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Référentialité historique : éléments d’Histoire

2. La société algérienne de la décennie noire

Pour pouvoir cerner les conditions de la construction du sens de la littérature algérienne des années 90, il est impératif de comprendre l‟évolution du pays après l‟indépendance, l‟impact de la politique et de l‟économie sur une nation qui vient de naitre et qui tente de se reconstruire.

Après de longues années de lutte contre l‟armée française, le peuple descend en liesse, le 05 juillet 1962, fêter son indépendance. L‟Algérie tourne à jamais la page de la colonisation et se trouve face à des enjeux capitaux, il faut construire un pays ruiné par la guerre, fonder une économie et un état. Il est entendu que la notion de l‟Algérie indépendante existe depuis la deuxième guerre mondiale mais à l‟indépendance une nouvelle situation s‟impose : redémarrer du néant quoique la France ait laissé derrière elle certaines infrastructures mais qui ne correspondent pas aux attentes et aux besoins du peuple algérien, Julien Rocherieux pense que :

Tout reste à faire : sortir de l‟état colonial, de cette économie extravertie conçue uniquement par rapport à la métropole et en fonction du million d‟Européens qui y vivent, bâtir un État, ou, pour reprendre l‟heureuse expression de Benjamin Stora, « inventer » une Algérie qui, tant géographiquement que culturellement, ne semble s‟imposer que dans les esprits.51

Le peuple algérien est dans une situation critique et confuse, il doit à nouveau lancer le défi pour construire un état sur les décombres d‟une guerre qui a ses pans de gloire mais aussi des pans sombres.

2.1. L’Algérie après la décolonisation

Après l‟indépendance, l‟Algérie se retrouve au bord d‟une guerre civile, la France quitte le pays, et cet état récemment né est déchiré par des luttes féroces pour le pouvoir. Ahmed Ben Bella est un membre fondateur du FLN, et premier président de l‟Algérie, emprisonné de 1956 à1962 par l‟armée française. Ses partisans fondent un

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bureau politique à Tlemcen. Ben Bella se pose en rival direct du Gouvernement provisoire de la République algérienne (G.P.R.A.) ; à cette rivalité, se rajoutent d‟autres divisions au sein du FLN : les combattants de l‟extérieur stationnés dans les frontières marocaines et tunisiennes s‟opposent aux maquisards de l‟intérieur, ainsi le FLN se déchire en clans difficiles à être contrôler, l‟avenir de l‟unité nationale est en jeu. En septembre 1963, Ben Bella accède au pouvoir pour diriger le pays pendant trois ans dans une atmosphère assez troublée par les oppositions à l‟intérieur du parti unique :

Parvenu à la tête du premier gouvernement de l'Algérie indépendante, il engage celle-ci dans la voie du socialisme et de l'autogestion ; à l'extérieur, il prône le non-alignement, soutient le peuple palestinien contre l'État hébreu et développe des relations économiques avec l'URSS, la Chine et Cuba sans toutefois rompre avec le bloc occidental. Critiqué pour son échec à redresser l'économie et sa politique répressive, il est renversé par un coup d'État dirigé par le colonel Boumediene.52

L‟Algérie choisit le modèle de socialisme. En 1965, Houari Boumediene prend le pouvoir à la suite d‟un coup d‟état et prône une orientation selon un socialisme dit « spécifique » fondé sur la nationalisation des richesses du pays :

Le colonel Houari Boumediene prend le pouvoir et commence par nationaliser les hydrocarbures et décrète la révolution agraire en 1971, puis il lance, en 1976, un large débat sur les orientations socialistes du pays, qui aboutit à l‟approbation de la Charte nationale.53

Dès son arrivée au pouvoir, le second président de la république algérienne fait en sorte d‟établir un climat de militantisme permanent, dans lequel l'armée joue un rôle de premier plan. Il aspire pour le pays une indépendance totale qui permet un décollage économique très important qui lui vaut le titre du leader du monde arabe.

2.2. Présidence de Chadli Bendjedid : Libéralisme économique et politique

En décembre 1979, le président Houari Boumediene est mort, Chadli Bendjedid le succède, militaire de carrière, membre du conseil de la Révolution de juin 1965 à

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http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Ahmed Ben Bela. Consulté le 15.11.2015 à 19h57

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Meyner, Gilbert, L’Algérie Contemporaine : Bilan et solutions pour sortir de la crise, Paris, Harmattan, 2000. p127

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décembre 1976, c‟est le FLN qui décide son accession au pouvoir, il est choisi par rapport à qu‟il est le plus ancien dans les haut rang de l‟armée algérienne : « …pour expliquer le choix de sa personne, un élément est avancé : Chadly Bendjedid est l‟officier le plus ancien dans le rang le plus élevé. »54

ainsi devient-il le troisième président de la République algérienne démocratique et populaire, du 9 février 1979 jusqu'à sa démission le 11 janvier 1992.

Chadli Bendjedid est considéré comme un homme de compromis et d‟innovation, tout en conservant la politique étrangère du non-alignement instaurée par Houari Boumediene ; il prend ses distances avec l‟Union soviétique, pour développer en parallèle des relations avec les Etats Unies où il se rendra en 1985. En revanche, il autorise aux opposants historiques de retourner en Algérie dont Hocine Ait Ahmed et Bachir Boumaza et il fait libérer le premier président de la République, Ahmed Ben Bella. Bendjedid libéralise l‟économie ; après les évènements d‟Octobre 1988, il sera contraint de démocratiser la vie politique et autoriser la fondation de partis politique.

2.3. Les émeutes du 05 octobre 1988 : un ferment du terrorisme

Depuis que le gouvernement algérien se rend compte de l‟échec du socialisme, il adopte une nouvelle politique orientée vers le libéralisme à partir de 1986 « parmi lesquelles la suppression de l‟agrément administratif de tout projet d‟investissement, la levée des limitations des crédits bancaires, l‟autorisation des comptes devises ouverts aux citoyens et la création de huit fonds de participation »55Ainsi, les États-Unis vont être au centre de cette nouvelle politique. Bendjelid est le premier président de l'Algérie à se rendre en visite officielle aux États-Unis (du temps du président Reagan). Depuis l‟intervention de l‟Algérie dans le dénouement de la prise d‟otages américains à

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Ibid.p128

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Téhéran, les relations Américo-algérienne semblent s‟intensifier, assurant un alignement à la politique impérialiste.

La mise en œuvre de cette nouvelle économie, a imposé aux chefs d‟entreprise la limitation des dépenses et l‟activité de production qui a donné pour conséquence la diminution de l‟effectif des ouvriers et du personnel ; aussi cette nouvelle économie engendre-t-elle un malaise au sein des entreprise ; elle est accompagnée d‟une pénurie des aliments de base ; toutes ces composantes vont appeler les travailleurs à des mouvements de protestation, selon Braudel « Les guerres sont ainsi, plus souvent qu‟on le pense, des indications économiques. »56L‟ambiance économique et politique est très tendue, les émeutes sont durement réprimées par les forces de l‟ordre alors que Chadli avait décidé de démissionner ce qui a été déclaré par Ghozali lors des funérailles de l‟ex-président « Chadli était très affecté par les événements d' Octobre 1988 et qu'il allait déposer sa démission lors du Congrès du FLN qui s'est tenu juste après»57

Bendjelid prend la décision de démocratiser le pays et de mettre fin au parti unique, ce qui marque un changement politique irréversible dans l‟histoire politique du pays, des réformes importantes sur le plan institutionnel donnent naissance à une nouvelle vision du pouvoir : le multipartisme voit le jour en 1989. Cette nouvelle ère est née dans une Algérie qui pensait, en entreprenant les réformes libérales, échapperait aux échecs du socialisme. Mais en parallèle, la chute du prix du pétrole qui atteint les 40 %, introduit le pays dans une crise économique sans précédent :

A la fin de 1993, le pays était en situation de quasi-cessation de paiement. Les réserves de change accusaient un solde négatif, le montant de la dette extérieure était de 25,7 milliards de dollars, son service de 9,05 milliards de dollars alors que les exportations étaient de 11,01 milliards de dollars. Autrement dit, le service de la dette absorbait à lui seul 82% du total des recettes d‟exportation.58

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Braudel, Fernand, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècle Tome 3 : Le

Temps du Monde, Paris, Armand Colin, 1986, p12

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http://www.lexpressiondz.com/actualite/161715. Consulté le 15.11.2015 à 21h34

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De son côté la jeunesse algérienne désœuvrée par les problèmes socio-économiques, peu politisée et n‟ayant pas une culture de la démocratie, voit en ce nouveau parti du FIS, une revanche contre l‟état du parti unique l‟FLN, qui selon cette jeunesse, est le responsable de la répression meurtrière de 1988. Ce parti incarne des aspirations nouvelles sur le plan idéologiques, social ou économique ; son idéologie s‟appuie sur un socle purement religieux. Cependant, à la suite de l‟annulation du second tour électoral, le FIS semble trahir toute les promesses faites au peuple algérien et ce dernier se retrouve à nouveau entrainé, mais cette fois-ci, dans une violence extrême contre son gré ; et son ennemi n‟est pas un adversaire étranger ; c‟est un ennemi voisin :Le concitoyen, le voisin, le cousin et même le fils. Le terrorisme ravage l‟Algérie durant une décennie qualifiée par les historiens par « La décennie noire ».

Le 26 août 1992, une bombe éclate à l‟aéroport d‟Alger. Désormais, le terrorisme frappe aussi la population civile. Les années 1992-1995 auront semblé les plus terribles conflits. En 1997, une grande opération de « nettoyage » contre les maquis islamistes est lancée pour répondre aux massacres qui se succèdent. Malgré tous les efforts de battre le terrorisme, la barbarie continue, comme en témoignent les massacres des villages de Bentalha, Rhaïs ou Beni Messous en octobre 1997. Certaines sources avancent le chiffre de 100 000 victimes depuis le début du conflit en 1992.

Depuis son existence, et vu sa situation géographique stratégique et alléchante aux conquérants européens, l‟Algérie est une proie aux colonisations et aux agressions externes. Après un long combat avec le colonisateur français, le 5juillet 1962 l‟Algérie recouvre sa souveraineté, et est reconnue mondialement comme un pays libre et indépendant. Pendant plus de deux décennies, l‟avenir semble prometteur pour un peuple fier de sa dignité et de ses exploits et dont le pays jouie d‟une posture internationale influente et d‟un développement économique de renon, mais à partir des années 1988, la situation s‟inverse et le pays fraichement libérée est confronté à des conflits internes qui le conduisent à un processus démocratique chaotique, qui va engendrer une décennie de braise et de violence fratricides.

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Chapitre II