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Les femmes algériennes : Femmes de rebelles ou femmes rebelles

Référentialité historique : éléments d’Histoire

1. La société algérienne pendant la colonisation

1.3. Les femmes algériennes : Femmes de rebelles ou femmes rebelles

De tous temps, la femme est un élément fondateur du développement de toute société sur le plan matériel, spirituel et symbolique. Mais cette contribution féminine a souvent été voué à l‟obscurité, les efforts fournis par les femmes dans la vie communautaire sont négligés par le machisme portée en bandoulière par les hommes qui prônent la suprématie du mâle. Pour évoquer la situation de la femme pendant la guerre de libération, il apparait impératif d‟aborder leur vie avant la guerre. La femme est destinée

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Fanon, F., L’An V de la Révolution algérienne, ANEP, 2011, p 176

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Ibid.

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à jouer le rôle de la mère, de l‟épouse, de la sœur et de la fille. Elle est là, au service des autres, et si on pouvait lui réserver un rôle plus important c‟est le rôle d‟une dépositaire d‟une tradition orale à travers les contes populaires, les proverbes et les énigmes, ce que soutient Giuliva Milò43 en interrogeant l‟œuvre littéraire d‟Assia Djebar, et notamment son poème « Un Pays sans mémoire » qui inspire la scène centrale dans La Nouba des femmes de mont Chenoua44 qui montre que le rôle de gardiennes de la mémoire collective est destinées aux femmes :

Mon aïeul un jour perdit sa noble tête Au combat parmi ses guerriers C‟était en dix huit cent soixante dix Ou soixante et onze

Et l‟histoire contée se répète Rosée sur les feuilles de la nuit

Prunelles dans le blanc des yeux de l‟oubli Merveilles les songes d‟enfance attentive

L‟ethnologue Germaine Tillion, connue pour ses engagements anticoloniaux, notamment dans la Résistance algérienne, dit à propos de la guerre d'Algérie et la société algérienne, notamment sur l‟assujettissement et l‟esclavage dans lequel le patriarcat maintient la femme méditerranéenne en général :

A notre époque de décolonisation généralisée, l‟immense monde féminin reste en effet à bien des égards une colonie. Très généralement spoliée malgré les lois, vendue quelques fois, battue souvent, astreinte au travail forcé, assassinée presque impunément, la femme méditerranéenne est des serfs du temps actuel.45

La femme algérienne qui n‟a pas le temps de jouir de son enfance, de son innocence, se retrouve toujours en arrière-plan, placée pour ne pas dire « sans place » derrière les hommes de la famille, alors qu‟eux bénéficient d‟une position de force et de prestige :

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Milò, Giuliva, Lecture et pratique de l'Histoire dans l'œuvre d'Assia Djebar, 2007, p48

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Long métrage de Assia Djebar produit par la RTA algérienne, Alger, 1978.

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« Le mâle, producteur privilégié, jouît d‟un statut quasi seigneurial »46. Les convenances veulent que la fille soit privée de l‟école, de s‟affirmer dans la petite société qui est sa famille, et de prendre la parole en la présence des hommes. Condamnée pour avoir commencé l‟incarnation du corps de la petite femme, Le patriarche la considère comme étant un fardeau dont il faut se débarrasser dans les plus brefs délais : « La jeune fille qui accède à la condition de femme doit se marier et avoir des enfants. Pour une famille, avoir une fille pubère dans la maison est un problème extrêmement difficile. La fille pubère est maintenue au foyer, protégée, surveillée »47. Le mariage parait la seule solution pour que la famille algérienne se dégage de sa responsabilité vis-à-vis de cet être indésirable. Envisager le mariage de la fille récemment pubère, n‟est donc pas pour avoir une bouche de moins à nourrir, mais ce est un souci d‟avoir une femme, à la maison, sans statut et qui peut à tout moment déshonorer les mâles de la famille.

La femme algérienne pense que son salut est dans le mariage, mais elle aussitôt confronté à une amère réalité, le mariage n‟est qu‟un relais de ses tourments et peines. Dans sa cellule conjugale, elle est la domestique des hommes de sa nouvelle famille, mais surtout celle des femmes et précisément de la belle-mère qui l‟exploite instantanément. On voit que la femme algérienne, illettrée, battue, voilée et dénudée de toute force ou pouvoir, semble être mal préparée pour assumer la révolution. mais malgré toutes ses contrainte, et depuis le début de la colonisation, des femmes émancipées refusent le gout infâme de la servitude masculine, à noter l‟icône emblématique de l‟Histoire des combattantes algériennes : „Lala Fatma N‟Soumeur48, elle est connue comme une combattante contre l‟invasion militaire des Français dans les années 1850, mais elle est connue aussi pour être une révoltée contre les dogmes de la société de son époque, par le refus du mariage forcé tout particulièrement :

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Amrane, Djamila , Les Femmes algériennes dans la guerre, Paris, Plon 1991, p58

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Fanon, F., L’An V de la Révolution algérienne, ANEP, 2011, p 100

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Dictionnaire Algérien des Noms Propres, S/dir. Kheira Mérine, Alger, DGRSDT. CRASC, 2013. p166 : « Fatma N‟ Soumeur est née en 1830 en haute Kabylie […] En 1854, alors qu‟elle n‟est âgée que de 24 ans, Lala Fatma N‟Soumer remporte l‟une des plus grandes victoires militaires de Kabylie »

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Pourtant, sa vie ne se résume pas seulement à ses combats contre les français, bien avant cela, on la qualifiait de « tamnafeqt » c‟est-à-dire « révoltée » car elle refusait toute alliance et mariage pour ne pas aliéner sa liberté qui selon elle « est un bien sacré qu‟on ne peut monnayer !49

Lala Fatma N‟Soumeur refuse d‟appartenir à un maître qu‟il soit l‟époux ou le colonisateur. Sa vie et ses engagements nous poussent à poser de multiples questions sur l‟émancipation d‟une femme marginalisée et condamnée de par son statut de femme. Durant la guerre de libération, toutes les restrictions sociales vont être remises en question face à cette nouvelle situation. Les femmes algériennes vont occuper une place de plus en plus importante dans la lutte nationale, elles vont s‟illustrer par certaines tâches ; en effet, elles cuisinent pour les maquisards et assistent les blessés. Le rôle qui leur est destiné, qui n‟est guère au goût des hommes, ne devrait pas s‟étendre au combat, mais par une obligation qui outrepasse les convenances et l‟ordre social, les femmes intègrent de force les opérations militaires dans les villes, en s‟affirmant par leur courage dans la pose des bombes dans les lieux publics :« La femme pour le mariage (aurait) fait place à la femme pour l‟action[…] En réalité, les femmes ne sont pas venues au combat par recrutement systématique du FLN, leur participation s‟est faite spontanément, dans le feu de l‟action »50

L‟arrivée des femmes au maquis se fait progressivement, dans l‟urgence, et particulièrement en réponse à l‟appel de l‟ALN de rejoindre le maquis, le lendemain de la grève des étudiants et des lycéens en mai 1956. Le nombre de filles qui répondent est important au point de surprendre les responsables de la guerre, et tous les regards convergent vers elles.

Pour participer en commun à la libération de leur patrie, elles ont regagné le maquis, et affrontent l‟homme algérien avant d‟affronter le colonisateur. Les femmes tentent d‟échapper à leurs conditions de vie précaires et ce n‟est qu‟avec la libération de leur patrie, elles vont acquérir la leur.

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Oussedik, Tahar, Des héroïnes algériennes dans l’histoire, Alger, ENAG, 2005, p 49

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