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Si les points stationnaires de la surface de potentiel sont séparés par des barrières énergétiques suffisamment hautes, les espèces correspondantes sont susceptibles d’être observées, expérimentalement, sur des temps assez longs. Sous réserve que la surface de potentiel, dans le voisinage immédiat de ces points, soit suffisamment bien décrite dans l’approximation harmonique, qui consiste à tronquer un développement de l’énergie autour de tels points à l’ordre deux, la phénoménologie de ces espèces, pour des énergies d’excitation ou à des températures assez basses pour ne pas invalider l’approximation, sera entièrement contenue dans la matrice des dérivées secondes.

6.2.1

Approximation harmonique

On se place autour d’un point stationnaire ~X0 ={. . . , ~RI0, . . .} de la fonction énergie

potentielle V ( ~X), pour le système complet, identifié par, pour les N atomes aux positions ~ RI : ~ FI = − ∂V ∂ ~RI ~ X0 = 0, Soit ∂V ~ X ~ X0 = 0.

L’énergie potentielle V peut être approximée, autour de ~X0, par

V ( ~X) = V0+ 1 2D~ TH 0D,~ V0 = V ( ~X0), D = X~ − ~X0, H0IJ = ∂2V ∂ ~RI∂ ~RJ ~ X0 .

H0 est la matrice des dérivées secondes de V par rapport aux positions des noyaux (le hessien) en ~X0. L’énergie totale classique du système de N noyaux s’écrit alors en fonction

des positions ~D et des vitesses ~Dt= d ~D/dt

EH( ~D, ~Dt) = 1 2D~ T tM ~Dt+ 1 2D~ TH 0D~

Mest ici une matrice de masse. Pour un système homogène formé d’atomes de masse M, on a M = MI. On se place dans ce cadre là pour la suite. La diagonalisation de H0 donne

un jeu de valeurs propres ha, a = 1, . . . , 3N et de vecteurs propres orthonormés dont on

note la matrice U. On a

~

P = ~DUT ~

L’énergie totale se réécrit EH( ~P , ~Pt) = 1 2 X a M Pat2 + haPa2 

Cette forme donne son nom à l’approximation : dans la base des vecteurs propres du hessien, la dynamique du système autour d’un point stationnaire est décrite par 3N degrés liberté harmoniques découplés.

Les valeurs propres ha peuvent être a priori négatives, positives, ou nulles. Une valeur

propre a nulle correspond à une invariance de l’énergie totale sous une transformation infinitésimale des coordonnées dans la direction de la colonne a de U. Il y a au moins autant de telles directions que de quantitées conservées dans la dynamique sur la surface V : il y en a 6 pour la plupart des systèmes moléculaires fermés, correspondant à l’in- variance par translation et par rotation de l’énergie potentielle du système et il y en a 5 pour les autres, qui sont les systèmes dont la géométrie est linéaire. Les ha sont toutes

positives pour les minima locaux de la surface de potentiel correspondant à V . Une valeur propre négative correspond à l’existence d’un chemin de "steepest descent" de part et d’autre du point dans la direction correspondante. De tels points servent d’états intermé- diaires pour les transitions entre bassins correspondant à des minima. H commute avec les générateurs de l’action du groupe de symétrie ponctuelle de la configuration ~X0 sur les

vecteurs ~D. Par conséquent, ses valeurs et ses vecteurs propres peuvent être rapportées aux représentations irréductibles de ce groupe, ce qui débouche sur des dégénérescences non-accidentelles.

Lorsque toutes les ha, à l’exception des 5 ou 6 correspondant aux intégrales premières,

sont positives, la dynamique du système correspond à celle de 3N − 6 (ou 5) oscillateurs harmoniques découplés dont les fréquences propres sont données par

ωa =

r ha

M, ha positive.

On peut dès lors, d’une part, restaurer le caractère quantique des noyaux dans l’approxi- mation harmonique, ce qui donne une première correction à l’énergie potentielle classique V0 en ~X0, l’énergie de point zéro :

EZP = 1 2 X a ~ωa En ordre de grandeur, on a : si ∀ a, ωa ∼ 1000 cm−1, alors EZP ∼ 3N × 10−1eV

De plus, si le puits correspondant est suffisamment profond et que la surface est effective- ment harmonique au voisinage de ~X0, le spectre harmonique résultant de la superposition

des spectres de chaque ωaest une première approximation, souvent assez bonne, du spectre

infrarouge de l’espèce considérée, pour l’isomère ~X0.

De même que la dynamique du système peut être décrite autour de ~X0 par l’expression

EH, cette expression peut également être utilisée pour approximer la physique statistique

et la thermodynamique pour le système, à des températures suffisamment basses, comme nous le détaillons plus bas.

6.2.2

Calcul du hessien pour les modèles quantiques

On a vu, dans les paragraphes concernant le calcul des forces avec une description quantique de l’énergie potentielle due à la liaison chimique, les difficultés posées par l’apparition des dérivées de la fonction d’onde dans les expressions. Dans le cadre du théorème d’Hellman-Feynman, on a maintenant

∂2V ∂ ~RI∂ ~RJ = hΨ | ∂ 2H ∂ ~RI∂ ~RJ | Ψi + ∂hΨ | ∂ ~RI ∂H ∂ ~RJ | Ψi + hΨ | ∂H ∂ ~RJ ∂ | Ψi ∂ ~RI .

On peut éviter le calcul des dérivées de la fonction d’onde le long de la surface en utilisant l’expression suivante

∂2V ∂xa∂xb ∼ 1 2d ∂V ∂xb ~ R+d~ua − ∂V ∂xb ~ R−d~ua  , d→ 0

éventuellement symétrisée. Dans ce cas, le hessien est dit semi-numérique, et c’est une expression de ce type qu’on a utilisée pour nos applications. Dans le cas d’un modèle quantique SCF, une telle expression nécessite 6N évaluations de l’énergie et des forces, et en particulier 6N convergences de la fonction d’onde, pour un système de N atomes. Il devient donc assez vite préférable, pour les grands systèmes, d’utiliser un hessien com- plètement analytique. De plus, un hessien semi-numérique est particulièrement sensible aux problèmes de convergence SCF, qui peuvent bruiter la surface de potentiel des états difficiles à converger. Enfin, cette expression peut produire des résultats curieux dans les cas de quasi-dégénerescence autour du point considéré.

Nous détaillons l’obtention des dérivées pour la fonction d’onde, ou ce qui revient au même, pour la matrice densité à une particule. On se place dans le cadre d’une propagation à une seule surface pour notre modèle, et on suppose qu’on a convergé l’état électronique pour obtenir une matrice densité ρ0 et un opérateur de Fock associé F0 = F(ρ0). En

un point ~X1 infinitésimalement proche du point initial ~X0, le nouvel état électronique

correspond à une rotation infinitésimale de l’état correspondant à ρ0, ce qui permet d’écrire

ρ1 = U†ρ0U

∼ ρ0+ ǫ[Ω, ρ0] + . . . ,

si U= exp(Ω).

On a donc, si l’indice a correspond à l’une quelconque des coordonnées des noyaux ∂ρ ∂xa ρ0 = [Ωa, ρ0].

Il reste à déterminer les opérateurs Ωa : il est important de remarquer que la connaissance

de ceux-ci permet à la fois la dérivation de ρ0 et la dérivation simultanée des vecteurs du

déterminant propre selon

| φi ∂xa

Le fait de rester sur la même surface correspond à la condition (où il faudra néammoins dériver la partie correspondant à ρ dans F) :

∂[F(ρ), ρ] ∂xa ~ X0,ρ0 = 0.

Cette équation débouche sur un système linéaire d’équations pour les éléments de Ωa en

fonction des intégrales, de leurs dérivées, et des éléments de matrice de ρ0. Cette méthode

résume, pour ce qui est du modèle, les méthodes plus générales développées pour l’obten- tion de dérivées analytiques dans un cadre ab initio [223]. L’utilisation d’opérateurs sous forme exponentielle évite les problèmes posés par la conservation de l’orthonormalisation du déterminant et/ou l’idempotence de la matrice densité. En particulier, le problème de la recherche de Ωa n’est pas équivalent à l’écriture des mêmes équations où l’on rem-

placerait simplement le commutateur [Ωa, ρ] par ρa, car il faudrait, dans ce cas, inclure

explicitement la contraintes ρ2 = ρ dans la résolution.

On voit cependant que la taille du système qu’on doit résoudre pour chaque opérateur Ω est n2, où n est le nombre d’électrons : pour des sytèmes de taille moyenne, la mise en oeuvre de cette technique nécessite donc de porter une attention particulière à la performance de l’implémentation. Pour un modèle tight-binding non self-consistent, le système pour Ωa s’écrit en fonction de l’hamiltonien T et de ses dérivées Ta :

[Ta, ρ0] + [T, [Ωa, ρ0]] = 0.

Pour l’inclusion des termes supérieurs du développement de l’énergie, qui corres- pondent à l’anharmonicité de la surface, dans l’étude du spectre de vibration, des mé- thodes similaires existent pour le calcul des dérivées d’ordre supérieur de la moyenne de l’énergie [223].

6.2.3

Thermodynamique dans l’approximation harmonique

On a vu que l’aproximation harmonique permet de rapporter la dynamique du système à celle d’un système de k = 3N −5(6) oscillateurs harmoniques indépendants. De là, il est immédiat de calculer la densité d’états d’énergie totale Ω(E) dans le bassin correspondant à l’isomère qu’on considère. A l’énergie E, on aura

Ω(E) = (E− E

0)k−1

Γ(k)Qkj=1hνj

θ(E− E0),

où E0 est l’énergie potentielle de l’isomère considéré, k est le nombre de degrés de liberté

(modes), h est la constante de Planck, Γ(k) = (k − 1)! et θ est la fonction de Heaviside. La connaissance des configurations et des énergies correspondant à plusieurs isomères les plus bas du système moléculaire qu’on étudie, permet de plus d’inclure les contributions de plusieurs bassins dans la densité d’états : c’est la méthode de superposition. On a

Ω(E) = X s E≥E0s n∗ s(E− Es0)ks Γ(k)Qks j=1hνjs .

Ici, s indice l’isomère considéré, et n∗

s est le nombre d’isomères de permutation de la géo-

métrie considérée pour s, donné par n∗

s = N!/hs où hs est l’ordre du groupe ponctuel de

s. La thermodynamique dans l’approximation harmonique suppose que les configurations accessibles pour le système sont limitées aux portions de la surface qui sont correcte- ment décrites par l’approximation. Ceci exclut les portions anharmoniques et les zones de barrière. Si on peut déduire de l’approximation harmonique une idée qualitative concer- nant les transitions (populations relatives entre isomères, fusion partielle ou complète) possibles, avec la température par exemple, dans le système considéré, l’obtention des quantités associées devra faire appel à d’autres techniques.

Une discussion détaillée des autres méthodes possibles pour le calcul de quantités statistiques figure dans les paragraphes concernant les applications que nous avons pu éventuellement en faire dans le cadre de ce travail.