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Référentialité historique : éléments d’Histoire

1. La société algérienne pendant la colonisation

1.1. Barbares et Indigènes

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Belloula, Nassira, De la pensée vers le papier, Soixante ans d’écriture féminie algérienne, Alger, ENAG, 2009, p69

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Ibid.

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Dès le début, le colonisateur s‟est trouvé des prétextes et de crédibles excuses pour occuper des terres qui ne lui appartiennent pas, et dont il s‟empare avec sa puissance militaire, d‟après E. Renan (1887) :

La colonisation en grand est une nécessité politique tout à fait de premier ordre. Une nation qui ne colonise pas est irrévocablement vouée au socialisme. La conquête d‟un pays de race inférieure par une race supérieure, qui s‟y établit pour le gouverner, n‟a rien de choquant.24

La cause principale de la colonisation serait une obligation politique pour échapper à un système économique et préserver donc le Capitalisme Européen, d‟une part. D‟autre part, du moment où le colonisateur se pense supérieur, il s‟approprie un droit légitime de coloniser les pays considérées comme moins civilisées et inférieurs, et dont les populations doivent être domptées par la force : « Les classes sociales de barbares et d‟indigènes, si ne sera pas occupée ou laborieuse sont, au XIXe siècle, considérées comme des classes fort dangereuses sur le plan social et économique »25. Par conséquent, l‟Européen légitimise la colonisation et considère les autochtones comme étant des barbares, vagabonds, mendiants, inhumains. Ainsi sont-ils victimes d‟une dégénérescence morale et physique, et leur sort est voisin au sort des Noirs africains ou des Indiens de l‟Amérique.

Buret décrit les indigènes dans son livre couronné par l‟Académie des Sciences Morales et politique : « Jetons un moment les yeux sur l‟homme barbare ; il est pauvre, dénudé de tout ; mal abrité, mal vêtu, demandant sa subsistance aux chances hasardeuses de la chasse ou de la pêche, souvent aux périls d‟un combat »26. Ce regard dévalorisant et xénophobe n‟est pas réservé alors à la classe non lettrée, même les écrivains et les historiens voient en l‟autochtone une catégorie d‟hommes déclassée et sans statut, une catégorie à exclure et à traiter avec force et autorité :« On ne peut étudier ce peuple barbare que les armes à la main. »27 , selon Tocqueville, qui représente l‟esprit

24

Olivier le Cour Grandmaison, Coloniser exterminer, Paris, Fayard, 2005, p 277

25

Chevalier, Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris, Paris, LGF, 1978, p78

26

Buret, E., De la misère des classes laborieuses en Angleterre et en France, Paris, Paulin, 1840. P.113

27

http://classiques.uqac.ca/classiques/De_tocqueville_alexis/de_la_colonie_algerie/rapport_sur_algerie/ra pport_sur_algerie.html. Consulté le 15.04. 2014 à 18h04

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discriminatoire à l‟égard de l‟indigène, le seul moyen pour le dominer est les armes, la violence.

Dès 1839, l‟Algérie est officiellement française, après une lutte à la couleur du sang des innocents, qui sont victimes de la cupidité du colonisateur, et d‟une complicité savamment tissée par des historiens, des politiciens, des hommes de droits, dont la finalité est de réduire l‟autochtone à jamais au silence :

Nous avons massacré des gens porteurs de sauf-conduits, égorgé sur un soupçon des populations entières qui se sont ensuite trouvées innocentes ; nous avons mis en jugement des hommes réputés saints dans leur pays, des hommes vénérés parce qu‟ils avaient assez de courage pour venir s‟exposer à nos fureurs, afin d‟intercéder en faveur de leurs malheureux compatriotes. Il s‟est trouvé des juges pour les condamner et des hommes civilisés pour les faire exécuter…en un mot nous avons débordé en barbarie les barbares que nous venions civiliser »28

Les tactiques de la terre brulée et de la razzia sont appliquées systématiquement. La torture et la violence apparaissent comme le seul moyen pour dominer les barbares :

Voilà comme il faut faire la guerre aux Arabes » explique un officier français : « Tuer tous les hommes jusqu‟à l‟âge de quinze ans, prendre toutes les femmes et les enfants en charger des bâtiments, les envoyer aux îles Marquises ou ailleurs, en un mot, anéantir tout ce qui ne rampe pas à nos pieds comme des chiens. 29

Massacres, incendies et brutalités sont le lot de cette guerre coloniale sans lois. Cependant, cet indigène dit sous-développé et barbare n‟est rien autre qu‟un être humain avec des qualités d‟un patriote défendant sa terre et son patrimoine religieux et culturel avec persévérance et intelligence. Il irresponsable et voire dispensé de ce que pense le Français de son ethnie, de son apparence physique et vestimentaires, de ses comportements et de ses pratiques sociales et culturelle. Pour l‟Algérien, la présence de la France sur sa terre est une violation du code de l‟honneur, des principes humanitaires,

28

Pellissier de Reynaud, Annales algériennes, Paris, Anselin, 1836, p354

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et de la propriété du peuple. L‟Emir Abdel Kader30 écrit à Bugeaud dans les correspondances qui alimentent l‟affrontement des deux camps :

Quand ton armée marchera en avant, nous nous retirerons, mais elle sera forcée de se retirer et nous reviendrons. Nous nous battrons, quand nous le jugerons convenable ; tu sais que nous ne sommes pas des lâches. Quant à nous opposer aux forces que tu traines derrière toi, ce serait folie. Mais nous les fatiguerons, nous les harcèlerons, nous les détruirons en détail, le climat fera le reste. La vague se soulève-t-elle quand l‟oiseau l‟effleure ? C‟est l‟image de votre passage en Afrique.31

Bien que les Français aient mis la main sur l‟Algérie, la haine vis-à-vis de l‟indigène, renforcée par un sentiment de malaise et de peur d‟une seconde insurrection du peuple, continue durant toutes les années de l‟occupation, fait que, les musulmans, et par méfiance de leur statut d‟autochtone et du nombre croissant de leur population, sont totalement écartés et exclus des rôles de premier rang.

Outre la population musulmane, la société autochtone se compose de Juifs qui sont aussi humiliés et déclassés par le colonisateur mais pas autant que les Arabes. Grâce au décret Crémieux qui a émancipé le statut social des juifs d‟Algérie ils peuvent occuper des postes administratif, tâche qui est strictement interdite aux indigènes arabes, « Les fonctionnaires juifs, pratiquement les seuls cadres administratifs recrutés localement- les Européens d‟Algérie sont colons ou exercent des professions libérales »32

L‟indigène barbare, subit toutes sortes de torture et d‟humiliation, d‟un colonisateur qui tente de l‟assimiler , d‟effacer son identité et le naturaliser pour qu‟il appartienne à une nouvelle patrie qui est l‟Algérie- française. Cependant les Algériens préservent avec véhémence leur patrimoine identitaire, religieux etculturel, et s‟opposent à la France en déclenchant une guerre sans précédent qui revendique la liberté et la dignité aux indigènes. Une guerre qui est le résultat logique du désespoir et de l‟injustice du système colonial. Le 8 mai 1945. Influencé par le mouvement transversal Enahda qui

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Abdelkader (l‟Emir) : le premier à s‟être opposé à l‟occupation française en Algérie.

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Agéron, Charles-Robert, Histoire de l’Algérie contemporaine, Paris, PUF, 1999, p182

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est une renaissance culturelle et politique dans le monde arabe et spécialement en Egypte, le peuple algérien manifeste une volonté apparente pour mettre fin à la colonisation ; il descend, dans les rues fêter la fin de la deuxième guerre mondiale et rappeller à la France ses promesses de Liberté ; toutefois, il récolte en conséquence emprisonnement, torture et assassinat. Ce n‟est qu‟après neuf ans de ce drame national, que la guerre de libération est déclenchée :

Le 8 mai 1945, comme tous les autres peuples, le peuple algérien se préparait à fêter dans la joie la victoire à laquelle il avait largement contribué et qu‟il croyait être également la sienne. La France y répondait par une répression ignoble, 45000morts, voilà, Messieurs, ce que signifie pour les Algériens le 8mai 1945.33