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9.2.1

Dynamique de champ moyen et états excités électroniques

On rappelle les équations utilisées pour la dynamique non-adiabatique que nous avons présentées dans la section 7.2

d ~RI dt = ~ PI M, d ~PI dt = − ∂hΨ | He | Ψi ∂ ~RI , i~dρ dt = [F(ρ), ρ]. (9.1)

Ces équations, pour les électrons, propagent une matrice densité à une particule, c’est-à- dire, implicitement, une fonction d’onde à un seul déterminant. Nous avons déjà mentionné plusieurs fois le fait que même en partant d’un état électronique adiabatique, en particulier un état électronique adiabatique de champ moyen comme l’état fondamental que nous calculons avec le modèle TBSCF, la fonction d’onde du système n’a aucune raison de rester sur une telle surface adiabatique lors de la propagation de 9.1. Si donc, partant du fondamental électronique, on réalise une propagation couplée, avec par exemple un peu d’énergie cinétique pour les noyaux dans le système, il est possible qu’on s’écarte progressivement de la surface fondamentale pendant l’évolution du système.

Si cet écart décrit le mélange progressif du contenu du déterminant initial avec les états excités du modèle (construits avec l’hypothèse que le fondamental est la fonction d’onde à un seul déterminant qu’on a calculée), ce mélange se réalise sous la condition que la fonction d’onde totale reste une fonction d’onde de champ moyen. La manière la plus concise d’exprimer cette propriété est la condition

ρ2− ρ = 0, que nous avons introduite et discutée au chapitre 2.

Par rapport à l’utilisation de la propagation non-adiabatique de champ moyen dans d’autres contextes plus exacts comme la physique nucléaire ou la théorie de la fonctionnelle de la densité, pour lesquels on dispose d’un opérateur d’énergie cinétique pour les électrons explicite, le fait que dans un modèle de liaisons fortes, cet opérateur se trouve décrit conjointement avec le potentiel dû aux noyaux rend l’analyse de l’excitation électronique lors de cette dynamique assez délicate. En particulier, les considérations de la littérature faisant explicitement appel à des quantités comme le moment cinétique, l’impulsion ou le moment cinétique électronique nous sont inaccessibles.

Pour une trajectoire du système pour laquelle l’énergie potentielle des noyaux se trouve entre plusieurs branches correspondant à différents états électroniques adiabatiques, l’in- terprétation du contenu de la fonction d’onde vis-à-vis de ces états adiabatiques nous est impossible, sauf dans les cas où le système reste dans l’état fondamental : d’une part, nous ne sommes pas capables de calculer des états stationnaires approchés autres que ceux correspondant à l’espace des monoexcitations ; d’autre part, le calcul, par ailleurs

assez coûteux, de la projection de la fonction d’onde sur cet espace montre que notre déterminant peut s’en écarter assez vite.

Pour l’analyse de l’excitation électronique lors de la propagation, le seul critère qui reste est le calcul des occupations des orbitales moléculaires occupées et virtuelles corres- pondant au déterminant fondamental de champ moyen dans la configuration courante.

9.2.2

Dynamique non-adiabatique et conversion interne

Nous avons déjà mentionné plusieurs fois le fait qu’un état adiabatique n’est pas un état stationnaire pour la dynamique couplée, ou encore que le fait de rester sur une surface d’état est une contrainte qu’on peut imposer dans la dynamique mais rarement une conséquence de celle-ci. Pour les états de champ moyen, la condition variationelle s’écrit :

[F(ρ), ρ] = 0.

L’évolution temporelle du commutateur, quand les positions ~R des noyaux évoluant à la vitesse ~V et la matrice densité dépendent du temps via les équations 9.1 s’écrit

d dt[F(ρ), ρ] = 1 i~ n V [F(ρ), ρ], ρ+F, [F(ρ), ρ]o+ ~V · [∂F ∂ ~R(ρ), ρ].

V désigne la partie biélectronique de l’opérateur de Fock : dans une théorie de type Hartree-Fock, elle dépend linéairement de ρ, ce qui permet la simplification que nous avons écrite. Le dernier terme fait apparaître le commutateur de la matrice densité avec la dérivée par rapport aux positions de F (là encore, le fait que F dépende linéairement de ρ permettrait des simplifications pour le calcul) : ce terme ne commutera avec ρ que si la variation de F avec la géométrie n’agit que sur ses valeurs propres et pas sur l’orien- tation de ses vecteurs propres. C’est par exemple le cas du dimère si ρ décrit son état fondamental : en l’absence d’un champ extérieur, l’état fondamental du dimère reste adiabatique dans une propagation couplée des électrons et des noyaux. Dans la plupart des autres cas, ce terme couple les orbitales occupées de ρ avec ses virtuelles, et le caractère propre pour F est assez vite perdu. Cette propriété est indépendante de l’énergétique : l’état électronique peut gagner ou perdre de l’énergie indiféremment. Si on part du fondamental, on en peut évidemment qu’en gagner : la surface fondamentale est définie comme celle qui minimise l’énergie de champ moyen pour une géométrie donnée.

Les deux exemples que nous présentons de ces phénomènes sont donnés sur les figures 9.3 et 9.4.

Sur la figure 9.3, on prépare le C2 avec une très petite énergie cinétique dans un état

excité de réponse linéaire. La surface effective vue par les noyaux évolue assez clairement d’une période d’oscillation sur l’autre : elle prend d’abord des composantes sur des surfaces supérieures, puis sur des surfaces inférieures avant de devenir dissociative. On voit en particulier qu’une dissociation intervenant selon ce mécanisme de prédissociation peut présenter une énergie cinétique, pour les fragments, considérablement plus faible que le phénomène de dissociation le long de surfaces non liantes.

Sur la figure 9.4, le système (C+

4) est préparé dans son état fondamental à la géomé-

noyaux. On présente deux trajectoires sur la figure 9.4. Sur ces deux trajectoires, l’énergie cinétique des noyaux diminue au fur et à mesure que le système quitte la surface fon- damentale : sa diminution ne correspond nullement à une isomérisation (l’examen de la géométrie le confirme). Si cet effet intervient assez rapidement (sur des temps de l’ordre de la picoseconde), l’équilibrage autour d’une valeur moyenne assez basse (environ 10 % de l’énergie cinétique initiale) intervient sur des temps relativement longs, et les échelles de temps correspondant à une fluctuation complète de l’énergie entre le système électro- nique et le système constitué des noyaux seuls sont elles mêmes considérables par rapport aux périodes caractéristiques des modes de vibration de ces systèmes (20-200 fs). Il faut remarquer que des trajectoires de ce type sont parmi les plus longues que nous avons été susceptibles de réaliser en l’état actuel de nos programmes et que le pas de temps, cor- respondant à la dynamique électronique, est de l’ordre de 0.001-0.01 fs. Dans un contexte autorisant des transitions radiatives, l’évolution du système alternerait entre le chauffage des noyaux, leur refroidissement par l’excitation électronique et le retour au fondamental avec émission de rayonnement, similaire à la fluorescence de Poincaré prédite pour certains systèmes hydrocarbonés dans le milieu interstellaire [250]. Par rapport au phénomène de

-2.4 -2.2 -2 -1.8 -1.6 2 2.5 3 3.5 4 4.5 5 5.5 hartree bohr

Fig. 9.3 – Relaxation de la fonction d’onde électronique à partir d’un état excité en dynamique de champ moyen sur C2. La surface effective se mélange progressivement

avec des composantes plus hautes puis plus basses jusqu’à devenir dissociative : c’est le phénomène de prédissociation. Le point noir est le premier point de la trajectoire.

Fig. 9.4 – Evolution de l’énergie cinétique des noyaux, en partant du fondamental, sur le C+

4 linéaire, à partir de sa géométrie d’équilibre avec quelques eV d’énergie cinétique

initiale. L’effet de la dynamique de champ moyen est de refroidir les noyaux : si cet effet commence à se faire sentir assez vite (ps), on voit que l’équilibrage complet de électrons avec les noyaux se produit sur des temps comparativement très longs (100 ps).

conversion interne, dans lequel l’absorption de rayonnement se traduit par l’excitation électronique, qui relaxe par transitions entre surface sur le fondamental chaud, on parlera dans notre cas de conversion interne inverse.

La possibilité, pour nos systèmes, de présenter ce genre de comportement, est liée à la fois à la présence d’états excités relativement bas, en particulier dans les cas de quasi dégénerescence HOMO-LUMO, et à la très grande densité d’états électroniques accessibles par franchissement d’intersections, comme on le montre dans la section suivante.

9.3

Excitation électronique et équilibre d’isomérisation :