• Aucun résultat trouvé

La violence extra-communautaire : colonisé vs colonisateur

Les prototypes de la violence

2.1. La violence extra-communautaire : colonisé vs colonisateur

Dans un second lieu, nous allons évoquer la typologie de la violence qui se présente entre les deux communautés : européenne et autochtone. Il s‟agit d‟une violence extra-communautaire , que nous pouvons qualifiée de violence interextra-communautaire. Elle remonte à la présence du colonisateur sur la terre algérienne. L‟Européen est en position de supériorité, il détient du pouvoir et se comporte violemment avec l‟indigène. Au départ, cette violence est d‟ordre psychologique, dont insultes, ségrégation à l‟école, exemption des droits les plus élémentaires. Nous relevons comme exemples :

Insultes et humiliations

« elle doit lutter contre cette sale brute » LEDNM (p.145) « À mort ! à mort ! Sale bicot ! » LEDNM (p.145)

« Sur son teint trop brun, elle a peut-être du sang noir, entendait-elle sur son passage » LEDNM(p.93)

« Il m‟a traité de sale bicot »LCDP(p.145) « Tu vas le payer cher, bicot !»LCDP (p.156)

Ce genre de violence, toute verbale, transporte ou véhicule des clichés racistes (« bicot », « sang noir »)

Violences scolaires

« Voyez-vous ça ! il veut devenir journaliste, ce morveux, écrire la vérité…La vérité sur tes poux, oui ! »LCDP (p.128)

« Quant aux musulmans, les plus jeunes redoublèrent d‟office le CM2 malgré de bonnes notes…moi j‟étais conscient de l‟injustice scolaire, moi qui tenais tant à aller au lycée ! »LCDP (p.77)

Cette violence fait partie de la violation des droits de l‟homme dans une société où le colonisateur détient tous les pouvoirs.

193

Oppression des pauvres

« Son père cheminot à la capitale, après un accident rentrant à la maison et disant : « La France m‟a renvoyé », puis la misère » LEDNM (p.208)

« Certains Européens considéraient leurs employés indigènes comme des êtres inférieurs de sous-race blanche crées pour leur usage…j‟étais chez un « dentiss » dont l‟épouse me traitait comme une savate »LCDP(p.164)

Les fragments mettent l‟accent sur l‟exploitation des travailleurs algériens spoliés de leurs droits et humiliés.

Depuis le premier soulèvement du peuple algérien en 1945, le colonisateur se montre très violent avec la communauté des indigènes, ceux qui ne soutiennent pas la France sont incarcérés, torturés et massacrés, des villages entiers sont détruits, des femmes violées, des hommes offensés et humiliés. Un sentiment de haine s‟installe dans la société. L‟emploi de la violence et des tortures par le colonisateur est une stratégie qui a échoué, elle n‟apporte pas les fruits escomptés par l‟armée française. La violence du système coloniale, au lieu d‟affaiblir la lutte, elle la renforce davantage , la prise de conscience se propage dans tout le pays , et le combat gagne de l‟ampleur. Tout le peuple est impliqué dans la cause nationale.

Le peuple prend conscience de la cruauté de l‟occupant, un fort sentiment de patriotisme voit le jour, et la violence fait face à la violence. Une rage meurtrière s‟installe, une terreur, de la suspicion, un climat délétère occupant la place d‟une paix relative imposée autrefois par l‟Autre, le plus fort ; c‟est la preuve que tout a changé après l‟insurrection populaire de 1945 dans les villes algériennes : « Une peur insidieuse et sournoise s‟était infiltrée dans les villes. Un bruissement de feuilles, un chien aboyant, une fenêtre qui claque, des chuchotements, étaient autant de danger mortels : étaient-ce les « paras » ?...Etaient-ce les moudjahidines ? »LCDP(p.124)

Le colonisateur n‟économise aucun moyen pour retrouver l‟ordre, la paix et la stabilité. Il s‟use de tous les moyens de violence possible pour opprimer le peuple et le faire revenir sur sa position indépendantiste. Le couvre-feu est imposé dans tout le pays, les terres sont brulées, des villages entiers anéanties par les bombardements de l‟armée

194

française, les prisons n‟ont jamais été aussi combles, ce que témoigne les fragments suivants :

« Encore un ratissage, se dit-il, il reste donc un village à détruire » LEDNM(p.18)

« Les autres, pathétiquement, tenaient bon. Même dans leur aveuglement, même cette haine rageuse et meurtrière pour « l‟Arabe » n‟était pas sans rappeler un amour désespéré »LCDP(p.125)

« Les autres, la masse de musulmans sans « moyen », affrontaient les arrestations, les tortures, les humiliations de toutes sortes »LCDP (p.124)

« Nous avons laissé derrière nous notre semence, et nous sommes partis. Nous avons donné nos hommes au combat des montagnes et l‟ennemi a brulé nos demeures » LEDNM (p. 224)

La guerre déclarée ouvertement représente finalement le summum, le paroxysme de la violence. C‟est la rupture définitive qui mène vers le triomphe de l‟indépendance, de la liberté.

L‟autochtone, de son côté, défend l‟organisation armée avec tous les moyens, le peuple cède sa jeunesse aux maquis, il prend conscience, depuis les massacres de 1945, qui ont fait naitre un sentiment de haine ascendant, que la liberté devra être arrachée et que la France ne quitterait pas l‟Algérie sans le recourt à la violence :

« La Révolution, ce n‟est pas seulement le départ et la foi, ce sont les peines, les massacres, la mort, tout cela à regarder en face, à affronter » L.E.N. M(p.209)

« (1945) Elles sortaient de vieux couffins, les emplissaient de pierres, en mettaient dans leur jupes et leur voiles, entraient ensuite, elles aussi, dans la bataille. Combat dérisoire !

« Des hommes à mains nues contre les balles » LEDNM(p.170)

« Les attentats se succédaient dans les villes où la lutte, après les campagnes, s‟implantait de façon audacieuse… l‟organisation armée se manifestait où elle voulait, avec plus d‟efficacité. Les embuscades étaient menées avec méthode »LCDP (p.124)

A la violence colonialiste répond la violence d‟un peuple qui a pris conscience que l‟indépendance ne peut s‟acquérir et s‟octroyer que par des sacrifices. La guerre devient alors la violence totale et le seul devenir de l‟Histoire contemporaine de la colonie et donc le seul discours à tenir au colonisateur. Les antagonismes colonisateur vs colonisé

195

atteignent tous les sommets de la violence. Il n‟y a plus aucun autre langage que celui de la guerre. C‟est le sens de l‟Histoire. Cette violence est un sens de l‟Histoire.