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3.2 Les champs de forces classiques

4.1.2 Résultats ab initio

Cette section poursuit et illustre la section précédente par la présentation de don- nées énergétiques sur les agrégats de carbone obtenues par des méthodes ab initio. Les quantitées calculées sont en général les énergies de liaison et les fréquences de vibration correspondant à des points stationnaires pour la géométrie du système. De nombreux ré- sultats expérimentaux, en particulier pour les spectres infrarouge des agrégats de carbone, ont été publiés [139, 140, 134] qui complètent les données disponibles ab initio. Certains calculs d’interaction de configuration peuvent éventuellement fournir des informations sur la structure électronique du système (configuration de poids dominant dans la fonction d’onde). L’essentiel des données qui nous intéressent concerne les tailles n= 2 − 10, pour des états de charge correspondant aux agrégats neutres [141, 142], monochargés [143, 213] et doublement chargés [144, 145, 146, 147]. Il existe également de nombreux résultats disponibles pour les anions, mais ces derniers systèmes ne font pas partie du cadre de ce travail. Enfin, des données ab initio ont aussi été publiées pour certains systèmes de plus grande taille [148, 149, 150, 151] (C20, C60). Deux articles de revue existent qui recensent

[152] pour les travaux antérieurs à 1989 et Van Orden et Saykally pour ceux antérieurs à 1998 [134]. Le choix que nous avons fait en général, de porter plus notre attention sur les résultats ab initio que sur les quantités expérimentales correspondantes, est dû au fait que les calculs fournissent en général plusieurs observables de nature distincte (géométrie, énergie, fréquences) au même niveau de calcul pour un système donné, et qu’ils sont à ce titre plus adaptés à l’utilisation comme référence pour le paramétrage et la validation d’un modèle. De plus, dans la mesure où les résultats de ces calculs, à un niveau suffisant, se comparent favorablement aux résultats expérimentaux, cette démarche ne pose pas de problème de méthode.

Raghavachari et al. [153] ont été parmi les premiers à publier des calculs systéma- tiques, dans une gamme de taille donnée (n= 2 −10), de des énergies de liaison, potentiels d’ionisation et fréquences de vibration pour plusieurs isomères différents d’un même agré- gat Cn, au niveau Coupled Cluster : les points importants sont l’alternance, avec la taille,

de la préférence du système pour des isomères de type chaîne (n impair) ou des isomères cycliques (n pair), des variations assez grandes et non-monotones de la différence d’éner- gie entre ces deux isomères, de petites oscillations du potentiel d’ionisation autour d’une tendance moyenne à la décroissance avec la taille, et l’existence, pour ces systèmes, de modes de vibrations assez durs (liaisons) et très mous (déformations angulaires). L’exa- men, par de nombreux auteurs de différents isomères à des tailles spécifiques, en variant la méthode, la base et le niveau de calcul utilisé, montre la difficulté qu’il peut y avoir pour la détermination univoque du minimum d’énergie potentiel absolu dans les agrégats de carbone [154, 155, 156, 157], et du détail de sa géométrie, même pour des tailles assez petites [158, 148, 159, 160] comme C8 ou C10, voire même C4 [161] qui font encore l’objet

de publications aujourd’hui.

La méthodologie qui consiste à explorer la surface de potentiel au niveau DFT (en particulier B3LYP) et à raffiner les isomères trouvés par ce moyen par un calcul explici- tement corrélé (Coupled Cluster par exemple), a été utilisée récemment par de nombreux auteurs pour l’étude de la structure des agrégats de carbone neutres et simplement char- gés [141, 142, 143, 213] et de son évolution avec la taille du système. Si ces calculs ne modifient pas essentiellement les conclusions de résultats plus spécifiques ou plus anciens [162, 163, 164], eux aussi assez nombreux, de petites différences apparaissent, qui ne sont pas complètement négligeables dans certains cas, comme nous le verrons. Les données sur la structure des agrégats multiplement chargés et en particulier ceux doublement chargés qui nous intéressent sont plus rares : les calculs exhaustifs d’interaction de configuration par Hogreve [144, 145, 146] sur C2+

2 , C2+3 et C2+4 et ceux au niveau DFT/B3LYP + CC

par Díaz–Tendero et al. nous ont servi de références pour le paramétrage du modèle. Parmi les agrégats plus gros, C20 et C60sont les espèces que nous avons retenues pour les

vérifications de la tranférabilité de notre modèle.

La configuration electronique de l’état fondamental de l’atome de carbone est 1s22s22p2 3P

0. Le premier, second et troisième potentiel d’ionisation sont respectivement 11.26 eV,

24.38 eV et 47.86 eV [165]. Le quatrième potentiel d’ionisation est 64.51 eV [166].

Le plus petit des agrégats de carbone est C2, dont l’énergie de liaison expérimentale

est De=6.2 eV [167]. Les calculs au niveau Coupled Cluster de Watts et Bartlett [163]

prédisent un état fondamental singulet de configuration électronique 2σ2

g2σ2u1π4u,1Σ+g, avec

de vibration harmonique ωe=1850 cm−1 : différentes variantes de la méthode CC peuvent

produire des variations de 10−3 Bohr pour les distances, 0.1 eV pour les énergies et 30

cm−1pour la fréquence de vibration. Ces résultats sont typiques de la littérature ab initio

sur cet agrégat [168, 162, 169, 153, 141, 170] avec d’autres types de méthodes corrélées. On voit que l’énergie de liaison du dimère est légèrement sous-estimée par rapport à la valeur expérimentale. L’étude des états excités du dimère révèle des énergies d’excitation très faibles. En particulier, un état de configuration a3Π

u(1π3u3σ1g) n’est séparé du fondamental

que par ∆E=716 cm−1, avec une distance d’équilibre R

e=2.48 Bohr. Le cation C+2 est de

symétrie 4Σ

g ave une configuration électronique 1πu23σg1 dans l’état fondamental [163],

pour une distance de liaison Re=2.64 Bohr. Ceci suggère un croisement entre les orbitales

liantes σ et π formées à partir des orbitales p de l’atome à une distance qui serait de l’ordre de 2.5 Bohr. On voit donc, pour un agrégat aussi simple que C2, que le caractère ouvert

de la couche p peut produire un spectre électronique complexe. Le potentiel d’ionisation adiabatique de C2 est calculé par divers auteurs à plus ou moins 0.1 eV de la valeur

expérimentale de 12 eV [163, 153]. Dans le cas du dication C2+

2 , les calculs MRCI de

Hogreve [145] proposent un état métastable de symétrie 3Σ

g, qui peut dissocier via des

croisements successifs avec des états non liés.

Dans le cas du trimère C3, des calculs ab inito de la surface de potentiel ont été publiés

au niveau MCSCF [171] et CCSD(T) [154], et les isomères fondamentaux ont fait l’objet de nombreux autres calculs [153, 141, 170]. Les états excités de C3 ont également fait

l’objet d’une étude récente par Terentyev et al. [173]. L’isomère le plus bas de C3 est

linéaire (D∞h) avec Re=2.43 Bohr et De=14 eV (valeur expérimentale [172]). Il existe

également un isomère cyclique ( [141, 173]). L’étude des différents isomères et structures électroniques les plus basses de l’ion C+

3, au niveau CCSD(T) par Martin et al. [164]

montrent que l’isomère linéaire D∞h est presque dégénéré avec une structure cyclique,

séparée par seulement une énergie de 0.09 eV. Avec une base plus grande, Scuseria [174] trouve une différence légèrement plus grande (0.3 eV). Il n’y a pas de changement des longueurs de liaison pour l’isomère linéaire de l’ion par rapport à celles de l’isomère linéaire du neutre. Le premier potentiel d’ionisation de C3 est donné par différents auteurs

[153, 164, 175] dans l’intervalle 11.5-13 eV. Le dication C2+

3 a fait l’objet d’une publication

par Hogreve [144]. L’isomère le plus bas a une géométrie linéaire de symétrie D∞h, avec

une longueur Re=2.43 Bohr pour les liaisons, et une énergie de 1.5 eV au dessus de la voie

de dissociation la plus favorable C2+

3 → C2++ C+. Ces résultats sont reproduits par les

calculs plus récents de Díaz–Tendero et al. [147].

La géométrie de l’agrégat C4 a fait l’objet d’une certaine controverse liée à la difficulté

d’observer expérimentalement l’isomère cyclique, qui est énergétiquement plus bas mais moins favorable à température finie [153, 176, 177, 155, 156] . L’ordre relatif des isomères cycliques et linéaires a été confirmé par des calculs plus récents [141, 170]. Il n’est pas for- cément correct dans les calculs en DFT avec des fonctionnelles trop simples, en particulier LDA [178]. L’isomère le plus stable de C4 est un losange (D2h) avec une longeur de liaison

de 2.7 Bohr [156] et le plus petit des deux angles [CCC égal à 62o. L’isomère linéaire est

de symétrie D∞havec des longueurs de liaison de 2.4 Bohr environ, les liaisons extérieures

étant légèrement plus longues [155, 156, 141]. La différence d’énergie entre ces isomères, variant selon les auteurs et la méthode utilisée, est de quelques 10−1 eV. L’énergie de

ont publié une étude détaillée des surfaces d’énergie potentielle de cet agrégat et ses états excités. Outre les isomères déjà cités, ils recensent un isomère "têtard" environ 1.2 eV au dessus de l’isomère le plus bas, ainsi qu’un isomère carré 3.1 eV au dessus du losange : les isomères recensés par ces auteurs et leurs énergies par rapport à l’isomère le plus bas sont donnés sur la figure 4.2. Les deux géométries, linéaire et losange, sont aussi des minima pour l’ion C+

4 avec les mêmes symétries, D∞h et D2h. L’isomère linéaire est le plus bas

[143]. Les potentiels d’ionisation adiabatiques sont respectivement 9.5 eV et 10 eV pour les formes linéaires et cycliques (avec des différences de quelques 0.1 eV selon les auteurs). La structure et la stabilité des différents isomères de C2+

4 a été étudiée par Hogreve [146].

L’isomère linéaire et l’isomère losange sont presque isoénergétiques avec une différence de 0.25 eV. Le système est là aussi métastable (1 eV). La voie de dissociation la plus favorisée est ici la perte d’un ion C+ [147].

La structure géométrique la plus stable de C5 est linéaire D∞h [153, 142, 141, 176]

avec des longueurs de 2.4 Bohr, plus longues à l’extérieur de la chaîne. L’énergie de liaison expérimentale est 26.5 eV [172]. Il existe d’autres configurations stables, notamment un isomère cyclique C2v [142], mais toujours plus hautes de quelques eV par rapport à

l’isomère fondamental. La situation est identique pour l’ion C+

5, dont la géométrie D∞h

est aussi donnée comme la plus stable par les différents auteurs. Le potentiel d’ionisation adiabatique est de 11 eV [143]. C2+

5 est le premier agrégat de carbone doublement chargé

qui soit vraiment stable, avec une configuration linéaire D∞h située 1.8 eV au dessous de

la voie correspondant à la perte d’un ion C+ [147].

Une étude détaillée des stabilités relatives des différents isomères de l’agrégat C6 a

été réalisée par Raghavachari et al. au niveau UHF-MP4 [157] : différentes possibilités de petites distortions des chaînes et des cycles liées au couplage de la structure géométrique et de la structure électronique sont discutées par ces auteurs dans ce cas particulier. En particulier, les deux structures représentées sur la figure 4.3 sont des points stationnaires de la surface de potentiel au niveau UHF-MP4. D’autres travaux effectués sur cet agrégat [153, 141] concluent que l’isomère le plus bas est cyclique, de symétrie D3h. On trouve

également un isomère linéaire moins d’un eV au dessus du précédent [157, 141]. Des

Fig.4.2 – Isomères les plus stables de C4 publiés récemmement par Masso et al. [161] au niveau CC.

Fig.4.3 – Deux isomères cycliques pour C6 publiés par Raghavachari et al. [157] au niveau UHF-MP4. L’isomère D6h est rarement mentionné dans le reste de la littérature sur ce

système. Les auteurs ont publié ∆E=3.4 eV pour ces deux isomères.

calculs de spectres d’absorption ont été récemment publiés sur ce système, au niveau TDLDA [179, 180], pour l’isomère fondamental, pour lequel on a De= 32 eV [172]. Les

isomères linéaires et cycliques de C+

6 sont pratiquement isoénergétiques [143]. Le potentiel

d’ionisation adiabatique de C6 est de 10 eV (cyclique). L’isomère le plus bas de l’agrégat

C2+

6 est linéaire (D∞h). Les distortions géométriques jouent un rôle assez important dans

d’autres agrégats, par exemple C8. Récemment, Baranovski [159] a reporté un minimum

global déformé, pour ce système, par rapport au minimum local plan, avec ∆E= 0.05 eV et une barrière (par rapport au minimum global) de 0.3 eV environ, au niveau DFT/B3LYP. Nous représentons cette situation sur la figure 4.4. Nous reviendrons sur les résultats

Fig.4.4 – Deux isomères cycliques pour C8 publiés par Baranovski et al. [159] au niveau DFT/B3LYP : la différence de remplissage des symboles pour les atomes correspond à une déformation hors du plan. L’existence d’une barrière entre ces deux isomères fait que leur classement ne peut être résolu par une optimisation locale, malgré leur proximité géomérique.

ab initio dans le chapitre où nous comparons les données énergétiques obtenues avec le modèle.