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Le régionalisme en réponse aux aspirations des élites clérico-nationalistes

2.2 Le mouvement régionaliste et ses genres de prédilection

2.2.1 Le régionalisme en réponse aux aspirations des élites clérico-nationalistes

Qu’est-ce que le régionalisme? Dans son ouvrage Le mouvement régionaliste dans la

littérature québécoise (1902-1940) paru en 2007, Maurice Lemire nous en donne une définition :

« Se référant à "la petite patrie" par rapport à la grande, le régionalisme se concentre sur les usages et les coutumes particuliers à un lieu ou à une époque plutôt que sur ceux généralement admis comme nationaux78. » Il s’agit donc en quelque sorte d’un « exotisme de l’intérieur79 », selon sa jolie formule. Le régionalisme n’est cependant pas un courant esthétique80 propre au Québec. On retrouve à la même époque le régionalisme français81. Néanmoins, cette esthétique aura une signification différente dans le contexte canadien-français, comme l’explique Lemire dans un article intitulé « Aspects comparés du régionalisme français et canadien-français » paru en 2007. En France, le régionalisme permettait la mise en valeur des particularismes des provinces françaises afin que ces dernières puissent maintenir un certain niveau de différenciation et d’autonomie par rapport aux autres provinces, mais surtout par rapport à la puissante métropole parisienne : « La centralisation administrative, économique et culturelle entraîne une

78 M. Lemire, Le mouvement régionaliste dans la littérature québécoise (1902-1940), p. 20.

79 M. Lemire, « Introduction à la littérature québécoise (1900-1939) », dans M. Lemire (dir.), Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, Tome II : 1900-1939, p. XXV.

80 Selon Maurice Lemire, « [l]e terme "mouvement" n’est peut-être pas juste puisqu’il s’agit plutôt d’un courant qu’autre chose. » M. Lemire, Le mouvement régionaliste dans la littérature québécoise (1902-1940), p. 63. Nous utiliserons pour notre part indistinctement les deux termes.

81 Sur la question des régionalismes français et québécois, on pourra consulter l’ouvrage de Aurélien Boivin, Hans- Jürgen Lüsebrink et Jacques Walter (dir.), Régionalismes littéraires et artistiques comparés. Québec/Canada – Europe, Actes du colloque, Université de la Sarre/Université Paul Verlaine-Metz, 21-23 juin 2007.

151 uniformisation des modes de vie aux dépens des cultures régionales. […] Au plan politique, des forces se regroupent pour exiger la décentralisation : extension des pouvoirs locaux, politiques et administratifs82. » Pour sa part, le régionalisme québécois visera plutôt à « perpétuer une identité nationale par rapport au reste de l’Amérique83 » :

La situation des Canadiens français est différente, car ils jouissent d’une certaine homogénéité culturelle. Qu’ils vivent en Gaspésie ou en Outaouais, ils parlent la même langue et partagent la même culture. Appartenant à peu près tous à la même classe sociale, ils bénéficient du même point de vue. Le régionalisme n’est donc pas pour eux un mouvement qui fait valoir la différence d’une région à l’autre, mais qui anime leur résistance à l’anglicisation84.

Face à la puissance anglo-saxonne qui domine dans toutes les sphères — politique, économique, culturelle —, le Québec cherchera donc à se différencier et à s’autonomiser principalement par son mode de vie agricole qui renvoie à des pratiques langagières, des coutumes et des habitudes communes nettement distinctes de celles de la majorité anglophone du pays, ce que reflètera sa littérature nationale.

Au Québec, l’importance et la longévité exceptionnelle du mouvement fait du régionaliste un phénomène incontournable en histoire littéraire. Aurélien Boivin, Hans-Jürgen Lüsebrink et Jacques Walter le confirment. Selon eux, « le régionalisme des années 1850-1950 au Québec doit être considéré comme une composante majeure de la naissance d’une littérature et d’une conscience nationale au Canada français […]85 ». Cependant, il faut préciser qu’au XIXe siècle, le régionalisme culturel n’existe pas officiellement86. On pourrait plutôt parler d’une sensibilité croissante des intellectuels et écrivains face aux particularités de la réalité canadienne et au

82 M. Lemire, Le mouvement régionaliste dans la littérature québécoise (1902-1940), p. 22-23. 83 M. Lemire, « Aspects comparés du régionalisme français et canadien-français », p. 164. 84 M. Lemire, « Aspects comparés du régionalisme français et canadien-français », p. 163.

85 A. Boivin, H.-J. Lüsebrink et J. Walter, « Penser les régionalismes littéraires et artistiques », dans A. Boivin, H.- J. Lüsebrink et J. Walter (dir.), Régionalismes littéraires et artistiques comparés. Québec/Canada – Europe, p. 8. 86 M. Lemire, « Introduction à la littérature québécoise (1900-1939) », dans M. Lemire (dir.), Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, Tome II : 1900-1939, p. XXV.

152 caractère distinct de la communauté laurentienne, comme nous l’avons vu dans le texte programmatique d’Henri-Raymond Casgrain (1866). Selon les auteurs de La vie littéraire au

Québec, seulement quelques œuvres pavent discrètement la voie à ce qui deviendra

éventuellement la grande vogue des récits du « terroir87 » :

Des romans comme Charles Guérin (1853) et La terre paternelle (1846) ont répondu à un objectif régionaliste : exprimer l’originalité du peuple canadien. La critique les a louangés en particulier pour la fidélité de leurs tableaux de mœurs. On a aussi loué

Jean Rivard (1862) et Les anciens Canadiens (1863) pour leur conformité à l’idéal

d’une société campagnarde, de religion catholique et de langue française88.

Bien qu’ils soient parfois désignés comme les premiers romans agriculturistes du corpus québécois, dans les faits, ils « ne répondent pas à une esthétique commune, ne font pas école et surtout représentent des occurrences exceptionnelles dans une production surtout orientée vers le récit historique et d’aventures89 », selon les deux chercheurs.

Le mouvement régionaliste ne prend donc véritablement son envol qu’au tournant du XXe siècle90. Il sera ni plus ni moins inauguré au moment de la célèbre conférence de 1904 de Camille Roy. De l’avis de plusieurs, « La nationalisation de la littérature canadienne91 » constitue « le manifeste du régionalisme canadien92 ». Véritable « courant populaire qui influence tous ceux qui désirent nationaliser la littérature93 », le régionalisme se répand petit à petit pour atteindre son

87 Nous empruntons la définition que donne Maurice Lemire du terme « terroir ». Le mot renvoie « dans son sens premier [à] un terrain propre à l’agriculture, [et] désigne dans un sens second ce qui concerne l’exploitation agricole de la terre ». M. Lemire, Le mouvement régionaliste dans la littérature québécoise (1902-1940), p. 21.

88 Maurice Lemire et Denis Saint-Jacques (dir.), La vie littéraire au Québec, tome IV (1870-1894), « Je me souviens », Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1999, p. 381.

89 Denis Saint-Jacques et Maurice Lemire (dir.), La vie littéraire au Québec, tome V (1895-1918), « Sois fidèle à ta Laurentie », Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 2005, p. 382.

90 M. Lemire, « Introduction à la littérature québécoise (1900-1939) », dans M. Lemire (dir.), Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, Tome II : 1900-1939, p. XIV.

91 C. Roy, « La nationalisation de la littérature canadienne », Bulletin du parler français au Canada, décembre 1904. 92 M. Lemire, « Aspects comparés du régionalisme français et canadien-français », p. 160.

153 apogée dans les années 1920, décennie considérée par plusieurs comme « [l]’âge du "roman de la terre"94 ».

Dans le cadre de cette deuxième série culturelle, une instance légitimante s’impose rapidement en la personne de Camille Roy, mais également en celle de Lionel Groulx95 qui n’hésite pas à se servir de l’Action française (revue d’idées et maison d’édition) comme cheval de bataille régionaliste96. Ces influenceurs97 promeuvent un code littéraire98 très strict à tel point

94 D. Saint-Jacques et M. Lemire (dir.), La vie littéraire au Québec, tome V (1895-1918), p. 476.

95 Une précision s’impose. Selon Maurice Lemire, Lionel Groulx ne s’est jamais officiellement déclaré régionaliste, encore moins leader du mouvement : « Affichant une attitude désintéressée, il laissait croire que seule la vérité le motivait. Mais, comme l’a bien démontré Pierre Hébert, il utilisait les pseudonymes pour exprimer sa partisannerie. » M. Lemire, Le mouvement régionaliste dans la littérature québécoise (1902-1940), p. 82.

96 Dans un article consacré à la bibliothèque de l’Action française, Pierre Hébert le confirme : « […] l'édition [que] promeut [l’Action française] est, en quelque sorte, de l'édition à thèse. Voilà pourquoi elle a joué un rôle important dans des corridors bien légitimés de l'époque : roman historique, parti pris délibérément régionaliste et nationaliste désignent ses grandes orientations. » (Pierre Hébert, « Quand éditer, c’était agir. La bibliothèque de l’Action française (1918-1927) », Revue d'histoire de l'Amérique française [En ligne], vol. 46, no 2, automne 1992, p. 239, https://id.erudit.org/iderudit/305054ar (page consultée le 21 juillet 2019)) Par ailleurs, « servant les intérêts […] d'un type marqué de littérature nationale, la littérature régionaliste », écrit-il, la librairie d’Action française était un fournisseur de prix scolaires reflétant la doctrine, comme l’indique bien le passage suivant extrait d’un article de la revue : « Que l'on voie à ne donner dans les écoles que des livres utiles, qui éveillent de nobles pensées et suscitent des sentiments généreux. Qu'à côté des chefs d'œuvre [sic] de la littérature française, on ait soin de donner et de multiplier les ouvrages du terroir, ceux qui apprendront aux enfants à mieux connatre [sic], à aimer davantage leur pays ». (Ibid, p. 228. La citation provient de L’Action française, vol. 1, no 1, 1918, p. 30) Sur le rôle qu’ont joué L’Action française (1917-1927) et de L’Action canadienne-française (1928) dans l’évolution du nationaliste canadien-français et du régionalisme, on pourra aussi consulter Denis Saint-Jacques et Lucie Robert (dir.), La vie littéraire au Québec, tome VI (1919-1933) : « L’action nationale », p. 44-45; « Le réseau de l’Action française », p. 157-158; « Des revues d’idées », p. 208-209; « Lionel Groulx et L’Action française », p. 267-269. Sur l’Action française qui renaît en 1933 sous le nom d’Action nationale, voir p. 269.

97 Dans La vie littéraire au Québec, les auteurs abordent la question du courant régionaliste et de sa structuration dans deux tomes : dans la section « La montée des régionalistes » du tome V (p. 421-423) et dans la section « La grande vague du régionalisme » du tome VI (p. 452-456). Retenons pour notre part ceci : « Le mouvement régionaliste dispose d’un vaste encadrement institutionnel qui facilite sa vitalité et son expansion, tant à Québec qu’à Montréal, par l’enseignement, la critique et ses concours ». (D. Saint-Jacques et M. Lemire (dir.), La vie littéraire au Québec, tome V (1895-1918), p. 421) « Dès le début du XXe siècle, regroupés autour d’instances comme la Société du parler français au Canada, les régionalistes avaient promu l’adoption d’un ensemble de critères thématiques et linguistiques spécifiques. Ils avaient distingué quelques modèles littéraires emblématiques […]. […] De Québec, le mouvement s’était étendu à Montréal où y avaient adhéré les nouveaux nationalistes sous l’égide de Lionel Groulx […]. [Son] "action" littéraire pouvait s’appuyer sur tout un réseau institutionnel (journaux et revues, prix et concours, associations), les exotiques […]. » D. Saint-Jacques et L. Robert (dir.), La vie littéraire au Québec, tome VI (1919- 1933), p. 452.

98 Rappelons brièvement ce qu’il faut entendre par « code » dans le cadre de la série culturelle : « La signification que les locuteurs voulaient transmettre par la reconnaissance de cette intention ne pouvait être atteinte que par l'utilisation d'un certain nombre de procédés culturels conventionnels. Ces conventions qui étaient assurément nécessaires à l'élaboration et à la production de l'acte de langage, l'étaient tout autant pour l'allocutaire dans son entreprise de décodage. Elles découlent, en effet, logiquement d'un système de règles établi, reconnu ou entériné par l'Institution de la série culturelle. » Louis Francoeur, « Quand écrire c’était agir : la série culturelle québécoise au

154 qu’il est impossible de l’enfreindre99 si l’on souhaite mériter une place au sein de la série. À ce sujet, Maurice Lemire écrit :

Les récalcitrants, peut-être plus que les militants, démontrent l’emprise du mouvement. Pour eux, il s’agit moins de l’initiative de quelques individus, que d’un ensemble d’acquiescements qui conditionne la vie littéraire. Ceux qui n’adoptent pas la cause régionaliste renieraient en quelque sorte leur identité100.

Dans Censure et littérature au Québec (2004), Pierre Hébert examine de près le fonctionnement de ce mouvement littéraire. Selon son interprétation, il serait possible de « qualifier de censure le régionalisme littéraire des années 1920101 » même si aucun « cas » de censure cléricale n’a été rapporté pendant cette décennie. S’il n’y a pas eu de censure institutive « proscriptive » comme telle (par exemple, sous la forme de condamnations officielles par les autorités ecclésiastiques), les nombreuses injonctions et directives émises par les instances de légitimation de la série (Roy, Groulx et autres intellectuels influents) constituent une forme de censure institutive « prescriptive ». Pour ce qui est de cet « ensemble d’acquiescements qui conditionne la vie littéraire » dont parle Lemire, il s’agit là d’un phénomène de censure non plus institutive, mais constitutive. Autrement dit, d’une manière ou de l’autre, « le régionalisme n’a pas interdit, mais il a obligé à dire102 ».

À dire quoi, exactement? Bien simplement, tout ce qui permet de « reconstituer la plénitude de notre vie française103 », prêche Lionel Groulx : « C’est […] une tâche d’importance souveraine pour nos artistes et nos écrivains que de nous garder une âme, une vie distincte, que XIXe siècle », Voix et Images [En ligne], vol. 6, no 3, printemps 1981, p. 458, https://id.erudit.org/iderudit/200285ar (page consultée le 26 mars 2019).

99 M. Lemire, Le mouvement régionaliste dans la littérature québécoise (1902-1940), p. 100. 100 M. Lemire, Le mouvement régionaliste dans la littérature québécoise (1902-1940), p. 100.

101 Pierre Hébert, avec la collaboration d’Élise Salaün, Censure et littérature au Québec. Des vieux couvents au plaisir de vivre – 1920-1959, Montréal, Fides, 2004, p. 15.

102 P. Hébert, Censure et littérature au Québec […], p. 15.

103 Lionel Groulx, L’Action française, janvier 1921, p. 25, dans D. Saint-Jacques et L. Robert (dir.), La vie littéraire au Québec, tome VI (1919-1933), p. 174.

155 d’accroître chaque jour les puissances de notre âme française104»105. En somme, écrit Maurice Lemire, « [d]ans un pays encore à la recherche de son identité, la littérature […] a pour mission de soutenir un nationalisme encore en élaboration. Durant cette phase, les écrivains ont pour fonction de fournir des arguments qui alimenteront la fierté nationale106 ». Camille Roy martèlera lui aussi cette idée que la littérature d’ici doit être au service des Canadiens français : « Ce rôle est avant tout un rôle de service national : telle doit être la mission de l’écrivain et telle la mission d’une littérature. C’est pourquoi l’écrivain doit rester en contact étroit avec son pays et, si l’on peut dire, exister en fonction de sa race107. »

On l’a bien compris, la littérature régionaliste n’est pas gratuite. C’est une « littérature de service108 » : « Pour l’École du terroir, l’écriture n’est pas une fin en soi, mais un moyen : une œuvre n’aurait de valeur que dans la mesure où elle sert la cause109. » Ces appels à l’embrigadement seront entendus et rediffusés par de nombreux acteurs du mouvement régionaliste. Dans l’article « Notre programme » présenté en première page du numéro inaugural de la Revue nationale de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, on peut lire sous la plume d’Arthur Saint-Pierre : « Nous estimons qu’une œuvre d’art […], à la seule condition de ne pas

104 Lionel Groulx, « Pour l’Action française », dans Dix ans d’Action française, Montréal, Bibliothèque de l’Action française, 1926, p. 65, dans M. Lemire, Le mouvement régionaliste dans la littérature québécoise (1902-1940), p. 47. 105 « Groulx ne cache pas le fait qu’il écrit des textes littéraires à des fins de propagande. Tous les moyens sont bons, juge-t-il, pour donner à la doctrine nationale un plus grand rayonnement. Les deux romans qu’il fait paraître sous le pseudonyme d’Alonié de Lestres, L’Appel de la race (1922) et Au cap Blomidon (1932), véhiculent donc de façon assez transparente les thèses de l’auteur sur la mission providentielle du Canada français. L’art romanesque n’intéresse Groulx que dans la mesure où il est au service d’une fonction supérieure, d’ordre à la fois spirituel et historique. » M. Biron, F. Dumont et É. Nardout-Lafarge, Histoire de la littérature québécoise, p. 196.

106 M. Lemire, Le mouvement régionaliste dans la littérature québécoise (1902-1940), p. 46.

107 Camille Roy, « Notre littérature en service national », Études et croquis, Montréal, L. Carrier & cie. Éd. du Mercure, 1928, p. 102, dans M. Lemire, « Aspects comparés du régionalisme français et canadien-français », p. 161. 108 M. Lemire, Le mouvement régionaliste dans la littérature québécoise (1902-1940), p. 60.

156 affaiblir la race, et de ne pas abaisser son niveau moral, en débilitant les énergies et en corrompant les intelligences qui la composent, constitue en soi une action patriotique110. »

Pour acquérir le statut d’« action patriotique », l’acte de langage régionaliste doit être conforme aux modalités de la série culturelle (intention/convention/sanction111). D’une part, en écrivant, l’auteur doit avoir la même intention que tous les auteurs de la série, celle de produire une littérature édifiante112, et il doit se conformer au principe fondamental qui régit ce type de littérature : le Beau, le Vrai et le Bien113. Dans ce contexte, le seul acte illocutoire114 acceptable est celui qui « n’a pas pour objet l’esthétique, mais la persuasion115 ». Certains registres littéraires116 sont plus aptes à persuader que d’autres : le registre épidictique (lié à

110 Arthur Saint-Pierre, « Notre programme », La Revue nationale, vol. 1, no 1, janvier 1920, p. 1. Nous soulignons. 111 Voir à ce sujet L. Francoeur, « Quand écrire c’était agir : la série culturelle québécoise au XIXe siècle », p. 458- 459.

112 Dans la préface de ses Contes populaires (1867), Paul Stevens citant un auteur [n.s.] écrivait : « Éclairer les esprits, ennoblir les cœurs, tels doivent être les deux buts de la littérature. Tous les charmes de l’art d’écrire, toutes les ressources d’une féconde imagination, tous les ornements ingénieux du langage, qui ne voilent nos pensées que pour les faire paraître plus belles, doivent être employés à rendre les hommes meilleurs. […] Le précepte d’Horace sera éternellement vrai : "Le parfait littérateur est celui qui est aussi utile qu’agréable." » Paul Stevens, « Préface », Contes populaires, [Éd. originale : Ottawa, G.-E. Desbarats, 1867], dans Jean-Yves Dupuis, La Bibliothèque électronique du Québec [En ligne], coll. « Littérature québécoise », vol. 139, version 1.1 (Édition de référence non spécifiée). L’auteur souligne.

113 Étudiant le texte « Les déviations de l’art » de Mgr Pâquet, Pierre Hébert écrit : « Cette association du Beau et du Vrai appelle à être complétée par la fin dernière à laquelle toute chose est assujettie, le Bien. Les grands artistiques chrétiens l’ont compris […]. Cette philosophie chrétienne de l’art permet ensuite au théologien de repérer chez les artistes actuels les "dogmes d’une incroyance aveugle qui fausse leur pensée, qui égare leur goût et leur plume". » P. Hébert, Censure et littérature au Québec […], p. 22. La citation est de Mgr Louis-Adolphe Pâquet, « Les déviations de l’art », Le Canada français, XI, 10 (juin-juillet 1924), p. 766.

114 Au sujet de « la valeur illocutionnaire », Louis Francoeur écrit : « Pour accomplir l'acte illocutionnaire littéraire que l'on attend d'eux, les locuteurs doivent non seulement connaître les conventions qui régissent leur série culturelle mais ils doivent de plus se laisser gouverner par elles. Ces conditions étant satisfaites, la force illocutionnaire et son caractère conventionnel confèrent à l'œuvre la VALEUR que nous devons lui attribuer dans la série culturelle dans laquelle elle s'insère. À cet égard, la force illocutionnaire que nous retrouvons dans les œuvres littéraires […] découle logiquement des conventions qui ont déjà été identifiées. […] il faut lire et entendre ces discours comme autant d'exhortations. […] chaque acte de raconter est pris en charge par un acte illocutionnaire intégrant dont les limites de validité sont celles-là mêmes de la série culturelle qui lui impose son Institution, ses conventions et ses sanctions. » L. Francoeur, « Quand écrire c’était agir : la série culturelle québécoise au XIXe siècle », p. 459-460. L’auteur souligne.

115 M. Lemire, « Introduction à la littérature québécoise (1900-1939) », dans M. Lemire (dir.), Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, Tome II : 1900-1939, p. XX.

116 « On appelle […] "registres" les catégories de représentation et de perception du monde que la littérature exprime, et qui correspondent à des attitudes en face de l’existence, à des émotions fondamentales : ainsi au sentiment qui naît de la conscience de la condition mortelle et au désespoir qu’elle engendre, le registre tragique; à l’admiration,

157 « l’admiration »), le registre lyrique (associé à « l’épanchement attendri ») ou encore le registre pathétique (associé à « la pitié »)117. Certains genres également, le conte, le roman ou la nouvelle, par exemple, appartenant tous à « la littérature dite "légère"118 » qui transpose aimablement en fiction le message des idéologues clérico-nationalistes119. Il va sans dire que ces œuvres engagées auront tout avantage à livrer leur message de propagande « avec le plus d’élégance littéraire possible120 », soutient Hermas Bastien, encore que cela ne soit pas nécessaire selon l’avis de Paul Stevens. « Tout littérateur qui a la conscience de sa dignité, écrit-il, doit se regarder comme un soldat. Son devoir est de combattre le mensonge qu’importe que ses armes ne soient pas brillantes, pourvu qu’elles soient solides121! » D’autre part, le texte ainsi pensé et conçu doit obtenir des instances de légitimation une sanction favorable. L’œuvre aura de la « valeur » à leurs yeux si et seulement si elle a pu les convaincre raisonnablement que ce qu’elle énonce sous les traits de la fable est la vérité122. Autrement dit, il leur paraîtra « plausible123 » que, comme décrit l’épidictique ; à la colère, le polémique, etc. Il s’agit donc d’une notion qui engage une dimension anthropologique de la littérature. » Alain Viala, « Registres », dans Paul Aron, Denis Saint-Jacques et Alain Viala (dir.), Le dictionnaire du littéraire, 2e éd., Paris, Quadrige/Presses Universitaires de France, [2002] 2010, p. 660.

117 A. Viala, « Registres », dans P. Aron, D. Saint-Jacques et A. Viala (dir.), Le dictionnaire du littéraire, toutes les citations se trouvent à la page 662.

118 M. Lemire, Le mouvement régionaliste dans la littérature québécoise (1902-1940), p. 47.

119 À ce sujet, Paul Stevens écrit : « Tel lecteur qu’un livre sérieux épouvante se laissera gagner par une attachante