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V) RESULTATS EN FLUIDE LIBRE

2) Influence de la masse

Pour réaliser ces simulations nous avons donc fixé les paramètres moléculaires du composé n°2 en les prenant égaux à ceux du méthane, puis nous avons fait varier uniquement la masse du composé n°1, les autres paramètres de ce corps étant les mêmes que ceux du composé n°2. Ainsi nous avons réalisé des simulations de mélanges équimolaires de méthane avec un « super » isotope du méthane pour différents rapports de masses entre les composés.

La première étape a été de vérifier que la loi des états correspondants sur la pression ainsi que sur la conductivité thermique et la diffusion de masse était respectée dans nos simulations afin de construire une corrélation sur la thermodiffusion ne dépendant effectivement que du rapport de masse.

Comme, la mesure du coefficient de diffusion mutuelle que nous avons implémentée ne donnait pas de résultats satisfaisants nous avons utilisé la relation :

2 2 1 1 . 12 xD x D D id = + (V.1)

pour caractériser la diffusion entre espèces différentes. Dans cette relation, D12id., que nous appellerons coefficient de diffusion mutuelle idéal, n’est égal au coefficient d’interdiffusion que dans le cas où le mélange est idéal. Car dans le cas contraire il faut utiliser la relation dite de Darken (Reid, 1987) qui définit le coefficient de diffusion mutuelle à partir des coefficients d’autodiffusion comme :

( )

P T x a D x D x D , 2 2 1 1 12 ln ln     ∂ ∂ + = (V.2)

Il est par ailleurs possible en utilisant une approximation à un fluide efficace, c’est à dire conservant le coefficient de diffusion mutuelle réduit, d’évaluer le facteur thermodynamique à partir des seuls coefficients d’autodiffusion et d’une valeur en corps purs. Ceci peut être utile, car il nous est apparu comme difficile d’évaluer correctement le coefficient d’inter diffusion. Dans la configuration où seule la masse diffère entre les composés, le mélange est idéal et donc le facteur thermodynamique est égal à 1. Ainsi dans ce cas précis il est possible d’évaluer la diffusion mutuelle à partir des coefficients d’autodiffusion et de la relation (V.I). Nous avons mené des simulations pour un rapport de masse m1/m2 allant de 0,5 à 500. Pour réduire les propriétés de transport, nous avons utilisé les relations données dans l’annexe F.

Figure (V.3) : Propriétés de transport et pression réduites en fonction du rapport des masses dans un mélange équimolaire supercritique.

Pour un corps pur, en l’occurrence du méthane, nous avions obtenu en variables réduites λ*=2,173 et D11*=0,591 pour les propriétés dynamiques et P*=1,018 pour la propriété thermodynamique calculée.

Si l’on analyse la figure (V.3), il apparaît que la pression réduite reste bien constante, avec une variation au plus de l’ordre du pourcent, et ceci même pour un rapport de masse extrême. Sur cette variable thermodynamique la loi des états correspondants reste donc bien respectée. Par contre pour les propriétés dynamiques, et surtout pour la diffusion de masse, pour les rapports de masses importants la loi des états correspondants n’est plus valide. Ceci confirme clairement que les propriétés dynamiques dévient beaucoup plus de la loi des états correspondants que les propriétés statiques (Boon et Yip, 1991). Ainsi pour un rapport de masse égal à 5, la diffusion de masse adimensionnée est déjà 10 % plus forte que celle en corps purs. Quant à la conductivité thermique, cet écart de 10 % est atteint pour un rapport de masse égal à 20. Cela montre indubitablement les limites de l’approche basée sur la loi des états correspondants pour des mélanges trop dissimilaires car la relation (III.28) est, a priori, intrinsèquement valide.

On peut donc dès lors penser qu’il sera difficile de supposer la loi des états correspondants comme valide sur la thermodiffusion pour des rapports de masses important (>20), ceci même si les déviations semblent dépendre fortement de la propriété étudiée.

La plupart des auteurs s’accordent à dire que la masse est le facteur prépondérant dans la thermodiffusion. L’analyse de son influence est d’autant plus intéressante que quelques études par MD ont déjà été menées pour différents états thermodynamiques (Hafskjold, 2002), (Kincaid et al., 1992), (Reith, 1998), (Rousseau et al., 1994). Elles montrent clairement, quelle que soit la phase, en accord avec les connaissances expérimentales sur les isotopes, que le composé le plus lourd a tendance à migrer, relativement à l’autre espèce, vers les zones froides. Elles indiquent également que la thermodiffusion croît avec le rapport des masses et ceci dans tous les cas.

Par ailleurs, il existe une loi sur les isotopes qui fonctionne très bien sur les gaz, mais également sur des mélanges plus denses dont des mesures expérimentales confirment l’applicabilité (Debuschewitz et Köhler, 2001), (Van Vaerenbergh et al., 1998). Celle ci relie masse réduite et facteur de thermodiffusion, équation (II.17), et est donnée par la théorie cinétique des gaz (Chapman et Cowling, 1970). La dynamique moléculaire, qui permet de découpler les contributions, semble bien à même de pouvoir avaliser une telle loi.

Figure (V.4) : Facteur de thermodiffusion pour différents rapports de masse dans un mélange équimolaire supercritique (■). La courbe en trait plein représente l’équation (V.3). Une difficulté pouvant émerger de l’étude de ces système ayant une grande disparité de masse vient des temps caractéristiques du phénomène qui, croissant avec la masse du composé le plus lourd, induisent des simulations plus longues. Or nous sommes allé jusqu'à un rapport de masse égal à 500. Nous nous sommes donc assuré, en utilisant un pas de temps réduit, que même pour les simulations sur les systèmes ayant la plus grande disparité de masse les résultats que nous présentons correspondent bien à un état stationnaire.

La figure (V.4) qui indique les valeurs des facteurs de thermodiffusion en fonction du rapport des masses entre les deux composés, montre manifestement une augmentation monotone de αT avec le rapport des masses. Ainsi les particules les plus lourdes ont donc

plus tendance que les particules légères à aller vers les zones froides. Ceci est vrai quel

résultat reste valide. Par ailleurs cette augmentation de αT est relativement forte pour les petits rapports de masse puis croît plus lentement quand le ratio des masses devient grand (>10).

Nous avons essayé de trouver une corrélation entre αT et les masses des deux composés qui soit valide sur toute la gamme étudiée. Pour ce faire, nous avons supposé que l’équation (II.17) fonctionnait correctement pour les petits rapports de masse et que pour les plus grands ratios il fallait utiliser la relation (II.20). En combinant les deux avec des coefficients leur permettant d’être prépondérantes dans leurs domaines de validité, en supposant qu’il en existe un, nous avons obtenu la relation suivante pour les rapports de masses ≥1 :

              + + − = 3 / 2 2 2 1 2 1 2 1 0.014 427 . 1 m m m m m m m T

α

(V.3)

Cette relation, comme l’indique la figure (V.4), donne une très bonne estimation des résultats obtenus.

Néanmoins on peut se questionner quant à la validité de la loi des états correspondants pour les grands ratios de masses. Ainsi il est probable que le second terme de l’équation (V.3) ne représente pas forcement une contribution propre à la thermodiffusion mais plutôt une caractérisation de la déviation par rapport à la loi des états correspondants.

Figure (V.5) : Facteurs de thermodiffusion réduits, relation (V.4), en fonction du rapport des masses dans un mélange équimolaire supercritique.

Ainsi si l’on suppose que le premier terme seul de l’équation (V.3) permet de réduire correctement le facteur de thermodiffusion on peut définir la grandeur réduite correspondant à αT telle que :

( )

(

11 22

)

* m m m m T T − + =α α (V.4)

Lorsque l’on trace cette grandeur en fonction du rapport des masses, il apparaît, comme le montre la figure (V.5), que tant que le ratio des masses est inférieur à 40, αT* reste relativement constant. Cette tendance indique que la loi des états correspondants en utilisant (V.4) s’appliquerait dans ce cas. Par ailleurs la forme générale de la courbe de la figure (V.5)

est assez similaire à celle de la conductivité thermique réduite de la figure (V.3) ce qui tendrait à corroborer notre supposition.

Si l’on occulte les résultats pour les rapports de masses importants, on peut alors écrire une relation du type de celle de l’équation (II.17) qui donne une très bonne estimation de nos résultats sur le facteur de thermodiffusion simulé pour α0=1,518. Cette valeur est plus grande que celles obtenues en phase gazeuse peu dense (Chapman et Cowling, 1970), qui varient entre 0,1 et 0,5. Mais elle est inférieure à celles obtenues dans des mélanges denses à température ambiante (Rutherford, 1987) ou encore (Van Vaerenbergh et al., 1998). Ce résultat semble donc cohérent avec les quelques données expérimentales sur les isotopes. Enfin, pour les très gros rapports de masse, on se trouve dans le cas d’un gaz Lorentzien, qui dans le formalisme de Chapman-Enskog admet une valeur finie qui est sa valeur asymptotique (Chapman et Cowling, 1970). Valeur qui ne semble pas émerger de nos résultats de par la déviation par rapport à la loi des états correspondants dans les cas extrêmes.

Afin de mieux comprendre les mécanismes lors de l’application du flux de chaleur, nous avons évalué plusieurs grandeurs pour un rapport de masse égal à 15. Pour ce mélange, nous avons analysé la distribution spatiale des particules et les contributions des espèces au flux de chaleur.

Figure (V.6) : Répartition du méthane et du « super »méthane dans un mélange binaire soumis à un gradient de température dont le rapport de masse des deux composés est égal à

15.

La figure (V.6) montre que c’est le composé le plus lourd qui participe le plus à la création du gradient de fraction molaire, tandis que le méthane reste distribué de manière quasi homogène le long du gradient de température. Ainsi le gradient de masse volumique induit par le gradient de température (cf. chapitre IV.1.b.1), est presque totalement engendré par le composé le plus lourd.

Par ailleurs, en analysant les contributions au flux de chaleur microscopique, en comparant la figure (V.7) de gauche avec la figure (V.1), il apparaît que l’augmentation de la masse d’un des composants implique un accroissement de la contribution du flux d’énergie cinétique. Cela provient essentiellement de l’augmentation de masse volumique du système simulé par rapport au méthane pur qui découle du fait que ρ* soit constant. On peut noter

également que la forme de l’évolution de ces contributions suivant les couches reste en accord avec les constatations obtenues pour le corps pur, voir figure (V.1).

De plus, sur la figure (V.7) de droite, il émerge que l’essentiel du flux de chaleur, ~ 70%, est transporté par le méthane. Résultat qui est cohérent de par la mobilité accrue du méthane par rapport au composé synthétique plus lourd. Le rapport entre le flux de chaleur associé aux deux composés, méthane sur pseudo-méthane, est d’ailleurs inférieur au ratio des conductivités thermiques de chacun des composés indiquant clairement des échanges croisés entre les deux espèces.

Par ailleurs, la quantité de chaleur relative transportée par le méthane est plus faible dans les zones chaudes que froides. Cette tendance est en accord avec une diminution de la proportion de méthane dans les zones chaudes.

Figure (V.7) : Différentes contributions au flux de chaleur sur le mélange, à gauche, et répartition suivant les espèces du flux de chaleur, à droite, dans un mélange binaire avec un

rapport de masses égal à 15.

Par contre, il nous semble que contrairement à ce qui a été proposé par différents auteurs (Galliéro, 2002c), (Hafskjold et al., 1993) et (Maghari et al., 2000) la forme de la figure (V.7) de droite n’est pas une explication de la migration relative des particules mais une conséquence. Ces auteurs partent du fait qu’afin de minimiser la production d’entropie les particules vont se répartir de façon à optimiser le transfert de chaleur. Dès lors les molécules vont avoir tendance à migrer vers les zones où la valeur du flux de chaleur d’un composé est importante afin d’améliorer le transport de chaleur. Ceci est vrai dans la phase transitoire, mais pas dans la période stationnaire, car les valeurs relatives des flux de chaleur de

chacun des composés sont une conséquence de la distribution inhomogène des espèces et non une cause. Ceci car le flux de chaleur s’accroît avec le nombre de particules situées dans

une zone donnée.