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La Béotie et la mer

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Academic year: 2021

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HAL Id: dumas-02477155

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Submitted on 13 Feb 2020

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La Béotie et la mer

Leandro Coste

To cite this version:

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Mémoire de Master 2

La Béotie et la mer

Mémoire de Master 2

Leandro Coste

Septembre 2019 Sous la direction de

Christophe Chandezon

Université Paul-Valéry-Montpellier Master Mondes Anciens

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Remerciements

À l’issue de ces deux années de master, j’ai enfin le plaisir de me retourner pour voir le chemin accompli et je ne peux que constater qu’il n’a pas été fait seul. J’ai été sans cesse bien accompagné et ce qui pourrait ressembler à un travail solitaire me voit redevable à de nombreuses personnes. Je me dois ici de les remercier le plus sincèrement possible.

En premier lieu, je souhaite exprimer toute ma gratitude à mon directeur M. Christophe Chandezon. Dès mes années de licence d’Histoire, j’ai toujours eu réponse à mes sollicitations, m’aiguillant notamment dans mon intérêt naissant pour la Béotie, jusqu’à me proposer ce sujet. Les deux années suivantes, j’ai toujours pu compter sur sa patience et son soutien pour mon mémoire, mais également pour des matières plus diverses telles que le stage ou en me donnant des lettres de recommandations lorsque j’en ai eu besoin. Pour cela et tout le reste, qu’il soit chaleureusement remercié.

Mme Hélène Ménard, qui a offert à plusieurs élèves de notre promotion l’opportunité de présenter notre sujet devant les étudiants de M1. Ses conseils m’ont été fort utiles tout comme ses recommandations bibliographiques.

Je pense ensuite aux élèves qui étaient en cours avec moi au cours de ces deux années de Master. J’ai une pensée notamment pour Amandine et Raphaël, avec qui j’ai partagé l’essentiel des trajets quotidiens entre Béziers et Montpellier, et Florian, dont la présence en bibliothèque au cours des mois de rédaction fut source de motivation.

Je remercie également Axel et Dounia qui, outre de nombreux conseils, m’ont offert leur aide, respectivement pour la conception de cartes et pour des traductions grecques.

Enfin, je dois remercier de tout mon cœur Sam, Nina, Étienne et Hélène, pour avoir relu ce mémoire et contribué à l’améliorer par leurs nombreuses remarques.

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Sauf indication contraire, toutes les dates mentionnées dans

ce mémoire doivent être entendues comme étant « avant J.C. ».

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Introduction

Les Grecs sont généralement présentés comme un peuple de marins et si cette image est à nuancer1, il est indéniable que les Grecs ont côtoyé la mer comme peu de leurs contemporains. De

cette culture de la mer, l’Athénien serait le modèle et, comme dans de nombreux cas, le Béotien ferait figure d’antithèse. L’étude de la Béotie par le prisme de la mer peut en effet sembler paradoxale tant elle transparaît comme une région terrestre. La Béotie dispose d’espaces propices aux pratiques agricoles tant autour de Thèbes et de sa plaine Ténérique que sur les berges du lac du Copaïs. Elle apparaît alors comme un pays bien plus fertile que l’Attique2, sa voisine orientale,

et dispose en conséquence d’une riche aristocratie foncière avec une culture équestre développée3.

De cet attachement à la terre et ses valeurs associées, le meilleur exemple est assurément Hésiode dont la vie est rythmée par le travail des champs dans le respect des dieux.

Pourtant, la mer est bien présente en Béotie, par deux fois même. Celle-ci dispose d’un littoral sur le golfe de Corinthe au sud, et d’un autre au nord sur le canal d’Eubée, ce dernier étant lui-même divisé en deux parties par le détroit de l’Euripe, entre le continent et l’île d’Eubée. Si la position de la Béotie vis-à-vis de la mer a souvent été négligée par les Modernes et les Anciens, elle ne l’a pas toujours été, comme on peut notamment le voir chez Éphore de Cumes, cité par Strabon, qui déclare que « la supériorité de la Béotie sur les pays limitrophes réside à la fois dans cette fertilité et dans le fait que, seule, elle est baignée par trois mers et dispose de ports en plus grand nombre »4.

Il s’agit alors de déterminer quelle peut être la relation de la Béotie à son littoral, et plus largement à la mer.

1 Voir CORVISIER J. N., Les Grecs et la mer, p. 9. 2 Comme le note Strabon, Géographie, IX, 2, 1.

3 On peut notamment voir GARTLAND S. D., Geography and History in Boeotia, p. 58-61.

4 Strabon, IX, 2, 2 : « Ἔφορος δὲ καὶ ταύτῃ κρείττω τὴν Βοιωτίαν ἀποφαίνει τῶν ὁμόρων ἐθνῶν καὶ ὅτι μόνη

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La Béotie en Grèce centrale

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La Béotie est une région historique de la Grèce mais il s’agit ici de préciser ce qui la définit. Pour ce faire, il est possible de s’appuyer sur la définition des Béotiens que propose Henri van Effenterre6 : « Au sens banal, c’étaient les habitants des diverses cités de la Béotie, groupées par

moment en Confédération ». Cette définition a pour qualité d’être la plus simplificatrice possible tout en restant en tout point véridique. Ainsi, en suivant la réciproque de ce raisonnement, on pourrait logiquement définir la Béotie en disant qu’il s’agit de la région7 habitée par les Béotiens

parfois groupés en Confédération. Définir la Béotie par ses habitants fait particulièrement sens car ce sont eux qui ont donné leur nom à la région et non l’inverse : « Béotien » serait un ethnique porté par les envahisseurs Doriens8 tel que le rapporte Thucydide9. Si l’on admet que la Béotie est

la région habitée par les Béotiens, il faut se demander où habitent les Béotiens. Face à cette question émergent deux réponses, représentant deux réalités distinctes.

5 Carte en domaine public pouvant être trouvée sur

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ancient_Regions_Central_Greece.png (visité le 11/08/19).

6Les Béotiens, p. 31, où il ne s’agit en réalité que du point de départ d’une réflexion plus large permettant

d’envisager les multiples réalités qui se cachent derrière le terme.

7 Cette définition toute personnelle repose sur une réciproque artificielle : la notion de « cité » a disparu au

profit de celle de « région », sémantiquement plus unificatrice. C’était néanmoins une nécessité pour ne pas définir la Béotie comme étant toutes les cités où vivent des Béotiens, Plutarque vivant à Delphes n’a pas fait de celle-ci un sanctuaire béotien.

8 GIOVANNINI A., Étude historique sur les origines du catalogue desvaisseaux, p. 46-47. 9 I, 12.

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Une première Béotie « historique » apparaît fixe, figée par la tradition et unie par des traits culturels. Ses frontières sont relativement bien établies : au sud-est, la frontière part du golfe de Corinthe en suivant les monts du Cithéron qui séparent la Béotie de la Mégaride et rejoint alors le massif du Parnès qui délimite la frontière avec l’Attique. La séparation entre la Béotie et la région d’Oropos est elle plus floue : elle prend la forme d’une zone de confins sud-nord descendant du Parnès vers le golfe d’Eubée et rejoignant à peu près l’embouchure de l’Asopos. Au sud-ouest, la frontière passe par le versant occidental de l’Hélicon, la Phocide étant au-delà dans la vallée du Parnasse. Puis cette frontière forme une boucle qui englobe le lac du Copaïs et les cités le bordant, la Locride orientale se trouvant au nord, séparée par le petit massif du Chlomo. Au nord et au sud, le golfe d’Eubée et le golfe de Corinthe constituent des frontières naturelles. Il s’agit des limites de la Béotie historique que l’on retrouve déjà en partie dans le Catalogue des Vaisseaux d’Homère10 et

qui présente quelques traits homogènes tels que son dialecte béotien. La région fait dans les 2 000 km², avec environ 50 kilomètres dans l’axe sud-ouest/nord-est11 et autant dans l’axe

sud-est/nord-ouest12.

Œuvre non reproduite par respect du droit d’auteur

La Béotie et ses frontières historiques

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10Iliade, II, v. 484-516, Homère y distingue cependant les Béotiens des Minyens, dans la région d’Orchomène. 11 La distance à vol d’oiseau entre Creusis et Chalcis.

12 Entre Platées et Chéronée.

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Face à cette définition existe une deuxième réalité de la Béotie, politique cette fois-ci : c’est la Confédération béotienne, qui a existé de façon quasi-continue entre le Ve et la première moitié

du IIe siècle avant J. C. Il s’agit d’un Koinon, une communauté de cités partageant des institutions,

des lois, une monnaie, des fêtes et donc une identité commune. C’est un vecteur identitaire fort qui a valeur tant en Béotie qu’à l’extérieur faisant de la qualité de « Béotien » un synonyme récurrent de « citoyen du Koinon des Béotiens ».

Bien que ces deux définitions se superposent et se complètent l’une l’autre, elles correspondent à des réalités différentes. Alors que la Béotie historique est figée, la Confédération béotienne est amenée à évoluer et peut s’agrandir de façon à inclure des cités extérieures (à l’image de Chalcis, sur l’île d’Eubée) ou elle peut à l’inverse ne pas intégrer des cités béotiennes telles que Thèbes, qui en fut exclue au tournant du IIIe siècle.

Ce sont ces deux réalités de la Béotie qui doivent être prises en compte dans l’intitulé « La Béotie et la mer » et qui définissent le cadre spatial de cette étude. Si l’échelle spatiale peut être fluctuante en fonction du contexte politique étudié, elle implique nécessairement une Béotie historique figée qui doit également être prise en compte.

Dans la mesure où il est question des rapports de la Béotie à la mer dans les périodes historiques, c’est l’histoire béotienne et celle de sa Confédération qui donnent les bornes chronologiques à ce mémoire. En effet, bien que le Koinon se soit progressivement formé dès la période Archaïque14 et qu’il ait pu réapparaître dans une forme diminuée au cours de la basse

époque hellénistique15, ce sont ce que l’on appelle traditionnellement les première, deuxième et

troisième Confédérations béotiennes qui serviront ici de trame chronologique à cette étude. Ces trois formes du Koinon prennent place entre 447 et 172 avant J.C., et c’est cette constante institutionnelle qui donne une partie de sa cohérence à l’objet historique étudié. Avant 447, nous considérons que le processus d’unification de la Béotie n’est pas encore achevé16 et après 172, on

peut estimer que l’intégration progressive de la Béotie à l’Empire romain modifie trop en profondeur son organisation régionale. Il s’agit néanmoins de dates fixes qui, si elles font sens pour les questions politiques, doivent être envisagées avec plus de souplesse sur les autres sujets. Ainsi, pour traiter des questions économiques, cultuelles ou culturelles, seront à l’occasion considérées des sources remontant à la période Archaïque et pouvant aller jusqu’à la fin de la période hellénistique.

14 BUCK J., History of Boeotia, p. 107-121.

15 MÜLLER Chr., « A Koinon after 146 ? », p. 122-130.

16 Le choix de cette date fait sens mais comporte néanmoins une part d’arbitraire, le processus d’unification se

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L’étude des rapports qu’entretenaient les Grecs à la mer est un champ historique régulièrement renouvelé. Les Grecs et la mer, livre de Jean Nicolas Corvisier, fait figure d’ouvrage de référence sur ce sujet et ce mémoire s’y rattache à plus d’un égard — et notamment par son titre. Cependant, la mer des Béotiens ne constitue pas le grand large que pouvaient connaître la plupart des Grecs mais prend la forme d’un horizon en grande partie limité à celui des golfes qu’ils bordent. Le golfe de Corinthe et le canal d’Eubée constituent des espaces riches où les Béotiens côtoient à toutes les époques plusieurs puissances maritimes qui y ont leurs propres intérêts que ce soit l’Eubée « célèbre par ses navires »17, Corinthe et sa position sur l’Isthme, les thalassocraties

athénienne et macédonienne voire l’Étolie et ses pirates au IIIe siècle. De plus, bien que les golfes

de Corinthe et d’Eubée forment deux bras de mer débouchant sur la mer Ionienne et la mer Égée, cette communication se fait par des détroits ce qui peut compromettre l’accès des Béotiens à la haute-mer, que les Grecs appellent πέλαγος. Malgré cette situation délicate, ces golfes constituent des voies d’échanges importantes auxquelles les Béotiens sont néanmoins intégrés. Il s’agit donc de voir ici le rapport que les Béotiens pouvaient entretenir avec ces espaces maritimes, celui-ci se construisant entre marginalité et intégration, intérêts généraux et particuliers, ambitions panhelléniques et échanges culturels privés.

Pendant longtemps les historiens spécialistes de la Béotie ont ignoré ou négligé son rapport à la mer. Si des fouilles ont été entreprises sur des petits sites portuaires béotiens comme celui d’Anthédon en 188918, elles n’ont que peu influé sur la recherche historique d’alors qui ne

s’intéressait qu’aux aspects événementiels de l’histoire béotienne. Il fallut attendre la première moitié du XXe siècle pour que l’étude des ports béotiens soit envisagée. C’est William Heurtley qui

a ouvert la voie avec son article « Notes on the Harbours of South Boeotia » en 1925, où il envisage les échanges économiques que pouvait connaître la Béotie dans le golfe de Corinthe à l’époque Mycénienne en contextualisant les fragments de céramiques trouvés dans les sites portuaires. Si cet article sort de la période étudiée, il a une influence certaine sur la recherche ultérieure et doit à cet égard être relevé.

C’est ensuite en 1933 que Gustave Glotz, dans son article « Un Carthaginois à Thèbes en 365 avant J.C », met en relation un décret de proxénie honorant un Carthaginois avec la politique navale d’Épaminondas. C’est ce même sujet qui est développé plus en profondeur par Franco Carrata-Thomes près de 20 ans plus tard avec son Egemonia Beotica e potenza marittima nella politica de

17 Homère, Hymne à l’Apollon Délien, v. 31 et 219.

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Epaminonda publié en 1952. L’année suivante, Pierre Salmon consacre une partie de son article

« L’Armée fédérale béotienne » au fonctionnement de la flotte et du navarque. C’est donc par le biais du champ politique et militaire que la mer est rentrée dans le domaine des études béotiennes.

Il faut attendre une nouvelle génération de chercheurs pour que l’approche maritime de la Béotie soit renouvelée. Paul Roesch s’est intéressé pendant plus de trente ans à des aspects variés de l’histoire béotienne, principalement par le biais de l’épigraphie. On peut notamment relever son

Thespies et la Confédération béotienne en 1965 où il aborde entre autres la question de certaines

magistratures civiques liées à la mer et ses Études Béotiennes en 1983 qui se présentent comme une synthèse hétérogène des multiples sujets de recherche auxquels il s’est consacré. Denis Knoepfler, en tant qu’épigraphiste spécialiste de la Béotie et de l’Eubée, s’est quant à lui intéressé dans plusieurs articles aux ports de part et d’autre du golfe Euboïque, et notamment leurs échanges19.

Aujourd’hui, on voit de nombreux chercheurs influencés par Paul Roesch et Denis Knoepfler s’intéresser à des sujets divers touchant à l’histoire béotienne à l’image de John Michael Fossey, Fabienne Marchand, Christel Müller et dont les plus jeunes représentants sont Yannis Kalliontzis, Thierry Lucas ou Samuel Gartland notamment. Tous mettent largement à profit l’épigraphie et peuvent ainsi aborder des thématiques maritimes à l’occasion. La mer n’est cependant jamais au centre de leurs préoccupations ce qui laisse de nombreuses questions dans l’ombre qu’elles soient économiques, culturelles ou cultuelles. De plus lorsque des spécialistes de l’histoire événementielle abordent la politique navale béotienne20 ce n’est souvent que dans le cadre

du programme naval d’Épaminondas qui, s’il en est l’exemple le plus éclatant, n’est pas un épisode isolé. De fait, c’est ce vide historiographique qui donne sa légitimité à ce sujet.

La Béotie est indéniablement une puissance continentale. Mais que ce soit dans les questions politiques, économiques ou sociétales, la mer n’apparaît jamais totalement délaissée, en raison même de la situation géographique de la Béotie. La mer est une réalité du paysage béotien et par conséquent, elle est également présente dans la vie de ses habitants. Notre objectif sera de comprendre comment les Béotiens se sont adaptés à la mer, comment ils vivent avec mais aussi vivent d’elle, et dans quelle mesure ils ont souhaité mettre à profit leur position maritime. En somme, retrouver tout ce qui fait de la Béotie un pays maritime.

Pour répondre à cette problématique, ce mémoire s’organise en trois parties thématiques :

- La première est purement géographique et vise à étudier le littoral béotien plus en détail,

son intégration à l’intérieur du pays et ses liens avec l’extérieur.

19 Voir notamment Hyettos de Béotie en 1976 ou « Inscriptions de Béotie Orientale » en 1986.

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11 - La deuxième partie s’attache à développer les questions culturelles, cultuelles et

économiques. Le but est de retrouver la mer dans la vie et la mentalité des Béotiens en remontant notamment à la période Archaïque.

- La dernière partie vise à retrouver la politique maritime de la Confédération béotienne de

447 à 172.

Cela étant dit, il s’agit désormais d’aborder la question des littoraux béotiens, ce qui constitue notre trame de fond.

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Introduction

Selon les mots d’Éphore21, la Béotie est « baignée de trois mers », particularité qui, selon le

même auteur, la prédisposerait à l’hégémonie et serait donc une de ses forces. Pourtant, la Béotie, loin d’être un pays maritime, ne présente aucune cité de première importance le long du littoral et ne connut jamais de migration importante visant à se rapprocher de la mer. Quelques cités importantes disposent d’un port — à l’image de Thespies ou de Tanagra — mais celui-ci apparaît trop éloigné pour qu’on ait pu vouloir le rattacher à la ville par des Longs Murs comme cela pu être le cas à Athènes, Corinthe ou Mégare22. Ainsi, s’il y a de nombreux sites qui bordent le rivage,

l’essentiel de la population béotienne habite en réalité l’intérieur des terres23.

Pour mieux comprendre cette situation, il est nécessaire d’exposer brièvement la géographie béotienne. À l’image du reste de la Grèce, la Béotie est un pays montagneux mais elle se distingue de ses voisins par de vastes plaines fertiles. L’exemple le plus notable est assurément Thèbes au cœur de la plaine Ténérique, à l’est du pays, tandis que l’ouest de la Béotie est caractérisé par le lac du Copaïs avec Orchomène au nord-ouest de celui-ci. À partir de ces espaces, il est malaisé de rejoindre la mer, justement parce que des paysages montagneux les en séparent :

- Le sud de la Béotie est marqué par le massif de l’Hélicon dont le sommet culmine à plus de 1700m (le plus haut de Béotie). L’accès au golfe de Corinthe depuis Thèbes ou Thespies n’est possible qu’en passant par des routes de montagne et des vallées. On débouche alors sur les trois baies qui constituent le littoral béotien méridional, avec d’est en ouest la baie de Livadostra, la baie de Dombraina — toute en longueur – et enfin la rade de Sarandi. - La côte béotienne donnant sur la façade nord du canal d’Eubée est certainement d’accès

encore plus difficile, celle-ci étant séparée du centre de la Béotie par une succession de monts (le Messapion, le Ptoion) et de lacs (le Copaïs, le Paralimni). La côte, qui a néanmoins l’avantage d’être relativement proche de Thèbes, prend ici la forme d’une étroite plaine coincée entre les montagnes et la mer. À l’ouest de celle-ci, se trouve la profonde baie de Skroponéri tandis qu’à l’est on atteint l’Euripe sans difficulté.

- La côte béotienne qui s’étend au sud de l’Euripe est la seule qui soit facile d’accès. La plaine Ténérique rejoint le littoral par des petites collines et on y voit notamment Tanagra, une

21 Strabon, IX, 2, 2.

22 GARTLAND S. D., Geography and History in Boiotia, p. 51, n. 150. 23 GARTLAND S. D., ibid. p. 51.

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cité de taille moyenne qui dispose d’un bon port sur cette côte. L’ensemble de la côte est constitué de plages et ce n’est qu’à proximité de l’Euripe que l’on trouve des baies bien protégées.

Œuvre non reproduite par respect du droit d’auteur

La Béotie

24

Le but étant ici de contextualiser les littoraux béotiens au sein de la région, les sources pour traiter cette question apparaissent variées. Pour ce qui est des sources littéraires, Strabon et Pausanias sont en toute logique les deux auteurs les plus utilisés. Strabon, géographe contemporain d’Auguste, traite de la Béotie dans la deuxième partie du livre IX de sa Géographie et s’attache notamment à décrire le littoral bordant le canal d’Eubée. Pausanias, au IIe siècle, dédie le neuvième

livre de sa Périégèse à la Béotie dont il décrit dans leur plus grande proportion les côtes. Ces deux auteurs constituent les principaux témoignages sur la géographie de la Béotie ancienne mais d’autres seront aussi utilisés tels que Dionysios fils de Calliphon qui a écrit un poème géographique dans lequel il traite de la côte béotienne de Délion à Anthédon ou Hérakleidès le Critique (ou le Crétois) dont la périégèse traite de ports béotiens.

En parallèle de ces sources littéraires, il sera utile de relever ce que nous apprend l’archéologie des sites portuaires béotiens. Il est rare que ces sites aient fait l’objet de fouilles extensives, soit que l’habitat moderne l’en empêche, soit qu’il y ait eu peu d’intérêt porté sur eux. Les vestiges en surface constituent néanmoins des sources non négligeables, notamment pour ce qui est du bâti portuaire qui est parfois visible25 et de façon générale, la Béotie fait l’objet de

24 BALADIÉ R., Strabon Géographie IX, Cartes (hors texte). Carte modifiée personnellement. 25 C’est par exemple le cas à Siphai.

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chantiers internationaux de plus en plus nombreux ce qui s’applique également aux sites portuaires26.

Enfin, dans la mesure où nous aborderons principalement des questions géographiques dans cette partie, nous pouvons également considérer comme sources les récits d’observateurs modernes en prenant en compte les possibles évolutions géologiques liées au temps. En ce sens, on peut notamment relever le témoignage de William Martin qui a parcouru la Béotie dans la première moitié du XIXe siècle ou, bien plus récemment, Rod Heikell qui est l’auteur d’un guide

de navigation en eaux grecques constituant une référence chez les plaisanciers.

Dans cette étude du littoral béotien nous aborderons dans un premier temps les eaux béotiennes et les questions liées à leur navigation, puis, plus longuement, nous analyserons en détail les ports qui constituent ce littoral pour finir par les ports voisins, auxquels sont liés les Béotiens.

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I Les mers béotiennes

Quelles sont les caractéristiques de ces trois golfes auxquels les Béotiens ont accès ? Le golfe de Corinthe, au sud de la Béotie, prend la forme d’un bras de mer de 130 kilomètres de long et jusqu’à 32 kilomètres de large, se terminant en impasse à l’est. Dans sa partie occidentale, le golfe se resserre en un détroit de moins de trois kilomètres de large à proximité de Naupacte avant de s’ouvrir au-delà sur le golfe de Patras et la mer Ionienne. Dans leur ensemble, les littoraux du golfe sont parsemés de montagnes se jetant directement dans la mer à l’image de ce que l’on voit en Béotie. Les vents étésiens viennent principalement de l’ouest même s’ils peuvent souffler de l’est ou du nord-est27. Le golfe met en relation de nombreuses régions de Grèce, à savoir l’Achaïe dans

le Péloponnèse, et au nord l’Étolie, la Locride occidentale et la Phocide. La Béotie se situe au fond du golfe, où elle dispose d’un littoral d’une vingtaine de kilomètres de long à vol d’oiseau, dans une poche que l’on appelle parfois mer Alcyonnide comprenant la Béotie au nord, la Mégaride à l’est et la péninsule de Pérachora au sud, et au-delà de laquelle se situe la cité de Corinthe. On y trouve également quelques îles inhabitées. La navigation peut se révéler ardue, sujette à des tempêtes violentes, comme en a fait les frais Pausanias à proximité du port de Creusis28. On navigue

néanmoins toujours à vue et les navigateurs étant nombreux, les dangers devaient être bien connus et maîtrisés. Le golfe est traversé par une route maritime majeure qui permet de relier l’Italie et la Grande Grèce à Corinthe. Celle-ci est assurément la cité la plus importante du golfe auquel elle donne son nom car constituant l’accès le plus facile pour rejoindre le golfe Saronique en traversant l’Isthme. L’essentiel des routes maritimes du golfe conduisent ainsi à Corinthe mais on peut également relever d’autres cités majeures telles que Sicyone, sa voisine, Naupacte, à l’entrée du détroit, le sanctuaire de Delphes avec son port de Kirra, ou Mégare qui y dispose de quelques ports.

27 HEIKELL R., Grèce – Mer Ionienne, p. 156. 28 Pausanias, IX, 32, 1.

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18 Œuvre non reproduite par respect du droit d’auteur

Les golfes de Corinthe et de Patras

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Œuvre non reproduite par respect du droit d’auteur

La mer Alcyonide (avec la Béotie au nord

)30

29 HEIKELL R., Grèce – Mer Ionienne, p. 157. 30 HEIKELL R., Grèce – Mer Ionienne, p. 173.

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À l’opposé du golfe de Corinthe, la Béotie donne sur le canal d’Eubée, un bras de mer séparant la Grèce continentale de l’île d’Eubée et faisant environ 130 kilomètres de long. Il s’agit également d’une route commerciale majeure entre le nord et le sud de la Grèce. En effet, passer par le versant oriental de l’île d’Eubée implique une navigation difficile, le long d’une côte inhospitalière et comptant peu d’abris31 alors que le canal d’Eubée comporte de nombreux sites

bien protégés, notamment dans son côté continental, Béotie comprise. La meilleure façon de naviguer en Égée se faisant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, le canal d’Eubée est communément traversé du nord au sud32 et il s’agissait donc de la voie principale pour se rendre

de Macédoine vers l’Attique.

L’entrée dans la partie nord du golfe d’Eubée se fait par un bras de mer que l’on appelle aujourd’hui chenal d’Oreil. Il sépare l’Eubée de la Thessalie et fait une trentaine de kilomètres de long pour se réduire fréquemment à moins de quatre kilomètres dans sa largeur et il est donc facilement contrôlable par les cités qui le bordent, la plus importante étant Histiée/Oréos. Il permet également d’accéder au golfe Pagasique où est fondée Démétrias au IIIe siècle. Le chenal débouche

finalement sur le golfe Maliaque, puis continue le long de la Locride orientale jusqu’en Béotie. Le

meltem souffle du nord et permet de naviguer sans problème dès le printemps mais pendant l’hiver,

de violentes tempêtes peuvent survenir dans le canal33. Là encore, la Béotie dispose d’une vingtaine

de kilomètres de littoral. La navigation le long des côtes béotiennes ne paraît pas dénuée de risques comme le montre un épisode malheureux que connut Antigone Dôsôn34. Celui-ci, naviguant avec

sa flotte au large de Larymna, est frappé par un reflux extraordinaire (« παραδόξου γενομένης ἀμπώτεως ») et ses navires échouèrent sur le rivage. Les courants pouvaient donc être violents comme les coups de vent et on peut d’ailleurs noter que le niveau de l’eau a augmenté d’au moins 1, 50 mètres depuis la période hellénistique35.

31 BRESSON A., L’économie des cités grecques II, p. 165 32 GARTLAND S. D., Geography and History in Boiotia, p. 50. 33 HEIKELL R., Grèce – Mer Égée, p. 129.

34 Polybe, XX, 5, 7.

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20 Œuvre non reproduite par respect du droit d’auteur

Le golfe Euboïque nord

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En naviguant vers le sud, le golfe d’Eubée se resserre pour former le détroit de l’Euripe, entre la Béotie et la cité eubéenne de Chalcis. Celui-ci faisait environ 60 mètres de large37 et était

réputé pour ses marées. En effet, pour chaque lunaison, il y a 22 ou 23 jours où l’Euripe fait l’objet de marées normales et où le courant change de sens toutes les six heures. En revanche, lorsque la lune est dans son premier quartier, pendant trois jours l’Euripe est touchée par des marées bien plus nombreuses avec son courant qui change de sens sept fois par jour et par nuit et cela se reproduit pendant encore trois jours lors du dernier quartier de la lune. Ce phénomène, qui reste encore aujourd’hui mal expliqué38, intéressait déjà beaucoup les anciens39. Il semble que les marées

de l’Euripe, malgré leur force accentuée par l’étroitesse du détroit, n’ont pas constitué un obstacle

36 HEIKELL R., Grèce – Mer Égée, p. 147.

37 Strabon, IX, 2, 2 parle d’un pont de deux plèthres de long reliant les deux berges.

38 Il s’explique vraisemblablement par la superposition de multiples facteurs à savoir le mouvement de la lune

au-dessus de l’Égée, la position de l’Euripe au sein du canal d’Eubée ainsi que sa latitude, la forme du canal et le fait que ses deux parties soit interconnectées par la mer Égée. Le mouvement des marées dans l’Égée atteindrait le canal d’Eubée par son entrée nord et sud mais la longueur inégale des deux bras de mer fait que l’Euripe est touchée par des mouvements de flux et reflux inversant le courant successivement. Voir AIGINITIS D., Le problème de la marée de l’Euripe.

39 Strabon, I, 3, 12 décrit ce phénomène tandis que Socrate, chez Platon (Phédon, 90), compare les

(23)

21

important pour les navigateurs40 qui pouvaient, en étant prudents, rejoindre facilement la partie sud

du canal d’Eubée.

Œuvre non reproduite par respect du droit d’auteur

Le détroit de l'Euripe

41

En poursuivant vers le sud, on trouve un détroit un peu plus large, le Sténo, à proximité du port béotien d’Aulis, où ici le niveau de la mer a reculé42. La côte béotienne se poursuit sur environ

15 kilomètres, avant de laisser place à l’Oropie et enfin à l’Attique. Le golfe s’ouvre alors sur la mer Égée au niveau de la plage de Marathon. Il ne semble pas que cette partie ait présenté des difficultés de navigation notable.

40 GARTLAND S. D., Geography and History in Boiotia, p. 48. 41 BAKHUIZEN S. C., Salganeus and the fortifications, p. 134. 42 GHILARDI M. « Geoarchaeology of Ancient Aulis », p. 2080.

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22 Œuvre non reproduite par respect du droit d’auteur

Le golfe Euboïque sud

43

Les Béotiens bordent ainsi deux littoraux indépendants mais qui constituent tous deux des voies de navigation importantes dans le monde grec. Au-delà de ce dynamisme, il faut surtout relever que les Béotiens partagent avec Chalcis le contrôle de l’Euripe, une position à l’intérêt stratégique majeur. Il s’agit maintenant de voir plus en détail les cités qui composent ces littoraux.

(25)

23

II Les ports béotiens

Nous allons ici présenter successivement les ports béotiens bordant les deux golfes. Pour ce faire, nous aborderons d’abord les sites portuaires du golfe de Corinthe, d’est en ouest puis ceux du canal d’Eubée, en suivant la même direction, comme aurait pu le faire un ancien périégète44.

La Béotie et la mer

44 C’est d’ailleurs le trajet que fit Pausanias le long du golfe de Corinthe et celui que fit Dionysios fils de

(26)

24

A- Le golfe de Corinthe

La Béotie dispose d’environ 20 kilomètres de littoral à vol d’oiseau sur le golfe de Corinthe. Cette côte est divisée en trois baies, avec d’est en ouest : la baie de Livadostra avec le port de Creusis, celle de Domvrena où se trouvent Siphai et Thisbé et enfin la rade de Sarandi avec Chorsiai.

Creusis

Sur la côte béotienne donnant sur le golfe de Corinthe, au fond de la baie de Livadostra et sur l’emplacement de l’actuelle Livadostro45, se trouve le site antique de Creusis qui servait de port

à la cité de Thespies. Il s’agit du site le plus oriental de Béotie et par conséquent le plus proche de la Mégaride.

45 Livadostra désigne le nom de la baie alors que Livadostro désigne le nom de la rivière qui débouche dans la

baie. Les deux noms peuvent indéfiniment désigner le village qui se situe à l’embouchure de la rivière, sur la baie.

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25 Œuvre non reproduite par respect du droit d’auteur

Creusis et la région de Thespies

46

1) Données topographiques

Creusis prend place à l’embouchure de la rivière Oeroé — aujourd’hui appelée Livadostro —, entre le mont Korombili à l’ouest, qui le sépare de Siphai et du Cithéron à l’est, au-delà duquel se trouve Aigosthènes. L’étroite vallée ainsi formée se termine par une petite plaine triangulaire avec une plage d’un kilomètre de long : c’est dans cet espace que se trouvait Creusis. Aujourd’hui, la plage apparaît encore encadrée par deux anciens ouvrages défensifs avec à l’ouest, les vestiges d’une forteresse classique au sommet d’une acropole alors qu’à l’autre extrémité de la plaine apparaît encore visible une tour médiévale dressée sur une petite colline. Les découvertes archéologiques ont été faites en très grande majorité autour de ces deux éléments étant donné que la plaine jouxtant la plage est couverte de maisons modernes47.

46 FOSSEY J. M., Topography and Population of Ancient Boiotia, p. 134. 47 FARINETTI E., Boiotian Landscapes, Appendix I9, p. 12.

(28)

26

Ces fouilles indiquent que le site de Creusis était occupé de façon continue entre la période préhistorique et l’époque romaine tardive mais que les deux sites ont été utilisés successivement : sur le site de la tour médiévale, les découvertes, notamment de céramiques, datent de l’Helladique ancien, moyen et récent, puis de l’époque archaïque, classique, hellénistique et romaine48. Autour

de la forteresse classique, le matériel trouvé indique une présence qui remonte à l’époque archaïque et couvre la période classique et hellénistique jusqu’à une période romaine tardive.

Le site de Creusis lui-même devait prendre la forme d’un village présentant un réel habitat groupé sous forme nucléaire49, collé ou à proximité de la mer, et donc en contact direct avec son

port50. Le village disposait d’assez d’espace à l’arrière de la plaine pour s’adonner à l’agriculture51

tandis que les monts alentours sont propices aux pâturages. Pausanias, qui a vraisemblablement personnellement visité Creusis, explique qu’il n’y a aucun monument public notable dans le port52.

Il semble que Creusis n’a jamais été indépendante ni autonome53 et qu’elle a donc toujours

été intégrée à une cité plus importante qui est Thespies la plupart du temps. Aucune source ne parle de Creusis comme d’une cité et plusieurs auteurs tardifs la décrivent comme étant le port de Thespies : c’est le cas de Pausanias54, ou de Strabon55. Si ce sont des sources d’époque romaine, il

est avéré que le contrôle qu’exerçaient les Thespiens sur Creusis devait être fort à l’époque hellénistique étant donné qu’à la fin du IIIe siècle, au temps de la Troisième Confédération

béotienne, Thespies nommait des magistrats pour l’administration du port de Creusis56. À l’époque

classique, le contrôle qu’exerçait Thespies sur le littoral béotien apparaît plus étendu encore étant donné qu’elle disposait de Siphai57, port plus éloigné, et devait de fait également contrôler Creusis.

Les seuls moments où Creusis ne devait plus dépendre de Thespies étaient ceux où cette dernière perdait elle-même toute liberté au profit de Thèbes comme ce fut le cas à la fin du IVe siècle ou au

temps de l’hégémonie thébaine. Creusis devait alors connaître le même sort que sa puissante voisine et tomber dans le territoire thébain. Ainsi, les bouleversements territoriaux qui accompagnaient les passages de la première à la deuxième forme du Koinon ou de la deuxième à la troisième, ne devaient

48Ibid.

49 FARINETTI E., Boiotian Landscapes, p. 163. 50 BONNIER A., Coastal Hinterlands, p. 56. 51 FARINETTI E., Boiotian Landscapes, p. 163.

52 ΙΧ, 32, 1 : τοῖς δὲ ἐν Κρεύσιδι, ἐπινείῳ τῷ Θεσπιέων, οἰκοῦσιν ἐν κοινῷ μέν ἐστιν οὐδέν. 53 ROESCH P., Thespies, p. 55.

54 IX, 32, 1. 55 IX, 2, 14.

56 Comme l’indique la présence des λιμέναρ[χυ] ἐν Κρεῦσ[ι]ν de la « stèle des magistrats de Thespies »

(IThesp, n°38).

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27

jamais toucher l’autonomie de Creusis qui ne faisait que basculer de la prédominance thébaine à celle de Thespies.

Œuvre non reproduite par respect du droit d’auteur

Le site de Creusis

58

2) Situation maritime

La baie de Creusis est généralement présentée comme mauvaise pour la navigation car très exposée aux vents violents. En effet, ouverte en direction du sud, la baie se trouve dans le prolongement direct de la vallée séparant le Korombili du Cithéron et est donc sujette à de puissants vents de couloirs venant des hauteurs. W. A. Heurtley, qui a décrit les ports de la côte sud de la Béotie en 1923, a rencontré ces difficultés en navigant dans la baie et rapporte les grandes variations

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28

climatiques qui touchent la zone59. Dès l’Antiquité, ces phénomènes étaient déjà présents, signe

qu’ils ne sont pas dûs à une évolution naturelle du milieu. Pausanias explique que le voyage depuis le Péloponnèse jusqu’à Creusis est venteux et agité, qu’il est impossible de faire le trajet en ligne droite étant donné que des caps jaillissent de l’eau et qu’en plus le vent souffle depuis les montagnes60 — ce qui rend effectivement plus difficile un voyage vers Creusis depuis le sud. Un

épisode célèbre rapporté par Xénophon expose comment l’armée spartiate de Cléombrote emprunta la route terrestre venant de Thespies et fut surprise par une tempête alors qu’elle était en haut de la montagne qui surplombe Creusis, le vent faisant alors dégringoler les ânes chargés de matériel et jetant dans la mer les armes et boucliers des soldats61.

Alors que ces récits laisseraient entendre que Creusis est un port trop mauvais pour être utilisé, il n’en est rien, les habitants ayant vraisemblablement appris à éviter ces dangers dans leurs navigations et il apparaît même que le site a été largement exploité au cours de la période antique. Le fait que Creusis a été continuellement occupé de la période archaïque à la période romaine constitue déjà un indice révélateur de l’intérêt que pouvait représenter le site pour les Béotiens et notamment son port.

La présence de la forteresse traduit également l’importance du port à l’époque classique. Celle-ci constitue la trace la plus visible d’une occupation antique dans la baie de Livadostra et se trouve sur l’extrémité ouest de la plage. Elle a été amplement étudiée par Fossey et Gauvin et nous renverrons donc à leur étude pour ce qui relève de la description de la forteresse62. La forteresse se

trouve sur une petite colline qui domine de 30 à 40 mètres la plaine environnante. Elle prend la forme d’un losange écrasé de 110 m dans son axe principal nord-est/sud-ouest pour un périmètre de plus de 300 m63, et dont l’extrémité sud-ouest s’achève au niveau de la mer.

Il y aurait deux entrées dans la forteresse, une première au sud-ouest — parfaitement visible aujourd’hui — permet d’accéder à ce qui serait le port antique, du côté opposé à la plaine. Une autre porte sur le côté nord-ouest et faisant face à la première est décrite par Paul Roesch64 qui a

59 HEURTLEY W.A., « Notes on the Harbours of S. Boeotia », p. 39 : « It was my experience to witness both

the windless and almost unnatural calm which gave this sea its name, and one of the storms which made it notorious in antiquity ».

60 IX, 32, 1 : πλοῦς δὲ ἐς Κρεῦσίν ἐστιν ἐκ Πελοποννήσου σκολιός τε καὶ ἄλλως οὐκ εὔδιος· ἄκραι τε γὰρ

ἀνέχουσιν ὡς μὴ κατ’ εὐθὺ τῆς θαλάσσης πε-ραιοῦσθαι καὶ ἅμα ἐκ τῶν ὀρῶν καταπνέουσιν ἄνεμοιβίαιοι.

61Hell., V, 4, 16-18

62 FOSSEY J.M., GAUVIN G., « Livadhostro : Un relevé topographique des fortifications de l’ancienne

Kreusis ».

63 Ibid., p. 77

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29

visité la forteresse mais elle est aujourd’hui introuvable, car une route moderne a été construite sur son emplacement, entraînant sa destruction ainsi que celle d’une partie de la muraille65.

Le port devait se trouver à proximité immédiate de la forteresse, certainement à l’ouest de cette dernière comme l’indique Roesch qui y a vu les traces d’un quai antique66. Si Fossey et Gauvin

ne sont pas parvenus à retrouver ce quai, ils admettent néanmoins que la plage à l’ouest de la forteresse est plus propice à accueillir les navires que la partie de la plaine, à l’est, où l’embouchure du fleuve Livadostro rend la zone marécageuse67. Selon l’hypothèse de Roesch, la présence de la

forteresse doit directement être liée à l’arrivée des navires dans le port68. En effet, toute personne

arrivant à Creusis sur ce quai occidental se voyait contrainte de passer par l’intérieur de la forteresse pour le paiement des douanes. La forteresse disposant de plus de trois tours, il est très facile de contrôler les navires au mouillage comme le reste de la baie69.

Cet aspect militaire de Creusis n’est en effet pas à négliger et on voit qu’à plusieurs reprises au cours de son histoire, le port a servi à accueillir des flottes de guerre plus ou moins importantes. C’est ainsi que l’on voit 12 trières béotiennes stationnées à Creusis en 371, peu de temps avant la bataille de Leuctres70 ou même au cours de la troisième guerre de Macédoine, où le port apparaît

largement mis à profit par les Romains qui y stationnent leurs navires une première fois en 17171 et

une deuxième fois au printemps 169. Cette deuxième fois est particulièrement intéressante car il y est question d’une flotte assez importante pour transporter 5 000 hommes qui serait stationnée à Creusis72. Ce dernier épisode mérite plus d’attention car il permet par extension d’avoir un ordre

d’idée des capacités du port. Voici le passage qui nous est utile :

Principio veris, quod hiemem eam, qua haec gesta sunt, insecutum est, ab Roma profectus Q. Marcius Philippus consul cum quinque milibus militum, quos in supplementum legionum secum traiecturus erat, Brundisium pervenit. M. Popilius consularis et alii pari nobilitate adulescentes tribuni militum in Macedonicas legiones consulem secuti sunt. Per eos dies et C. Marcius Figulus praetor, cui classis provincia evenerat, Brundisium venit; et simul ex Italia profecti Corcyram altero die, tertio Actium, Acarnaniae portum, tenuerunt. Inde consul ad Ambraciam egressus itinere terrestri petit Thessaliam ; praetor superato Leucata

65 FOSSEY J.M., GAUVIN G., op. cit., p. 82. 66 ROESCH P., Thespies, p.219.

67 FOSSEY J.M., GAUVIN G., op. cit, p. 79. 68 ROESCH P., Thespies, p. 219.

69Ibid.

70 Xen., Hell., VI, 4, 3. 71 Tite-Live XLII, 56, 5. 72 Tite-Live, XLIV, 1, 1-5.

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30

Corinthium sinum invectus et Creusae relictis navibus terra et ipse per mediam Boeotiam— diei unius expedito iter est—Chalcidem ad classem contendit.

Et sa traduction :

« Au début du printemps qui suivit l’hiver où ces événements eurent lieu, le consul Q. Marcius Philippus partit de Rome avec 5 000 soldats, soit l’effectif qu’il avait l’intention d’emmener avec lui pour renforcer ses légions, et parvint à Brindes. M. Popilius, ancien consul, et d’autres jeunes gens d’une égale noblesse suivirent le consul pour servir dans les légions de Macédoine en qualité de tribuns militaires. À ce moment arriva aussi à Brindes le préteur C. Marcius Figulus à qui le commandement de la flotte avait été dévolu ; partis en même temps d’Italie, ils gagnèrent Corcyre le lendemain et Actium, port d’Acarnanie, le surlendemain. Parti de là pour Ambracie, le consul se rendit en Thessalie par la voie de terre ; le préteur, ayant doublé le cap Leucas, passa par le golfe de Corinthe et, laissant ses navires à Créusis, prit lui aussi la voie de terre qui traverse la Béotie — le trajet ne dure qu’un jour pour un voyageur sans bagages — et rejoignit sa flotte à Chalcis. »

Les seules informations dont nous disposons sur cette flotte est qu’elle contenait 5 000 hommes73. Si l’on admet que ces troupes ont été transportées sur des quinquérèmes, navires

typiques de la flotte romaine au temps des Guerres Puniques, et que l’on se fie à Polybe qui indique qu’une quinquérème comprend 300 rameurs et 120 fantassins74, alors on peut estimer le nombre

de navires impliqués dans l’opération. Soit les 5 000 hommes ne constituent que les fantassins embarqués sur les navires et il aurait alors fallu une quarantaine de quinquérèmes pour les transporter75, soit ces renforts comprennent également les rameurs et il n’aurait alors fallu qu’une

dizaine de navires pour faire le trajet76. Il est difficile de préférer une possibilité à l’autre. Le port

de Creusis aurait donc eu les capacités de contenir au minimum une dizaine de quinquérèmes, et au maximum une quarantaine de quinquérèmes, tout en gardant à l’esprit que ces nombres restent très hypothétiques et peuvent varier suivant le type de navires envisagés.

73 Tite-Live disait que le Sénat comptait envoyer 6 000 fantassins et 250 cavaliers en renforts (XLIII, 12, 3). 74 Polybe I, 5, 7-8.

75 5 000/120 = 41,6. 76 5 000/420 = 11,9.

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31

Si la baie peut se montrer agitée et donc impropre au stationnement de tant de navires, Heurtley indique avoir vu une digue antique lors de son passage sur le site de Creusis dans les années 192077. Le port aurait donc connu des aménagements importants au cours de l’Antiquité,

signe de son importance pour les Béotiens.

3) Communications avec l’intérieur de la Béotie

Comme le montre bien l’épisode de la retraite de Cléombrote, la route qui relie Creusis à l’arrière-pays peut s’avérer difficilement praticable78. Plusieurs observateurs79 rappellent le caractère

isolé de Creusis, séparé du reste de la Béotie par des hauteurs. La principale route partant de Creusis devait rejoindre Thespies en passant par la petite ville d’Eutrésis. Selon Farinetti80, il faudrait

environ trois heures de marche pour faire le trajet entre Thespies et Creusis, ce qui fait du port le lieu le plus reculé du district de Thespies. Heurtley a vraisemblablement identifié la route antique qui séparait les deux sites et qui suit dans sa partie basse le cours de l’Oeroe avant de s’élever et de passer par une gorge ou se trouve une autre petite rivière puis de rejoindre la vallée de l’Asopos par une crête81. Cette route est toujours en grande partie praticable aujourd’hui et son utilisation antique

est attestée par la présence d’une tour hellénique dans la gorge82. Si la route est peu aisée aux abords

de Creusis, notamment dans la gorge, elle devient beaucoup plus facile une fois cette dernière dépassée83. Il est assuré que la route pouvait être utilisée par des ânes comme on peut le voir dans

l’expédition de Cléombrote84 et elle devait même être empruntée par des véhicules car c’était encore

le cas à l’époque ottomane85. Platées apparaît facilement accessible depuis Creusis — le trajet était

plus aisé que celui qui reliait le port à Thespies — et les Platéens devaient également profiter de ce port pour leurs affaires maritimes.

77 HEURTLEY W.A., « Notes on the Harbours of S. Boeotia », p. 40. 78 Xen., Hell., VI, 4, 3.

79 C’est notamment l’opinion de BUCKLER J. (The Theban Hegemony, p. 162), qui soutient que Creusis,

comme les autres ports méridionaux de Béotie, se trouve aux pied de montagnes limitant les communications avec l’intérieur.

80 FARINETTI E., Boiotian Landscapes, p. 163.

81 HEURTLEY W.A., « Notes on the Harbours of S. Boeotia », p. 39. 82Ibid.

83 BONNIER A., Coastal Hinterlands, p. 56. 84 Xen., Hell., VI, 4, 3.

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32

Le fait que les Romains utilisent fréquemment le port de Creusis pour stationner leurs navires en Grèce centrale indique bien que le port n’est pas aussi isolé que le laissent entendre Xénophon ou des commentateurs modernes. En occupant Creusis, les Romains cherchaient un port assez vaste pour stationner des navires en nombre important mais également un port à partir duquel l’intérieur de la Béotie pouvait facilement être atteint et surtout Chalcis, leur base en Grèce centrale. Comme l’indique bien Tite-Live86, le trajet entre Creusis et Chalcis pouvait être fait en

moins d’une journée par des soldats légèrement équipés et le désagrément de la route paraît bien moindre en comparaison de la proximité d’accès des sites importants de Grèce centrale.

Des petites routes permettant de rejoindre les sites côtiers voisins de Siphai et d’Aigosthènes existent également. Celles-ci sont en revanche très difficiles et ne devaient être utilisées qu’occasionnellement, notamment par qui voulait longer la côte.

Si Creusis apparaît à première vue comme un port béotien assez inhospitalier, il dispose en réalité de qualités notables qui surpassent ses défauts (vents violents, route pénible…). Décrit par Pausanias87 comme étant le port de la cité de Thespies, il s’agit de l’un des ports béotiens les plus

importants sur le golfe de Corinthe. C’est d’ailleurs le seul port béotien de cette côte qui soit mentionné par Strabon88 et il ne faut donc pas surévaluer son importance. Bien qu’utile, Creusis

reste un port de taille bien modeste sur le golfe de Corinthe, surtout en comparaison avec Léchaion qui est à proximité.

86 XLIV, 1, 5. 87 IX, 32, 1. 88 IX, 2, 14.

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33

La baie de Domvrena : Siphai et Thisbé

Si l’on suit le récit de Pausanias89, en partant de Creusis et en navigant vers l’ouest, on

dépasse un bras du mont Korombili pour tomber sur les ports de la baie de Domvrena, c’est-à-dire ceux des cités antiques de Siphai et Thisbé. La baie de Domvrena est une belle baie toute en longueur, fermée par une série d’îles aujourd’hui inhabitées.

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La baie de Domvrena

90

1) Description générale

La baie fait dix kilomètres de long et est bien fermée : sur sa partie est, le bras du Korombili qui la sépare de la baie de Livadhostro se termine par une courbure vers l’ouest, fermant la baie au sud également. L’extrémité ouest est clôturée par le promontoire d’Agiomachos qui prend la forme d’un L. Sur ses dix kilomètres de longueur, seuls cinq sont ainsi ouverts sur le reste du golfe de

89 IX, 32, 2-4.

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34

Corinthe, au sud, et cette entrée se trouve elle-même protégée par les trois îles de Makronèsos, Gkrompoloura et Phonias.

Dans l’extrémité est de la baie, fiché dans le bras du Korombili, le port d’Aliki se présente ouvert vers l’ouest au bord d’une plaine en croissant cerclée de hautes montagnes. C’est à cet endroit que se trouvait l’antique port de Siphai. Le site n’est pas plat mais se développe sur une pente raide allant d’ouest en est, de la mer jusqu’à une colline91. On perçoit ainsi une acropole située

sur la colline, une ville haute sur la pente, et une ville basse en bord de mer92. La muraille antique

est encore bien visible. Elle passait au nord de la ville et comportait deux portes, une dans sa partie ouest, à proximité de la plage et une autre au sommet de la colline. La ville était également fortifiée dans son côté sud avec au moins deux tours de guet, et des murs intérieurs séparant l’acropole de la ville haute, et cette dernière de la ville basse93. Cet ensemble défensif traduit un investissement

architectural extensif datant du IVe siècle.

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Les vestiges de Siphai

94

La région de Siphai est globalement peu propice à l’agriculture. Aucun cours d’eau n’est assez important pour être actif toute l’année et seuls quelques ruisseaux reprennent leur cours en hiver95. Aujourd’hui, on peut constater qu’une petite partie de la plaine est consacrée à l’agriculture

91 FOSSEY J.M., GIROUX H., « Deux sites fortifiés en Béotie du sud », p. 6. 92Ibid.

93 FOSSEY J.M., GIROUX H., « Deux sites fortifiés en Béotie du sud », p. 6. 94 FOSSEY J. M., Topography and Population of Ancient Boiotia, p. 169. 95 FARINETTI E., Boiotian Landscapes, p. 170.

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35

céréalière mais ce sont surtout des oliviers qui sont cultivés sur les versants du Korombili96. Il est

certain que dans l’Antiquité, les gens vivaient également de la pêche à Siphai dans la mesure où Aristote traite dans son Histoire des animaux des poissons pêchés dans l’étang près de Siphai97 et du

pâturage dans les montagnes alentours98.

On trouve à Siphai des traces de céramiques minyennes datant de l’Helladique moyen et d’autres de l’Helladique récent99, témoignages d’une très ancienne occupation du site. À partir de

l’époque classique, Siphai était vraisemblablement une polis qui n’eut pas toujours son autonomie ou ce que Emeri Farinetti désigne comme une proto-polis, l’agglomération n’étant pas parvenue à se développer à proprement parler comme une polis100. Au Ve siècle, Siphai était directement

rattachée à Thespies comme l’indique Thucydide101 mais elle dû acquérir son autonomie au cours

du IVe siècle, peut-être dès 386102 et de façon assurée à partir de 335. Même si Siphai avait profité

de la paix du Roi pour gagner son autonomie vis-à-vis de Thespies, elle restait néanmoins au cœur des luttes d’influence de Thespies et de Thèbes au cours des décennies suivantes. À partir de la période hellénistique, il est certain que Siphai était pleinement autonome au sein de la Troisième Confédération dans la mesure où un décret d’Aigosthènes datant de vers 200 avant J.C. parle d’une « τὰν πόλιν Σιφείων », désignant parmi ses citoyens un proxène de ceux d’Aigosthènes103.

La partie ouest de la baie relève elle du territoire de l’antique Thisbé. Il s’agit d’une cité dont les vestiges sont encore visibles sur l’emplacement de l’actuelle Kakosi (ou Thisvi), petite agglomération collée à celle de Domvréna, les deux formant un gros village. Contrairement à Creusis ou Siphai, Thisbé n’est pas collée à la mer mais coincée entre les deux montagnes de Karamunghi et Paleovouna, assez hautes pour être faiblement enneigées en hiver104, et il faut

compter une heure de marche depuis la ville pour parcourir les cinq kilomètres qui la séparent de la côte105. La cité est située en bord d’une rivière, le Parmessos (actuelle Askris) dont le cours suit

la vallée de Domvréna106. À proximité immédiate de la ville, la rivière se termine dans une petite

plaine et n’atteint donc jamais la mer, du moins pas en surface. Aucune catavothre n’est visible

96Ibid.

97Histoire des animaux, II, 8, 34, « Ὁμοίως δὲ καὶ κεστρεῖς, οἷον ἐν Σιφαῖς οἱ ἐν τῇ λίμνῃ ». 98Ibid.

99 HEURTLEY W.A., « Notes on the Harbours of S. Boeotia », p. 39. 100 FARINETTI E., Boiotian Landscapes, p. 173.

101 IV, 76, 3.

102 FEYEL M., PLATON N., « Inventaire sacré de Thespies trouvé à Chostia (Béotie) », p. 166. 103IG VII 207.

104 LEAKE W. M., Travels in North Greece, p. 506. 105 FARINETTI E., Boiotian Landscapes, p. 176. 106 FARINETTI E., Boiotian Landscapes, p. 168.

(38)

36

mais il pourrait y en avoir une cachée sous les sédiments de la vallée107. Il est intéressant de noter

qu’en hiver, le cours de la rivière croît considérablement sous les fortes pluies typiques du climat méditerranéen. Il est alors fréquent que la partie basse de la vallée soit sujette à des crues et la plaine devient alors un poljé108. Comme l’explique Pausanias, les Thisbéens avaient tenté de maîtriser ce

phénomène par une digue traversant la plaine109. Avec celle-ci, ils pouvaient repousser l’eau d’une

moitié vers l’autre afin de cultiver la moitié asséchée et faisaient l’inverse l’année suivante pour cultiver l’autre partie. C’est la seule mention que l’on ait de cette pratique à Thisbé mais on a trouvé sur place une digue de 1,2 kilomètres qui est une trace explicite de ce système110. Les techniques de

construction de la digue remontent à l’époque mycénienne mais elle a connu plusieurs séries de réparations au cours de son histoire, les plus importantes ayant vraisemblablement eu lieu au IVe

siècle111, tandis que les Thisbéens l’utilisaient encore 500 ans plus tard, au temps de Pausanias.

Un sénatus-consulte112 découvert à Thisbé et datant de 170 av J.C. se révèle très utile pour

percevoir quelles pouvaient être les autres activités des habitants. Il s’agit d’une réponse romaine à une ambassade thisbéenne à la suite d’exactions subies par la cité dans le conflit qui oppose Rome à Persée de Macédoine. Un passage nous intéresse ici particulièrement :

ὡσαύτως περὶ ὧν οἱ αὐτοὶ λόγους ἐποιήσαντο περὶ χώρας [κ]αὶ περὶ λιμένων καὶ προσόδων καὶ περὶ ὀρέων· ἃ αὐτῶν ἐγε- γ̣όνεισαν, ταῦτα ἡμ[ῶ]ν μὲν ἕνεκεν ἔχειν ἐξεῖναι ἔδο-

ξεν.

Avec sa traduction113 :

« De même, considérant ce qu'ont dit les mêmes députés au sujet du territoire, des ports et de leurs revenus, et des montagnes, il a été décidé qu'il leur serait permis de posséder, de notre chef, ce qui leur avait appartenu. »

107Ibid.

108 FARINETTI E., Boiotian Landscapes, p. 174. 109 Pausanias, IX, 32, 3.

110 CHATELAIN Th., La Grèce Antique et ses marais, p. 195-199. 111Ibid.

112IG VII 2225.

(39)

37

En partant du principe que les Romains ne s’en sont pris qu’à ce qui était digne d’intérêt à leurs yeux, c’est-à-dire ce qui revêtait un intérêt économique, on perçoit les rapports qu’avaient les Thisbéens avec leur environnement. Ces derniers exploitaient leur chôra soit la plaine environnante marécageuse, les ports dont ils tiraient des revenus (par le biais de taxes) et les montagnes qui étaient donc également exploitées, probablement pour quelques cultures mais aussi pour des pâturages.

2)

Situation maritime

Si l’on reprend ce même passage du sénatus-consulte, on voit que Thisbé ne peut être vue indépendamment de ses ports, indiqués au pluriel dans l’inscription. Aujourd’hui, la baie d’Hagios Ioannis est le port régulier de Kakosi et de Domvréna114. Le port est bien relié à Thisbé mais on

trouve également des vestiges antiques sur la petite baie voisine de Vathy, vestiges consistant en quelques murs fortifiés traversés d’une porte ainsi que d’une route suivant le lit d’une rivière115,

attestant ainsi de son ancienne utilisation.

William Leake a immédiatement associé la baie de Vathy à l’antique Thisbé par la présence de ces vestiges116 mais Heurtley a supposé que la baie d’Hagios Ioannis devait également être utilisée

dans l’Antiquité comme aujourd’hui dans la mesure où elle est très bien reliée à Thisbé117. Les

défauts de ce port sont néanmoins qu’il est d’une taille réduite, qu’il n’a pas d’eau potable et qu’il est régulièrement soumis à des vents violents qui peuvent endommager des bateaux mal amarrés118.

Le Vathy est plus sûr et il est traversé par un petit cours d’eau mais alors qu’Hagios Ioannis dispose d’assez de place pour quelques maisons, on ne trouve pas ce même espace autour du Vathy119.

En utilisant le sénatus-consulte de 170 et la mention des « ports de Thisbé », Paul Roesch a montré que les Thisbéens utilisaient les deux baies à la fin de l’époque hellénistique120 tandis que

Heurtley pensait qu’ils devaient même être utilisés depuis l’époque mycénienne. Roesch propose également que la toute petite baie de Kolpo Vathy a été utilisée comme mouillage d’attente en

114 HEURTLEY W.A., « Notes on the Harbours of S. Boeotia », p. 41. 115 BONNIER A., Coastal Hinterlands, p. 37.

116 LEAKE W. M., Travels in North Greece, p. 507.

117 HEURTLEY W.A., « Notes on the Harbours of S. Boeotia », p. 41. 118Ibid.

119Ibid.

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38

complément d’Hagios Ioannis et du Vathy étant donné qu’elle est bien protégée mais pas reliée à Thisbé. Aucun vestige ne vient cependant confirmer cette hypothèse.

Dans cette partie ouest de la baie de Domvrena, ce ne sont donc que quelques plages qui apparaissent au sein d’un paysage très rocailleux composé essentiellement de pentes raides inexploitables. Ces falaises sont remplies de pigeons sauvages comme le remarquait encore William Leake en 1835121 mais comme le notait surtout Strabon122 qui faisait ainsi le rapprochement avec

Homère dont le Catalogue des Vaisseaux parle déjà de « Thisbé, riche en colombes »123. Il faut donc

noter que Thisbé est associée à son port depuis des temps très reculés ce qui n’a rien de surprenant dans la mesure où il s’agissait d’une cité mycénienne de première importance. Le « Trésor de Thisbé » comprend de nombreux objets de luxe datant de l’Helladique récent I tandis que plusieurs fragments de poterie trouvés dans les environs remontent à l’Helladique récent III et proviennent de Mycènes ou Corinthe, des centres de production importants du XII/XIe siècle124. Ces fragments

sont ainsi les vestiges d’un commerce mycénien qui prenait place de part et d’autre du golfe de Corinthe et auquel Thisbé était associée. Le port de Thisbé, que ce soit celui du Vathy ou d’Hagios Ioannis, était donc utilisé depuis l’époque mycénienne et il dut être utilisé continuellement au cours de l’histoire de Thisbé puis de Kakosi/Domvréna.

On peut néanmoins noter qu’à l’époque impériale, Thisbé semble avoir connu un nouveau développement maritime étant donné que l’on trouve plusieurs bâtiments datant du IIIe siècle de

notre ère sur l’île de Kouveli, une petite île au centre de la baie de Domvréna et à deux kilomètres des côtes béotiennes ainsi que sur Makronisos, la plus orientale des îles fermant la baie de Domvréna125. L’intégration de ces îles aux routes commerciales maritimes ne peut que représenter

une importante activité de ces voies dans la mesure où les populations sur ces îles sont dépendantes des approvisionnements en eau depuis la Béotie126.

Dans tous les cas, les différents ports de Thisbé, s’ils sont plus ou moins protégés, restent de taille très modeste et n’ont jamais pu constituer des ports importants en Béotie alors qu’il n’en est pas de même pour Siphai, à l’autre bout de la baie.

On n’a aucun mal à identifier le port antique de Siphai qui se trouve dans la partie sud de la ville moderne d’Aliki. La muraille qui ceint la ville sur son côté nord se termine au niveau de la mer et débouche directement sur les traces du port antique. Dans le prolongement même de la

121 LEAKE W. M., Travels in North Greece, p. 507. 122 IX, 2, 28.

123Iliade, II, 502 : « τε πολυτρήρωνά τε Θίσβην ».

124 HEURTLEY W.A., « Notes on the Harbours of S. Boeotia », p. 43.

125 GREGORY T. E. « A Desert Island Survey in the Gulf of Corinth », p.17-21. 126 GREGORY T. E. « A Desert Island Survey in the Gulf of Corinth », p. 21.

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