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Origine des vainqueurs des concours au IIe siècle

Dans le document La Béotie et la mer (Page 192-197)

Le corpus concerné est ici bien plus important et concerne principalement des concours comme les Mouseia et les Erotideia à Thespies, des Basileia de Lébadée, des Ptoia d’Akraiphia et quelques mentions pour les Hérakleia à Thèbes, soit des cités dispersées sur toute la Béotie. La Grèce centrale apparaît bien représentée, avec Delphes notamment, comme la façade égéenne de l’Asie mineure. Il faut noter la présence une fois de plus de cités du Proche-Orient avec Antioche sur le Pyrame, Sidon ou Alexandrie mais également — fait nouveau — de cités italiennes et de l’Occident grec.

191 Œuvre non reproduite par respect du droit d’auteur

Origine des vainqueurs des concours au Ier siècle

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Dans cette dernière période, la plus dense en sources épigraphiques, on voit une fois de plus la surreprésentation de la Grèce centrale et de l’Asie mineure (en particulier en Thessalie, Ionie et Carie). Les cités du Pont, du Levant et d’Occident sont également bien représentées, probablement en raison de l’intégration de la Grèce dans l’orbite romaine955.

Quel bilan tirer de la distribution de ces vainqueurs ? L’Occident, l’Orient et la Grèce septentrionale sont suffisamment représentés pour attester de contacts avec ces régions par le biais des trois mers béotiennes. S’il est impossible d’affirmer par quel port un athlète rentre en Béotie, ou même s’il y arrive seulement par mer il est avéré que certains ports devaient être particulièrement actifs en période de fête. C’est assurément le cas pour Oropos dont le port du Delphinion, qualifié de sacré par Strabon956, était dédié au sanctuaire d’Amphiaraos où se déroulaient les concours, et

était distinct de celui de la cité, plus à l’ouest. Malgré le peu de liste de vainqueurs dont nous disposons pour le concours, l’Amphiaraion avait une portée internationale notamment par sa facilité d’accès par mer957, et les Amphiaraia devaient attirer de nombreux étrangers. Sans avoir la

même aura, la situation devait être analogue à Tanagra et son port de Délion où avaient lieu des Delia958. Bien que le concours n’ait laissé aucune trace de ses vainqueurs, le fait qu’il soit associé à

la petite ville de Délion, où le sanctuaire est collé à la mer, laisse deviner que l’accès par le port au

954 FOSSEY J. M., Epigraphica Boeotica II, p. 114. 955Ibid., p. 115.

956 IX, 2, 6.

957 SCHACHTER A., Cults of Boiotia I, p. 24, n. 2.

958 BCH 131 (2007), p. 246-248 est une copie de la reddition de compte de l’agonothète en charge de

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concours était favorisé. C’est certainement le cas pour Creusis également, port de Thespies dont les Mouseia et les Erotideia étaient réputées en Béotie et au-delà. En effet, si ces festivités n’ont pas lieu à proximité même du port, il s’agit néanmoins du meilleur accès pour rejoindre la Béotie depuis le golfe de Corinthe (ce qui concerne nombre de vainqueurs que l’on a vu précédemment). De plus, Strabon qualifie également le port de Creusis de sacré959 et il est bien possible que l’activité

du port associée à la présence des liménarques960 soit liée à sa situation de point de passage vers les

fêtes961. Le dynamisme économique des cités portuaires apparaît ainsi quelque part étroitement lié

à leur attrait culturel à l’image d’Oropos dont l’activité est partagée entre son sanctuaire panhellénique et sa position entre Érétrie et Athènes.

959 Strabon, IX, 2, 14. 960Supra, p. 158.

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Conclusion

La Béotie qui transparaît à l’issue de ces pages est celle d’un pays dichotomique, divisé entre des Béotiens du littoral et ceux, bien plus nombreux, de l’intérieur des terres. Alors que les premiers ont leur vie rythmée par la mer, les seconds ont un rapport à celle-ci bien plus lâche. Cela se ressent dans à peu près tous les domaines de la vie des Béotiens. Près des côtes, les cultes liés à la mer sont plus vivaces, les Béotiens s’intéressent à l’outre-mer, notamment dans les questions marchandes, et il y a globalement une réelle culture de la mer qui remonte à l’époque archaïque et dont le meilleur exemple se trouve probablement à Anthédon, telle qu’elle a été décrite par Hérakleidès (I, 24-25). Les cités de Thespies et de Tanagra sont certainement les moteurs de cette Béotie maritime. Elles bénéficient du littoral le plus important auquel elles sont bien reliées et sont elles-mêmes bien connectées entre elles, faisant de la Béotie un « isthme » entre Orient et Occident. Les cités maritimes ont ainsi des intérêts maritimes que n’ont pas les cités enclavées et cela ressort dans leur politique. Si ces cités des terres ne sont néanmoins pas totalement exclues de la mer. Dès l’époque archaïque, Thèbes, la plus importante des cités béotiennes, apparaît mêlée aux mouvements de colonisations probablement par sa position qui l’intègre à la route entre Thespies et Tanagra, et la voit également assez proche de la mer à Anthédon. Toujours sur le plan politique, un passage de Thucydide illustre parfaitement cette ambivalence des Béotiens par rapport à la mer. L’historien « cite »962 le discours prononcé par une ambassade des Platéens devant les Spartiates qui venaient

de prendre leur cité au début de la guerre du Péloponnèse963 :

τῷ δὲ ξυνεπιθέμενοι τότε ἐς ἐλευθερίαν τῆς Ἑλλάδος μόνοι Βοιωτῶν. καὶ γὰρ ἠπειρῶταί τε ὄντες ἐναυμαχήσαμεν ἐπ᾿ Ἀρτεμισίῳ,

« contre ce Mède que jadis nous fûmes les seuls Béotiens à attaquer avec vous pour la liberté de la Grèce. On nous vit en effet combattre sur mer à l’Artémission, nous, peuple du continent […].»

962 Thucydide dit lui-même (I, 22, 1) que les discours qu’il présente sont des reconstitutions qui ne peuvent

être prises pour la réalité même si elles s’en rapprochent autant que ce peut.

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Ces phrases traduisent probablement quel pouvait être le sentiment de la plupart des Béotiens de l’intérieur vis-à-vis de la mer : ils en étaient peu coutumiers mais pouvaient s’y engager si les circonstances le permettaient ou le requéraient. Cette division entre cités enclavées et cités littorales existe mais apparaît brouillée par l’existence du Koinon des Béotiens. Celui-ci donnant une unité politique à la région, il contribua également à uniformiser les intérêts des Béotiens dans le cadre de leurs rapports à l’extérieur et notamment à la mer, ce que nous verrons dans une troisième partie.

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Partie III : La politique

maritime béotienne de 447 à

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