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Sur le canal d’Eubée

Dans le document La Béotie et la mer (Page 125-128)

Drachme en argent, 244-197

2) Sur le canal d’Eubée

Ainsi, on ne retrouve aucun culte important lié à la mer qui serait pratiqué partout en Béotie et c’est sur les littoraux que l’on a le plus de traces de tels cultes. C’est notamment le cas avec Dionysos, qui, en tant que divinité réputée Béotienne — il est le petit-fils de Cadmos, roi mythique de Thèbes — est omniprésent en Béotie620. Les formes que prend son culte sont loin d’être

uniformes mais on remarque un certain nombre de particularismes dans les sites côtiers donnant sur le canal d’Eubée.

À Tanagra, Pausanias relève plusieurs traditions autour du culte de Dionysos621 :

ἐν δὲ τοῦ Διονύσου τῷ ναῷ θέας μὲν καὶ τὸ ἄγαλμα ἄξιον λίθου τε ὂν Παρίου καὶ ἔργον Καλάμιδος, θαῦμα δὲ παρέχεται μεῖζον ἔτι ὁ Τρίτων. ὁ μὲν δὴ σεμνότερος ἐς αὐτὸν λόγος τὰς γυναῖκάς φησι τὰς Ταναγραίων πρὸ τῶν Διονύσου ὀργίων ἐπὶ θάλασσαν καταβῆναι καθαρσίων ἕνεκα, νηχομέναις δὲ ἐπιχειρῆσαι τὸν Τρίτωνα καὶ τὰς γυναῖκας εὔξασθαι Διόνυσόν σφισιν ἀφικέσθαι βοηθόν, ὑπακοῦσαί τε δὴ τὸν θεὸν καὶ τοῦ Τρίτωνος κρατῆσαι τῇ μάχῃ· ὁ δὲἕτερος λόγος ἀξιώματι μὲν ἀποδεῖ τοῦ προτέρου, πιθανώτερος δέ ἐστι. φησὶ γὰρ δὴ οὗτος, ὁπόσα ἐλαύνοιτο ἐπὶ θάλασσαν βοσκήματα, ὡς ἐλόχα τε ὁ Τρίτων καὶἥρπαζεν· ἐπιχειρεῖν δὲ αὐτὸν καὶ τῶν πλοίων τοῖς λεπτοῖς, ἐς ὃ οἱ Ταναγραῖοι κρατῆρα οἴνου προτιθέασιν αὐτῷ. καὶ τὸν αὐτίκα ἔρχεσθαι λέγουσιν ὑπὸ τῆς ὀσμῆς, πιόντα δὲ ἐρρῖφθαι κατὰ τῆς ᾐόνος ὑπνωμένον, Ταναγραῖον δὲ ἄνδρα πελέκει παίσαντα ἀποκόψαι τὸναὐχένα αὐτοῦ· καὶ διὰ τοῦτο οὐκ ἔπεστιν αὐτῷ κεφαλή. ὅτι δὲ μεθυσθέντα εἷλον, ἐπὶ τούτῳ ὑπὸ Διονύσου ὅτι δὲ μεθυσθέντα εἷλον, ἐπὶ τούτῳ ὑπὸ Διονύσου νομίζουσιν ἀποθανεῖν αὐτόν.

[4] « In the temple of Dionysus the image too is worth seeing, being of Parian marble and a work of Calamis. But a greater marvel still is the Triton. The

620 On le retrouve notamment à Akraiphia, Anthédon, Chéronée, Éleuthérai, Haliarte, Copai, Creusis,

Larymna, Lébadée, Orchomène, Potniai, Tanagra, Thèbes, Thespies et Thisbé.

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grander of the two versions of the Triton legend relates that the women of Tanagra before the orgies of Dionysus went down to the sea to be purified, were attacked by the Triton as they were swimming, and prayed that Dionysus would come to their aid. The god, it is said, heard their cry and overcame the Triton in the fight. The other version is less grand but more credible. It says that the Triton would waylay and lift all the cattle that were driven to the sea. He used even to attack small vessels, until the people of Tanagra set out for him a bowl of wine. They say that, attracted by the smell, he came at once, drank the wine, flung himself on the shore and slept, and that a man of Tanagra struck him on the neck with an axe and chopped off his head. For this reason the image has no head. And because they caught him drunk, it is supposed that it was Dionysus who killed him.. »

Il est donc ici question d’un culte à Dionysos où les Tanagréennes se purifiaient dans l’eau de mer. L’inscription IG VII 550 est une dédicace à Dionysos mais elle a été trouvée dans la région de Tanagra et non pas dans la cité ce qui rend difficile son association au temple622. Plutarque

explique que la plupart des fêtes à Dionysos ont lieu la nuit623 et d’autre part qu’à Tanagra il y a une

pierre qui servait aux sacrifices nocturnes624. Il est donc possible que les fêtes de Dionysos à Tanagra

se faisaient la nuit625.

Le combat — réel ou métaphorique — entre Dionysos et le triton semble être un thème cher aux Tanagréens. Des séries de monnaies tanagréennes reprennent l’image de Dionysos au revers et l’une d’entre elles, datant du IIe siècle après J.C., nous intéresse particulièrement :

622 SCHACHTER A., Cults of Boiotia, I, p. 183. 623Quaestiones Romanae, 112.

624Quaestiones Graecae, 37.

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Aerus en cuivre de Tanagra, 138-161

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On y voit Dionysos sous un toit porté par les Atalantes627 tandis que le triton se trouve sous

Dionysos. Contrairement à la statue décrite par Pausanias, le triton de la monnaie a toute sa tête et s’il est parfois envisagé qu’il ne s’agisse donc pas du même triton, on admet communément qu’il y a au moins un lien entre ces monnaies et ce que Pausanias a vu628. Albert Schachter pense que les

deux figures de Dionysos et du triton étaient importantes à Tanagra avant que ne soit établi leur combat, peut-être au IIe siècle après J.C. Ce serait alors la présence de la mer629 qui a rapproché les

deux figures jusqu’à les associer dans une même légende : le triton est une créature marine tandis que le culte de Dionysos est lié à la mer par la purification. Le modèle du combat entre Dionysos et des figures de la mer n’est cependant pas propre à Tanagra et on retrouve ce thème dans plusieurs localités béotiennes le long du canal d’Eubée comme le relève Ernst Maas630. Celui-ci, par la

présence de la mer dans le culte dionysiaque à Tanagra, identifie la divinité vénérée à Dionysos Pélagios631, Dionysos « de la haute mer », qui protège les Tanagréens des menaces maritimes

comme le triton et dont le culte implique une purification par l’eau de mer632.

Dionysos apparaît en conflit avec d’autres « forces de la mer » sur plusieurs sites voisins. Dans la région même de Tanagra, Ernst Maas estime voir une opposition entre Dionysos et Orion fils de Poséidon, que l’on présente parfois comme un géant de la mer633, par le fait que le fils de

626BMC 60 avec la permission de Dane, de wildwinds.com. 627 SCHACHTER A., Cults of Boiotia, I, p. 184

628 SCHACHTER A., op. cit. 629 SCHACHTER A., op. cit.

630 MAAS E., ΔΙΟΝΥΣΟΣ ΠΕΛΑΓΙΟΣ, p. 70-80. 631 MAAS E., Ibid., p. 76.

632 Que l’on peut comparer avec ce que dit Plutarque (Étiologies grecques¸ 40) où il est mention d’une

purification dans la mer à Tanagra dans le cadre d’un mythe local.

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Dionysos et roi de Chios, Oenopion, ait refusé d’accorder la main de sa fille à Orion, malgré sa promesse634. Si cette légende place ce conflit à Chios, il semble que le mythe d’Orion provienne de

la région de Tanagra635 : Pausanias y visite sa tombe636 et Corinne, célèbre poétesse tanagréenne,

fait référence à lui en tant que « notre père »637.

C’est enfin à Anthédon que l’on dispose d’une dernière mention d’un duel entre Dionysos et une divinité maritime, ici Glaucos638. Athénée de Naucratis cite un certain Théoclyte de

Méthymne qui fait mention de la lutte entre Glaucos et Dionysos pour la main d’Ariadne, lutte remportée par l’Olympien639. Le temple de Dionysos à Anthédon n’est pas en relation avec la mer

mais, au contraire, tourné vers les terres, à l’extérieur de la ville640. Il paraît alors peu probable qu’il

s’agisse d’un temple à Dionysos Pélagios que l’on trouve à Anthédon. Si l’on ne trouve aucune trace concrète d’un culte spécifique à Dionysos Pélagios, il reste plausible que dans ces localités portuaires on se soit adressé à l’occasion à Dionyos en tant que maître de la mer.

L’association de Dionysos au monde de la mer ne semble pas absurde en Béotie car on la retrouve dans deux céramiques liées au banquet, et donc à Dionysos. Il s’agit d’un rhyton et d’un canthare, servant tous deux à contenir du vin et prenant la forme d’un navire641.

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