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Le répertoire du discours de la violence : Les sèmes de la violence dans le contexte fictionnel de la colonisation

Les variations lexicales et sémantiques de la violence

1. L’onomasiologie de la violence : du thème au mot

1.1. Le répertoire du discours de la violence : Les sèmes de la violence dans le contexte fictionnel de la colonisation

Répertoire du discours de la violence Temps Espace Contexte

La Peur, la frayeur, la crainte Les Enfants du nouveau monde

« Qu‟importe la peur qui l‟a saisi tout le jour, au milieu de cette chaîne d‟hommes dressés…il s‟applique à oublier sa peur en rêvant » (p. 18)

« Les femmes autour du corps se taisaient fascinées par les dernières fusée du spectacle, chacune tâchant de contenir la crainte de ne pas voir son homme entrer avant la nuit »(p.22)

« La peur s‟infiltrait partout. En dépit de quelques entractes encore de la vie ordinaire, partout la

-le jour du ratissage dans la montagne -Ibid. -pendant la guerre -la rue -la chambre de la défunte - Partout : la rue, les maisons, les

-La plupart des hommes dans les villes sont des vieux, des impuissants livrés à la peur et aux inquisitions de l‟armée française.

-la peur semble changer le visage de la mort. Traditionnellement, les femmes crient, hurlent, et les maisons des décès sont bouillantes de bruits. Le silence est imposé par le présage d‟un malheur approximatif : la perte du mari.

- Les autorités françaises frappent fort à la suite de la multiplication des attentats dans les villes

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guerre tissait pernicieusement ses fils : ceux du piège et de la mort, craignaient les uns ; et les autres »(p.63)

« Il avait dû se limiter à cette manière hautaine qu‟il voulait effrayante de froideur »(p.95)

Le Ciel de porphyre

« La méfiance et la peur naquirent, transformant les voisins et même le passant en possible tueur »(p. 123)

« Même ceux qui ne comprenaient rien encore à cette tragédie payèrent leur tribut à la peur, d‟un côté comme de l‟autre »(p.124) -une journée du printemps -Pendant la guerre -Ibid. lieux publics -dans le bureau du commissaire -Tout le pays -Ibid.

et des bombes dans les espaces publics. Les indigènes tout comme les européens sont sujets à la violence et à la peur qui les entourent partout.

-Lors d‟un interrogatoire, le commissaire principal Jean essaye de maîtriser la situation par l‟intimidation de Salima, du moment qu‟il est contre que l‟on ait recourt à la violence physique contre les femmes, il veut la torturer moralement par la frayeur qu‟inspire son autorité.

- A la suite de la succession des attentats dans les villes, et qui s‟y installent audacieusement, le climat paisible en apparence, se transforme en un sentiment de peur de tous les indigènes qui peuvent être une source de danger.

-Pendant la guerre, la peur s‟infiltre dans les deux camps, du colonisateur et du colonisé. Plus les événements prennent de l‟ampleur, plus la

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facture est lourde. La peur se généralise, les plus riches s‟enfuient, les pauvres ou les plus attachés au pays restent, mais dans un climat de terreur et d‟insécurité.

La mort

Les Enfants du nouveau monde

« La mort, il a apporté la mort, le maudit ! » (p.14)

« Trois des nôtres sont morts aujourd‟hui, dans cette sale guerre»(p.18)

Le Ciel de porphyre

« J‟avais treize ans quand mes regards ont découvert la peur, la mort, et les paysages couleur kaki, quand dans mes oreilles résonnèrent le bruit

-Une matinée de 1956 -Le jour du ratissage dans la montagne -1954 -Une maison du vieux quartier arabe - la rue -Dachra

-une opération de l‟armée française, qui bombarde un douar dans la montagne, et dont la fumée court au sol des maisons et annonce la mort.

- Des policiers fouillent avec rage des hommes qu‟ils suspectent d‟être des terroristes. Par leur comportement violent, ils veulent venger leurs trois morts dans la montagne.

-A l‟image du sort de tous les enfants de l‟Algérie, Ali est un exemple d‟une enfance perturbée par la guerre et dont les rêves sont spoliés par le colonisateur et la violence de la

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des bombes et des cris » (p.298) « Il a eu la mort de mon père »(p.140)

-1956 -Dachra

guerre.

-Le père d‟Ali, un vieux marin, n‟arrivant pas à maitriser sa fureur contre le système coloniale, alors il n‟hésite pas à affronter les paras dans son village. Il finit par décéder à leurs tortures.

Les hurlements ,et les cris Les Enfants du nouveau monde

« L‟obus avait tombé…les voisines n‟avaient songé que quelque heures plus tard à venir la relever et à découvrir en hurlant, à la place, son cadavre » (p.15)

« Elle hurle, elle ne souffre pas mais hurle, puis les coups de succèdent, se tait brusquement …Il a tué un homme aujourd‟hui. Saidi a longtemps hurlé aussi, s‟est tu d‟un coup pareillement »(p. 242)

-La dernière fois (quinze jours auparavant) -La nuit en retournant du travail -La maison de Yousef dans le quartier arabe -La chambre de Hakim

-Le jour de la mort tragique de la vielle Aicha qui a pris l‟habitude de se mettre à la porte de sa chambre. Elle succombe à ses blessures par un obus du bombardement de l‟armée française. -Amna, l‟épouse du policier Hakim, remplie de haine contre son mari à cause de son travail pour le compte de l‟ennemi. Elle prend position et se dresse devant « le maître », et c‟est ainsi qu‟elle est battue et hurle tout comme le prisonnier Saidi, qui lui, hurle de souffrance et de torture,

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« Le parfum envahi la chambre, chasse les odeurs qu‟elles peuvent toutes imaginer de la guerre : de sa poudre, de ses cris, du sang qui sèche »(p. 23)

Le Ciel de porphyre

« Au moment où la fille hurlait en voyant la lame scintiller dans la main de Tahar » (p.72)

« les murs s‟ébranlèrent sur les coups des détenus. Ils martelaient les portes, en hurlant les slogans révolutionnaires » (p.162) -la veillée de la défunte Aicha -Le 14 juillet 1958 -vers 1959 -la chambre de la morte -La forêt -La prison

alors que elle, hurle de malheur.

- Avec euphémisme, les femmes tentent d‟effacer de leur mémoire la guerre et ses malheurs : mort, cris, sang…, elles le font, pour s‟accrocher à la vie, et ainsi ne pas sombrer dans le deuil.

-Lors de l‟exécution de l‟indicatrice Dalila, elle ne trouve aucun moyen de se défendre que de crier et d‟hurler, dans l‟espoir d‟être entendue et sauvé par quelqu‟un, mais en vaine.

-Encouragés par la témérité du vieux Ramdane, qui malgré les tortures continue à chanter l‟hymne de la guerre, les prisonniers se révoltent, mais leur mutinerie est violemment réprimandée par l‟armée, plusieurs hommes retrouvent la

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« Il hurla de tout son âme. Ses hurlements semblaient ne jamais vouloir cesser, il était une bête criant à la mort » (p.257)

-Vers la fin de la guerre -devant la maison du professeur Kimper mort.

-Profondément choqué par l‟assassinat de son hôte et mentor, le professeur Kimper, Ali perd sa placidité et éclate en sanglot comme s‟il vient de perdre à nouveau son père.

La haine

Les Enfants du nouveau monde

« Derrière lui, un soldat, la face durcie de haine » (p.18)

« Les autres, quand elle passe, ferment leurs visages. « Les autres » ; elle rectifie : « les Arabes » et elle prononce ces mots en redressant la tête. Sa haine la secoue » (p.128) -le jour du bombardement de la montagne - en plein midi -dans la rue -Devant le café maure

Pris par sa colère et sa haine contre les indigènes, un policier veut venger des morts dans son camp en humiliant et torturant les passants.

-la jeune indicatrice Touma éprouve une grande haine pour ses siens, elle utilise tous les moyens pour les humilier et les provoquer.

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« Elle écumait et criait sa haine même face à la mort »(p.71)

« Mais dans les régions désertiques, loin des férules de quelque officier trop sentimental et zélé, les mercenaires donnaient libre cours à leur sadisme et leur haine de l‟être humain »(p.159)

-Le 14 juillet 1958

-Pendant la guerre

-La forêt

-Les prisons

d‟arriver à leur fin, c‟est ainsi que Dalila alléchée par leur statut de francaouis les accompagne, mais une fois qu‟elle découvre leur vraie identité, elle manifeste sa haine contre les Arabes, tout en les insultants, certaine qu‟elle sera vengée et qu‟ils perdront la guerre.

- Mis à part quelques philanthropes, les officiers de l‟armée française, qui, avec l‟aide des indicateurs et des goumiers, jouissent de la torture des êtres humains et n‟économisent pas les moyens les plus atroces pour manifester leur haine à l‟encontre de l‟indigène.

La torture, les sévices corporels

Les Enfants du nouveau monde

« Il avait fallu ensuite subir des cris de rage et de colère de son époux : il l‟avait battue »(p. 31)

-Après trois ans de mariage (8 mai 1945)

-la maison conjugale

-Chérifa refuse de se faire soignée pour enfanter et demande d‟être répudiée. Touché en son amour propre, le mari procède à la violence pour la soumettre à sa volonté.

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« elle la femelle aux entrailles tenaces, à la fidélité humiliante, peut-être[…] elle ne savait plus rien, sauf qu‟elle s‟était bien battue et avec entêtement »(p.43)

« De l‟étage au-dessus, lui parviennent de longs hurlements. Un homme qu‟on torture, de dit-elle »p158 « Si j‟entends encore des cris de torturés, je deviendrai folle »(p.269)

Le Ciel de porphyre

« Ma figure a été écrasée sous leurs pieds…cet homme usé par les tortures, par la misère »(p.33)

-Pendant la guerre

-un jour du mois de mai

-juillet 1958

-Ibid.

-la prison

-La prison

-Lila est une femme violente, capricieuse et hostile aux changements de la société et aux nouvelles visées de liberté nationale, elle se dresse devant son mari et refuse son adhésion au mouvement de libération.

-Après être dénoncée par Touma, Salima se retrouve depuis plus de dix jours en prison, affaiblie par la position assise, le manque de sommeil, et la torture morale des interrogatoires, il ne semble lui manquer que les cris des torturés, dont celui de Saidi pour frôler la folie.

-Ramdane est un homme âgé, sans foyer et sans famille, il défend la cause de son peuple avec véhémence et ferveur, ce qui lui vaut de multiples arrestations et des tortures à répétition, au point qu‟on ne peut plus le reconnaitre. Son visage est complètement défiguré et stigmatisé par les instruments de torture.

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« Il mettrait du cœur à la besogne en torturant les prisonniers. Pour l‟instant, ses collègues se moquaient de son acharnement à torturer les suspects qui tombent par malheurs entre ses mains » p64

« Ramdane, pauvre vieux, s‟il survivrait à cette guerre, apporterait un cerveau meurtri embrumé par les tortures »(p.119)

-pendant la guerre

-Ibid.

-une maison dans la ville

-la prison de Baladia

- L‟inspecteur de police Cantini est un assoiffé de poste, il est prêt à tous les sacrifices et à toutes les démonstrations de ses qualités de bourreau tortionnaire et sans pitié pour grimper dans l‟hiérarchie administrative. La guerre est sa chance pour changer son sort et devenir un commissaire.

-Ramdane, est un exemple des torturés, qui, à force de subir les supplices pendant les interrogatoires, semblent perdre la raison. ce même exemple est repris avec les prisonniers du camp de Bhira, qui à leur tour sont devenus des détraqués par les tortures p158.

Le sang

Les Enfants du nouveau monde

« Le même jour, des massacres avaient eu lieu dans les villes martyres : Sétif, Guelma, Constantine. Le

-Après les événements du

-En prison - Après les massacres du 8mai 1945, la prison est une opportunité pour le jeune Youssef de

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jeune Youssef que la ainsi qu‟une patrie n‟est pas une terre commune, ni même seulement une misère partagée mais du sang versé ensemble et dans le même jour »(p.171)

« Un attentat ! une fille. Elle est morte ! [...] dans la foule qui se précipite d‟un seul mouvement vers le corps, vers le sang qu‟on cherche »(p. 212)

« J‟ai seize ans. J‟ai beaucoup réfléchi : la Révolution, c‟est pour tout le monde, pour les vieux, pour les jeunes. Je veux donner mon sang à la Révolution » (p. 207)

Le Ciel de porphyre

« Il est intervenu pour défendre le pauvre diable. Celui-ci couvert de sang gisait au milieu de ses fruits et légumes »(p.150)

8mai 1945

-Le jour de la mort de Saidi que Touma a dénoncé -la nuit de la mort de Saidi et de Touma

-1958

-En plein centre-ville

-le chemin du maquis

-Le marché de Baladia

rencontrer des compatriotes plus âgés et plus mûrs que lui. Il prend conscience du sens de la patrie, il se rend compte que la patrie est avant tout l‟équivalent de la solidarité d‟un peuple miséreux.

-Touma est assassinée par son frère Tawfiq, il venge avec froideur son honneur, et se purifie de sa souillure, d‟une sœur traitresse.

-Une fille qui ressemble à d‟autres jeunes algérienne, Hassiba est déterminée pour se libérer des outrages de la vie, de la douleur de la mort injuste de son père. Elle fait alors une formation en soins médicaux pour rejoindre le maquis.

-Un vieux vendeur à la sauvette de fruits et de légumes est opprimé avec violence par un policier hargneux avec les indigènes.

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« Demain, ce visage aura perdu sa clarté juvénile et ne sera plus qu‟un masque où on lira l‟horreur du sang » (p.48)

« A présent, je vois toujours son ventre ensanglanté, ses seins meurtris et brulées par le feu de leurs cigarettes[…] je deviens enragé, le goût de la vengeance a vicié mon sang » (p.42)

-1958

-1958

-la maison du M. Kimper

-Chez Tahar dans le quartier de Béni-ramassés

-Les yeux d‟Ali brillent de joie pour sa première mission, il ne sait pas qu‟il sera un maillon dans l‟opération meurtrière qui mettra fin à la vie de Dalila. Tahar, pense avec un pincement au cœur, que la réalité est plus atroce que le rêve, que la guerre enterre l‟innocence.

-La fiancée de Tahar, une infirmière se chargeant de soigner les blessés, retrouve la mort sous les supplices de l‟armée française, torturée et violée, elle succombe à ses souffrances livrant Tahar au remord de ne pas être présent pour la sauver. C‟est dès lors qu‟il est épris d‟une haine sempiternelle.

Instruments de la violence Les Enfants du nouveau monde

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« Les fils, les seaux, une magnéto (il la reconnaît la première) ; contre le mur, une baignoire mobile » (p.140)

Le Ciel de porphyre

« Des espèces de cachots que les musulmans appelaient en chuchotant avec horreur glacée : « Siloun »…ce nom était synonyme de mort »(p.157)

« Ghetto, inquisition, gaz, four crématoire »5p.180)

-mars 1958

-pendant la guerre

-la 1ère et la 2ème guerre mondiale

-les prisons

-les prisons

-Allemagne

-les mêmes instruments de tortures sont utilisés dans les interrogatoires pour que les détenus révèlent des renseignements sur l‟organisation armée.

-La cellule dans les prisons, est un équivalent de la mort pour les prisonniers, les camps de tortures sont des lieux desquels on ne peut sortir vivant. Dans le cas échéant, ceux qui survivent à la torture, la tuberculose et les dysenteries, en sortent avec un cerveau meurtri par les tourments physiques et moraux.

-Selon Juliette, un personnage juif, les Arabes sont des personnes pacifiques qui ne font que demander leur droit légitime de vivre dignement, elle ajoute que les vraies tortionnaires sont les Européens qui veulent exterminer la race juive

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avec les moyens les plus atroces qui puissent exister.

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Dans ce premier volet, nous avons mis en relation les différents sèmes de la violence : peur, crainte, frayeur, mort, cris, haine, torture, sévices corporels, hurlement, sang, bien évidemment il reste d‟autres sèmes qui renvoient à la violence tels : angoisse, massacres, viol, larmes, souffrances, présents dans le corps des romans, mais nous n‟avons relevé que ceux qui sont récurrents. Nous déduisons, donc, que la violence est souvent accompagnée de la peur qui s‟infiltre dans les deux sociétés. Indigène et Européens partagent un sentiment d‟incertitude et d‟instabilité, et chaque société est sur le qui-vive, la torture, le sang et la mort sont partout, un sentiment de haine est partagé par les deux camps, les deux veulent la fin du cauchemar mais différemment : les colonisés espèrent la libération, les colonisateurs veulent le retour à la stabilité. La thématique de la violence à travers le lexique de la destruction, de la force brutale, de la mort inscrit dans le discours littéraire l‟opposition binaire colonisateurs vs colonisés dans le contexte colonial. La violence se tisse dans les deux romans dans les rapports dominateurs vs dominés dans la société coloniale.

Il s‟agit de vérifier après si cette même dualité se retrouve dans les écrits de la violence des années 90, un autre contexte historique de l‟énonciation de la violence ; tout l‟intérêt de cette approche sémiotique est de tirer du sens des différents contextes de la violence pour ainsi cerner la lecture en fonction de la périodisation historique.

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