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2.2 Les méthodes quantiques ab-initio

2.2.4 La théorie de la fonctionnelle de la densité

La théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT) est une méthode dont les parti- cularités conceptuelles et méthodologiques méritent un paragraphe séparé. En tant que méthode de calcul, elle est fondée sur deux théorèmes :

– Le premier, publié initialement par Hohenberg et Kohn [48], énonce qu’il existe un ensemble de correspondances biunivoques entre la fonction d’onde de l’état fonda- mental d’un système de n électrons, sa densité n(~r) dans l’espace réel, et le potentiel extérieur (le terme vext de l’équation 2). La démonstration s’appuie sur le fait que

l’énergie du système E[n], qui est une fonctionnelle de cette densité, satisfait un principe variationnel :

∀ n, E[n] ≥ EGS,

et E[nGS] = EGS,

où EGSest l’énergie du fondamental. Une conséquence importante de ce théorème est

que la densité suffit, théoriquement, pour obtenir toutes les observables du système comme des fonctionnelles de celle-ci. Ce théorème, ces généralisations, ses condi- tions d’application et différentes reformulations ont fait l’objet d’une abondante littérature depuis.

– Le second, publié, à l’origine, par Kohn et Sham [49], utilise ces correspondances pour montrer qu’il est possible de trouver l’énergie de l’état fondamental du système par le calcul de l’état fondamental d’un système d’électrons sans interactions, dans un potentiel extérieur formé du potentiel vext, et de termes self-consistents qui dé-

crivent l’ensemble des interactions électroniques de manière exacte (contrairement au traitement HF). Ce théorème débouche sur une expression exacte de l’énergie du système en fonction de sa densité, elle-même décrite, lors des calculs, par un sys- tème de pseudo-électrons sans interactions (ni échange), c’est à dire un seul produit tensoriel. E[n] s’écrit E[n] = T0[n] + Z d~r n(~r) Vext(~r) + 1 2Vcoulomb(~r)  + Exc[n].

T0[n] est l’énergie cinétique d’un système d’électrons sans interactions, Vext est le potentiel

extérieur (indépendant de n), Exc[n] est la fonctionnelle d’échange-corrélation, et Vcoulomb

est le potentiel coulombien (aussi appelé Hartree) Vcoulomb(~r) =

Z

d~r′ n(~r)′

k ~r − ~r′ k.

Le principe variationnel, sous la contrainte que l’intégrale de n(~r) est égale au nombre d’électrons (multiplicateur de Lagrange µ) donne :

δT0

δn(~r) + Vext(~r) + Vcoulomb(~r) + Vxc(~r) = µ avec le potentiel d’échange corrélation Vxc(~r) =

δExc

δn(~r)

Cette équation est identique à celle obtenue pour un système d’électrons sans interac- tions, dans un potentiel self-consistent VKS(~r) (le potentiel de Kohn-Sham) :

VKS(~r) = Vext(~r) + Vcoulomb(~r) +

δExc

δn(~r)

On peut alors réintroduire un produit tensoriel d’orbitales comme support de n(~r), et résoudre l’équation aux valeurs propres correspondante (formellement identique à un pro- blème de type Hartree-Fock) :

T+ V[n]| φii = ǫi | φii

Les orbitales | φii (resp. les quantités associées) sont appelées les orbitales Kohn-Sham

dans la littérature. Elles n’ont pas vraiment de signification physique. Exc et Vxc sont

des fonctionnelles universelles au sens où elles ne dépendent ni du nombre d’électrons correspondant à la densité n(~r), ni du potentiel extérieur du système qu’on veut traiter [17, 18].

Si l’intérêt d’une telle méthode est évident quand on rapporte la complexité d’un traitement corrélé à celle d’un calcul d’un système sans interactions, le problème est que la fonctionnelle d’échange corrélation est a priori inconnue (que ce soit de manière explicite, à partir de la densité, ou implicite, à partir, par exemple, du déterminant de pseudo-orbitales via une expansion à n corps - celà ne veut pas dire qu’on ne sait pas écrire l’expression de l’énergie de corrélation, diagrammatiquement par exemple, le problème, ici, est de séparer la partie d’échange-corrélation, en fonction des pseudo-électrons, du reste des contributions, en particulier dans l’énergie cinétique).

Si ce problème a longtemps retardé la mise en oeuvre de la DFT pour faire des calculs, il joue un rôle important, aujourd’hui, dans le statut qu’on confère à la méthode. De bonnes approximations de la fonctionnelle d’échange-corrélation existent , qui donnent de très bons résultats sur certains systèmes, et qui font souvent classer la DFT parmi les méthodes ab initio.

Une forme particlulièrement simple de la fonctionnelle d’échange corrélation est l’ap- proximation locale : L(S)DA ( local (spin) density approximation). En LDA [59], le

potentiel d’échange-corrélation Vxcest pris comme une fonction de n(~r) : il ne dépend que

de la valeur de n au point où il est calculé. L’approximation LSDA fait la même chose, pour les cas où on utilise deux densités différentes pour les spins ↑ et ↓. L’expression de Vxc s’obtient alors comme l’expression correspondant au gaz d’électrons homogène.

D’autres formes plus adéquates de cette fonctionnelle sont disponibles, avec pour cha- cune un petit nombre de paramètres qui équilibrent leur différents termes (optimisés sur des bases de données de calculs ab initio ou de résultats expérimentaux [18]). En particu- lier, les fonctionnelles hybrides [52, 54, 55] contiennent une partie d’échange exact exprimé à partir des orbitales Kohn-Sham.

Le caractère approximatif de ces expressions et la difficulté qu’on peut rencontrer lors- qu’on utilise la DFT pour traiter certains problèmes, font qu’elle peut aussi être rangée parmi les approximations d’électrons indépendants (avec Hartree-Fock, donc), même si la DFT est la meilleure et la plus générale de celles-ci. Le point important ici est de reconnaître que si la DFT, par sa fiabilité et son efficacité, a permis des avancées considé- rables dans les domaines de la chimie quantique, de la physique moléculaire, et également en physique de la matière condensée et des nanostructures, il reste certains systèmes et catégories de phénomènes qui sont hors de sa portée, moins sur un plan méthodologique (taille des systèmes et coût du calcul) que sur un plan plus conceptuel (pertinence de la description). En particulier, le caractère monoconfigurationnel de la fonction d’onde rend assez difficile la description des forces de dispersion au moyen de termes qui ne sont pas écrit à partir des orbitales. Pour la même raison, les multiplets de spin sont a priori exclus de la description.

Chapitre 3

Les méthodes semi-empiriques en

modélisation moléculaire

Comme on l’a vu au premier chapitre, les méthodes du chapitre précédent sont diffi- cilement praticables pour un grand nombre de systèmes (trop gros) et d’applications, en particulier les simulations explicites de phénomènes dynamiques et les calculs statistiques sans approximation implicite (comme l’approximation harmonique).

Les méthodes semi-empiriques sont aussi voire plus anciennes (par exemple la méthode de Hückel [60]) que les méthodes ab initio, dans la mesure on l’on s’est vite rendu compte de l’intérêt qu’il pouvait y avoir à disposer d’approximations du problème électronique suffisamment légères pour pouvoir faire les calculs, et de la possibilité de capturer dans une simplification des théories complètes l’essentiel des processus nécessaires à une description satisfaisante de phénomènes parfois complexes.

En particulier, dans les années 60 et 70, des méthodes semi-quantitatives d’extraction de modèles de liaisons fortes ont commencé à voir le jour, sous l’inspiration à la fois de la DFT et du développement des pseudopotentiels. En particulier, dans ces démarches, l’accent est mis sur la dérivation de la dépendance avec la distance des termes de l’ha- miltonien monoélectronique à partir d’un choix de base LCAO (ou Bloch en physique du solide), tandis que l’électrostatique fait l’objet d’un traitement effectif autour du calcul de la fonction diélectrique du système [61, 62, 63, 64, 65]. Si ces développements ont surtout concerné les systèmes condensés, et en particulier leur structure de bande (parmi lesquels le graphite) et les modèles de liaisons fortes, le développement à la fois de potentiels ana- lytiques et de modèles de liaisons fortes pour la description des surfaces de potentiel des petits systèmes s’est accéléré dans les années 80, en particulier pour les systèmes covalents (d’abord les agrégats de silicium [73, 74], puis pour le carbone).

Les modèles semi-empiriques d’inspiration quantique (liaisons fortes), sont des modèles monoélectroniques, développés selon deux démarches complémentaires [75, 76] : dans un cas, le point de départ est la théorie ab-initio sous-jacente (usuellement DFT) dans la- quelle on développe l’énergie par rapport aux écarts de la densité du système à la densité résultant de la superposition des densités des atomes neutres, et on développe, sur chaque atome, ces écarts dans une base localisée bien choisie ; dans l’autre cas, on se dote d’une forme analytique pour les expressions de l’hamiltonien (ce qui, implicitement, suppose une certaine forme pour les fonctions de base) et éventuellement une correction analytique, et

on interpole ces expressions de manière à reproduire par le calcul un certain nombre de résultats de référence. Dans le premier cas, on parle, dans la littérature, de modèles de liaisons fortes ab initio [76] : ces modèles de liaisons fortes sont conçus pour être très géné- raux et ne pas trop dépendre de la nature des constituants du système. Les modèles de la seconde catégorie sont les modèles de liaisons fortes semi-empiriques à proprement parler : ils sont généralement beaucoup moins transférables au sens où un tel modèle peut parfois n’être adapté qu’à la description d’un isomère d’une taille d’une espèce donnée. Depuis la description, par les hamiltoniens de Hückel [60] et de Hückel étendu [77, 78, 79, 80] de l’aromaticité et de la résonance dans les molécules hydrocarbonées, le carbone forme un domaine d’application de choix de ce genre de méthodes. Pour ce qui est des poten- tiels analytiques, un certain nombre d’entre eux, en particulier le potentiel de Brenner [81] ont été développés pour les hydrocarbures et les phases condensées du carbone. Leur application aux agrégats est plus délicate : les hypothèses qu’on peut faire sur la liaison chimique dans les petits hydrocarbures très stables s’appliquent assez mal aux systèmes très radicalaires que sont les agrégats. Cependant, cette limitation peut être dépassée par l’inclusion d’une description effective de la formation et de la rupture de liaison.

3.1

La méthode des liaisons fortes et ses variantes

Les méthodes de liaisons fortes ont pour ancêtre la méthode de Hückel [60], d’une part, et les simplifications de l’approximation de Hartree-Fock dans lesquelles on restreint la base de E1 considérée, et on néglige un nombre plus ou moins grand d’intégrales.

Cette démarche (éliminer des éléments de la description, en habillant les paramètres des éléments qu’on garde) est essentielle en modélisation. La difficulté sera toujours de trouver une manière fiable et systématique de la mettre en oeuvre.

L’expression de l’énergie électronique d’un système en fonction des positions des noyaux { ~RI} est généralement

E({ ~RI}) =

X

i

ǫi + V ({ ~RI})

où les ǫi sont les valeurs propres d’un hamiltonien monoélectronique (éventuellement self-

consistent) dépendant des positions H({ ~RI}), et V est une fonction analytique (de termes

de paires, ou plus élaborée) de ces mêmes positions.

La justification d’une telle expression à partir de la théorie de la fonctionnelle de la densité permet d’obtenir des expressions pour ces différents termes qui ne font intervenir aucun paramètre semi-empirique : ce sont les méthodes de liaisons fortes ab initio. La particularité d’une de ces méthodes par rapport aux autres résidera dans la manière dont on obtient l’expression de liaisons fortes à partir du sous-jacent DFT, en particulier les hypothèses sur la base dans laquelle on exprime la méthode.

Les méthodes de liaisons fortes semi-empiriques nécessitent un paramétrage du mo- dèle, et chaque modèle est développé en général pour un type de système particulier (par exemple des agrégats d’un élément donné), même si les formes des expressions des diffé- rents termes peuvent être transférables au sein d’une catégorie de systèmes (les systèmes covalents par exemple).