• Aucun résultat trouvé

La région de Thisbé

Dans le document La Béotie et la mer (Page 43-46)

Ainsi, durant l’Antiquité, la baie de Domvréna était marquée par la présence des deux petites cités de Siphai et Thisbé qui présentent des caractéristiques bien différentes. Si Siphai est collée à son littoral et dispose de bonnes conditions maritimes avec un grand port bien protégé, elle est néanmoins assez isolée au sein de la Béotie et le contact avec l’intérieur des terres est peu aisé. Au contraire, Thisbé est à quelques kilomètres de ses ports qui sont trop petits pour jouer un premier rôle politique à partir de la période classique. Il n’en reste pas moins que la cité de Thisbé se trouve bien intégrée dans le réseau des routes béotiennes. De fait les ports de Thisbé constituent une bonne entrée en Béotie pour les marchandises transitant par le golfe de Corinthe, fait assez unique sur la côte méridionale béotienne.

42

Chorsiai

Après Creusis, Siphai et Thisbé, le dernier port méridional de Béotie et le plus occidental est Chorsiai. Juste à l’ouest du promontoire d’Agiomachos qui clôt la baie de Domvréna, se trouve la rade de Sarandi au fond de laquelle la petite cité prend place.

1) Description générale

Chorsiai se situe en contrebas de l’Hélikon, coupée du reste de la Béotie par ses hauteurs. La cité est également très proche de la frontière avec la Phocide qui commence juste à l’ouest avec les versants du mont Palaiovouna. À l’image de Thisbé, Chorsiai n’est pas collée à la mer mais se trouve à environ un kilomètre et demi de celle-ci146. La cité se situe ainsi dans une petite plaine

triangulaire suivant une pente allant du nord au sud147. Une partie de la ville est surélevée et

constitue l’acropole tandis qu’au sud, à l’est et l’ouest de celle-ci s’étend la ville basse148. La cité est

entièrement fortifiée et on peut notamment voir une porte au sud qui devait en toute logique mener au port149. La route jusqu’à la mer ne présente aucune difficulté tandis que la plaine de Chorsiai est

traversée par plusieurs petits cours d’eau saisonniers qui permettent d’alimenter la cité en eau150.

Il faut également noter qu’une arête rocheuse descendant de l’Helikon surplombe la plaine et se termine en falaise sur son côté ouest, à environ deux kilomètres de la mer. On trouve sur celle-ci les traces d’une forteresse d’époque classique qui permettait de surveiller l’ensemble de la plaine, des routes qui en sortent ainsi que la baie151.

La plaine entourant Chorsiai permettait vraisemblablement aux habitants de s’adonner à l’agriculture. Son territoire, de dimensions limitées152 ne suffisait pas toujours à assurer sa

subsistance à la cité, malgré une population sans doute peu nombreuse. Un décret de proxénie153

146 LEAKE W. M., Travels in North Greece, p. 515.

147 FOSSEY J.M., GIROUX H., « Deux sites fortifiés en Béotie du sud », p. 7. 148Ibid.

149 LEAKE W. M., Travels in North Greece, p. 515. 150 FARINETTI E., Boiotian Landscapes, p. 171.

151 HEURTLEY W.A., « Notes on the Harbours of S. Boeotia », p. 42. 152 ROESCH P., « Les textiles et l’eau : Chorsiai de Béotie », p. 98. 153SEG XXII, 410.

43

en l’honneur de Kapôn fils de Brochas fut délivré par les habitants de Chorsiai pour son aide face aux disettes rencontrées par la cité dans la première moitié du IIe siècle. Les questions entourant la

date de cette inscription et l’origine de Kapôn ont longtemps posé problème même si un consensus semble aujourd’hui trouvé. En effet, tout laisse entendre que ce Kapôn était Thisbéen dans la mesure où un décret civique de 120-110 présente un Brochas fils de Kapôn à la tête d’une magistrature thisbéenne154. L’inscription de Kapôn a souvent été mise en relation avec les difficultés

économiques que rencontre l’ensemble de la Béotie au tout début du IIe siècle155 notamment

visibles dans une autre inscription156, datée avec certitude des années 200-190157, et détaillant le

remboursement d’une dette que les citoyens de Chorsiai devaient aux Thisbéens. Cette vision apparaît impossible si l’on admet que Kapôn est Thisbéen, celui-ci ne pouvant recevoir la proxénie d’une autre cité béotienne alors que le Koinon existe toujours et il faut alors admettre que le décret de proxénie est postérieur (certainement de peu) à 171158. Ce sont donc deux épisode distincts et

séparés de quelques décennies qui attestent de difficultés économiques rencontrées par la cité de Chorsiai dans la première moitié du IIe siècle, ainsi que de ses liens avec la cité voisine de Thisbé.

Malgré le caractère exceptionnel de ces décrets qui doivent être replacés dans leur contexte troublé, respectivement les crises économiques du début du IIe siècle et la dissolution du Koinon en 171, il

n’en reste pas moins que Chorsiai paraît bien dépendante des échanges extérieurs pour parvenir à subvenir à ses besoins. Si elle n’est pas auto-suffisante en grain, Chorsiai ne devait donc pas être si isolée que ça, et devait s’en sortir grâce à d’autres activités dont on a également trace.

Plusieurs structures dans les environs de Chorsiai ont été interprétées comme des établissements tournés vers l’élevage159. A ces éléments, il faut rajouter un quartier à l’est de la ville

qui prend la forme d’une petite installation industrielle destinée au travail des textiles160. Le

bâtiment, d’époque hellénistique, comporte deux salles, une destinée au tissage et au foulage tandis que l’autre comprenait un atelier de teinture161. Il semble donc que de nombreux habitants de

Chorsiai vivaient de l’élevage de moutons, de l’exploitation de leur laine voire de la production et

154IG VII 4139.

155 MIGEOTTE L., « Endettement des cités béotiennes autour des années 200 avant J.-C. », p. 65. 156SEG XXII, 407.

157 Par l’indication de l’Archonte fédéral Empédiondas, suivant la chronologie des Archontes de Roland

Etienne (ETIENNE R., KNOEPFLER D., Hyettos de Béotie, p. 350).

158 ETIENNE R., KNOEPFLER D., Hyettos de Béotie, p. 244, n. 208, date également retenue par Christel Müller

(MÜLLER Ch., « La procédure d’adoption des décrets en Béotie », Citoyenneté et participations à la basse époque hellénistique, p. 101-105).

159 FARINETTI E., Boiotian Landscapes, p. 174.

160 ROESCH P., « Les textiles et l’eau : Chorsiai de Béotie ». 161Ibid., p. 97.

44

de l’exportation de textiles162. Il est possible, comme le soutient Anton Bonnier163, que les besoins

en laine de l’atelier aient excédé les capacités de Chorsiai et que de la laine ait pu être importée par mer, mais absolument rien ne le confirme. En outre, les habitants de Chorsiai pouvaient toujours pratiquer l’oléiculture ou la pêche164.

Œuvre non reproduite par respect du droit d’auteur

Dans le document La Béotie et la mer (Page 43-46)