d’un mélange équimolaire hors équilibre de méthane et de n-décane au sein d’un slit pore de 10 nm de large. Pour ce système

T*=2,273 et ρ*=0,4227.

Le confinement géométrique peut également modifier le comportement du fluide. Ainsi la diffusion de masse se fait de manière préférentielle parallèlement aux murs d’un pore

lamellaire, la composante perpendiculaire étant très faible (Galliéro et al., 2002b, 2002d), (Schoen, 1993). Cet effet pourrait être encore plus complexe si l’on étudiait des particules non sphériques qui s’agenceraient différemment et se structureraient probablement par rapport aux parois poreuses, l’espace limité ne leur octroyant pas la possibilité de toutes les configurations (Zhang, 1999). Par ailleurs, le confinement même implique que certains modes ne peuvent pas se propager du fait des limites physiques (Bocquet et Barrat, 1994, 1996) et donc influence directement l’amplitude de la diffusion de masse.

Il y a également l’influence de la surface solide elle même. Elle introduit une condition aux limites, fonction de la rugosité de cette surface, de type Navier à laquelle on peut associer une longueur de glissement. L’influence de cette « rugosité atomique » ne semble pas négligeable sur la diffusion de masse (Colombani et al., 2002),(Schoen, 1993). Notre approche intégré ne permet pas de prendre explicitement en compte cet effet, mais l’introduction d’une condition de rebond de type diffusive permet cependant d’en représenter une partie des effets, chapitre (II.6.c), la trajectoire du rebond n’étant pas parfaitement symétrique par rapport à celle incidente.

L’introduction d’un milieu poreux et par la même d’une interface peut donner naissance à d’autres processus de transport de masse que la diffusion Fickienne seule, ils sont décrits dans le chapitre (II.5). Pour ce qui nous concerne, de par l’interface et le gradient de température colinéaire à celle ci, des effets de flux de surface de type thermal creep peuvent apparaître. Ce transport de masse induit par un gradient de tension interfaciale peut donner naissance à une convection thermocapillaire comme nous le verrons par la suite.

Enfin, l’introduction d’une structure solide va également fortement modifier les aspects liés aux transferts thermiques en créant des courts circuits thermiques. En effet la plupart du temps la diffusivité thermique de la phase solide étant plus grande que celle du fluide, il y aura une modification du champs de température au sein du fluide. Les échanges thermiques s’effectue dès lors avec un troisième corps dont les caractéristiques thermiques diffèrent fortement de celles des composés fluides. Il semble néanmoins que la différence de temps caractéristiques associée à la diffusion de la chaleur entre les phases fluides et solides est telle qu’en appliquant l’algorithme HEX dans un pore lamellaire la température du solide tende vers une valeur quasi homogène le long du gradient de température dans le fluide (Colombani et al., 2002). Pour ce qui nous concerne, ces effets, qui ne semblent pas trop importants, ne sont pas pris en compte de par l’aspect inerte, thermiquement parlant, d’une phase solide traitée par un potentiel intégré. Cependant, en utilisant une condition de rebond dite diffusive, nous prenons en compte partiellement les aspects thermiques de la phase solide.

c) Qualités et limitations du modèle intégré

Comme nous l’avons vu précédemment, le modèle de potentiel intégré que nous avons choisi ne permet pas d’appréhender tous les processus physiques qui peuvent apparaître à l’échelle de la simulation. Néanmoins, il n’introduit qu’une très faible augmentation des temps de calculs par rapport à un fluide libre et permet une interprétation plus aisée des résultats car simplifiée. En effet l’introduction d’un milieu poreux atomistique implique une augmentation non négligeable des temps de calcul qui sont déjà relativement long pour l’étude de la thermodiffusion. De plus, pour certaines géométries, les conditions de périodicité sont parfois difficiles à réaliser (Colombani et al., 2003). Enfin l’ajout des aspects thermiques et de rugosité de surface accroît la difficulté d’interprétation des résultats.

Dès lors on peut voir notre étude comme une étape préliminaire où sont étudiés les effets géométriques et d’adsorption sur la thermodiffusion, ceci en gardant en mémoire que dans un cas réel d’autres phénomènes peuvent intervenir.

Pour étudier les différences pouvant émerger entre description atomique du milieu poreux et utilisation d’un potentiel intégré, nous avons mené des simulations dans des conditions similaires à celles données dans (Colombani et al., 2003) qui correspondent à un cas de pore lamellaire dont les atomes sont décrites explicitement.

Le mélange fluide est composé équimolairement de méthane et de n-décane à T=350 K et ρ=0,6 g/cm3. Par ailleurs afin de suivre le plus fidèlement possible les conditions décrites dans (Colombani et al., 2003), nous avons utilisé un kij égal à 0,3. Les paramètres moléculaires du milieu poreux de cette publication représentent ceux d’un aluminosilicate interagissant de la manière décrite dans le chapitre (III.6.e). Nous avons évalué, pour un arrangement cubique face centrée, les paramètres moléculaires équivalent à ceux de cette publication pour notre potentiel intégré, équation (III.41). Nous avons obtenu pour le silicate σsili.=3 Å, εsili.=1,91 kJ/mol, ∆=2,245 Å et ρsili.=0,028 Å-3. Pour obtenir les paramètres solide-fluide de l’équation (III.41) nous avons utilisé les règles de mélange de Lorentz-Berthelot. Les résultats présentés correspondent à des simulations utilisant un rebond spéculaire.

Figure (VI.4) : Facteur de thermodiffusion d’un mélange équimolaire de méthane/n-décane en fonction de la largeur d’un slit pore en silicate. La ligne discontinue représente la valeur fluide libre, les symboles (♦) les valeurs de (Colombani et al., 2003) et les symboles (□) nos

valeurs avec un potentiel intégré.

Les résultats donnés sur la figure (VI.4) montre une faible dépendance du facteur de thermodiffusion avec la largeur du pore et ceci quelle que soit l’approche choisie. Dans ces conditions thermodynamiques pour cette géométrie et ce mélange il semble donc que le milieu poreux n’ait pas, ou très peu, d’incidence sur l’amplitude de la thermodiffusion. Il apparaît néanmoins des petites variations qui peuvent être imputées à une structuration, nous y reviendrons par la suite.

Par ailleurs, cette faible sensibilité au milieu poreux est mise en évidence par l’approche potentiel intégré qui semble à même, dans ce cas particulier, d’appréhender correctement la thermodiffusion par rapport à une approche atomique. En ce qui concerne la sous-estimation du facteur de thermodiffusion par l’approche intégrée pour les pores les plus larges, nous

pensons que cela provient essentiellement d’effets de taille finie. En effet en conservant le nombre de particules constant, la longueur de la boîte de simulation décroît avec la largeur du pore et donc induit une réduction de l’amplitude de la thermodiffusion, voir chapitre IV.2.

La similitude des résultats entre les deux approches peut probablement s’expliquer par le fait que la géométrie est extrêmement simple, la rugosité peu présente et le potentiel d’interaction fluide-solide n’est pas très fort. Par ailleurs la température de la phase solide est quasiment homogène le long du gradient de température comme l’a montré (Colombani et al., 2003). Ainsi les effets thermiques induits par la matrice solide ne doivent pas trop influer sur la thermodiffusion dans ce cas précis.

Notre modèle semble donc à même, dans ces conditions relativement simples, de pouvoir appréhender correctement la thermodiffusion par rapport à un modèle plus complexe mais plus coûteux, ce qui n’est pas le cas au niveau de la conductivité thermique et de l’autodiffusion de masse (Galliéro et al., 2002b, 2002d). Il est néanmoins important de continuer à mener des comparaisons entre ces deux approches afin d’estimer les différences et les processus physiques omis.