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Répartition des proxènes des Tanagréens

Dans le document La Béotie et la mer (Page 172-175)

Comme pour Thespies, il est difficile d’en savoir plus sur ces proxènes. Le décret

SEG II 184 en faveur de deux Athéniens indique qu’ils sont musiciens et père et fils. Plusieurs

autres couples de proxènes apparaissent comme des membres d’une même famille. C’est le cas des deux Corinthiens894 qui sont aussi père et fils, et des deux proxènes de Cyzique895 qui sont frères.

Le décret IG VII 519 honore simultanément un certain Nikanôr fils de Damarchos, de Milet et un Niôn fils de Nikanôr, d’Alexandrie. On peut envisager que ce soient un père et un fils et que l’un des deux ait déjà été honoré de la politeia dans sa cité d’adoption mais une coïncidence reste possible dans la mesure où Nikanôr est un nom fréquent896. Il est difficile de tirer plus de conclusions de

890IG VII 508, IIIe siècle.

891IG VII 505 et 516, toutes deux de la fin du IIIe siècle.

892 Le plus probable est qu’il s’agisse de la plus importante d’entre elles, Naples, mais il peut tout aussi bien

s’agir de n’importe quelle Néapolis dans le monde grec, et rien ne dit que les deux décrets concernent la même cité.

893 FOSSEY J. M., Epigraphica Boeotica II, p. 11. 894IG VII 513.

895IG VII 523.

896 Selon le LGPN en ligne (http://www.lgpn.ox.ac.uk/database/lgpn.php), il y a 478 occurrences du nom

Nikanôr dans le monde grec (mais l’Égypte n’est pas prise en compte). Néanmoins, il est surtout populaire en Grèce du nord et dans le Péloponnèse, ces deux régions comptant près de la moitié des Nikanôr enregistrés.

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ces inscriptions. Le proxène d’Élatée apparaît comme un notable local dans la mesure où il est honoré ailleurs pour des dons d’huile au gymnase de sa cité897. Enfin, les proxènes d’Antioche étant

au nombre de trois, on peut supposer qu’il s’agissait d’une ambassade séleucide. L’un des proxènes de Néapolis, Pélops fils de Dexia, apparaît aussi honoré comme proxène dans la cité voisine d’Oropos.

Ce sont, ici encore plus, des régions bien distinctes qui ressortent de ce tableau de proxènes. D’une part on y voit des cités voisines à Tanagra avec Chalcis et Érétrie, qui lui font face au-delà du canal d’Eubée, Athènes, facilement accessible par voie de terre en passant par Oropos ou par mer en contournant l’Attique898, et enfin Élatée, accessible en traversant la Béotie par voie de terre.

Plus au nord, des proxènes des Tanagréens se trouvent à Démétrias et en Macédoine. Tous ces proxènes traduisent le dynamisme des circulations que connaît traditionnellement le canal d’Eubée, notamment en raison de la route des céréales qui relie Athènes au Pont. En admettant cela, il faut certainement inclure Cyzique, en Propontide.

Par ailleurs, un autre groupe de cités semble se détacher de ces décrets de proxénies avec les cités de Téos, Milet, Aspendos, Antioche et Alexandrie, toutes sur la voie commerciale liant l’Égypte au monde Égéen. Il est d’ailleurs probable que Tanagra soit reliée à ces cités non pas par la route septentrionale longeant la Macédoine et la Thrace mais en traversant les Cyclades, trajet que décrit ainsi le pseudo-Scylax899 :

Διὰ τῆς θαλάττης [ἀπὸ] τῆς Εὐρώπης εἰςτὴν Ἀσίαν ἐπιεικῶς εὐθὺ κατ’ ὀρθόν. Ἄρχεται δὲ τὸ διάφραγμα ἀπὸ Εὐρίπου τοῦ κατὰΧαλκίδα καὶ ἔστιν ἐπὶ Γεραιστὸν στάδια [ψʹ καὶ νʹ]. Ἀπὸ Γεραιστοῦ ἐπὶ Παιώνιον τῆς Ἄνδρου στάδια πʹ. Ἀπὸ [Παιωνίου] τῆς Ἄνδρου ἐπὶ τὸν Αὐλῶνα στά-δια σπʹ. Τοῦ Αὐλῶνος διάπλους εἰς Τῆνον στάδια ιβʹ.Αὐτῆς δὲ τῆς νήσου ἐπὶ τὸ ἀκρωτήριον τὸ κατὰ Ῥηναίαν στάδια ρνʹ.ναίαν στάδια ρνʹ. Τοῦ δὲ διάπλου εἰς Ῥηναίαν στάδια μʹ. Αὐτῆς δὲ Ῥηναίας καὶ τοῦ διάπλου εἰς Μύκονονστάδια μʹ.Ἀπὸ δὲ Μυκόνου διάπλους ἐπὶ τοὺς Μελαντίους σκοπέλους προαριστιδίου μικρῷ ἐλάττων, σταδίων [ρ] μʹ.Ἀπὸ δὲ Μελαντίων σκοπέλων πλοῦς εἰς Ἴκαρονπροαριστίδιος. Αὐτῆς δὲ τῆς 897SEG XLII 478.

898 Il semble que la voie terrestre était privilégiée. Dans son récit de la guerre du Péloponnèse, Thucydide

(VII, 28) explique que le contour par mer de l’Attique était plus coûteux que la voie terrestre, directe.

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Ἰκάρου στάδια τʹ ἐπὶ μῆκος. Ἀπὸ δὲ Ἰκάρου πλοῦς εἰς Σάμον προαριστίδιος. Αὐτῆς δὲ Σάμου στάδια σʹ.Ἐκ Σάμου εἰς Μυκάλην τοῦ διάπλου στάδια ζʹ. (ιζ?). Τὸ πᾶν, ἐὰν ἐκ Σάμου πλέωσι πρὸ ἀρίστου, στάδια͵βτοʹ, μὴ προσλογιζομένου τοῦ πλοῦ [τοῦ ἐκ Μυκάληςεἰς Σάμον].

« Passage de la mer d’Europe à celle d’Asie en ligne droite. Ce passage commence à l’Euripe qui est auprès de Chalcis. De là à Géraïstos, il y a sept stades ; de Géraïstos à Pæonium d’Andros quatre-vingt stades ; d’Andros à l’Aulon deux cent quatre-vingt stades ; d’Aulon à Ténos douze stades ; de l’extrémité de cette île jusqu’au promontoire Rhénée cent cinquante stades ; le trajet de ce promontoire est de quarante stades ; celui de Rhénée jusqu’à Mykonos autant ; de Mykonos aux rochers Melantioï, environ quarante stades ; de ces rochers jusqu’à Icaros, vous naviguez une demi-journée. La longueur de cette île et de trois cents stades ; d’Icaros à Samos le trajet est d’une demi-journée. L’île de Samos a deux cents stades de longueur, de Samos à Mycale le trajet est de sept stades, et si en partant le matin de Samos, vous faites deux mille trois cent soixante-dix stades. »

L’intégration de Tanagra à cette route commerciale vers l’Asie va de soi par sa proximité avec l’Euripe mais est probablement confirmée par un épisode de la deuxième guerre de Macédoine où l’île d’Andros est prise par les Romains et les habitants ainsi que la garnison macédonienne sur place sont autorisés de se réfugier à Délion, le port de Tanagra900. Cet exil ne peut se comprendre

que dans le cas où Tanagra et Andros entretenaient des liens étroits, certainement économiques vu leur proximité.

La route décrite par pseudo-Scylax passe directement de Rhénée à Mykonos car c’est la route la plus courte entre l’Europe et l’Asie, cependant la route commerciale habituelle passait nécessairement par Délos, située entre les deux îles et plaque tournante de l’économie égéenne. C’est d’ailleurs peut-être lié, un décret de proxénie délien du IIIe siècle honore justement un

Tanagréen901, seule cité de Béotie directement représentée dans les proxénies déliennes. La relation

entre ces deux cités n’est cependant peut-être pas seulement économique ici mais pourrait également reposer sur une parenté religieuse. En effet, le port de Tanagra, Délion, a pour particularité de comporter un sanctuaire important dédié à la triade apollinienne ce qui en fait un

900 Tite-Live, XXXI, 45, 6. 901IG XI 4 641.

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cousin de celui de Délos902. La seule autre cité dont nous disposons de décrets de proxénie honorant

des Tanagréens est Delphes également célèbre pour son sanctuaire panhellénique d’Apollon. Fait remarquable dans le cas des proxénies delphiennes, Tanagra apparaît comme la deuxième cité comptant le plus de proxènes en Béotie derrière Thèbes tandis que le reste du tableau concerne essentiellement des cités du sud-ouest Béotien, soit les plus proches de Delphes.

Cette forte représentation de Tanagra dans ce type de sources — à l’inverse de cités plus importantes et plus accessibles telles que Thespies ou Orchomène — peut s’expliquer par leur culte commun à Apollon. Ce pourrait être une situation analogue entre Tanagra et Délos d’autant que le seul autre décret de proxénie délien concernant la Béotie honore un certain Polystratos fils de Daliôn, Béotien903. En l’absence d’un ethnique plus précis, ce nom théophore de Daliôn ne suffit

pas à prouver qu’il est ici question d’un Tanagréen mais cela reste possible de l’envisager. En effet, il s’agit d’un nom rare qui, dans sa forme Δαλίων904, n’apparaît que six fois dans nos sources dont

quatre fois pour des Béotiens : outre ce proxène béotien à Délos, ce sont un Thébain905, un

Tanagréen906 et un Coronéen inhumé à Tanagra907. On dispose de neuf occurrences d’autres noms

théophores liés à Apollon Délien en Béotie908, dont cinq proviennent de Tanagra909, deux de

902Supra, p. 49-50. 903IG XI 4 824.

904 Dans sa forme Δηλίων, on le trouve dix fois exclusivement dans les Cyclades 905IG VII 2434.

906SEG XLI 487. 907IG VII 1566.

908 SITTIG E., Ancient Greek Theophoric Proper-Names, p. 50, pour ceux en dehors de Béotie, p. 51-52. 909 Δαλιάδας (IG VII 538 et 585), Δαλικκὼ (IG VII 883), Δαλιόδωρος (IG VII 537) Δηλιοκν[...] (IG VII 545).

Chéronée Coronée Lébadée Oropos Platées Tanagra Thèbes Thespies Thisbé 0 5 10 15 20 25 30

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