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Référentialité historique : éléments d’Histoire

1. La société algérienne pendant la colonisation

1.2. Les Français et les Européens

Le colonisateur/ Maître est le représentant d‟un pouvoir doublement illégitime aux yeux des indigènes, de par sa religion et sa spoliation de la terre algérienne. Dans une société coloniale opprimée par le racisme, la torture et la haine, l‟occupant est considéré comme l‟aristocrate par excellence, il a tous les biens, et tous les privilèges lui sont réservés pour se sentir chez lui. Les premiers Européens arrivés sont venus avec l‟idée d‟enrichissement, ils songeaient retrouver l‟Eldorado en Algérie.

Ils sont transportés dans ce nouveau monde pour fonder un nouvel état qui dépend de la France « Aptes à conduire la guerre de conquête, pour laquelle ils ont d‟abord été conçus, et à protéger- mais à quel prix- les colons, il ne saurait, tant qu‟ils fonctionnent ainsi, permettre l‟émergence d‟une véritable société civile coloniale »34. Les Européens qui quittent le Vieux Continent, ne le font pas pour des raisons politiques ou religieuses comme autrefois dans les Croisades, mais pour fuir la misère s‟ils sont pauvres ou pour investir s‟ils sont riches dans une terre que les autorités françaises disent prometteuse pour inciter leur débarquement en Algérie.

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Mandouze, André, La Révolution algérienne par les textes, Alger, ANEP, 2006, p30

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Les colons sont, donc, en Algérie pour s‟enrichir, fait qu‟ils n‟hésitent pas à répandre le sang des autochtones pour aboutir à leurs fins économiques avant qu‟elles ne soient politiques, G. de Beaumont le rapporte :

Partout où les forces s‟agglomèrent allez, frappez, divisez. Si une ville se fonde, marchez vers elle et détruisez-la. Si une forteresse s‟élève, si une manufacture d‟arme s‟établit allez encore, et prouvez surtout aux arabes qu‟aussi longtemps qu‟ils voudront lutter contre vous, ils seront réduits à toutes les misères de la vie nomade, sans ville, sans demeure fixe, sans commerce. 35

A compter leur qualité d‟êtres humains sanguinaires, les premiers colons et les Pieds-noirs d‟Algérie partagent un fort sentiment de supériorité, ils sont arrogants et ne côtoient les Arabes que pour qu‟ils s‟en soient servis. G. De Maupassant (1881) en décrivant les Arabes annonce : « Les Arabes passent, toujours errants, sans attaches, sans tendresse pour cette terre que nous possédons, que nous rendons féconde…Leurs coutumes sont restées rudimentaires. Notre civilisation glisse sur eux sans les effleurer »36. Les Européens voient un grand clivage entre eux et entre les Arabes, qui s‟apparente au clivage entre l‟Antiquité et les Temps Modernes, ils sont attachés à un archaïsme social qui les empêche de suivre le modèle de l‟homme civilisé, et d‟appliquer les principes de la République Française : égalité, fraternité, liberté.

D‟autres Français sont plus offensants, quand il s‟agit des Arabes, c‟est une ségrégation d‟origine raciale et religieuse à la fois, le colon humilie la race Arabe et l‟Islam et les idées qu‟il proclame sont ancrés dans son inconscient. Dr J-P. Bonnafont, le chirurgien militaire Français affirme ce racisme : « […] son unique vœu est de vivre de la même manière qu‟il a toujours vécu, l‟Arabe a été pendant trop de siècles ignorant et barbare pour qu‟on puisse aisément admettre qu‟il consentira à être autre chose, et à se flatter pour lui d‟un avenir meilleur »37

Dans décret Crémieux du 24 octobre 1870, les Européens de l‟Algérie sont définis comme citoyens français alors que les citoyens Algériens demeurent exclus de la

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De Beaumont, G., Etat de la question d’Afrique, Paris, Hachette Livre, p46

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Emmanuel, Jean, Guy de Maupassant, Les chemins de L’Algérie, Magellan et Cie, 2003, p124

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Bonnafont, J.P., Réflexions sur l’Algérie, particulièrement sue la province de Constantine, Hachette Livre, 2018, p22

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citoyenneté. Les Algériens et les Français sont donc différents aux yeux du droit. Ce décret annonce officiellement une inégalité inédite, qui s‟oppose intégralement aux principes républicains. Arrivant aux années qui précèdent la guerre de libération il n‟y pas un changement dans le regard porté sur l‟indigène. Quand la république triomphe en France, ses principes partent en vaine en Algérie- française. Les meilleures terres, les grandes propriétés sont entre les mains du colonisateur.

L'éducation, un principe pourtant au cœur de la mission civilisatrice de la métropole, est réservée aux Pieds-noirs, un taux très faible d‟enfants indignes sont scolarisés et sont contraints de quitter l‟école à l‟âge de treize ans même s‟ils se trouvent brillants. Le système colonial craigne que ces jeunes enfants, à force d‟apprendre, ne soient réveillés de leur apparente torpeur et revendiquent les droits de leur peuple, fait que, le taux de scolarisation atteigne péniblement les 5% en 1912 :« En témoignent, par exemple, ces quelques lignes du journal européen l‟Akbar : « Les Kabyles fréquentent trop les écoles, apprennent trop bien et trop vite. On est effrayé de voir tant d‟Arabes instruits et l‟on se demande ce qu‟ils feront quand ils seront grands »38

A la suite de toutes les inégalités et la marginalisation, la guerre d‟Algérie s‟avère non seulement une obligation mais une fatalité. Dès lors, l'engrenage de la violence est inévitable. La torture s‟impose sous toutes ses formes comme une solution appropriée pour répondre à l‟indigène « brutal » et « bestial », R. Branche note que : « La torture se rattache en effet aux représentations de l‟autre qu‟est l‟Algérien, à la fois différent et « assimilable ». Certains à croire que les Algériens ne comprennent que la violence »39 La propagande coloniale, qui se voit propriétaire légitime de l‟Algérie- française, n‟accepte en aucun cas perdre le paradis dans lequel, les colonisateurs ont investi et encaissé des richesses. Ils ne sont pas prêts à voir jaillir un nouveau statut à l‟indigène, de ce fait, toute négociations avec les militants musulmans est révolue.

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Harchi, Kaoutar, Je N’ai qu’une Langue ce n’est pas la Mienne, Paris, Pauvert, 2016, p 47-48

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Paradoxalement, il y a une réalité à ne pas nier ou négliger : les libéraux Européens. Il s‟agit d‟une catégorie de citoyens français qui approuvent le droit de l‟autochtone à vivre dans la dignité et le respect, ils contribuent implicitement dans la guerre d‟Algérie et soutiennent de différentes manières l‟organisation armée secrète, F. Fanon témoigne de grande mission humanitaire qu‟accomplissent médecins et infirmiers :

Des médecins et des pharmaciens européens prennent alors l‟habitude, les uns de soigner sans discrimination les blessés de l‟ALN, les autres de délivrer les antibiotiques et l‟éther réclamés par les militants du FLN. Des centaines de millions d‟unités de pénicilline vont quotidiennement prendre la direction des maquis.40

Les colons français, de leur côté, ont aussi procuré de l‟aide et un grand soutien aux maquisards et militants Algériens, « le colon qui aide la Révolution peut être amené, en public, au café ou dans une conversation, pour bien manifester aux autres Européens sa solidarité, à faire écho aux propos colonialiste »41. La contribution inespérée des Européens dans la lutte laisse les combattants perplexes, avec le temps ils s‟habituent à la philanthropie de ses libéraux et sollicitent davantage leur aide : « Ce sont les armes qui sont entreposées dans les fermes. C‟est la période au cours de laquelle, d‟une zone à l‟autre, les réunions se tiennent dans l‟enceinte d‟une ferme européenne »42

Cependant, les colons ayant aidé les colonisés sont une minorité appartenant à la classe moyenne ; ils croient en la dignité humaine et sont des consciences libres.