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5.2 Paramétrage du modèle

5.2.1 Choix d’une stratégie pour le paramétrage

Il existe de nombreuses stratégies de paramétrage d’un modèle de liaisons fortes. Une méthode assez lourde consiste, après avoir choisi un ensemble de données de référence et un point de départ pour les paramètres, à soumettre l’ensemble à une procédure de minimisation de l’erreur entre les données calculées par le modèle et leur référence, en espérant qu’elle converge. Cette méthode pose deux sortes de problèmes :

– D’une part, le modèle converge vers un ensemble de paramètres qui ne dépend que partiellement de la base de données de référence. Si celle-ci est incomplète, le modèle aura peu de chances d’être transférable. Si celle-ci est surcomplète, l’algorithme d’optimisation réalisera, en fonction de la manière dont il a été conçu, un compromis entre les contraintes que la base de donnée impose : là encore, le caractère physique (en un sens assez ambigu) des éléments de matrice obtenus et de leur dépendance avec la distance n’est pas garanti, et la transférabilité à des situations autres que celles de référence non plus.

– D’autre part, l’utilisation de points stationnaires des surfaces de potentiel, qui forment l’essentiel des données dont nous disposons, se prête assez mal à ce genre de procédure, et ce d’autant moins qu’un calcul SCF sur nos systèmes peut (on le verra) se révéler problématique : c’est une chose d’obtenir une énergie correcte à δE près pour l’ensemble des systèmes de référence, c’en est une autre de pouvoir garantir que son gradient, en tous ces points, est simultanément suffisamment petit, et que de plus, toutes les matrices des dérivées secondes (dont l’obtention prend dans notre cas un certain temps) n’ont que des valeurs propres positives (voir le chapitre suivant). De plus, la possibilité de petites distortions géométriques, dans les agrégats de carbone, qui résultent d’effets de type Jahn-Teller, vient compliquer la situation : il peut arriver qu’un minimum local distordu ne soit pas si loin que ça (à 0.1 Bohr par atome) de la géométrie qu’on devrait voulu prendre comme mi- nimum, mais que l’utilisation du minimum distordu comme isomère correspondant à la base de donnée soit un choix raisonnable que l’algorithme finira par faire, sans qu’on puisse le corriger autrement qu’en intervenant à la main ou en l’adaptant à une situation particulière. L’existence de modes très mous dans les agrégats de carbone débouche sur le même genre de considérations. Finalement„ les points sta- tionnaires des surfaces de potentiel sont, d’après notre expérience, et surtout dans un modèle de champ moyen, une assez mauvaise référence pour une procédure de paramétrage automatisée.

d’obtenir, pour les états qu’on calcule, une structure électronique au niveau champ moyen qui soit suffisamment correcte (au sens, par exemple, du déterminant de poids dominant dans la fonction ab initio du calcul de référence, quand on la connaît). Là encore, cette contrainte se prête assez mal à une implémentation automatique (en un temps raisonnable, en tout cas).

Toutes ces raisons font que, même si nous l’avons néammoins expérimentée, l’utilisation de programmes automatiques d’interpolation pour le paramétrage de notre modèle (selon une approche top-down) n’est pas vraiment réalisable (en tout cas pas avec n’importe quel programme), même si c’est une méthode largement utilisée pour le paramétrage de modèles de liaisons fortes en physique du solide, ou de potentiels analytiques dans d’autres contextes plus favorables.

Une autre approche consiste à prendre une perspective bottom-up : on organise les données de référence en les classant, en particulier selon la taille du système, en sous- groupes au sein desquels certains paramètres ne sont pas opérants. Par exemple, les termes de saut et les intégrales biélectroniques entre sites n’ont aucun impact sur la structure électronique et les potentiels d’ionisation de l’atome, et les termes électrostatiques, par symétrie, n’ont pas d’influence sur la dissociation du dimère C2. De plus, pour les petites

tailles, la variation des termes de saut à des distances correspondant aux seconds voisins joue un rôle comparativement plus faible que pour les tailles plus grandes. De même, dans le cas de la modélisation de l’interaction de l’agrégat avec un atome d’hélium, on a vu que la considération du dimère CHe suffisait pour l’extraction des paramètres.

L’approche que nous avons choisie, dont nous détaillons certains détails plus bas, est un compromis entre ces deux démarches. D’une part, la description de l’ionisation sur l’atome est importante pour la bonne description de cette ionisation pour l’ensemble des Cn, comme notre expérience l’a confirmé. D’autre part, il est clair qu’un traitement

particulièrement précis de la structure électronique, en rapport avec la géométrie, de Cn

et C+

n avec 2 ≤ n ≤ 4 est indispensable, et gouverne une grande partie de cet aspect

de nos systèmes pour l’ensemble des tailles. En particulier, la prise en considération de publications récentes sur C3 [173] et C4 [161] lors de notre paramétrage aurait permettrait

d’améliorer sa qualité.

Pour le cas spécifique de CHe, nous avons travaillé sur des courbes ab initio de CHe, et C+He, C2+He. Le même travail a été réalisé sur C

2, mais ses résultats ont été passa-

blement modifiés par la prise en compte des agrégats plus gros. La partie top-down du paramétrage a été réalisée selon le même genre de démarche que celle qui sous-tend les approches automatiques, à celà près qu’elle a été faite à la main par l’auteur, avec un va et vient constant entre les tailles et les isomères des différents agrégats jusqu’à n = 8, et une attention particulière portée, selon les cas, aux fréquences de vibrations et leurs symétries et et aux structures électroniques (les orbitales moléculaires, leurs symétries, leurs énergies).

Le jeu de paramètres obtenu n’est que l’un de ceux qui sont possibles pour la modé- lisation des agrégats de carbone par la méthode que nous avons choisie. Cependant, la comparaison des résultats obtenus concernant l’énergétique du fondamental de ces sys- tèmes, qu’il s’agisse des agrégats neutres, des cations simplement et doublement chargés, des spectres harmoniques, ou de l’énergétique de dissociation des agrégats chargés, voire de l’excitation électronique, illustre la pertinence de notre méthode, et ce d’autant plus

que notre travail, à un niveau champ moyen, porte sur des systèmes où la corrélation électronique est réputée jouer un rôle très important [160].