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2.2 Les méthodes quantiques ab-initio

2.2.2 L’approximation de Hartree-Fock

L’approximation de Hartree-Fock consiste à chercher la fonction d’onde du système sous la forme d’un seul déterminant. Cette approximation a permis les premières implé- mentations de calculs de chimie quantique sur calculateur électronique à partir des années cinquante.

On considère donc un déterminant | Ai constitué de n spin-orbitales mutuellement orthogonales a1, . . . , an. Dans une base constituée de ces orbitales, en se restreignant à

l’espace qu’elles engendrent, on a :

ρaiaj = δij,

Par conséquent, l’expression de la valeur moyenne de l’énergie pour ce ket | Ai s’écrit E(A) = hA | H | Ai = n X i=1 Taiai+ 1 2 X i6=j (Vaiajajai− Vaiajaiaj).

Les intégrales Vaiajajai se calculent comme l’énergie d’interaction coulombienne entre deux

distributions de charge correspondant aux densités de probabilité de présence de | aii et

| aji : ce sont les intégrales coulombiennes. Les intégrales Vaiajaiaj ne sont non nulles

que si les parties de spin de ai et aj sont identiques. Ce sont les intégrales d’échange,

qui réduisent l’énergie d’interaction électrostatique de deux électrons de spin identique. On remarque que cette séparation n’est rendue possible que par la factorisation de la matrice densité, qui permet d’interpréter l’énergie effectivement comme une somme de contributions correspondant à des particules ou des paires de particules du problème, rapportées à des occupations d’orbitales.

L’aproximation de Hartree-Fock consiste à chercher les points stationnaires de E(A) par rapport aux variations des coefficients des orbitales de | Ai , sous la contrainte que celles-ci restent orthogonales entre elles et normées. On peut utiliser la méthode des multiplicateurs de Lagrange, et on cherche par conséquent les points stationnaires de la fonctionnelle

F (A) = E(A)X

ij

Λijhai | aji

par rapport aux coefficients des orbitales, ce qui débouche naturellement sur le jeu d’équa- tions suivant, si l’on organise les vecteurs | aii sous la forme d’une matrice de n vecteurs

colonne A, dans n’importe quelle base orthonormée : F(ρ)A = AΛ, ρ = AA†, Fab(ρ) = Tab+ X cd (Vacdb− Vacbd)ρdc (2.10)

Fest appelé l’opérateur de Fock. Il est fonction de ρ : ces équations sont non-linéaires et devront faire l’objet d’une résolution itérative.

On voit que F projette les vecteurs | aii qui résolvent ce système sur des combinaisons

linéaires de ces vecteurs eux-mêmes. Les solutions de 2.10 sont donc telles que l’opérateur de Fock associé découple complètement l’espace occupé et l’espace virtuel. Dans cette situation, on peut se demander s’il existe une base de l’espace occupé telle que F replie non seulement l’espace occupé sur lui-même, mais découple également les vecteurs de cette base. Dans ce cas, ces vecteurs seront propres pour F, et Λ sera diagonale dans cette base, et formée des valeurs propres de F.

Si les opérateurs de spin sont de bons nombres quantiques (voir la section précédente, en particulier les paragraphes consacrés à ces opérateurs), on peut travailler en spin- orbitales et séparer, au sein de | Ai , les vecteurs alpha et les vecteurs beta, ρ est diagonale par blocs, et on écrit le problème pour ces deux parties séparément, dans la mesure où H

et donc F conservent le spin : F↑(ρ↑, ρ↓)A↑ = A↑Λ↑ F↓(ρ↑, ρ↓)A↓ = A↓Λ↓ Fabσ(ρ↑, ρ↓) = Tab+ Jab− Kabσ Jab = X cd Vacdb(ρ↑dc+ ρ↓dc) Kabσ = X cd Vacbdρσdc

Cette dernière forme de l’approximation de Hartree-Fock s’appelle UHF, pour (spin) unrestricted Hartree-Fock : on ne fait peser aucune contrainte sur la forme des orbitales des parties de spin alpha ou beta. C’est la forme la plus générale de cette approximation. La suite dépend fortement de contraintes supplémentaires. Si on impose un détermi- nant à couches fermées (de spin), alors on force A↑ = Aet ρ= ρ, et on récupère un

seul système de dimension réduite de moitié : F(ρ)A = AΛ Fab(ρ) = Tab+ 2Jab− Kab Jab = X cd Vacdbρdc Kab = X cd Vacbdρdc

Ces équations forment la méthode RHF pour (spin) restricted Hartree-Fock.

Si on se place momentanément dans la base des vecteurs qui forment le déterminant | Ai , les opérateurs J et K du formalisme UHF s’expriment en fonction des intégrales dans ces orbitales, et de leurs nombres d’occupation (qui valent tous 1 en UHF) :

Jcd = X i Vcaiaid(nai+ n¯ai) Kcdσ = X i Vcaiaidn σ ai

La méthode ROHF, pour Restricted Open-Shell Hartree-Fock (Hartree-Fock contraint en couches ouvertes), destinée à calculer l’énergie de configurations, dans le cas de fonctions d’ondes possédant des couches (de spin ou d’autres symétries) ouvertes, s’appuie sur ces expressions des opérateurs. On commence par partitionner les parties spatiales en orbitales simplement et doublement occupées, et on écrit les opérateurs coulombiens et d’échange pour ces différentes orbitales, en fonction de leurs nombres d’occupation. Ces opérateurs interviendront dans l’expression de l’opérateur de Fock avec des coefficients qui correspondent au fait que ou bien (i) la fonction d’onde sous-jacente est un développement multidéterminantal à coefficients fixes, sur plus d’orbitales qu’elle ne contient d’électrons, (ii) l’expression de l’énergie qu’on a prise au départ est une moyenne sur les différents déterminants qui engendrent, pris tous ensemble, le produit tensoriel de représentations

irréductibles du groupe de symétrie qu’on prend en compte, dont l’apparition est liée à l’ouverture des couches monoélectroniques de cette symétrie dans la fonction d’onde.

Plus précisément, si une ou plusieurs représentation monoélectronique du groupe G permettent d’engendrer un ensemble A de déterminants à n électrons, on écrit la fonction d’onde | Ψi comme

| Ψi = X

A∈ A

CA| Ai ,

et l’énergie de celle-ci s’écrit alors E(Ψ) = hΨ | H | Ψi = X A∈ A CA∗CAhA | H | Ai | {z } termes directs + X A,B∈ A A6=B CA∗CBhA | H | Bi | {z } termes d’interférence .

La minimisation de E(Ψ) sur les coefficients d’une orbitale | ai présente dans un ou plusieurs des A (avec donc na(Ψ) 6= 0) fera intervenir, si on ne considère que les termes

directs (on néglige les termes d’interférence), ∂E ∂ha | = X A∈ A a∈A CA∗CAF(A)| ai ,

c’est-à-dire la somme pondérée par les probabilités dans Ψ pour le système d’être repré- senté par la fonction d’onde à électrons indépendants | Ai des opérateurs de Fock (au sens d’un calcul RHF ou UHF) de chacune de ces configurations A. Cette égalité défi- nit les opérateurs de Fock ROHF, qui font intervenir plus d’orbitales moléculaires que d’électrons dans le système. Ces quelques considérations permettront au lecteur de se référer directement à la littérature concernant ces calculs, en particulier les références [33, 34, 35, 36]. Les coefficients CA ne font pas l’objet d’une optimisation. Ils sont donnés

par les coefficients de recouplage correspondant aux décompositions de produits tensoriels de représentations de G en représentations irréductibles 2.

Les traitements Hartree-Fock en couches ouvertes on fait l’objet d’intenses travaux, rendus partiellement obsolètes par la possibilité d’implémenter des méthodes plus exactes et conceptuellement plus simples sur des ordinateurs de plus en plus puissants. Les pro- blèmes posés par ces traitements se posent toutefois encore dans le contexte actuel des calculs de couches ouvertes en théorie de la fonctionnelle de la densité.

La diagonalisation de la matrice Λ n’est pas forcément résolue de la même manière selon le type de méthode de Hartree-Fock qu’on met en oeuvre. On se restreint ici aux cas UHF et RHF. La matrice A est rectangulaire, de dimensions n ×m (ou n/2 ×m) si m est la dimension de E1. La matrice Λ est carrée, de dimension n (resp. n/2) et hermitique.

On peut donc l’écrire sous la forme

Λ = UEU†

2Le fait de négliger les termes d’interférence est assez cohérent quand on travaille en champ moyen,

dans la mesure où les approximations d’électrons indépendants sont, vis-à-vis de la seconde quantification, le pendant des méthodes quasi-classiques utilisées dans le cadre de la première : le fait de conserver ces termes consisterait à déjà inclure un certain degré de corrélation électronique dans le calcul.

où E est diagonale, et U est une matrice de vecteurs colonnes (formée de coefficients de vecteurs de l’espace occupé dans la base des | aii ). Ces vecteurs sont orthonormés : U†U=

In, où In est l’identité en dimension n ; les vecteurs de U sont aussi une base complète

pour l’espace occupé UU† = I

n. On peut donc réaliser la série de transformations :

FA = AUEU†,

FAU = AUE,

FB = BE, B = AU, Soit ∀ i, F | bii = ǫi | bii ,

Avec ρ = AA† = BB.

Sous réserve de la diagonalisation de Λ, on voit donc que la méthode de Hartree-Fock se ramène à un problème aux valeurs propres pour les orbitales individuelles, identique au problème strictement monoélectronique, à celà près que l’"Hamiltonien" F dépend maintenant de sa solution. Si B est solution de ce système, l’énergie s’écrira sous l’une de ces formes bien connues

E(Ψ) = E(| Ai ) = E(| Bi ) =X i ǫi+ 1 2 X ij (Jij − Kij) (UHF), E(Ψ) = E(| Ai ) = E(| Bi ) = 2X i ǫi+ 1 2 X ij (2Jij − Kij) (RHF), Jij = Vbibjbjbi, Kij = Vbibjbibj.

La résolution de ce système utilise des méthodes itératives. Un bon critère de conver- gence, qui garantit à la fois la stationnarité de l’énergie et la propriété de l’espace occupé pour l’opérateur de Fock, porte sur le communateur de celui-ci avec la matrice densité, dont on cherchera à minimiser la norme :

F(ρ)B = BE ⇔ k [F(ρ), ρ] k= 0

De plus, pour ce critère, le caractère diagonal de E ne joue aucun rôle : il s’applique à toutes les méthodes de type Hartree-Fock, indépendemment de la possibilité éventuelle de simplifier la matrice Λ.